Chapitre 1

Trois heures avant l'explosion,

« Je suis plutôt clément. Je vous laisse vingt-quatre heures, pas une minute de plus. »

Ces mots sonnaient la fin de l'humanité. Les minutes défilaient en seconde, les heures en minutes. À l'extérieur, la population affolée courait dans tous les sens comme des poules sans tête. Cette menace planait dans le ciel de Wenhoff, semblable à un ouragan qui venait arracher les bâtiments et la végétation.

Élie, soudée au plancher de son ancienne chambre d'ado, s'efforçait à contenir la panique qui tambourinait dans sa poitrine. Elle jetait tout ce qu'elle pouvait trouver dans la petite valise de son fils, chaque objet choisit avec soin. Sa peluche préférée, des souvenirs, sa doudou verte. Tout ce qui jouait un rôle de réconfort et de sécurité.

— Maman, pourquoi papa n'est pas là ?

Son estomac se retourna. Comment lui dire ?

— Personne ne le trouve.

Elle évitait le mensonge, bien qu'il ne s'agissait que de la moitié de la réponse. À son soulagement, il ne posa pas plus de questions et rapporta deux dinosaures en plastique.

— Pourquoi on doit partir ?

— Parce que quelqu'un de très méchant veut exploser la ville.

— Pourquoi ?

Comment expliquer la folie du monde à un enfant de cinq ans ? Comment lui dire que parfois, la vie n'avait pas de sens ? Elle hésita, avala sa douleur, puis força un sourire rassurant.

— Parce que certaines personnes font de mauvais choix. Mais toi et moi, on va s'en sortir, d'accord ? Je te le promets.

Il hocha la tête, rassuré, même si ses yeux cherchaient encore des réponses. Élie pressa un baiser sur son front et serra brièvement son petit corps contre elle, comme pour graver ce moment, comme pour se convaincre qu'elle ne le laisserait jamais.

Dans un panier à linge, improvisé en berceau, le nouveau-né s'époumonait. Élie s'éloigna de son fils et rejoignit sa fille. En la nommant Lucy, elle n'avait pas remarqué que cela ressemblait à Liam. À croire que ses pensées s'embrouillaient, incapable de voir au-delà la panique du moment. Ce n'était pas grave. Ce qui importait, c'était de les mettre en sécurité.

Elle serra Lucy contre son cœur et aida Liam à fermer la valise. Elle attrapa une écharpe et s'en servit comme porte bébé. Elle se préparait à courir avec une partie génitale en feu. Avec l'adrénaline, elle était capable de tout ! Elle attrapa la valise, puis la main de son fils et se précipita hors de la maison.

***

Coincée entre le troupeau de moutons et l'agglomération des véhicules, l'étreinte sur ses enfants se faisait plus forte. Les enfants criaient et pleuraient, les adultes bousculaient et abandonnaient. Sa main moite glissait de celle de Liam, dû à la transpiration, mais elle la rattrapait aussitôt. Lucy se déchirait la gorge, sa voix noyée sous la cacophonie.

Une femme enceinte s'effondra devant elle, la foule ne fit rien. Un enfant hurlait pour que sa mère revienne, mais elle était décidé à la laisser s'envoler de ses propres ailes. Le cœur serré, Élie, spectatrice restait impuissante. Je dois m'occuper des miens.

— Maman, je pense qu'on va arriver trop tard.

— Non, fais-moi confiance. Tata Sarah vous garde une place.

— Tu ne viens pas avec nous ?

Il cessa de courir. Élie se sentit tirée. Des larmes coulaient sur les joues de son fils. Elle aurait aimé les essuyer, le serrer contre elle en lui disant que toi irait bien, lui offrir un chocolat chaud, lui lire une histoire avant de dormir ce soir, le retrouver le lendemain. Malheureusement, le temps jouait contre elle. Elle l'attrapa d'une main et le mis sur son dos pour continuer son avancée.

À l'horizon, elle aperçu un petit bout de la mer. Des barrières empêchaient les gens de se battent proche des embarcations. La police et l'armée, mobilisées, contrôlaient les entrées. Le commissaire Moran l'arrêta.

— Élie ! Tu es tard... Le bateau du maire ne comporte que deux places.

— Je le sais, elles sont pour mes enfants.

James ouvrit la barrière, lui offrant un air dépité. La gorge nouée, elle se dirigea vers l'embarcation. Elle déposa Liam sur un banc, puis lui confia sa sœur.

— Ta mission sera de veiller sur elle quoiqu'il arrive. Ta tante s'occupera de toi...

Elle perdit la voix. Ses lèves se serrèrent. Elle devait être forte. Elle devait lui montrer que tout allait bien.

— Je vous retrouverai bientôt... sois, sois gentil avec ta tante.

Sa main se porta sur la joue de son fils. Ses lèvres s'étirèrent en un faux sourire. Elle déposa un doux baiser sur la joue de Liam. Puis, son attention se porta sur sa fille.

— Maman essayera d'être là à tes un an.

Elle posa ses lèvres sur son front et descendit de l'embarcation. Le bateau se mit en marche et peu à peu, elle sentait une partie d'elle se décoller, comme l'ombre dans Peter Pan. Elle n'eut pas le temps de regarder sa montre qu'un « clic » retentit. Ses genoux cédèrent au même rythme que les tours. Un nuage de poussière l'engloutit. À présent, elle pouvait pleurer.

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