Vagabondages
Amer, Liam soupira en observant le TGV face à lui. En quelques semaines, il avait tout perdu. Il avait été viré de l'université. Bien que l'enquête au sujet de l'assassinat de son père ait prouvé qu'il n'avait rien à se reprocher. La direction avait estimé que la presse avait parlé un peu trop de lui, et de l'établissement. Liam le savait, certains journalistes avaient jeté le doute sur son innocence simplement parce qu'il ne s'entendait plus avec son père. Et le mal était fait. Il pouvait continuer à protester, une partie de l'opinion publique, comme une partie des étudiants et du corps professoral continuait de le soupçonner. Son exclusion de l'université avait, de facto, entraîné son expulsion de son studio. L'importante couverture médiatique de l'assassinat de son père avait eu raison des liens qu'il entretenait avec ses rares amis. Et le sympathique patron du restaurant chinois où il travaillait tous les soirs lui avait sobrement indiqué qu'il était mieux pour tout le monde qu'il n'y revienne plus.
Enfant unique, il avait dû supporter seul le coût des obsèques de son père. Ses oncles et tantes, déjà en froid avec ses parents, l'avaient ignoré.
Même s'il avait bénéficié de l'aide juridictionnelle totale lui permettant de payer les frais d'avocat, il n'avait pas beaucoup d'argent de côté. Ses parents n'avaient jamais pris la peine d'épargner pour lui et, lorsqu'il avait coupé les ponts, il n'avait jamais bénéficié de la moindre aide financière de leur part. Son job étudiant et sa bourse lui permettaient tout juste de ne pas finir le mois dans le rouge. Il avait énormément investi dans du matériel de qualité pour ses études, il avait même réalisé des stages supplémentaires à l'étranger durant ses vacances. Résultat : il ne possédait même pas cinq mille euros sur son compte bancaire.
Deux mois après l'assassinat de son père, l'enquête était close. Sa mère avait reconnu les faits. Elle ne pouvait de toute façon pas les nier puisque plusieurs caméras de surveillance avaient filmé son geste. De plus, un groupe de clients du restaurant avait également été témoins de l'atroce scène. Liam avait demandé à son avocat s'il était obligé de rester à Paris jusqu'au procès, dont l'issue ne faisait aucun doute. Sa réponse négative avait décidé le jeune homme : il partait. Il quittait le pays puisqu'il n'avait plus aucune attache en France. Il resterait en contact par mail et téléphone avec son avocat. Liam avait arrêté son choix sur l'Italie. Dans un pays aussi porté sur l'art, il espérait trouver un emploi où il pourrait faire valoir ses compétences. Il n'abandonnait pas l'idée de terminer ses études mais, pour cela, il devait se trouver un logement, autre qu'une auberge de jeunesse comme celle dans laquelle il avait logé ces dernières semaines. Et, bien entendu, un appoint financier serait nécessaire voire indispensable.
Tandis que le train s'ébranlait, que les immeubles parisiens disparaissaient pour faire place à des paysages campagnards, Liam s'interrogeait sur son avenir. Il quittait la France avec un gros sac de voyage remplis de vêtements, de quelques chaussures et de quoi pouvoir se couvrir, affronter la pluie et le froid s'il était amené à passer quelques nuits dehors. Il n'avait pas oublié, évidemment, son matériel du parfait étudiant en art. Il s'était payé son billet de TGV grâce au solde qu'il possédait sur un site de cashback. Il avait cent euros en poche, en petites coupures, au cas où. Quant aux trois mille deux cent euros qui dormaient encore sur son compte en banque, il espérait ne pas devoir y toucher. Il espérait pouvoir se dégoter quelques petits boulots, même au black, pour renflouer quelque peu sa trésorerie.
Il arriva à Nice vers treize heures. En ce début du mois de mars, les températures étaient encore assez fraiches dans le Sud. Liam sortit de la gare et se mit à marcher en tirant derrière lui son lourd sac de voyage. Il espérait trouver l'un ou l'autre automobiliste sympa qui accepterait de le véhiculer et de le rapprocher de Gênes. Il avait choisi cette ville car elle possédait plusieurs musées d'art, peintures et sculptures qui couvraient une période historique assez large et offraient ainsi des collections aux styles très différents.
Liam eut de la chance : une dame d'une cinquantaine d'années s'arrêta près de lui. Elle accepta de le déposer à Menton, là où elle se rendait pour son travail. Le trajet, très court, fut agréable. La conductrice ne posa aucune question indiscrète. Elle évoqua surtout son job d'agent immobilier et les tracasseries liées au tourisme dans la région.
Arrivé à destination, Liam remercia l'automobiliste puis, se dirigea vers une sandwicherie. Il n'avait rien mangé depuis le matin et son estomac commençait à émettre des protestations de plus en plus bruyantes. Tandis qu'il mâchonnait sans conviction son pain garni, le jeune homme repéra un camion de déménagement. En découvrant qu'il s'agissait d'une société dont le siège se situait à Gênes, Liam songea que la poisse l'avait peut-être, enfin, quitté.
Il s'approcha et interpella le chauffeur. Il apprit ainsi que l'homme retournait en Italie. Ravi, Liam tenta le tout pour le tout et demanda au conducteur s'il acceptait de le prendre comme passager. Ce dernier, au grand étonnement de Liam, ne refusa pas sa requête. En réalité, comme il le lui confia plus tard, cela donnait l'occasion au routier de faire une portion de trajet accompagné, lui qui passait la plupart de son temps seul sur les routes.
Le voyage fut agréable. Liam posa de nombreuses questions au chauffeur au sujet de son métier. Ainsi, il évitait de devoir faire face à des demandes indiscrètes. Lorsqu'ils arrivèrent à destination, le jeune homme remercia à nouveau le camionneur et partit à la recherche d'un logement pour la nuit. Prévoyant, avant de quitter la France, il avait effectué de nombreuses recherches sur les possibilités qui s'offraient à lui dans les différentes villes d'Italie où il comptait se rendre. Ne disposant plus du moindre salaire, il s'était rabattu sur les auberges de jeunesse. Il avait également conscience que le temps pressait. S'il ne se trouvait pas rapidement un petit boulot, il se retrouverait rapidement à la rue.
Fatigué par sa journée, Liam décida de se reposer et de remettre au lendemain sa quête d'un emploi. Il était trop tard, de toute façon. C'est dans le troisième hébergement de sa liste qu'il trouva de la disponibilité. Dix-huit euros par nuit était un tarif raisonnable mais le jeune homme savait que sans rentrée d'argent, il ne pourrait bientôt plus se permettre le luxe de dormir dans un lit. Il réserva pour cinq nuitées en espérant de tout cœur ne pas rester bredouille durant ce laps de temps.
Les deux jours suivants, ses démarches restèrent vaines. Enfin, le patron d'une petite pizzeria de quartier lui proposa quelques heures tous les jours pour effectuer le ménage et la vaisselle. Liam faillit refuser car l'homme ne voulait l'engager qu'au noir. Mais, sa situation ne lui permettait pas de faire la fine bouche. Il accepta à contrecœur.
En dehors de ses heures de service, Liam profitait du wifi gratuit à l'auberge de jeunesse pour prospecter les musées de la ville. Après une dizaine de jours de recherche infructueuse, et n'obtenant aucune réponse à ses sollicitations, le jeune homme décida de se rendre sur place. Mais aucun des établissements ne souhaitait l'engager. Soit ils disposaient d'un personnel suffisant, soit l'absence de diplôme certifiant ses compétences posait problème.
Trois semaines après son arrivée à Gênes, Liam décida de quitter la ville. L'homme qui l'employait avait réduit ses heures de travail et il sentait que, très bientôt, il serait remercié. De plus, il avait trouvé deux annonces d'emploi très intéressantes à Florence dans son domaine d'activité. La ville, remplie de chefs d'œuvre d'art et d'architecture, faisait partie des cités où il avait sans doute de nombreuses possibilités de décrocher un job stable.
Liam se mit en route au petit matin. Il avançait lentement tout en faisant de l'auto-stop. Malheureusement, personne ne daigna s'arrêter. En début d'après-midi, épuisé, il décida de puiser dans ses réserves d'argent pour acheter un billet de train à destination de Florence. Il y arriva en début de soirée et sa malchance perdura. Aucune des auberges de jeunesse n'avait de disponibilité. Finalement, il trouva une chambre dans un petit hôtel deux étoiles à vingt-trois heures. Le tarif y était dégressif. Même si cela lui coûtait un peu plus cher qu'une auberge de jeunesse et que le confort y était sommaire, il réserva un logement pour dix nuits. Ainsi, il bénéficiait du petit déjeuner gratuit. Rassuré d'avoir un toit, et un repas garanti par jour, Liam revêtit rapidement un pyjama d'hiver et se glissa sous la couette. Fatigué par sa longue journée, le jeune homme sombra immédiatement.
Si ses candidatures aux deux offres repérées quelques jours plutôt se soldèrent par un échec, Liam parvint à convaincre la gérante d'une galerie d'art de l'embaucher à temps plein. Certes, ses tâches étaient limitées à l'accueil des visiteurs et à traiter quelques tâches administratives. Mais il se retrouvait, enfin dans le domaine qu'il appréciait tant. Et son salaire, correct, lui permettait de s'assurer encore quelques nuits à l'hôtel. Prudent, il préféra ne pas déménager pour un établissement disposant de plus de confort. Le propriétaire de l'établissement où il logeait lui offrait un tarif toujours très avantageux. Et lui profitait d'un lit, d'une chambre chauffée et de quoi se nourrir décemment chaque matin. Sachant que ses finances étaient précaires, Liam limitait les dépenses superflues au maximum. Souvent, il sautait le déjeuner. Au début, il avait eu du mal à supporter les protestations de son estomac mais, par la suite, il s'était habitué à ce régime forcé.
Alors que sa patronne songeait à lui confier plus de responsabilités trois mois à peine après son arrivée, un incendie détruisit, une nuit, une partie des locaux de la galerie. Liam se retrouva, à nouveau, sans emploi.
Comme un malheur n'arrivait jamais seul, le propriétaire de l'hôtel fut hospitalisé et son établissement fermé.
Alors que l'été s'annonçait radieux, les touristes affluaient, ne laissant vides que les logements les plus chers. Liam passa ses premières nuits dehors. Il parvint à travailler de temps en temps quelques heures au noir dans des restaurants mais il finit par se lasser. Il quitta Florence en quête d'un avenir plus serein et se retrouva à Bologne puis Venise à l'automne. Épuisé par ce vagabondage incessant, Liam redoubla d'effort pour tenter de décrocher, enfin, un emploi stable dans la cité des Doges. L'hiver approchait à grands pas et la situation devenait critique. Un soir, à la fin du mois de novembre, Liam rejoignait l'hôtel vieillot où il avait élu domicile. Il passa devant l'un des établissements les plus luxueux de la ville. Intrigué par un attroupement qui s'était formé non loin, il s'informa auprès des passants. Un homme lui indiqua que le célèbre restaurateur d'arts, Gaetano Barisciani, donnait une conférence à un cercle de privilégiés.
Liam connaissait parfaitement ce dernier. Natif de la principauté d'Andalia, il avait voyagé aux quatre coins du monde et s'était forgé une réputation à la hauteur de son talent.
Une idée folle germa dans l'esprit de le Liam et, le lendemain matin, il quittait Venise, plus déterminé que jamais.
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J'ai besoin de votre avis : est-ce que j'aurais dû m'attarder plus sur les errances de Liam, ou ce n'est pas plus mal de n'y passer qu'un chapitre avant son arrivée à Andalia ?
Je pense quand même éventuellement ajouter un chapitre pour montrer toutes les difficultés de Liam avant qu'il ne s'établisse à Andalia. Qu'en pensez-vous ?
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