De l'extase à l'horreur
(note : oui, vu comme ça le titre du chapitre il fait flipper, je sais ;-) mais promis je n'ai pas fait gore)
Liam étouffa un soupir de bien-être et garda les yeux fermés. Il ne voulait pas que ce rêve se termine. Il se remémora la soirée de la veille et l'éblouissement qu'il avait ressenti en pénétrant dans l'hôtel particulier de la famille princière d'Andalia. S'il n'avait pas été ami avec le fils aîné de l'ambassadeur de cette petite principauté, jamais il n'aurait pu assister à cet évènement. Et quel évènement ! Une exposition privée d'une vingtaine de tableaux découverts récemment au domicile parisien d'une riche veuve italienne.
Le prince souverain Filippo III, l'actuel monarque et chef de l'Etat de la principauté d'Andalia, avait inauguré la réception en compagnie de son épouse la princesse Davina, et de trois de ses huit enfants.
Liam ne s'était pas intéressé à ces derniers. Il était plongé dans la contemplation d'une magnifique fresque représentant un paysage enneigé. Et c'est là que l'inconnu l'avait abordé. Aussi grand que lui, de corpulence mince et sans doute dans la même tranche d'âge, le jeune homme semblait s'ennuyer profondément. Liam s'était attardé sur sa tignasse blonde parsemée de reflets châtains. Une coloration, il en était persuadé. Puis, il avait croisé deux yeux bleus intimidants. L'inconnu lui avait souri et s'était mis à lui parler du tableau qu'ils dévoraient tous deux du regard.
Ils avaient passé toute la soirée ensemble, à analyser chaque œuvre dans les moindres détails. Liam n'avait jamais rencontré une personne aussi passionnée que lui auparavant. Ils n'avaient pas échangé leur prénom ni aucune information personnelle. Liam s'en était étonné mais n'avait pas osé interpellé l'inconnu. Il ne voulait pas prendre le risque de pourrir l'ambiance.
Ils s'étaient rapprochés presque naturellement.
Liam avait bu quelques verres mais pas assez pour être saoul. Il était donc en pleine possession de ses moyens lorsqu'il avait invité l'inconnu à passer la nuit avec lui.
Les coups d'un soir n'étaient pas son genre. Pourtant, Liam ne pouvait ignorer cette connexion étrange avec le jeune homme. Secrètement, il espérait qu'ils pourraient se revoir et, pourquoi pas, débuter une véritable relation.
Cette nuit avait été magique. Liam n'avait jamais vécu une telle extase. Son partenaire d'un soir s'était montré particulièrement attentif à ses moindres désirs.
Il se décida enfin à ouvrir les yeux et tourna la tête en affichant un air béat. La place à ses côtés était vide. Liam se redressa dans le lit, désabusé. Les draps étaient froids, signe que son amant était parti depuis longtemps.
Il chercha après un éventuel mot, un papier avec un numéro de téléphone griffonné à la hâte mais il ne trouva rien. Avait-il gaffé ? Liam tenta de se rappeler le déroulement de la soirée et de la nuit. Mais rien. Il n'avait pas le sentiment d'avoir fait une connerie.
Dépité, c'est sans entrain qu'il chercha une tenue confortable pour la journée. Dire qu'il avait imaginé un agréable petit déjeuner au lit...
Il s'apprêtait à prendre une douche lorsque la sonnette de la porte d'entrée retentit avec insistance. Il enfila rapidement un short et un t-shirt. L'inconnu avait-il décidé de revenir ?
Mais les espoirs du jeune homme furent réduits à néant lorsqu'il se retrouva face à face avec deux hommes à l'air sinistre.
— Liam Daudricourt ?
— C'est moi. Que se passe-t-il ?
— Nous souhaiterions vous interroger au sujet de vos parents. Pourriez-vous vous vêtir correctement et nous suivre je vous prie ?
— Qui êtes-vous ?
Sans prendre la peine de répondre, les deux inconnus brandirent deux cartes indiquant qu'ils appartenaient à la police judiciaire de Paris. Interdit, Liam dévisagea les visiteurs sans comprendre :
— Qu'est-il arrivé à mes parents ?
— Vous recevrez toutes les informations au poste, monsieur Daudricourt.
Le jeune homme comprit qu'il ne devait pas discuter.
Son père avait-il encore réveillé tout le quartier parce qu'il était rentré complètement bourré ? Sa mère avait-elle à nouveau accusé l'une de ses voisines de lui voler son courrier ? Non, si c'était le cas, deux policiers ne seraient pas venus le cueillir au saut du lit.
La panique le gagna. Il était arrivé quelque chose de grave. Liam fouilla rapidement dans sa garde-robe à la recherche d'une tenue appropriée. Sa douche attendrait. Il prit ensuite son téléphone et son portefeuille et suivit les deux représentants de l'ordre. Ils étaient venus à pied et le conduisirent au commissariat le plus proche.
Là, un homme en civil l'invita à le suivre dans un petit bureau sans fenêtres. Il se présenta comme étant l'officier de police judiciaire Jean-Philippe Barizel.
Liam n'était pas claustrophobe mais ce local, où s'entassaient de multiples cartons remplis de dossiers, lui apparue presque semblable à une cellule de prison. Il songea à la soirée de la veille. Ses parents s'étaient-ils présentés sur place pour tenter d'entrer par effraction et de participer à la réception ?
Cela ne l'étonnerait même pas. Lorsqu'il leur avait indiqué qu'il n'était pas disponible pour les rejoindre dans leur restaurant favori, sa mère avait explosé. Comme un imbécile, il leur en avait révélé la raison, déclenchant ainsi la fureur d son père.
— Monsieur Daudriacourt ?
— Oui ? Excusez-moi, je...j'étais perdu dans mes pensées. On m'a dit que vous souhaitiez me poser des questions au sujet de mes parents ? Ont-ils tenté de s'introduire dans l'hôtel particulier de la famille princière d'Andalia ?
— Pourquoi cette question ?
— Et bien, j'ai assisté hier soir à leur réception privée et mes parents n'étaient pas ravis de ne pas avoir été invités.
—Donc, vous n'étiez pas avec eux hier soir ?
— Non.
— Vous souvenez-vous de l'heure à laquelle vous êtes rentré à votre domicile ?
— Oh, il était...une heure du matin je crois. Il suffit de demander à la préposée au vestiaire. Elle notait les heures d'arrivée et de départ de chaque invité.
— Je ne manquerai pas de lui poser la question dans ce cas.
— Mais...pourquoi ces questions ?
— Votre mère...
L'officier de police se tut un instant. Il n'aimait pas devoir annoncer la mort d'un proche à sa famille. Surtout dans un cas comme celui qui l'occupait à présent. Il inspira profondément avant de reprendre :
— Je regrette à devoir vous l'annoncer de manière aussi abrupte mais votre mère a agressé violemment votre père hier soir, sur le parking d'un restaurant italien du seizième arrondissement.
— Que...quoi ? Mon père...il va bien ?
— Je suis désolé Monsieur Daudriacourt. Lorsque les secours sont arrivés sur place, ils n'ont pas été en mesure de le ranimer. Il avait perdu trop de sang. Je vous présente mes plus sincères condoléances. Votre mère a été placée en garde à vue et devra, sans doute, répondre de meurtre sur la personne de son mari. L'enquête doit déterminer si ce geste était prémédité ou non.
L'information était lâchée. L'officier de police Barizel observa attentivement les réactions du jeune homme. Son visage blêmit. Ses mains se mirent à trembler. Ses yeux fixèrent le vide.
L'homme avait déjà vu défiler des centaines de suspects devant lui et il avait le don de repérer au premier regard les innocents des coupables. À moins d'être un excellent comédien, ce dont il doutait, Liam Daudriacourt était hors de cause. Mais pour être définitivement lavé de tout soupçon, une enquête approfondie serait menée à son sujet.
Jean-Philippe Barizel toussota pour attirer l'attention du jeune homme :
— J'imagine bien le choc que vous devez ressentir à cette nouvelle mais vous comprendrez que, vu les circonstances, je sois contraint de vous poser quelques questions.
— Je...pourquoi ma mère...je ne peux pas y croire, c'est insensé. Je sais qu'elle voulait divorcer mais de là à...non ! Non, c'est impossible.
— Votre mère souhaitait divorcer ? Quand vous a-t-elle confié cette information ?
— Il...il y a deux semaines. Lorsque je leur ai parlé de la réception d'hier soir. J'ai coupé les liens avec mes parents il y a cinq ans, lorsque j'ai été admis à l'université. Nous ne nous entendions pas. Nous n'avions pas les mêmes centres d'intérêt et ils refusaient que je me lance dans de longues études supérieures.
— Pourquoi cela ?
— Jalousie. Ils n'ont que le bac et ont passé leur vie à enchaîner les petits boulots. Ils ne voulaient pas que je réussisse là où ils avaient échoué. J'ai eu de la chance, j'ai obtenu une bourse et j'ai pu m'installer dans ce petit studio qui appartient à l'université. Le loyer est correct. Je peux le payer grâce à mes divers jobs d'étudiant.
— Je vois. Votre père possédait-il des armes à feu ?
— Il ne pratique pas la chasse donc cela m'étonnerait.
— Oh, il arrive que des personnes aient à leur domicile des armes parce qu'ils souhaitent se protéger d'éventuels cambrioleurs.
— Je ne pense pas que l'on puisse ranger mes parents dans cette catégorie. Ils ne possèdent pas grand-chose et je ne me rappelle pas avoir entendu ma mère indiquer qu'elle craignait une intrusion dans sa maison. Mais, comme je ne vis plus chez eux depuis plusieurs années, si mon père a acheté l'une ou l'autre arme, je ne suis pas au courant.
— Bien. Nous allons procéder à quelques vérifications au sujet de la réception à laquelle vous avez participé. Si vous vous rappelez d'un détail qui pourrait nous éclairer sur le geste commis par votre mère, pourriez-vous me rappeler ? Voici ma carte. En attendant que nous obtenions toutes les informations à votre sujet, puis-je vous demander de me contacter si vous comptez vous rendre à l'étranger ou effectuer un long déplacement en France ?
— Je ne peux pas partir, je dois effectuer des recherches à la bibliothèque universitaire cette semaine pour mon mémoire et discuter du sujet avec l'un de mes professeurs. Je serai diplômé dans six mois.
— Bien. Hum...Lorsque l'autopsie sera terminée, désirez-vous voir votre père ?
— Non. Je ne préfère pas.
— Je sais que c'est assez délicat mais en ce qui concerne les obsèques, elles ne peuvent être organisées que dans un délai de six jours à partir du moment où le « permis d'inhumer » est signé par le procureur de la République. Je dois également vous mettre en garde au sujet de la presse et des réseaux sociaux. Des témoins ont déjà posté quelques photos de la scène de crime sur Twitter. Je vous conseillerais de ne pas lire les commentaires. Ils sont assez violents. Des journalistes vont également sans doute demander à vous rencontrer pour une interview.
— Je refuserai bien entendu. Je ne veux pas qu'ils s'immiscent dans ma vie privée.
— Ils le feront, si ce n'est pas déjà fait. Attendez-vous à ce qu'un article sorte dès ce soir sur internet et demain dans la presse écrite au sujet de votre famille. Dans ce type d'affaire, les journalistes sont souvent très rapides pour dénicher des informations croustillantes.
Liam dévisagea son interlocuteur avec effarement. Ses professeurs allaient forcément apprendre la nouvelle. Quelle serait la position de l'université à son égard ? La direction considérerait-elle qu'il pouvait nuire à la réputation de l'établissement ?
Quelques minutes, plus tard, le jeune homme fut consterné en constatant que plusieurs journalistes l'attendaient devant la porte de l'immeuble où il habitait. Il se fraya un passage au milieu de la meute surexcitée tout en refusant de répondre à leurs questions. Enfin en sécurité dans son petit studio, Liam prit la pleine mesure de ce qui venait de lui tomber sur la tête.
Comment, en l'espace de quelques heures, avait-il pu passer de l'extase à l'horreur ?
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Bien, bien, bien, à vos hypothèses, vos réactions, vos avis !
S'il y a des gens qui s'y connaissent bien au niveau de la police judiciaire, n'hésitez pas à m'indiquer si je me suis planté dans le déroulement de ce chapitre et si je dois changer des trucs !
Que pensez-vous de l'inconnu ? Qui est-il à votre avis ? (Oui si je pose la question ce n'est pas innocent, il es possible voire probable qu'on le revoit un jour...)
Sinon, pour la suite, enfin, la suite immédiate, vous avez déjà qques indices dans le résumé ;-)
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