Bonnes nouvelles
Liam relut attentivement sa copie une dernière fois. Il avait passé les deux derniers mois à étudier le soir dans sa chambre individuelle du foyer. Il s'était félicité d'avoir eu la présence d'esprit d'emporter avec lui son ordinateur portable et de nombreux supports écrits de ses cours. Avant son départ de Paris, il avait également sauvegardé en ligne toutes ses notes et ses syllabus électroniques. Danika avait tout imprimé chez un ami qui avait refusé d'être payé pour son aide.
Le jeune homme était confiant. Même si les dix-huit derniers mois avaient été chahutés, il n'avait pas eu trop de mal à se replonger dans ses cours.
Bizarrement, en quittant la salle d'examen, les pensées de Liam se focalisèrent sur cet inconnu, rencontré à Paris. Il aurait aimé discuter avec lui des questions, de ses réponses, des analyses qu'il avait soigneusement élaborées. Quelque chose, au plus profond de son être, le poussait à retrouver ce garçon. Mais comment faire ? Autant chercher une aiguille dans une botte de foin.
Liam n'eut pas le loisir d'approfondir ses réflexions. En effet, il était attendu dans le bureau du recteur de l'université de Charnia.
Un passage obligé pour tout étudiant souhaitant y poursuivre sa formation.
Il s'agissait d'une discussion informelle permettant au directeur de l'établissement de mieux cerner les objectifs de chaque candidat.
Liam n'ignorait pas que des recherches étaient effectuées sur chacun d'entre eux et leurs réseaux sociaux passés au crible. Il savait donc que l'homme qui lui faisait face, était au courant de l'assassinat de son père.
Comme à son habitude, le jeune homme se montra honnête. Il ne dissimula pas son immense déception de voir ses rêves s'envoler à quelques mois à peine de la remise de son diplôme. De même, il expliqua posément l'itinéraire qu'il avait suivi avant d'arriver à Andalia, ses premières semaines compliquées dans la principauté, ses nuits dans la rue et sa quête d'un travail stable pour subvenir à ses besoins.
Le recteur semblait impressionné. Il griffonna de nombreuses remarques sur un calepin. Il remercia ensuite Liam et lui indiqua qu'il recevrait ses résultats trois jours plus tard.
Épuisé, le jeune homme demanda à Danika d'être dispensé de la préparation du repas du soir. Il gagna sa chambre, s'écroula sur le lit et dormit profondément jusqu'au lendemain matin.
Après avoir aidé au service du petit déjeuner, il profita du jour de congé que lui avait accordé Manuel pour faire un tour dans l'unique parc de Charnia. Il emporta avec lui un carnet et de quoi griffonner quelques paysages. Il n'avait plus dessiné depuis son départ de Paris et cela lui manquait. Cependant, au lieu de reproduire l'étang qu'il avait face à lui, Liam commença à esquisser les contours d'un visage. Plus il avançait, plus ses coups de crayon étaient affirmés. Au bout d'une heure, il avait réalisé trois portraits sous trois angles différents. Mais toujours celui d'une seule et même personne.
Il soupira. Il avait conscience qu'il devait oublier les fantômes de son passé. Pourtant, il avait cette conviction profonde que retrouver l'inconnu était vital. Essentiel.
Un instant, il songea qu'il pouvait peut-être demander l'aide de Danika ou d'Andrea.
Non, c'était ridicule.
Il n'allait quand même pas leur dire qu'il recherchait l'homme avec lequel il avait couché un an et demi plus tôt.
Si seulement il pouvait leur expliquer que ce n'était pas juste un coup d'un soir.
Qu'avait-il comme pistes sérieuses ?
Son inconnu pouvait être un étudiant de son ancienne université, un résident d'Andalia, un employé de l'ambassade, un ami d'un invité...
Non, décidemment, il y avait trop de possibilités.
Liam jeta un coup d'œil vers ses dessins.
S'était-il à ce point fourvoyé ? Son amant d'une nuit l'avait-il oublié ?
Même s'il avait conscience qu'il risquait une amère désillusion, le jeune homme voulait le retrouver. Il avait besoin d'avoir des réponses à ses questions.
Le temps d'une soirée, il s'était senti exister.
Le temps d'une soirée, cet inconnu lui avait prouvé qu'il était une personne digne d'intérêt et non ce rêveur à coté de la plaque, comme le nommait son père.
Et puis, il y avait cette certitude grandissante d'être passé à côté de quelque chose d'important.
Cela le rendait fou.
Il devait retrouver cet homme, coûte que coûte.
Liam décida d'utiliser le wifi de la jardinerie durant sa pause déjeuner le lendemain pour consulter les réseaux sociaux. Il devait forcément y avoir des photos du gala. L'inconnu n'y était pas présent par hasard. Et il était presque inévitable que quelqu'un l'ait identifié sur un cliché.
Le jeune homme consulta la page officielle du palais princier et fut heureux de découvrir un album contenant deux cents photos de la soirée. Il avait à peine débuté ses recherches que son cœur s'arrêta.
Il l'avait trouvé.
La crinière blonde faussement décoiffée, le smoking bleu, le pull à col roulé beige, et ce regard...ce regard énigmatique où il s'était noyé à de nombreuses reprises...
Cependant, la pause était terminée. Sa contemplation était remise à plus tard. Il prit plusieurs copies d'écran avant de se remettre au travail.
L'après-midi s'étira lentement. Liam n'avait pas la tête au boulot. Entre le stress des résultats du concours d'entrée et sa joie d'avoir au moins trouvé une photo de son inconnu, le jeune homme peinait à garder sa concentration.
Il passa les deux soirées suivantes à dessiner de nouveaux portraits en se basant sur ses souvenirs du gala. Tandis qu'il crayonnait, raturait, gommait, il se remémorait les passionnantes discussions qui avaient jalonné la soirée.
Le mystérieux invité avait montré le ciel du tableau que Liam examinait avec soin et avait murmuré : « Bleu de minuit, ma couleur préférée ».
Surpris, et sans réfléchir, il avait reconnu avoir un faible pour cette nuance. Et la conversation s'était poursuivie, comme s'ils se connaissaient depuis toujours.
À nouveau, Liam tenta de se rappeler d'un faux pas de sa part, d'une parole malheureuse qui aurait heurté son interlocuteur. Mais rien, rien ne lui revenait à l'esprit. Complices, les deux jeunes gens s'étaient moqués d'une dame qui détestait la peinture et qui ne comprenait rien aux explications qu'un invité s'évertuait à lui fournir.
Ce que Liam avait le plus de mal à accepter était la fuite de l'inconnu. Pourquoi s'être rapproché de lui durant le gala, pourquoi l'avoir séduit pour le laisser tomber comme un malpropre au petit matin ?
À force de ressasser les mêmes interrogations, le jeune homme oublia ses angoisses au sujet de son examen d'entrée. Il fut donc surpris lorsque, cinq jours après le test, Danika lui remit, juste après le petit déjeuner, une enveloppe à son nom où figurait le logo de l'université de Charnia.
Blanc comme un linge, Liam hésita à ouvrir le courrier. Son avenir se jouait avec cette lettre. Il manqua s'évanouir lorsqu'il découvrit son résultat. Il terminait à une incroyable et splendide seconde place.
C'est en larmes qu'il appela Manuel et Agnès pour leur communiquer la bonne nouvelle.
Liam eut alors le sentiment que son calvaire prenait fin. Car, le soir même, Andréa l'interpella avant qu'il ne gagne sa chambre :
— Liam ! Devine ! L'un des studios que loue ma voisine s'est libéré. Il fait vingt-cinq mètres carrés et il est très lumineux. Je lui ai parlé de ta situation. Elle accepte de baisser le prix du loyer à quatre-cent-cinquante euros par mois. Avec la reprise de tes études, tu seras nettement mieux là-bas, je peux te l'assurer.
— Je pourrais encore venir vous aider au moins ?
— Bien sûr ! Tu seras toujours le bienvenu ici. Cependant, entre ton travail, l'aménagement de la serre au palais princier et l'université, personne ne t'en voudra si tu ne passes plus tous les jours au foyer. Liam, tu as besoin d'intimité et de reprendre le contrôle sur ta vie. Tu bénéficieras toujours de notre soutien, tu le sais. Mais tu dois penser un peu plus à toi maintenant.
— Oui, tu...tu as raison.
— Demain, après ta journée de travail, rejoins-moi sur place et nous visiterons le studio.
— D'accord. Andréa...merci ! Merci pour tout ce que tu as fait pour moi.
— Tu es courageux, Liam. Tu mérites de t'en sortir.
C'est ainsi que le lendemain soir, le jeune homme découvrit le studio proposé par la voisine d'Andréa. Il se situait à moins d'un kilomètre de l'université. Il gagnerait également deux kilomètres de marche jusqu'à la jardinerie de Manuel et Agnès. Et, sans voiture, cela n'était pas négligeable.
Quinze jours plus tard, Liam emménagea dans son nouveau logement. Après autant de mois de galère, et même si son nouveau domicile n'avait rien d'un palace, il pouvait enfin respirer. Le studio était remarquablement aménagé. Si la salle de bain était petite et ne contenait que le minimum, à savoir une douche, une toilette et un lavabo, l'espèce salon cuisine lui semblait immense comparé à sa petite chambre du foyer. Grâce à une grande armoire blanche, un espace privé avait été aménagé pour le lit deux places et créait ainsi une alcôve intimiste très agréable.
Le jeune homme faillit pleurer en découvrant sa petite cuisine, son frigo et sa machine à lessiver. Ces objets tellement classiques du quotidien lui apparaissaient à présent comme de véritables trésors. Le comble du luxe pour quelqu'un qui avait vécu en partie dans la rue et en majorité dans un foyer pour sans-abris ces derniers mois.
Lentement, mais sûrement, la vie reprenait un cours plus normal.
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Non mais moi je vous le dit tout ça c'est louche. je suis bcp trop mais bcp trop gentille avec Liam.
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