Chapitre 38
Nous avions passé toute la journée à marcher pour rejoindre la ville où habitait Lindsey, la même ville où Bleu avait tué un homme et que je m’étais fait repérer par la police. Il était hors de question que je sorte de la forêt, et il nous était impossible de retrouver une maison dont nous n’avions aucune idée à quoi elle ressemblait de l’extérieur, ni dans quelle rue elle se trouvait. Finalement, nous passèrent près d’un motel, et le psy décida de s’y arrêter. Je l’attendis dans la forêt et il revint quelque temps plus tard, où j’eu le temps de tomber endormi. Il me réveilla en me secouant légèrement l’épaule. J’avais les yeux qui louchait tellement je peinais à les garder ouvert.
- Je t’ai pris une chambre. Tu vas m’attendre là pendant que je cherche Lindsey. Ça te va ?
Je hochai mollement la tête et m’appuyai sur le psy pour me relever. Il m’entraina jusqu’à la chambre de motel, la tête basse et la capuche de mon manteau dessus. Personne ne me remarqua, du moins je crois. Il n’y avait rien de louche à avoir un capuchon sur la tête, de toute façon, il avait commencé à neiger légèrement.
Aussitôt arrivé à la chambre, je me laissai tomber mollement sur le lit.
- N’ouvre surtout à personne, dit le psy en se penchant légèrement vers moi. Si quelqu’un vient, cache-toi.
- Oh, moi qui pensait faire une petite fête, marmonnais-je.
- Fait pas le malin. Repose-toi, pendant que tu le peux.
Je répondis d’un grognement, puis le psy sorti de la chambre, partant à la recherche de Lindsey. Je m’endormi presque aussitôt. Quand je me réveillai à nouveau, il faisait un noir d’encre dans la pièce. Nous étions au beau milieu de la nuit. Sans m’inquiéter le moins du monde, je sortie du lit et décidais de me prendre un bain, au péril de m’endormir à nouveau dedans. J’étais tanné de cette odeur de merde qui me suivait partout et de mes cheveux raides comme des fils de fer. Je fis couler l’eau aussi chaude que je pouvais le supporter et me glissais dedans. Je retrouvai pour la première fois depuis très longtemps cette sensation qu’on appelai « ne pas avoir froid ». C’était presque magique. Dix secondes dans le bain que je m’endormais déjà. Je me réveillai quand l’eau commençai à se faire un peu plus tiède. Je me lavais avec les mini-savons et les mini-shampoings des motels, puis m’enroulai dans une serviette pour me sécher. J’attrapai mes vêtements sales avec dégout, me demandant un instant si je devais vraiment les remettre ou continuer le voyage en ne portant rien qu’une serviette autour de la taille. Finalement, je me rhabillai, puisque je n’avais pas vraiment le choix. Ce n’était pas que d’un manteau dont j’avais besoin, mais d’un habit entier.
En sortant de la pièce qui servait de salle de bain, quelqu’un cogna à la porte. Pensant que c’était le psy, je m’approchai, avant de me figer à la dernière seconde ; si c’était le psy, il n’aurait pas cogné, il aurait ouvert la porte lui-même avec sa clé, sans faire de bruit pour ne pas me réveiller. C’était qui, alors ? Lindsey, peut-être ? Ou des policiers ? Comment auraient-ils su que j’étais ici ? Ce n’était même pas moi qui avait payer la chambre, mais le psy. Comment seraient-ils remontés jusqu’à moi avec ça ? Peut-être que le psy était maintenant porté disparût, depuis le temps qu’il n’avait pas donné de nouvelle. Il avait peut-être une famille, une femme qui s’inquiétait pour lui. Peut-être que les policiers ont fait un lien entre lui et moi, peut-être qu’ils savent qu’on est ensemble.
Trois autres coups contre la porte. Je reculai lentement, me demandant quoi faire. Je murmurai le nom de Bleu, mais il ne venait pas. Je regardai nerveusement tout autour de moi, à la recherche de n’importe quoi qui s’aurait me servir d’arme. Avant que je ne pus trouver quoi que ce soit, le verrou de la porte se mit à trembler légèrement, et à tourner de lui-même, jusqu’à s’immobiliser dans un clic. Je pris la première chose qui me tomba sous la main ; la télécommande de la télévision. C’était plutôt minable, comme arme, mais ça saurait au moins faire mal, un coup de télécommande en pleine figure.
Enfin, la porte s’ouvrit. Je retiens mon souffle, à un doigt de la panique et près à me défendre pour ma vie. Mais quand je vis qui se cachais derrière, toute panique se volatilisa aussitôt, m’échappant un flot de jurons en lançant ma télécommande sur le lit. C’était Lindsey, les yeux rougis, les deux mains dans les poches de son manteau et la tête enfoncé dans ses épaules. Ça expliquait au moins pourquoi le verrou avait tourner de lui-même.
- Pourquoi tu m’as pas dit que c’était toi ?!
- Pourquoi tu m’as pas ouvert ?
- Parce que tu m’as pas dit que c’était toi !
Lindsey haussa un peu plus ses épaules, puis se retourna pour fermer la porte. Elle semblait à deux doigts de se mettre à pleurer. Je pris plusieurs grandes inspirations, essayant de me calmer.
- Il est où, le psy ?
Lindsey secoua la tête et baissa les yeux. Elle semblait avoir envie de parler, mais ne savais pas exactement où commencer.
- Assieds-toi, soupirais-je en lui montrant le lit. Et commence du début.
Lindsey obéi, et j’allais m’asseoir près d’elle, sur le même lit, me passant distraitement les mains dans les cheveux pour les égoutter.
- J’étais dans le magasin à chercher un manteau quand, soudainement, je me suis retrouver dans ma chambre. Juste comme ça !
- Ouais, c’était Bleu... Elwin lui a dit d’arrêter de kidnapper des gens et de te ramener chez toi.
- Ce que c’est débile, dit Lindsey en levant les yeux au ciel.
- Hé, il pouvait pas savoir que tu voulais être là ! C’est Bleu qui lui a dit ce qu’il avait fait, et je te jure, y faut cinq ans d’université pour comprendre ce qu’il dit !
- Je voulais pas dire qu’Elwin est débile ! se reprit-elle aussitôt. Je voulais dire... la situation.
- Ça va... continue.
- Eh bien, quand ma mère ma vue, elle... elle a d’abord cru qu’elle avait halluciné, quand elle avait cru que j’étais partie et qu’elle t’avait vu. Mais elle a fini par se rendre compte que tout était réelle, et tout c’est passé exactement comme je le redoutais. Elle m’a trainé jusqu’au policier pour que je parle de ce que j’avais vu. Elle croyait que je serais heureuse de parler contre toi, mais j’étais en pleine panique, et les policiers en on conclut que j’étais avec toi. L’interroga-toire à durer toute la saloperie de journée. Puis, juste comme ça, le psy est arrivé, il s’est fait passer pour mon psy – il était assez doué pour dire des trucs de psy, justement -, il s’est mis à dire plein de trucs sur mon déséquilibre mental pour leur faire comprendre que tu n’avais aucun rapport là-dedans, que ma mère à seulement cru te voir mais qu’en réalité, c’était moi qui l’avait assommé dans une crise de folie et que je m’étais enfuis de la maison par moi-même, tout ça parce que j’aurais refusé de prendre mes médicaments. Finalement, j’ai pu repartir avec ma mère, mais le psy était coincé, il n’avait pas le choix de rester avec les policiers. Je me suis enfuis de ma mère et j’ai retourné directement te voir, car le psy avait réussi à me dire où tu étais. Mais là, je crois que les policiers vont comprendre qu’il était réellement avec toi, si ce n’est pas déjà fait. Et alors, ils vont comprendre que tu étais réellement là, que je n’ai aucun problème mental, et que tu es certainement encore dans le coin et vont se mettre à te chercher partout. Alors, je te conseille de profiter de la noirceur pour foutre le camp d’ici. Et je pars avec toi, parce que là, je crois bien que les policiers vont me rechercher pour leur avoir menti.
- D’accord, dis-je au bout de quelques secondes. T’as le droit de partir avec nous, si c’est ce que tu veux vraiment. Mais on se rendra pas loin sans le psy. Il faut le sortir de là.
Lindsey garda le silence, faisant la grimace.
- Pourquoi tu ne l’as pas déjà fait, d’ailleurs ? T’aurais facilement pu le sortir avec toi. T’as des supers pouvoirs !
- Les policiers m’auraient vu ! dit Lindsey, comme si ce que je venais de suggérer était particulièrement débile.
- Et alors ? T’es déjà une fugitive, à ce que j’en sais.
- Je veux pas devenir un phénomène de foire ! Ou me faire enfermer, comme ton frère.
- Ça risque pas, soupirais-je en levant les yeux au ciel. C’est justement...
Je m’interompis, une idée venant de germer dans mon esprit. Une idée dangereuse. Mais j’étais désespéré.
- T’as quel âge ? demandais-je. Précisément.
- Seize ans, répondit Lindsey sans trop comprendre où je voulais en venir. Onze mois, une semaine... cinq jours.
- Plus que deux semaines, deux jours, dis-je en me mordant la lèvre. C’est serré.
- Pourquoi ? Qu’est-ce que ça change, que j’aille bientôt dix-sept ans ?
- Parce que, sur le vaisseau où ils enferment les gens comme toi, ils sont tué à dix-sept ans.
- Ok, mais alors ? C’est pas comme si j’étais justement dans ce vaisseau. Oh... Oh, ne me dit pas que...
- Si, dis-je sans la laisser terminer. Tu pourrais entrer dans le vaisseau et secourir mon frère !
- Hors de question ! s’écria aussitôt Lindsey. J’ai le vertige à un mètre de haut. Tu imagines à cette hauteur ?!
- À cette hauteur, ça n’a plus d’importance. Tu ne tomberas pas, tu vas flotter en apesanteur.
- Non, c’est hors de question ! dit-elle encore. J’ai pas envie de mourir !
- Ouf, bon à savoir...
- Qu’est-ce que tu insinue ?
- Rien, dis-je aussitôt. Mais, tu vois, ce serait peut-être notre chance de sauver Elwin ! Tu pourrais monter là-haut, et redescendre...
Je m’interrompis, réalisant enfin que ce que je disais n’avais aucun sens. Ce n’est pas parce que Lindsey monterait dans ce vaisseau avec une idée derrière la tête qu’elle saurait faire sortir Elwin de là. Elle serait tout autant prisonnière que lui.
- Oh, laisse tomber, soupirais-je. Je dis n’importe quoi.
- Enfin, tu l’as remarqué. Et tu peux me dire comment je serais monté, de toute façon ?
- Le psy aurait pu te faire monter... c’est lui qui a fait monter Elwin, dis-je dans un grognement.
Lindsey ne répondit rien, ne sachant pas vraiment quoi faire de l’information.
- Il faut quand même faire sortir le psy. Il ne va pas rester coincé là à cause de moi et finir en prison !
- À cause de moi, rectifia Lindsey.
- Oui, c’est clair. Et tu vas m’aider à le faire sortir de là. Si tu ne veux pas m’aider, eh bien t’as qu’à retourner chez ta mère.
Lindsey se mordit nerveusement la lèvre, pesant le pour et le contre. En deux secondes, elle avait fait son choix, et elle hocha la tête, décidé.
Il était près d’une heure du matin. Je n’avais pratiquement aucune chance d’être vue par des passants. Du coup, Lindsey et moi n’avions pris aucune précaution ; nous avons couru à toute jambes, dans les trottoirs de la ville, jusqu’au commissariat, élucidant notre plan en chemin. Il était simple, avec une diversion et quelque coup de poing, et il n’avait aucune raison de ne pas fonctionner.
En peu de temps, nous étions arrivés, mais nous étions surtout à bout de souffle. Nous nous sommes caché dans un coin de la cour pour reprendre un peu de force, alors que nous examinions le terrain. Je voyais les voitures de polices dans un coin de stationnement, de voiture de civile dans un autre coin. Mais comment savoir exactement combien de policier il y avait à l’intérieur ? Policier ou pas, ces gens se devait bien de dormir, et selon moi, il ne devrait plus qu’y avoir que ceux qui gardait le psy.
- Allez, j’y vais.
Lindsey me prit le poignet au moment où j’allais me lever, me forçant à me tourner vers elle. Elle semblait avoir peur, et je souris pour la réconforter.
- Ça ne peut pas tourner mal. Tu es magique, je te rappel, dis-je avec un clin d’œil.
- Fait quand même attention.
- Toi de même. Bonne chance, Lindsey.
- Fait pas le con, Simon, répondit-elle avec un sourire.
Avec un dernier clin d’œil, je sortie de ma cachette et marchait tranquillement vers l’entré. En apparence, seulement. À l’intérieur, j’avais rarement eu aussi peur. « Fait pas le con, Simon ! ». Désolé, mais là, il n’y avait rien que je pouvais faire de plus con que ça. Moi, présumé meurtrier, marcher droit devant le commissariat de police. Tout ce qu’il y a de plus normal.
Je passais la porte et un homme derrière un comptoir me vit aussitôt. Il ne sembla même pas me reconnaitre sur le moment. Je m’attendais à des cris, mais il se contenta de me lancer un sourire aimable. Je restais dans l’encadrement de la porte, faisant comme si j’admirais simplement le décor, alors que Lindsey, presque à quatre pattes, passait entre mes jambes pour se faufiler à l’intérieur sans être vue.
- Qu’est-ce que je peux faire pour vous ?
Je réfléchi un instant, me demandant quoi répondre. Ça n’allait déjà plus du tout avec le plan. J’étais sensé détourner l’attention de tous les policiers, pas recevoir des politesses. Je décidai d’y aller à fond avec la vérité.
- Je suis venu chercher un ami, je crois que vous le retenez ici.
- Son nom ? demanda-t-il en haussant un sourcil.
- Heum... Bertrand... Bernard Lachance, marmonnais-je, pas trop sûr de moi.
Il était vraiment temps que j’arrête de l’appeler « le psy » et que je me concentre sur son vrai nom...
- Oui, il est ici. Et vous, vous êtes ?
- Je suis... (Je regardai un peu partout, à la recherche d’inspiration.) Un ami.
- Votre nom ?
- Simon. Euh... Simon Smith.
Lindsey, accroupie près du bureau, leva les yeux au ciel. Elle fit un mouvement de main, comme voulant dire « arrête de tergiverser ! »
Le policier leva un sourcil devant le manque d’imagination de mon nom. Il y eu une seconde de silence, une seule seconde, mais qui était tout de même beaucoup trop longue à mon gout. Puis, finalement, l’homme se leva de sa chaise d’un bon, les yeux écarquillés. Il venait de me reconnaitre.
- Simon Bowan !
- Non, j’ai dit Smith, insistais-je.
- Lève les mains !
Sans même que je m’en rende compte, le policier avait sorti un flingue et le pointait sur moi. Je reculai aussitôt en levant les mains. Le policier sorti de derrière son bureau et s’avança lentement, me disant mes droits. Voyant que je n’avais pas l’intention de m’échapper, il se risqua à baisser son arme et de me contourner pour me passer les menottes. Au même moment, Lindsey sortie de sa cachette et passa à l’action, alors que l’homme lui tournait le dos. Avec sa télékinésie, elle arracha les menottes des mains du policier, ainsi que son flingue. Libéré de son emprise, je pris le flingue qui flottait toujours de lui-même près de mon visage et assomma le policier d’un coup de crosse. Le policier s’effondra au sol, une coulisse de sang sur la tempe.
- On en reparlera pour la discrétion, dis-je nerveusement à Lindsey, qui elle ne faisait que trembler. Ça va ?
- Je... ouais, je crois, marmonna-t-elle.
- T’as pas l’air sur.
- J’ai pas vraiment l’habitude d’utiliser mon don contre d’autre personne...
- Tu lui as seulement empêcher de me passer les menottes, y’as rien là ! C’est moi qui l’ai assommé.
- Et tu t’en porte plutôt bien pour un non-meurtrier !
- J’ai jamais tué personne, c’est vrai ! Mais je n’ai jamais dit que je n’avais pas déjà blesser quelqu’un...
Lindsey fit la grimace, puis se retourna pour marcher dans les corridors du poste de police. Je la suivi à trois pas de distance.
- Blesser gravement ? demanda Lindsey.
- Pas vraiment. Eum... on s’est battu, bien classique, dans un McDo. Le pire, je crois, c’est quand je lui ai balancé un pupitre sur les jambes, ou quand je l’ai brûlé avec une cigarette. C’est deux-là se sont passé dans la même minute... mais j’avais un but derrière la tête, c’était pas seulement pour le plaisir de le voir souffrir. Même si j’ai bien aimé.
- T’es malade, murmura Lindsey au bout de quelques secondes.
Je ne répondis rien, autant parce que je n’étais pas vraiment sûr de ce qu’il fallait répondre, que parce qu’il valait peut-être mieux garder un peu de subtilité. Ce n’était pas vraiment le moment de se disputer sur mes tendances à la violence. Nous passâmes devant une pièce pleine de bureau, où il y avait encore quelque policier devant leurs écrans. Lindsey et moi nous baissâmes pour passer inaperçu, souhaitant qu’aucun ne se retourne. Je passais en premier, pensant que si les policiers nous voyaient, il valait mieux elle que moi ; elle la fugueuse ou moi le meurtrier, le choix était facile. Mais finalement, aucun d’entre eux ne se retournèrent, et nous pûmes continuer notre chemin.
- C’était quoi, ce but derrière la tête ? demanda Lindsey quand nous fûmes assez loin pour ne pas nous faire entendre.
- Une étape en-dessous de celui que j’ai maintenant. Tout pour retrouver Elwin. En fait, c’était surtout pour me faire envoyer en maison de redressement. J’avais prévu de faire le rebelle, mais Bleu s’en ai mêlé et il a tué Mélissa... plus efficace, terminais-je dans une grimace.
- Mouais, marmonna Lindsey. La version officielle, c’est que t’es un malade.
- Je n’ai aucun problème, autant physique que mental, si tu veux savoir !
- Ah ouais ? répliqua-t-elle d’un air sarcastique.
- Ok, d’accord, j’ai un grave problème, soupirais-je en levant les yeux au ciel. Je suis myope. Ça a commencé quand j’avais sept ans, à peu de chose près, mais j’ai eu mes premières lunettes à dix ans seulement. C’est celle-ci ! ajoutais-je en tapotant la monture que j’avais sur le nez. J’ai changé les verres une fois, à douze ans. À treize ans, j’en ai une nouvelle monture, noire et blanche, j’avais l’aire d’une vache avec ça. Donc, quand il est venu le temps de changer de verre, à quatorze ans, j’ai plutôt changé de monture encore une fois. Des noires, bien classique. Ça se démode pas ! Mais Samuel les a cassés – c’est contre lui que je me suis battu au McDo. Et c’est pour ça que je me retrouve avec mes vieilles lunettes ; j’avais jeté celle au motif de vache, mais là, je le regrette, même si j’aurai eu l’air d’un con avec, au moins, je verrais un peu mieux, parce que celle que j’ai, là tout de suite, elle ne me compte pas grand-chose !
Lindsey se retourna vers moi, exaspéré. Mais je voyais bien qu’elle ne me regardait pas dans les yeux ; elle regardait la monture de mes lunettes. Je ne pus m’empêcher de sourire.
- Tu voulais savoir si j’avais des problèmes physique ou mental. Voilà !
- J’ai jamais dit que je voulais savoir, grogna-t-elle. Et, s’il te plait, t’aie-toi.
Je me tue, même si j’avais envie de continuer à parler. J’aimais bien l’exaspéré, mais la priorité du moment, c’était de retrouver le psy, de préférence, sans se faire repérer par les policiers. Mais c’était plus fort que moi.
- Et toi, t’as des problèmes physique ou mental ?
Je regrettai aussitôt d’avoir posé la question ; le psy m’avait bien avertie qu’il y avait de grande chance qu’elle soit suicidaire. Mais Lindsey ne remarqua pas mon embarra, puisqu’elle marchait devant moi, me tournant le dos.
- Je me suis cassé la jambe quand j’avais onze ans, dit-elle. Et je me suis cassé un ongle la semaine dernière.
Là-dessus, elle me présenta son majeur. Je jugeais bon, sur le coup, de me taire une bonne fois pour toute.
Nous étions finalement arrivés au bout de ce corridor. Lindsey ouvrit la porte, précaution-neusement, et passa un œil dans l’ouverture.
- Qu’est-ce que tu vois ?
- Les cellules.
- Tu vois le psy ?
- Non, dans l’angle que je suis, j’arrive pas à voir qui sont dans les cellules. Mais il est forcément là.
Lindsey ouvrit la porte un peu plus grande, juste assez pour se glisser dans l’ouverture. Je la suivie comme une ombre. J’en était bien conscient, même si ça me faisait mal de l’avouer, que cette fille était beaucoup plus forte que moi. Moi, sans Bleu, je ne valais rien.
Toute les cellules étaient d’un seul côté du mur, et j’allais aussitôt vérifié chacune à la recherche du psy. J’entendis un homme chuchoter et, croyant que c’était le psy, je m’élançai vers la voie. Sauf que c’était un policier, qui était là pour garder les cellules. Plutôt que nous arrêter aussitôt, il avait prit le temps d’appeler les autres avant de passer à l’action...
- Stop, les mains en l’air ! dit-il en levant un pistolet.
J’obéi aussitôt, grimaçant. Lindsey leva les mains elle aussi, mais le pistolet dans les mains du policier suivit le mouvement et lui échappa. Il se mit à flotter quelque instant devant ses yeux, et le policier en resta figer. Finalement, Lindsey abaissa les bras et le pistolet s’écrasa contre le visage du policier, l’assommant durement, mais il était toujours conscient. J’abaissai les mains à mon tour et prit le pistolet pour l’assommer une deuxième fois, à la tempe. Cette fois, il tomba inconscient.
- On se grouille. D’autre vont venir.
Lindsey hocha la tête, ne quittant plus le policier des yeux.
- Allez, bouge ! m’énervais-je.
- Je les assommé pour de vrai, cette fois.
- Oh, s’il te plait, Lindsey, arrête de chialer et aide moi à faire sortie le psy !
Je me retournai pour regarder dans les cellules, mais je n’eus pas à chercher longtemps, car le bruit l’avait réveillé et il était là, le visage collé entre les barreaux et nous observant en fronçant les sourcils. Lindsey sortie enfin de sa bulle et se dépêcha de déverrouiller la porte de sa cellule.
- Moi aussi ! s’écria un homme dans la cellule d’à côté, dégageant une forte odeur d’alcool. Faite moi sortir, moi aussi !
- Ignorez-le, dit le psy en me pressant l’épaule, m’obligeant à me détourner. Et qu’est-ce que tu fais là, toi ?!
- Oh, je sais pas, je suis apparût ici de nulle part, dis-je, sarcastique. Qu’est-ce que tu veux que je fasse ici ? Je suis venu te sauvez !
- T’avais pas à le faire ! T’aurais dû rester au motel, ou partir sans moi !
J’en restais sans voie ; moi qui m’était imaginé qu’il me remercierait, saluerait mon incroyable courage...
- Je peux repartir sans toi, si c’est ce que tu veux !
- Non, ça va, on se tire... on en reparlera plus tard.
- Ils arrivent, dit Lindsey qui faisait le guet à la porte. Les policiers. Y’a une autre sortie ?
- J’en voie pas, dis-je nerveusement en promenant mon regard un peu partout. Ils sont combien ?
Lindsey n’eut pas le temps de répondre ; la porte s’ouvrit à la volé et l’assomma au passage. Lindsey s’effondra au sol, une main sur le front en grimaçant. Les policiers la contournèrent pour se mettre devant le psy et moi, nous disant encore une fois de lever les mains. Ils étaient quatre. L’un d’entre eux pointa un flingue sur Lindsey, toujours étendu au sol. Elle leva une main, l’autre se tenant toujours le front où une grosse prune commençait à apparaître.
- Lindsey, murmurais-je, alors que le policier devant moi m’intimait de me taire. Fait quelque chose. Allez !
Mais Lindsey était trop sonné pour user de son don pour nous aider. L’un des policiers l’aida à se relever alors qu’un autre nous lisait nos droits, encore une fois.
- Bleu, murmurais-je. J’espère que t’es réveillé, là, j’ai besoin de toi.
L’un des policiers alla derrière moi pour me passer les menottes, visiblement contant d’être celui qui arrêta le terrible Simon Bowan, même s’il se demandait bien qu’est-ce que je foutais ici.
Puis, quand je commençai à me dire que j’étais vraiment foutu, le policier derrière moi poussa un gémissement, un petit bruit écœurant, puis me lâcha. Je me retournai, sans comprendre, et trouvais le policier étendu au sol, éventré. Quand les autres policiers comprirent ce qui venait de passer – du moins, en partie -, ils levèrent leurs pistolets et tirèrent sur moi, tous en même temps. Je me recroquevillais, la tête dans les épaules et un pied en l’air – va savoir pourquoi, mais c’était mon réflexe de lever le pied -, et fermai les yeux, convaincu que mon heure était venue. J’attendit, une seconde, deux secondes... j’étais toujours vivant. J’ouvris un œil, puis l’autre. Tous les autres policiers étaient morts de la même façon que le premier, Bleu un peu plus loin derrière eux. Toutes les balles que les policiers m’avaient tiré étaient un peu partout à mes pieds.
- Bleu réveiller à bleu temps ! s’écria-t-il en levant les poings. Bleu sauver frère de Bleu ! Bleu va être bleu contant !
Je lançai un regard vers Lindsey, les yeux étroitement fermés et les joues trempées de larmes, et le psy, les yeux écarquillés et quelques taches de sang sur ses vêtements, éclaboussé par les policiers. J’imaginais mal Elwin d’être particulièrement contant que Bleu aie encore tué quatre personnes de plus, il reste toujours qu’il m’avait réellement sauvé la vie, à moi, au psy et à Lindsey. Je n’avais pas vraiment dans l’idée de lui en vouloir pour ce coup. Pas dans les prochaines minutes, du moins.
- Merci, Bleu, marmonnais-je. Tu peux... me débarrasser de ces menottes, s’il te plait ? Aux autres aussi.
Bleu s’exécuta aussitôt, sans dire un mot.
- Et tu pourrais nous ramener au motel ? Elwin sera aussi très contant que tu le fasses.
Pour ma surprise, Bleu obéi. Le temps d’un clignement d’yeux, je me sentis trébucher alors que rien ne m’avait bloqué les pieds, et j’atterris assis sur le tapis du motel que le psy avait pris pour moi. Le psy et Lindsey étaient là aussi. Le psy semblait s’être remis des évènements ou, au moins, il s’était fait une idée. Lindsey, pour sa part, pleurait à chaude larme, le visage enfoncé dans ses mains.
- Merci bien, Bleu, mais va-t’en, maintenant. Retourne voir Elwin, ok ?
Bleu disparût. Je me relevai à moitié et me trainai jusqu’à Lindsey. Je mis une main sur son épaule, essayant de la ramener parmi nous. Elle eut un hoquet de surprise et leva la tête vers moi. Sans qu’elle me touche, je me sentis repousser, comme si un mur m’empêchait de l’approcher plus.
- Ça va ? demandais-je timidement.
- Laisse-moi seul, murmura-t-elle en essuyant ses joues de sa paume.
- Je suis vraiment désolé, insistais-je. Je voulais pas qu’ils meurent, mais autrement, c’est moi qu’ils auraient tué... et puis, c’était pas moi, hein, c’était Bleu...
- Oui, Bleu, dit Lindsey avec un sourire amer. Tu veux dire : ton petit frère. C’est lui, le vrai meurtrier de l’histoire.
- C’est faux ! m’écriais-je. Elwin et Bleu sont deux personnes totalement différentes.
- C’est pas l’impression que j’ai.
- Tu ne connais pas Elwin ; il est gentil avec tout le monde, même ceux qu’il n’aime pas ! Et tout le monde l’aimait. Ses rêves, c’était de rencontrer Robert Downey Jr et de devenir joueur de soccer professionnel. Ça te fait penser à un meurtrier, ça ?!
- Tous bon psychopathe cache bien son jeu.
- Simon, intervint le psy alors que je commençais vraiment à perdre les nerfs. Viens ici.
J’obéi aussitôt, tout pour arrêter là cette conversation. Je commençai à avoir une sérieuse envie de frapper dans quelque chose.
Le psy m’aggrippa l’épaule et m’entraina dans un coin de la chambre, laissant autant d’intimité que possible à Lindsey, et à nous-même.
- T’avais pas à venir me chercher, dit-il avec un regard lourd.
- Et t’avais pas à aller chercher Lindsey, marmonnais-je. Je me porte beaucoup mieux sans elle.
- Et sans elle, tu n’aurais pas su revenir me chercher !
Je grognais et haussais les épaules en guise de réponse.
- Promet-moi seulement que, si jamais je me fait arrêter encore une fois... abandonne moi.
- Si c’est ce que tu veux vraiment... t’as qu’à le dire si tu veux partir, hein, la porte est juste là.
- Je ne veux pas partir ! s’énerva le psy. Tout ce que je dis, c’est que ce sera beaucoup plus simple pour tout le monde si tu ne fais rien. Essaie d’imaginer ce qui se serait passer, si tu n’aurais rien fait, et compare au fait que Bleu viens de tuer quatre hommes.
Je haussai les épaules et détournai le regard, feignant l’ignorance. Mais, en réalité, je voyais parfaitement où il voulait en venir. Si je n’avais rien fait, que j’aurais laisser le psy s’arranger dans son problème, il aurait surement pu dire, tout simplement, que je l’avais forcé à agir contre son gré – en somme, un kidnapping -, pour qu’il me conduise peu importe où j’aurais envie d’aller. Peut-être qu’avoir un adulte avec moi aurait pu faciliter ma couverture, en le faisant faire des choses à ma place, comme payer les motels, l’essence et la nourriture – ce qu’il fait déjà, en ce qui concerne les motels. Il se serait fait passer pour une poule mouillée, n’osant contredire un gamin de trente ans de moins que lui, malgré que je l’aurais menacé d’un flingue tout du long, mais, au moins, il aurait fini par retourner chez lui sans problème, ou presque, et tout le monde serait contant – sauf moi. Il fallait avouer que ça aurait peut-être mieux valu que la mort des quatre policiers.
- Très bien ! dis-je entre mes dents serrées. La prochaine fois que t’aura des problèmes, surtout, comptez pas sur moi pour t’aider. Moi, je resterai dans mon coin, et je te regarderai chialer pendant que je mangerais du popcorn...
À bout de nerf, je contournai le psy pour sortir du motel. Je n’avais pas fait trois pas que le psy, devinant ma trajectoire, m’attrapa par le capuchon de mon manteau, que je portais toujours. Je m’arrêtai aussitôt de marcher avant de me faire étrangler.
- Où tu vas ? demanda-t-il.
- Pas loin. Faut que j’aille fumer.
Je voyais, du coin de l’œil, Lindsey s’arrêter enfin de pleurer. Elle avait relevé la tête et respirait à plein poumon, mais son visage se contracta à nouveau quand nos regards se croisèrent.
- Toi, tu ne sors plus d’ici, même pas sur le balcon. Les policiers – ceux qui sont encore en vie ! – doivent fouiller la ville de fond en comble pour te retrouver.
J’avais presque oublier ce détail. Bien sûr, la mort de ces policiers, comme tout le reste, se retrouvai sur mon dos. Qui d’autre aurait pu les tuer ?
- Capuchon et tête baissé, personne ne saura me reconnaitre ! Je tournerais le dos à la rue.
- C’est toujours non, Simon, tu sais autant que moi à quel point c’est dangereux de sortir maintenant.
Je me retournai vers le psy, qui lâcha ma capuche au même moment. Il semblait tout autant exaspéré par moi que je l’étais par lui.
- Il me reste une chose que j’ai le droit de faire ?
- Dormir, dit le psy en pointant le lit du doigt. On reprendra la route demain, ou après-demain, quand les choses se seront tassé un peu. D’ici là, tu ne sors plus d’ici.
- Et je fais comment, si j’ai envie de fumer ?
- Eh bah, tu fumes pas.
- En somme, tout ce que tu dis, c’est que j’ai le choix entre rester enfermer, ou me faire enfermer !
- T’aurais peut-être dû y penser avant de...
Le psy s’interrompis, essayant de se remémorer exactement quel était l’évènement fatidique qui m’avait propulsé ici, dans un motel quelque part dans le Maine, à fuir les autorités. Qu’est-ce que, moi, je n’aurais pas dû faire ? moi ? Ne pas rencontrer Mélissa, qui m’avait apporté la preuve qu’Elwin était innocent. Ou me foutre totalement de ce qui arrivait à Elwin. Faire comme papa, prétendant qu’Elwin n’avait jamais existé. Mais peut-être que, même là, Bleu m’aurait retrouvé.
Il n’y avait rien que j’aurais dû ou ne pas dû faire. Tout était de la faute de Bleu.
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