Chapitre 26 - Elwin
J’avais passé pratiquement toute la nuit à pleurer, à un tel point que vers la fin, je ne me rappelai même plus pourquoi j’étais si triste. Même après m’être totalement vidé de l’arme, je n’arrivai plus à dormir. Je fini surement par m’endormir, et bien solidement, car, par la suite, à mon réveille, la lumière était allumée et un déjeuner m’attendait sur mon bureau, mais je n’avais pas faim. Je ne pris que le verre d’eau, et deux bouchées de blanc d’œuf.
Finlah ne fit son apparition que quelque rare fois, pour revenir chercher mon déjeuner, un peu plus tard pour m’apporter un diner, ensuite ramener l’assiette, puis revenir avec un souper, revenir chercher l’assiette, et une dernière petite collation avant de retourner au lit. À chaque fois, il essayait de lancer une conversation, mais moi, je restai muet. Malgré les médicaments qui me rendait quand même légèrement amnésique, je n’arrivais pas à oublier ce qu’il m’avait fait, hier soir, surtout que la douleur était toujours là, dans mon ventre, et à la lèvre fendu. Ma brûlure aussi me faisait mal, mais ça, ce n’était pas de sa faute, il reste toujours que le sort de Sushi me faisait tout aussi mal.
Puis, la lumière de ma chambre s’éteignit. Il était temps de retourner sous les couvertures. Sauf que je ne les avais pratiquement pas quittés de la journée.
Quelque dizaine de minutes plus tard, j’entendis un bruit dans la bouche d’aération. Certainement la Reine qui se demandait pourquoi je n’avais pas été dans la salle aujourd’hui.
- Ça va, je suis en vie, marmonnais-je assez fort pour me faire entendre.
- Ah, très bien... c’est chouette. Ç’aurait été nul que tu sois mort.
Je fus surprit, pendant un instant, de constater que ce n’était pas la voix de la Reine, mais plutôt celle d’Orange. C’était certainement la première fois qu’elle venait me rendre visite dans les conduit. J’abandonnais donc aussitôt l’anglais pour parler en français.
- Où est la Reine ?
- Avec Sushi, me répondit-elle avec son petit accent que j’aimais bien. Il est coincé, lui aussi, et il devient plutôt grognon quand sa se produit. Mieux vaut lui tenir compagnie. Puisque j’avais pas de Reine à qui parler pour ce soir, je me suis dit que je pouvais toujours venir te voir, et te remonter le moral en cas de besoin.
- J’aimerais bien que tu me remontes le moral.
- J’aimerais bien que t’ouvre la lumière.
Je n’avais plus envie de sortir du lit, mais puisque j’y étais resté toute la journée, je jugeai préférable d’aller allumer la petite lampe au coin de la porte. Puis, j’allais prendre la chaise et l’installait devant la bouche et grimpai dessus, pour voir Orange d’un peu plus près. Elle me fit un petit sourire, retroussant son nez fin.
- C’est à cause de Sushi si tu n’es pas venu, aujourd’hui ?
- Non... j’ai fait le con, soupirais-je en détournant le regard. Finlah ne veut plus me laisser sortir pour toute une semaine.
Appuyai mon front contre la grille, et Orange tendit aussitôt une main pour me tirer les cheveux. Je la laissais faire, tant qu’elle ne tirait pas trop fort.
- T’es ici depuis quand, toi ?
- J’avais onze ans. Mais là, je sais plus combien de temps ça fait... y’a aucun repaire, ici. Maintenant, j’ai peut-être douze, treize, quatorze, quinze, je sais plus...
- T’as pas l’aire de faire moins de quatorze, ni plus de seize ans.
- Toi aussi.
- Moi, j’ai vraiment quatorze. Je suis pas ici depuis assez longtemps pour perdre la notion du temps. Mais je sais que j’aurais bientôt quinze, et je sais pas quand exactement puisque je ne sais pas quel jour on est. Alors, après ça, je serais surement perdu.
- Non, tu s’aura que t’as quinze ans.
- Mais quand ? Et pour combien de temps ?
Cette fois, Orange ne répondit rien, se contentant de hausser les épaules du mieux qu’elle pouvait, puisqu’elle était un peu trop grande pour ses conduits.
- C’est nul qu’on ne puisse plus retirer la grille, soupirais-je en donnant un coup, sans résultat. Si seulement j’avais encore Bleu...
J’aurai continué sur ma lancé de parler de Bleu, mais je préférais ne rien dire. Bleu n’existait pas, il n’était que dans mon imagination.
- Mais Bleu n’existe pas ? termina Orange à ma place. Tu sais, je suis ici depuis tellement longtemps que les médicaments qu’on me donne ne me font presque plus effet, et les adultes ne s’en rende pas compte parce que moi, je suis pas comme Sushi pour flamber tout le monde dès que je retrouve un peu la raison. Je continue à jouer le jeu. Je sais que, là, présentement, je ne ressens pratiquement aucun effet. Mais ce n’est pas grave ; moi, du moins, je ne suis pas dangereuse. Pas ici, c’est certain. Je suis pas la plus difficile des patientes à gérer. Mais bon, ce que je veux dire, c’est que moi aussi, on m’a fait croire que j’avais des hallucinations auditives. Mais je n’en ai pas, je le sais ! Ce n’est pas de ma faute si j’entendais des lapins parler, et des oiseaux rigoler.
- Peut-être que t’as vraiment des halluci-nations, tu sais, dis-je en évitant son regard.
- Non, je sais que je n’en ai pas. Autant que je sais que toi non plus, tu n’en a pas, et que Bleu existe.
- S’il existait, je le verrais. J’ai dit son nom, c’est tout ce qu’il faut pour qu’il apparaisse. Il n’apparait pas, il n’existe pas...
- Elwin, je sais qu’il existe ! C’est toi qui ne le voie plus, à cause de tous ces médicaments que t’avale. C’est eux qui te font halluciner.
- Eh bien... c’est une bonne chose, bredouillais-je. Bleu fait partie de mon imagination, que je le voie ou pas. Et si je ne le voie pas, ça veut dire que les médicaments font du bon travail.
Orange ferma les yeux en soupirant, secouant mollement la tête de gauche à droite.
- T’es une cause perdue.
- Je sais, dis-je en baissant les yeux. C’est bien pour ça que je suis ici.
Je relevai les yeux pour croiser les siens, d’un beau vert foncé. Pendant un instant, je regrettai mes pensées ; si Bleu apprenait que j’avais aimé, ne serait-ce qu’un instant, la couleur verte, il se mettrait à chialer et à taper du pied. Mais bon, Bleu n’était pas là, il n’existait même pas.
- T’as vraiment de beaux yeux, dis-je.
- Merci, dit Orange avec un petit sourire. Toi aussi.
Je souriais à mon tour, ne sachant plus trop quoi dire de plus. J’essayai encore une fois de retirer la grille, sans plus de résultat. Sur le moment, j’avais envie de dégager Orange de là, qu’elle sorte du conduit. Qu’elle vienne me rejoindre dans la chambre. De son côté, Orange aussi poussait dans la grille. Peut-être qu’elle voulait les mêmes choses que moi.
- Pas la peine de pousser, on n’arrivera pas à la dégager, finis-je par dire. Il n’y aurait que Bleu pour y arriver.
- Sauf qu’il n’existe pas.
- C’est ça.
- Mais on peut toujours essayer de l’appeler.
Je fronçai les sourcils, sans comprendre.
- Bleu n’existe pas !
- Arrête, deux secondes, et demande-lui de retirer la grille. On verra bien ce qu’on verra.
- Non, dis-je, catégorique. Et puis, bon, de toute façon, la dernière fois que j’ai couché avec une fille, je l’ai tué.
Orange garda le silence, alors que je me sentais rougir, détournant le regard.
- Tu avais l’intention de coucher avec moi ?
- Heu... bégayais-je. Non, non, enfin, je disais ça comme ça. Je voulais dire, en fait, la dernière fois que je m’étais retrouvé seul avec une fille... Sans nécessairement coucher avec elle...
- Ouais, dit lentement Orange en retenant un rire. Bien rattrapé.
- Je voulais pas coucher avec toi ! dis-je avec un peu plus d’assurance. Je voulais seulement que tu viennes me rejoindre dans la chambre... assis sur le lit, hein, pas besoin de faire plus.
- Pas besoin de faire plus, répéta Orange en riant pour de bon. Bon à savoir ; t’es un très mauvais menteur.
- Je sais, Simon me l’a répété assez souvent... marmonnais-je dans un grognement.
- Qui est Simon ?
- Mon frère.
- Quoi, tu couchais avec ton frère ?!
- Bien sûr que non ! m’écriais-je. J’ai dit qu’il me disait souvent que je ne savais pas mentir, c’est tout !
- Vous avez de drôle d’habitude de vie, vous les Québécois !
- Je suis pas Québécois.
- Ah non ? Mais t’es Canadien, et tu parles français...
- Ça ne veut rien dire, soupirais-je, appuyant à nouveau mon front contre la grille. Y’a pas qu’au Québec qu’il y a la langue française, au Canada. Mais bon, on s’éternisera pas sur le sujet, hein ?
- Vaudrait mieux pas, je crois.
Il y eu un silence, pendant qu’Orange laissait échapper un rire. Elle avait beau être bien rousse, je trouvai ça un peu bizarre de l’appeler Orange ; Rose lui allait bien mieux, d’après moi. Puis, mon ventre laissa échapper un long gargouillement, qui fit rire Orange – ou Rose – un peu plus fort.
- Me juge pas, j’ai rien mangé de la journée, dis-je en riant moi aussi. Je n’avais vraiment pas le moral, et...
Je m’arrêtai net quand la réalité me frappa de plein fouet ; je sentis mes yeux s’agrandir pendant que me mâchoire tombait bien bas.
- Quoi ? demanda Orange en passant ses doigts à travers la grille.
- Je n’ai pas pris un seul médicament de la journée.
- Pas un seul ? répéta Orange, l’air tout aussi horrifié que moi.
- Retourne à ta chambre, il faut que j’appelle Finlah...
Je descendis de ma chaise et me précipitais vers ma table de chevet, où m’attendait le bouton, mais Orange s’exclama en premier :
- Non, Elwin ! dit-elle alors que j’avais le doigt à cinq centimètres du bouton. Ne prend pas de médicaments.
- Mais... si je l’ai prends pas, je vais me mettre à halluciner, à faire des crises, je veux pas que...
Je commençai sérieusement à paniquer, alors que je relevai les yeux vers Orange, toujours coincé dans son conduit. Et s’il me prenait l’envie de la tuer, comme avec Suzie et Jimmy ?
- Va-t’en, Orange, je veux pas te faire de mal.
- Me faire de mal ? Bleu, y’a une grille qui nous répare, t’arriverai pas à m’atteindre même si tu le voulais. Et je sais que tu ne le veux pas !
Je secouai la tête, les larmes commençant à me monter aux yeux. Rose ne pouvait pas comprendre ; si je me prenais d’une saute d’humeur, non seulement je pourrais la tuer, je pourrais aussi lui faire assez peur pour qu’elle refuse de m’adresser à nouveau la parole un jour. Les amis étaient si rares, ici, je n’avais pas envie de me les mettre à dos.
- Retourne dans ta chambre, il faut que j’appelle Finlah, dis-je me sentant trembler.
- Elwin... croie moi, ses médicaments ne sont pas si important que ça.
- Va-t’en, j’ai dit ! hurlais-je. Laisse-moi !
- Et toi, tu vas m’écouter ! hurla Orange encore plus fort.
Je me figeai, alors que j’étais toujours autant en panique, mais Orange avait eu le mérite d’attirer mon attention.
- Sushi est ici parce qu’il a un don, ça, tu le voies bien, non ?
- Oui, dis-je en détournant la tête. Dans son cas, c’est assez évident.
- Mais ils lui donnent des médicaments. Pourtant, il n’a aucun problème mental.
- Où veux-tu en venir ?
- Ils lui font à croire qu’il en a besoin. Comme ça, il devient plus facile à gérer.
- Et moi, là-dedans ? demandais-je, commençant à perdre patience. Je n’ai pas de don, ni rien de ce genre.
- Peut-être que si, justement. Parce que moi, je te dis que Bleu existe, et que t’es le seul à pouvoir le voir.
- Dans ce cas, c’est pas moi qui a un don, mais Bleu.
- Oui, mais... toi, tu peux te faire obéir par lui.
- C’est pas un don, ça !
- Arg, taie-toi, deux secondes ! Tout ce que je veux, c’est que tu comprennes ! Le trois quart des jeunes, ici, on des don ! Sushi sait faire du feu, moi je peux parler au animaux, et toi, tu sais... je sais pas trop ce que c’est, mais ça reste que t’hallucine pas ! Bleu existe... laisse-moi le bénéfice du doute, OK ? Appelle Bleu, tu verras bien s’il se pointe.
- Si je le vois, c’est parce que je l’aurais halluciner, grognais-je.
- C’est ce qu’ils veulent te faire croire, soupira Orange. Mais ce n’est pas vrai.
- OK, disont que t’a raison, dis-je en me retournant vers elle. Alors tu crois que j’aurais délibérément tué ma petite amie ?
Orange secoua la tête, ne sachant plus quoi dire.
- Si je ne suis pas fou, alors, je voie pas ce que je suis, continuais-je. Mais j’ai clairement un très gros problème. Et toi aussi, t’as un gros problème, parce que les lapins, ça ne parle pas !
- T’es une cause perdue, Elwin. Je sais plus quoi faire pour t’aider. Mais, s’il te plait, ne va pas répéter ce que je t’ai dit à ton tuteur. Ça ne réussirait qu’à nous mettre dans la merde à tous les deux.
Puis, Orange se retourna tant bien que mal dans son conduit, puis retourna vers sa chambre, me laissant seul. J’aurais préféré qu’elle reste, dans le fond, mais il fallait avouer que j’avais bien mérité qu’elle parte.
Et puis, si ça se trouve, j’avais complètement imaginer cette conversation, et qu’Orange n’était jamais venu me rendre visite. Oui, toute les chances étaient que je l’avais halluciné. Je me retournai vers la table de chevet et appuyai sur le bouton. Finlah arriva un peu plus de cinq minutes plus tard.
- Tu ne dors pas ? dit-il en entrant dans la pièce et refermant la porte derrière lui.
- Non, je crois que j’ai fait une crise d’hallucination. J’ai vu Rose apparaitre dans le conduit et me dire que j’avais un don, dis-je en levant le doigt pour pointer le conduit. Elle voulait pas que je le répète, mais c’est pas grave, de toute façon, ce n’était même pas réel. Je crois que je n’ai pas pris mes médicaments une seule fois de la journée. Pourquoi tu ne m’as pas rappelé de les prendre ?
- T’es enfermer ici pour toute la semaine, peu importe que tu oublies de les prendre, y’a personne à qui tu risquerais de faire du mal. J’ai pas fait attention plus que toi, pour les médicaments.
Finlah alla voir le conduit de plus proche, grimpant sur la chaise qui était toujours devant, puis passa ses doigts à travers la grille. Peut-être qu’il vérifiait si la poussière avait été déplacé, ou si, comme j’en doutait, elle n’avait pas bougé.
- Il faudrait passer le balai dans ses conduits ! dit-il dans un rire. Non, Elwin, personne n’est passé par là depuis un bon bout de temps.
Je hochai la tête ; autant que je m’en doutais, j’étais tout de même déçu. Mais, étrangement, une partie de moi me hurlait que Finlah mentait peut-être. Mais pourquoi me mentirait-il ?
- Je vais aller chercher tes médicaments. Tu restes là, hein ? ajouta-t-il avec un clin d’œil. Je reviens dans dix minutes.
Finlah passa la porte et la referma derrière lui. Sans trop savoir pourquoi, je me précipitai vers la porte et collait mon oreille contre pour entendre, et je ne fus pas déçu :
- Envoyez quelqu’un à la chambre de Rose, et vite. Je crois qu’elle n’y est plus.
Les pas de Finlah s’éloignèrent, jusqu’à ce qu’il soit trop loin pour que je puisse l’entendre. Je sentis mon cœur se mettre à battre plus vite quand je réalisais ; Finlah m’avait vraiment mentis. Rose avait été là, et je l’avais trahi. Mais ensuite, je secouai la tête de gauche à droite ; je n’avais qu’imaginer ce que Finlah venait de dire. Peut-être qu’il disait quelque chose de totalement différent. Peut-être même qu’il n’avait rien dit du tout.
C’était vraiment énervant. Comment faire pour démêler le vrai du faux ? C’était tout simplement impossible. Malgré moi, j’allais à la salle de bain, regardant mon reflet. Mes mèches bleues étaient là, semblant tout à fait réel. Mais qui me les auraient faites ? Bien sûr, mes mèches étaient fausses. J’hallucinais.
Par contre, hallucination ou pas, le bleu m’avait manqué.
- Bleu, je fais comment pour savoir ce qui est vrai ou faux ?
Une lumière attira mon regard, tout près du bain, mais je refusais catégoriquement de regarder. Je fermai les yeux, agrippant le lavabo à deux mains.
- Y’a aucun moyen de savoir, hein ?
- Bleu aucun.
- Bleu... t’existe pas, mais tu m’avais manqué.
- Bleu aussi m’avait bleu manqué.
Mes lèvres se contractèrent dans un sourire, et j’ouvris les yeux à nouveau pour croiser mon reflet. Ça faisait bizarre de me voir sourire.
- Si seulement tout était réelle, se serait déjà bien plus simple. Et si c’était le cas, ce que je voudrais, c’est de partir d’ici. J’en ai marre de vivre comme un chien en cage. Je voudrais que tu m’aides à sortir d’ici. Avec mes amis. Le seul problème... c’est que tout n’est pas réelle. Tu n’existes pas, et j’ai ma place, ici, je suis trop dangereux pour en ressortir.
- C’est bleu pas vrai, dit Bleu en s’avançant de quelque pas. Ton bleu méchant est pas gentil bleu.
- Et qui est le méchant, hein ? Moi ?
- Bleu non. C’est bleu ton tuteur pas bleu. Finlah.
Je levais les yeux vers Bleu ; s’il avait eu des yeux, je suis sûr qu’il me regarderait intensivement, comme pour dire : « quand est-ce que tu vas le comprendre, enfin ?! » en incluant le mot bleu deux ou trois fois dans la phrase.
- En quoi Finlah est méchant, hein ? Finlah est gentil, il m’aide à… à m’aider. Sans lui, je serais peut-être en train de tuer quelqu’un, qui sait ?
- Bleu est pas un bleu tueur ! C’est Bleu moi !
- Non, ça peut pas être toi, t’existe même pas ! T’existe que dans ma tête, et nulle part ailleurs.
Bleu poussa un long soupir d’exaspération. Je détournai encore une fois le regard, baissant la tête vers le lavabo.
- Si t’as plus d’argument, c’est parce que j’ai raison.
- Bleu va aller bleu voir l’autre presque bleu. Plus bleu gentil !
- Attend, quoi ? m’écriais-je en me retournant vers lui. L’autre ? C’est qui, l’autre ?! Je croyais qu’il y avait que moi !
Je sentis mon estomac se contracter, et pas seulement parce que je n’avais pratiquement rien manger de la journée. Peut-être que Bleu n’existait pas, il n’en reste pas moins que, là, s’il voyait quelqu’un d’autre, j’étais atrocement jaloux. Bleu, ce n’était pas seulement lui, c’était moi-même ! Personne d’autre ne devrait être en mesure de le voir.
- Bleu c’est pas un bleu, il bleu est presque bleu ! Seulement bleu presque. Et parce que Bleu moi le veut. Pour bleu sauver Bleu. Parce que Bleu est plus bleu, ou bleu presque plus.
- Je t’accorde un seul mot, dis-je en me retournant vers lui, sentant la colère monter en moi. Qui est l’autre ?
- Simon.
Je figeai, ne sachant plus quoi penser. Moi, jaloux de Simon ? Non, c’était lui qui était jaloux de moi !
Puis, je me rappelai ces visions que j’avais eu... ces hallucinations, quand j’avais vu Simon en voiture avec le psy, et qu’il avait des mèches bleues. Peut-être que tout était dans ma tête, mais ça devenait un peu trop complexe. J’avais beaucoup plus d’imagination que ce que je pensais !
- Simon arrive à te voir ? C’est à cause des mèches qu’il a ? Ce sont des fausses, ou des vrai apparu de nulle part ?
- Des bleu mèches bleues fausse. Il me bleu voit parce que je bleu le veux, c’est tout. Bleu mais y’a que Bleu toi le vrai Bleu, appart Bleu moi.
- Ok, dis-je, sentant la jalousie me quitter alors que je me rendais compte que je n’avais aucune raison de l’être ; j’étais le seul vrai Bleu, et peu importe ce que ça voulait dire. Il fait quoi, Simon ?
- Il bleu viens te bleu sauver.
- Et toi, tu pourrais pas me sauver tout seul ?
- Bleu non, Bleu pas savoir bleu comment, encore.
- Mais savoir comment quoi ? insistais-je.
Un bruit dans la chambre me fit sursauter ; Finlah était revenu avec mes médicaments.
- Elwin ? l’entendis-je depuis l’autre côté.
Je m’empressais de refermer la porte de la salle de bain, même si elle ne se verrouillait pas.
- Je fais pipi ! hurlais-je. Laisse-moi de l’intimité !
Finlah laissa échapper un rire, sans insister. Sauf qu’il allait surement remarquer qu’il n’entendait aucun jet d’eau... je tirais la chasse d’eau, ne sachant plus trop quoi faire pour me donner plus de temps avec Bleu. Je le savais ; dès que j’aurais pris mes médicaments, je ne serais plus en mesure de le voir, encore moins de lui parler.
- Bleu, dis-je tout bas, j’ai rien compris du pourquoi, toi, tu peux pas me faire sortir d’ici. Mais si Simon essaie vraiment de venir me sauver, s’il te plait, fait tout ce que tu peux pour l’aider. Absolument tout. C’est moi, le vrai Bleu, après tout, alors tu m’obéis, à moi. Aide mon frère. Mais... pas de meurtre, hein ?
- Bleu oui !
- Elwin, t’es constipé, ou quoi ? dit Finlah depuis la chambre.
- J’arrive !
Je me retournai une dernière fois pour regarder Bleu, cette grande colonne lumière avec des protubérance en forme de bras, de jambes et de tête. Je n’avais pas réalisé avant de le revoir à quel point il m’avait manqué.
- Vas aider mon frère, dis-je, incapable de m’empêcher de sourire. Reste avec lui.
Bleu disparût aussitôt, puis, avec un soupire, retournai à la réalité, où Finlah attendait patiemment que je finisse de pisser pour prendre mes médicaments. Arrivé devant lui, toute trace de joie disparût de mon visage, je tendis la main, mais il ne me donna rien.
- Tu t’es laver les mains, j’espère ?
- Oui.
- J’ai pas entendu l’eau.
- J’ai... oui, je me suis lavé les mains.
- Tu sais pas mentir, Elwin. C’est pour ça que je t’aime bien. Allez, vas laver tes mains !
Dans une grimace, je retournai à la salle de bain pour me laver les mains et, en même temps, regarder mon reflet. Mes mèches, surtout. Elles aussi, elles disparaitront dès que j’aurais pris mes médicaments. Je n’étais pas du genre à accorder trop d’importance à mon physique, disons seulement que je n’aimais pas avoir l’air négligé. Mais depuis que j’étais ici, qui faisait, je sais pas, deux mois ? Je n’avais jamais seulement prit la peine de me passer un coup de brosse dans les cheveux. J’étais tellement dépeigné que le bleu donnait illusion à de la moisissure. Sous ses conditions, peut-être que je serais mieux de les laisser disparaitre. Mais le bleu allait tout de même me manquer. Le bleu était de loin ma couleur préférée, et ce n’était pas pour rien.
Retour encore une fois à Finlah, je tendis la main et, cette fois, me donna un minuscule pot transparent où il y avait cinq pilules ; une petite bleu, deux blanches, une grosse jaune et transparente, et, la pire, une minuscule verte pâle. La verte, elle se dégradait toujours avant que j’aille le temps de l’avaler, et le gout me restait à la gorge. Pendant un temps, je les avalais une à la fois, j’avais vite abandonné. Je pris une grande inspiration, puis mit toute les pilules d’un coup dans ma bouche, puis avala quelque gorgé du verre d’eau que me tendait Finlah.
- Beurk, ne pus-je m’empêcher de dire, comme à chaque fois.
Avec un frisson, je pris encore quelque gorgé d’eau, puis tendis le verre à Finlah. J’allais m’asseoir sur le lit, sachant que ma tête allait certainement se mettre à me tourner un peu. Finlah sortie de la pièce, ferma la lumière derrière lui. Je me glissais sous les couvertures, puis m’endormie presque aussitôt, ayant déjà oublié que j’avais trahi Rose, et discuté avec Bleu. De toute façon, je les avais toutes les deux imaginés.
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