Chapitre 11

À contrecœur, j'appelais Bleu. J'avais besoin d'un espion, tout particulièrement de quelqu'un qui ne pouvait ni se faire voir ni se faire entendre.

- Faudrait pas amener la reine avec nous ? demanda Sushi.

- Non, moins on est nombreux, moins on risque de se faire prendre. Et puis se serait trop long. Bleu, vas faire un tour et dit-moi si y'a des gens dans le corridor.

- Bleu oui chef bleu !

Bleu disparu aussitôt, me laissant seul avec Sushi. Bleu revint à peine trois secondes plus tard, apparaissant directement devant moi, me forçant à reculer d'un pas.

- Y'a bleu personne.

- Y'a personne, répétais-je pour Sushi qui n'avait pas pu l'entendre. Maintenant, Bleu, ouvre la porte. Doucement, hein, faudrait pas casser la poignée.

Bleu obéi aussitôt, et la porte s'ouvrit pour nous laisser libres d'aller où nous le souhaitions. Pour la première fois depuis très longtemps, j'étais réellement joyeux.

- C'est trop cool, dit Sushi, t'a un ami imaginaire, et il est même pas imaginaire. Il reste toujours que t'es le seul à le voir. C'est quoi, alors ? Un ami imaginaire-pas-vraiment-imaginaire-qui-vient-pas-de-ton-imagination-même-si-t'es-le-seul-a-le-voir ?

- Plutôt long comme titre, ricanais-je. Appelons-le simplement « mon ami bleu ».

- Il est bleu ?

- Totalement bleu.

Puis, avec une inspiration pour se donner un peu de courage, Sushi et moi, suivis par Bleu, avancèrent dans le corridor. Nous fîmes trois pas, puis Bleu referma la porte de la chambre de Sushi, et nous ne vîmes plus rien, sans aucune lumière.

- Ça commence bien, dit Sushi en riant.

- Bleu, passe devant, soupirais-je. Au moins, moi, je te vois, et tu fais de la lumière. Tu peux nous guider.

- Pour bleu emmener bleu où ?

- N'importe où, on explore. Sushi, je vais te guider, moi.

- On se prend la main ?

- Oh, laisse tomber.

Sushi baissa la tête en poussant un soupire de tristesse. Avec un grognement, je lui pris la main et l'entrainait avec Bleu et moi dans les corridors. En deux jours, mon endurance était revenue presque à la normale. Mais il faisait tout de même plus d'un mois que je n'avais pas fait de sport, alors qu'avant, je faisais toujours au moins du vélo quatre fois par semaine.

Les corridors étaient totalement vides, sans lumière, sans garde, sans décoration sur les murs. C'était un endroit de pure tristesse. Toutes les portes étaient identiques, autres que les numéros plaqués dessus pour les différencier. Je me maudissais pour ne pas avoir vérifié le numéro de la porte de Sushi, j'avais peur de ne pas pouvoir la retrouver, mais nous n'étions pas si loin que ça, et je voyais le numéro douze sur une porte. Malgré tout, j'avais peur. Si nous nous faisions prendre, nous étions fichus.

- Bleu ici ! s'exclama Bleu au bout d'un moment. C'est pas des bleu chambres.

Bleu pointa une porte à sa droite, puis s'arrêta totalement de bouger, attendant que je lui dise quoi faire.

- Y'a quelque chose derrière cette porte, dis-je à Sushi. Ouvre-là, Bleu.

Bleu ouvrit la porte et y entra en premier. Je le suivis, entrainant Sushi qui me tenait toujours par la main.

- J'y vois rien ! râla Sushi en trainant les pieds. Je veux de la lumière ! C'est pas juste qui a que toi qui y voit quelque chose.

- Eh bien, si tu veux savoir, on est dans un bureau, et... aïe, lâche-moi !

Je m'écartai d'un bon de Sushi, qui baissa la tête et marmonna un petit désolé. Je m'approchai de Bleu pour bien voir à sa lumière ; Sushi m'avait brulé la main.

- Je voulais essayer de faire de la lumière...

- T'as deux mains, fais-le avec celle que je tenais pas !

- J'avais oublié que tu me tenais la main.

- T'as de la chance que je sais que t'ai totalement drogué, sinon...

J'abandonnais Sushi et m'aventurais dans le bureau. Il y avait plein de classeurs partout. J'en ouvris un au hasard et vis des diviseurs en ordre alphabétique, allant de L à O. Je le refermai et allai vers le tout premier classeur de long du mur. Celui-là allait de A à C. Je commençais par le milieu, où je trouvais le B, et continuais vers le Ba, Bam, Bel, Bom, Bow... Bowan. Je le retirais du classeur et lue le nom :

- Elwin Bowan. C'est moi !

- Et moi, c'est Sushi, dit Sushi dans son coin.

- Bleu est Bleu !

Je les ignorai et m'appuyai contre le classeur pour lire la première page. C'était basique, disant mon nom, mon âge, mon niveau scolaire – pas de quoi se vanter -, ma famille – voir le nom de mon frère sur ce papier me pinça le cœur -, même le nom de mon chien. Un peu plus bas, il y avait les notes de mon psy, disant dépressif et schizophrène. Ce dernier était barré d'un trait, comme quoi il était prouvé après coup que je ne l'étais pas. J'en étais assez heureux. Puis, tout au bas de la page, il y avait les notes sur Suzie et Jimmy. Je préférais ne pas lire et passer directement à la deuxième page. L'écriture était différente. Il était écrit, dans un paragraphe : « jour 1-7 ; en voyage. Jour 8 ; réveille. »

- Hein ?

- Quoi ? dit Sushi, qui s'était assis au sol, tête haute et yeux fermé comme s'il priait Bouddha.

- Ça dit que j'ai été « en voyage » pendant septs jour. On m'avait dit que ce n'était qu'à deux heures de route d'où j'étais avant...

- J'ai aucune idée de quoi tu parles.

- C'est surement parce que tu avais raison, quand tu disais qu'on était dans un quelconque pays d'Asie. On est, pour sûr, à sept jours de distance du Canada.

- T'es Canadien ? Je croyais que t'étais Américain.

Je soupirais en levant les yeux au ciel, puis continuai ma lecture, penché vers Bleu pour profiter de sa lumière. Toujours au jour huit : « crois être au Canada. Crois qu'il y a la guerre. Ne supporte pas bien la gravité. » Il n'y avait rien d'écrit au jour neuf. Au jour dix, c'était écrit : « commence à douter. Commencer la médication demain. » Il n'y avait rien d'autre. Je remis le dossier dans le classeur, à la bonne place, puis allai m'asseoir près de Sushi.

- T'avais raison, on n'est pas au Canada, soupirais-je.

- Je sais.

- Apparemment, y'a pas de guerre non plus.

- Je savais même pas qu'il était censé en avoir une.

- Et ce pour quoi je me sentais pas bien... c'était... la gravité ?

- Je sais pas.

- C'est quoi, ton nom ? Je veux voir ton dossier.

- Sushi.

- Ton vrai nom.

- Suzaku Murakami.

- Très japonais.

- Merci.

Je me relevais pour trouver son dossier. Je le trouvais rapidement, dans le classeur L à O que j'avais déjà vu plus tôt. Je sautais la première page, pas vraiment intéressé par sa vie personnelle, et allais à la deuxième. Apparemment, son voyage s'était fait en neuf jours. « Crois être au Japon ».

- On est peut-être loin du Canada, mais on est encore plus loin du Japon.

Par simple curiosité, j'allai à la toute dernière page du dossier, qui était plutôt épais. Je manquai de m'étrangler en voyant le dernier chiffre : « jour 3045 ».

- Merde, t'es ici depuis très, très longtemps.

- Où j'ai appris l'anglais, d'après toi ?

Je haussai les épaules, ramassai le dossier et retournai m'asseoir près de lui.

- Si ça te dérange pas, je vais continuer à t'appeler Sushi. J'ai déjà oublié ton prénom.

- Pas de problème.

- Alors, Sushi, on est dans la merde.

- BLEU BLEU BLEUUU !

-Quoi ?! m'écriais-je en sursautant de peur.

- Y'a des bleu gens pas bleu dehors bleu qui viennent vers bleu nous ici !

- Qu'est-ce qui a ? demanda Sushi.

- Comme je viens de dire. On est vraiment dans la merde.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top