Ayant retrouvé ma motivation, je compris que si je voulais réussir, il fallait vraiment que je m’y mette ! Je ne devais pas me laisser démoraliser de la sorte ! Kaito et Meiko étaient deux maillons importants de notre groupe, et jamais sans doute nous ne pourrons combler ce vide, et même si mes amis sont la chose la plus importante à mes yeux, que je ne pourrais jamais les abandonner, la survie de l’Humanité est entre mes mains ! Si je ne la sauve pas et que je me laisse abattre par la perte de mes amis, jamais nous ne pourrons vivre en paix. Ça me fait de la peine de le dire, mais Kaito et Meiko m’ont trahie, nous ont trahis. Cependant, il y a encore une chance, aussi infime soit-elle de sauver le monde pour que nous autres, restés avec moi ou au village, comptant sur moi pour ramener la Vie dans le monde, pourront y vivre paisiblement ! Tout. Ira. Bien. Kaito ne cessait de dire cela…
 
« Tant qu’on y croit, tout est possible ! » Cette fois, je veux vraiment que les paroles de Meiko soient vraies. Jusqu’ici cela s’était toujours avéré juste, pourquoi pas cette fois ? Ça devait marcher.
Je sauverai le monde, pour la survie de tous mes amis et ceux qui comptent sur moi, pour rétablir le Monde !
 
Je me mis à courir pour atteindre la porte avant iA, si son objectif était de me subtiliser à son tour le don. Cependant, lors de ma course, quelque chose m’inquiétait. J’aurais déjà dû avoir rattrapé la boulangère. S’était-elle aussi mise à courir ?
Puis, quelques mètres plus loin, je vis… la porte de la salle des dons, ouverte, la lumière en sortant se reflétant sur les murs et le sol, l’ombre d’iA visible sur ces-derniers.

Arrivant devant la porte où était inscrit au sol « Grace du Soleil », mes amis, qui m’avaient suivie dans ma course purent tous voir iA s’avancer élégamment vers le don qui brillait d’une magnifique couleur dorée. Ayant probablement remarqué notre présence, iA se retourna vers nous, son visage illuminé par un sourire hautain et satisfait alors qu’un fin rire glissait d’entre ses lèvres. Un rire à la fois triste, fou, rempli de peur. Tendant sa main vers le pouvoir qui était censé m’être destiné, iA ne nous quitta pas des yeux, et, voyant son regard passer d’abord par moi, je ne pus m’empêcher de me sentir écrasée par son regard hautain et pourtant tant rempli de tristesse et détermination.
Son regard glissant sur la gauche, je compris qu’elle regardait Mayu, sa sœur. Celle-ci serrait les poings tellement forts que je crus qu’elle allait se faire saigner. La rage, frustration et envie brûlant dans ses yeux, Mayu s’enfuit en direction de la prochaine porte alors que celle où se trouvait iA ne s’était même pas fermée.
Je la vis d’ailleurs suivre sa petite sœur du regard, la regardant tristement, son sourire envolé. Puis, baissant le regard un instant, elle saisit fermement le don sans même que je n’ai pu lui dire quoique ce soit. La dernière chose que je vis fut de nouveau son sourire et sa main nous saluant.
 
Comme s’ils étaient connectés ensemble, la porte se ferma violement suite au geste d’iA. Brassant de l’air dans sa fermeture, m’envoyant tout dans la tête, faisant ainsi jeter mes cheveux en arrière, un frisson me parcourut. Frisson de peur, de colère ou encore à cause du courant d’air ? Je ne sais pas, mais ce que je sais est que mon cœur me faisait horriblement mal et que la boule dans ma gorge n’était pas prête de partir. Baissant ainsi pitoyablement la tête, je serrais les poings. Donc, encore un de mes amis qui venait de nous abandonner.
 
"Miku…" commença Len.
 
Relevant la tête, je me mis également à courir en direction du prochain don. Je ne pouvais pas le laisser m’échapper ! Mais tout comme pour iA, je ne pus voir Mayu lors de ma course.
Alors que j’arrivais en face de la plaque où « Obscurité pacifique » était inscrit, je remarquais que la porte n’était même pas ouverte. N’ayant pas vu Mayu jusqu’ici, je suppose que… encore une fois, le don m’a échappé.
Entendant les bruits de pas des autres, je me contentais de baisser de nouveau la tête. 
 
Et ainsi, on ne revit plus jamais Mayu.
 
Ne suis-je pas censée être l‘élue ? Le « Messie » ? La seule ayant le pouvoir de sauver le monde ? Pourquoi tout le monde m’abandonnait comme ça ? Me trahissait ? Comme s’il me hurlait en plein visage « Ne sois pas stupide, tu n’y arriveras pas ! Laisse-nous faire ! Tu n’es pas assez forte pour cela ! ».
Voulaient-ils la mort de ce monde, de l’Humanité ? Voulaient-ils sauver eux-mêmes le monde pour récolter toute la gloire ? Est-ce l’avidité qui les pousse à faire cela ? Sont-ils possédés par l’Envie ? Ont-ils toujours été avec moi car ce sont mes amis ou… pour d’autres raisons ?
Dieu a-t-il choisi la bonne personne pour être la sauveuse du monde ? Dois-je… couper nos liens pour mener à bien ma mission ? Me faire au fait que mes supposés amis ne sont en fait pas si bons que ça ? Que quatre d’entre eux m’ont abandonnée en moins d’une heure ?
 
Ma vue se brouillant et mes jambes commençant à trembler, ne pouvant plus me retenir, je m’écroulais misérablement au sol, me blessant les genoux alors que des larmes dévalaient mes joues. C’est donc tout ce que représentait notre amitié pour eux ? Ils ne faisaient que se servir de moi ? Ils étaient tous… hypocrites ?
 
Une main se posa sur mon épaule, me faisant sursauter. Derrière moi ne se trouvaient plus que Rin et Len.
 
"Allons-y…" dit simplement Len en faisant un léger signe de tête pour montrer la direction du prochain don tout en m’offrant un sourire réconfortant.
 
Oui… Je ne dois pas perdre confiance en eux tous. Peut-être voulaient-ils me protéger de ces pouvoirs trop puissants qui pourraient me détruire ! Oui, ça devait sûrement être ça ! Ça devait être ça ! Mes amis ne sont pas mauvais et je le sais ! Len, lui, par exemple, sera toujours là pour moi ! Il m’aidait d’ailleurs à me relever, alors que je le remerciais et essayait de lui sourire.
Mais Rin…  Rin regardait le sol et semblait être en pleine réflexion… ne me dites pas que… qu’elle planifie elle aussi de voler un don ? Non, non, pas toi aussi ! Puis Len… Len semble aussi plongé dans une réflexion intense… Non… Ne puis-je donc faire confiance à personne ? Suis-je donc à présent… seule ?
 
Rin commença à s’en aller. Trainant des pieds, je la suivis sans grande conviction, Len marchant à mes côtés alors que je les larmes obstruant ma vue étaient toujours présentes. Len, qui semblait l’avoir remarqué me prit dans ses bas, et je me laissais faire bien qu’un peu réticente.
J’espère que toi, au moins, tu resteras avec moi.
 
"J’ai demandé aux autres de nous attendre en haut de l’escalier." Débuta la voix de Rin, beaucoup moins joviale que d’habitude.
 
"Mais vont-ils réellement nous attendre ?"
 
Seul le silence me répondit alors que je sentis Len se crisper.
Observant Rin marcher, sa démarche semblait montrer qu’elle avait pris un choix et qu’elle était déterminée à suivre cette voie.