Chapitre 2 - Une bonne droite
Oikawa resta ainsi deux jours chez lui avant de pouvoir revenir au lycée. Sa mère, bien que soucieuse de sa scolarité, avait préféré qu'il reste au repos afin de reprendre des forces. Elle n'avait pas tout à fait tort sa mère. Depuis l'accident, comme il aimait l'appeler, il n'avait plus été lui-même, s'enfermant dans un mutisme qu'on ne lui connaissait pas souvent. Il demeurait là, assis face à sa fenêtre, regardant le temps qu'il faisait dehors. Etonnamment, personne n'avait cherché à le contacter, pas même Iwaizumi qui s'était bien gardé de venir chez lui pour lui donner les devoirs.
Finalement, ce n'était pas l'entorse qu'il avait à la cheville qui le faisait le plus souffrir, mais plutôt cette douleur sourde au fond de lui car il se sentait abandonné à son triste sort. Pourtant, Oikawa n'était pas du genre à broyer du noir, justement, on le savait d'une nature plutôt optimiste. Mais, quand on a l'impression que le sol se dérobe sous nos pieds et que l'avenir désiré semble disparaître peu à peu, il ne reste plus rien à quoi se raccrocher.
La veille de la reprise, il se coucha particulièrement tôt, espérant se sentir en forme pour retourner au lycée. Heureusement qu'il ne vivait pas loin car le chemin à pied, en béquille, risquait d'être difficile. Longtemps, il chercha à trouver le sommeil sans y parvenir. Il avait même fini par prendre son téléphone et regardait une vieille photo qu'il avait faite avec Iwaizumi. Il était tous deux en tenue, un grand sourire affiché sur les lèvres d'Oikawa alors que son ami, lui, demeurait plutôt réservé, comme à son habitude. Un soupir passa ses lèvres : il savait maintenant pourquoi il n'arrivait pas à dormir. Il avait peur de le revoir. Jamais il n'y avait eu un tel silence radio entre les deux jeunes hommes et savoir qu'il allait le croiser le lendemain le rendait anxieux. Pas qu'il s'inquiétait de la réaction du pointu non. C'était en réalité la sienne qui l'effrayait. Oikawa ne supportait pas de se sentir délaissé et, là, clairement, Iwaizumi avait décidé de le laisser tout seul. Et Oikawa n'était pas du genre à pardonner facilement. C'était d'ailleurs un de ses pires défauts.
Lorsque le réveil sonna sept heures, le jeune homme eut la sensation qu'il n'avait dormi que quelques minutes à peine. Bougonnant, il se leva néanmoins et se prépara pour aller en cours. Sa mère, espérant lui rendre le sourire, lui avait fait un petit déjeuner digne d'un roi et lui avait même promis de l'amener au lycée afin qu'il ne se fatigue pas trop pour ce premier jour. Il ne pouvait pas résister aux attentions de sa mère, il la remercia et lui sourit tendrement. Que ferait-il sans elle ? Cette femme prenait tellement soin de lui, il s'en voulait de la rendre triste alors que tout était de sa faute en réalité. S'il avait réfléchi avant de plonger, il ne se serait sans doute pas blessé. Le trajet en voiture fut heureusement plus agréable que celui fait deux jours auparavant : il tachait de parler de tout et de rien, remettant un moment le masque qui s'était brisé quelques jours avant pour qu'elle ne se rende compte de rien.
Au lycée Aoba Jôsai, tout le monde l'attendait de pied ferme. A peine fut-il sorti de voiture que déjà l'équipe de Volley Ball l'entourait et lui proposait de l'aider. Les filles le regardaient les yeux larmoyants. C'était tellement excessifs que c'en était pathétique : il ne put s'empêcher de soupirer d'un air désespéré. Revoir ses amis lui faisait plaisir mais il vit bien que son vice-capitaine n'était pas là. Il s'était planqué. Oikawa sentit une bouffée de rage le prendre : Il serra les poings à s'en blanchir les phalanges pour se calmer.
« Merci tout le monde, mais ne vous en faites pas pour moi, ma salle de cours est au rez-de-chaussée, je ne risque rien, je peux me débrouiller tout seul vous savez ! »
Ce sourire. Ce beau sourire qu'il affichait était tellement faux qu'il s'en voulut. Le masque avait lentement repris sa place et les fendillements présents quelques jours auparavant s'étaient comblés. C'était fou comme chacun s'en contentait et ne cherchait jamais à voir au-delà des apparences. Cela, Oikawa l'avait bien compris depuis des années et c'était grâce à cette constatation justement qu'il s'était forgé une forteresse imprenable, devenant le Grand Roi que tout le monde craignait.
Arrivé en classe, il s'assit à sa place et sortit ses affaires. Tous chuchotaient en l'observant de loin mais personne n'était venu le voir. Lui, ne se souciait déjà plus de personne et regardait dehors, comme il avait pris l'habitude de le faire chez lui. Les cerisiers seraient bientôt en fleur : c'était sa période de l'année préférée. Il avait toujours trouvé que c'était le moment idéal pour avouer ses sentiments à quelqu'un. La cloche venait de sonner, les derniers élèves étaient rentrés en classe. C'est à ce moment précis qu'il arriva. Ses cheveux étaient ébouriffés et ses joues rouges : il était sans doute parti de chez lui un peu tard comme cela lui arrivait souvent. Iwaizumi s'installa à côté de lui, comme d'habitude, mais sans lui accorder un regard ni même lui dire un mot. C'était donc la stratégie qu'il avait décidé d'adopter ? Très bien. Oikawa se renfrogna encore plus et n'échangea pas un mot avec son ami, se mettant immédiatement au travail comme si de rien n'était.
Mais voilà, cette situation, ce n'était pas rien. Au fond de lui, il bouillonnait de rage. Comment avait-il pu décider de l'ignorer ainsi, lui, son meilleur ami, la personne avec qui il avait passé toute son enfance et avec qui il terminait son adolescence ? Comment pouvait-il être aussi lâche ?
La cloche finit par sonner et les élèves, pour la plupart, sortirent prendre l'air. Iwaizumi le premier. Sans lui dire un mot, ni lui accorder un regard. Oikawa serra les poings et se mordit la lèvre de toutes ses forces. Mais bon sang, de quoi avait-il peur ? Qu'est-ce qui lui arrivait ? Alors qu'il s'apprêtait à se lever, il fut alpagué par tout un groupe de jeunes filles de Terminale qui l'empêchèrent d'aller le voir pour avoir, enfin, une explication. Et la journée se passa ainsi. Oikawa n'eut pas une minute à lui car tout le monde s'était donné le mot afin qu'il ne soit pas seul. Toutefois, personne ne s'était rendu compte que quand un seul être vous manque, toute la Terre est dépeuplée. Sans Iwaizumi, le monde de Tooru Oikawa tournait quand même bien moins. Sans Iwaizumi, Oikawa avait l'impression de n'être qu'un demi comme si une part de lui-même lui était retiré. Tout cela à cause d'une cheville invalide. Il n'avait même pas cherché à prendre de ses nouvelles, il n'avait même pas cherché à savoir comment son meilleur ami allait, et cela me mettait dans une rage folle.
Le soir-même, lorsque sa mère vint le chercher, Oikawa rentra sans même passer par le club de Volley. Si Iwaizumi avait décidé de le punir et bien soit, mais lui se promettait de se venger sur l'intégralité du club. A peine fut-il arrivé chez lui, que sa mère le prévint qu'il avait une visite. Le capitaine de l'équipe était allongé dans son jardin, sur l'herbe, il regardait le ciel, espérant s'y noyer une bonne fois pour toute.
« C'est bien ce que je me disais. Je m'attendais à te voir au fond du gouffre. C'est tout à fait ton style. »
Cette voix. S'il s'était, un jour, attendu à entendre cette voix chez lui...
« Qu'est-ce que tu veux Noya chan ? »
Il n'avait jamais été forcément en bon terme avec Nishinoya et ce particulièrement depuis la défaite infligée en collège et celle des championnats inter lycées. Pourquoi était-il donc là, chez lui, comme s'ils étaient amis ?
« Je me demandais comment allait le Grand Roi et je voulais m'assurer qu'il était encore debout. »
Le libéro de Karasuno s'assit sur l'herbe à son tour, observant un point fixe au loin avant de plonger son regard déterminé dans celui d'Oikawa.
« Je me demandais si tu serais lâche au point d'abandonner. »
Abandonner ? Ce mot éveilla en lui une rage incontrôlable et, avant même qu'il ne s'en rende compte, il s'était relevé et s'était mis sur le libéro, le tenant par le col de sa chemise, prêt à le frapper, lui qui avait toujours été contre la violence.
« Qu'est-ce que tu viens de dire ? Je t'interdis de dire que je suis lâche et que j'ai l'intention d'abandonner car ce n'est pas vrai ! Tu m'entends ?! »
En l'espace de quelques secondes, toute la colère engrangée depuis des jours et gardée au fond de lui venait de sortir. Oikawa était méconnaissable : son visage était déformé par la rage qui le consumait de l'intérieur.
« Et bien vas-y, frappe-moi. Qu'est-ce que tu attends ? Tu sembles en avoir tellement envie. »
Mais au fond, il savait bien que ce n'était pas après Nishinoya qu'il en avait. Il s'en voulait. Il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même pour cette situation qui dérapait et qu'il ne parvenait plus à maîtriser. Doucement, il relâcha son étreinte et se rassit sans dire un mot, les poings serrés, les yeux brillants.
« Je n'ai pas l'intention d'abandonner. Je me battrais jusqu'au bout et...Une fois de plus, on vous fera mordre la poussière. Je te le promets. Je resterais ton rival quoiqu'il arrive Noya-chan. »
Il sentit que le petit s'était mis à sourire en entendant ces paroles. Lentement, il laissa sa tête rouler contre l'épaule du plus jeune et ne dit plus rien, appréciant ce contact qui apaisait sa douleur.
« Tout ne s'est pas passé comme tu l'espérais hein ? »
« Non pas vraiment...c'est...compliqué, répondit-il dans un souffle alors qu'une larme roulait lentement sur sa joue. Moi qui me croyais si fort et si inaccessible... je fais peine à voir. »
« A ta place, tout le monde ferait peine à voir tu sais. Je voulais juste être sûr que ta rage de vaincre ne s'était pas enfuie en courant. Que t'as dit le médecin ? »
Le libéro était bien le seul à s'en être soucié depuis le début. Personne, de la journée, n'avait osé lui poser la question fatidique, craignant sans doute la réponse qu'il allait donner. Pourquoi ce garçon était-il si gentil avec lui alors que jusqu'à présent, Oikawa avait toujours pris un malin plaisir à le rabaisser pour la simple et bonne raison qu'il était ami avec Tobio ?
« Trois semaines sans Volley. Ce n'est qu'une grosse entorse, je dois me reposer. Me reposer...Comme si c'était dans ma nature de le faire. »
« Dans ta nature ou pas Oikawa kun, tu n'as pas le choix. Alors tu as intérêt à le faire car j'ai bien l'intention de t'affronter au prochain tournoi inter lycées. Alors ne me déçois pas. »
Nishinoya s'était poussé doucement et avait pris le visage du passeur entre ses mains, le forçant à le regarder droit dans les yeux. Jamais il ne s'était rendu compte combien les prunelles du libéro brillaient d'une couleur si intense. Il aurait pu s'y noyer, aussi facilement que dans le ciel, tellement, grâce à lui, l'espace d'un instant, il avait pu oublier tous ses problèmes. Iwaizumi, sa frustration, sa tristesse, tout cela lui semblait si loin. S'il n'était pas capable de se porter lui-même, il commençait à comprendre que le petit joueur de Karasuno l'aiderait et ne le laisserait pas tomber. Il avait vu derrière le masque et visiblement comptait bien l'obliger à s'en débarrasser au plus vite.
« Et concernant ta peine de cœur... Je te conseille de parler avec lui. Ou de lui mettre une droite, au choix. Dans les deux cas, ça devrait débloquer la situation je suppose. Et cesse de te cacher derrière un sourire idiot. Il faut que tu te montres tel que tu es vraiment et pas tel que tu voudrais qu'on te voie. »
Il lâcha finalement son visage, se leva, lui adressa un signe de la main et partit de chez lui. A côté d'Oikawa se trouvait un numéro de téléphone : c'était sans doute le sien. Tooru Oikawa qui, généralement, se montrait égocentrique au possible, sentit en lui une vague de gratitude qui le réchauffa doucement. Heureusement que Nishinoya avait été là ce soir.
Le lendemain, c'est le cœur léger qu'Oikawa se leva pour aller en cours. Il avait demandé à sa mère d'y aller à pied car il ne souhaitait pas la déranger davantage. De plus, il avait bien l'intention de faire travailler ses bras avec les béquilles. Il ne pouvait pas suivre le même entraînement que les autres et bien ce n'était pas grave, il créerait les siens. Grâce à Nishinoya, sa rage s'était réorientée vers quelque chose de plus sain : il voulait se remettre en forme au plus vite afin de pouvoir montrer au petit libéro de quel bois il se chauffait.
Encore une fois, Iwaizumi avait fait exprès d'arriver juste au moment de la sonnerie afin que le capitaine de l'équipe ne puisse pas le croiser. Mais Oikawa n'avait pas l'intention d'abandonner pour autant. Il devait lui parler. Tout du moins il espérait pouvoir le faire. Il ne pouvait pas rester en colère éternellement. Et puis, en colère pour quoi ? Ils se faisaient la tête mutuellement sans trop en connaître la raison. Il était grand temps que tous deux se comportent comme des adultes et tachent d'avoir une discussion, une vrai discussion, et non pas des regards qui se fuyaient sans cesse.
La cloche sonna midi. La majorité des étudiants était sortie de classe car dehors, le soleil était au rendez-vous, réchauffant doucement les élèves qui se délassaient enfin d'un hiver bien rigoureux. Oikawa, de son côté, était resté en classe et avait incité, tous ceux qui voulaient se joindre à lui, à faire un tour dehors. Bien entendu, Iwaizumi était sorti, et cela, il s'y attendait. Le jeune homme, ayant terminé de manger, finit par se lever pour s'asseoir dans le couloir baigné de lumière. Tous les élèves de Terminale avaient pris l'habitude de manger à l'extérieur afin d'éviter les bruits des plus jeunes et surtout pour passer un moment ensemble. Le rez-de-chaussée était donc vide. Ses yeux étaient clos ; c'était agréable de se ressourcer ainsi après avoir déjeuné.
Toutefois, des pas attirèrent son attention. Iwaizumi venait de passer devant lui sans même lui accorder un regard.
« Hey, j'aimerais qu'on parle. »
Son ami ne prit même pas la peine de se retourner. Il le vit uniquement baisser légèrement la tête et serrer les poings. Mais qu'est-ce qui n'allait pas avec lui ?
« Je n'ai pas envie de parler. »
Oikawa se leva aussi rapidement qu'il le pouvait et lui mit un coup de béquille dans le dos afin de le faire réagir. Nishinoya avait dit de lui mettre une droite. Etant dans l'impossibilité de le faire, il se servait d'un autre moyen pour attirer son attention. Iwaizumi, excédé, se tourna vers son capitaine et le poussa violemment contre le mur. Mais celui-ci ne se laissa pas démonter et lui asséna un coup au visage. En quelques secondes, ils étaient tous les deux par terre en train de se battre comme des chiffonniers. Toute la rage accumulée depuis des jours se libérait peu à peu. Malgré toute la force qu'Oikawa avait mise dans ses coups, c'est Iwaizumi qui prit rapidement le dessus et se retrouva sur le jeune homme, prêt à lui en décocher un dernier.
« Vas-y. Ne te gêne pas. Tu n'attends que ça depuis quelques jours j'ai l'impression...non ? »
Le passeur saignait à la lèvre et un bleu commençait déjà à se former sur sa tempe gauche. Il faisait peine à voir, allongé au sol, Iwaizumi sur lui, le regard obscurci par la colère. Le jeune homme se recula et Oikawa sentit dans son regard de l'incompréhension et une tristesse infinie. Mais que lui était-il arrivé dernièrement ? Le passeur lui attrapa doucement le poignet, espérant l'empêcher de le frapper à nouveau.
« J'ai besoin de comprendre. Explique-moi... S'il te plait Iwa chan. »
Iwaizumi se défit brutalement de son étreinte et essaya de partir. Mais son ami, qui ne l'entendait pas de cette oreille, avait réussi à lui attraper la cheville alors qu'il s'apprêtait à partir.
« Si j'ai fait quelque chose de mal... Je te prie de m'excuser... »
Jamais Oikawa n'avait été dans une telle position de faiblesse. Il était allongé au sol, devant son vice capitaine, lui serrant sa cheville comme une bouée de sauvetage, le suppliant de s'expliquer, le visage couvert d'ecchymoses. Comment la situation avait-elle pu déraper à ce point ? Sa voix était implorante, ses yeux demeuraient baissés, n'osant affronter le regard haineux de celui qui était, encore quelques jours auparavant, son meilleur ami.
« Je t'en prie... »
Mais déjà le jeune homme s'éloignait et le laissait seul, au milieu du couloir, les larmes coulant le long de ses joues. Quand un être vous manque, toute la Terre est dépeuplée. Sans Iwaizumi, Oikawa Tooru n'était pas que demi, il n'était tout simplement plus rien.
La sonnerie annonçant la fin de la pause de midi le fit se relever tant bien que mal. Le jeune homme n'alla cependant pas en cours. Il se rendit à l'infirmerie et attendit que sa mère vienne le chercher pour rentrer chez lui. Elle ne lui demanda pas les raisons de ses bleus au visage mais il sentit dans ses yeux qu'elle s'inquiétait énormément pour son fils.
Le passeur alla immédiatement s'allonger dans son lit et ne bougea pas de l'après-midi. Ce n'est que vers vingt heures qu'il regarda son téléphone et vit que Nishinoya avait essayé de l'appeler. Il rappela le numéro, se demandant bien pourquoi il le faisait d'ailleurs.
« Allô, Oikawa kun c'est toi ? »
« Oui. Je n'aurais pas dû t'écouter. C'est encore pire maintenant. »
Sa voix s'était brisée en disant ces derniers mots. Sans attendre, il reçut une notification : le libéro voulait un appel en visioconférence. Il put alors voir l'étendu des dégâts sur son visage.
« Mais bon sang, qui t'as fait ça ? Qu'est-ce qu'il vous est passé par la tête... » S'exclama-t-il.
Le capitaine d'Aoba Jôsai pouvait voir toute l'inquiétude du monde dans son regard. Un sourire triste se dessina alors sur ses lèvres : « Ne t'en fais pas pour moi. Je crois que sa réponse était assez claire. Il ne veut plus m'adresser la parole. Je sais aujourd'hui que mon meilleur ami préfère me tourner le dos. »
Sentant que des larmes amères allaient encore venir brûler le coin de ses yeux, il coupa la visioconférence. Il en avait assez de passer pour une loque. Il voulait se montrer plus fort. Mais il n'était fort que quand Iwaizumi était là. Sans lui, il avait la sensation de n'être qu'un fétu de paille bringuebalé par le vent.
« Il ne tourne pas rond ce type... Je vais lui parler, je te le promets. »
« Non laisse. C'est inutile. Je suis grand, je dois gérer mes problèmes tout seul. Tu es plus jeune que moi, je n'ai pas à t'ennuyer avec des peines de cœur aussi débiles. Bonne soirée. »
Oikawa ne lui laissa pas le temps de finir sa phrase et coupa l'appel. Il ne servait à rien de se morfondre et cela le mettait particulièrement mal à l'aise de se confier à un jeune homme qu'il ne connaissait pas bien et qui plus est était son cadet. Le passeur ferma les yeux, essayant de regagner son calme grâce à des techniques de méditations qu'on lui avait apprises quelques années plus tôt. Il sentait que peu à peu, les battements de son cœur se faisaient plus réguliers et que le calme était revenu en lui.
Des coups à la porte lui firent toutefois ouvrir les yeux. Oikawa s'assit sur son lit et frissonna en tombant nez à nez avec Iwaizumi.
« Que fais-tu ici ? Je croyais que tu ne voulais pas me parler ? A moins que tu préfères me cogner encore peut-être ? Je suis étonné que ma mère t'ait laissé entrer... »
« Elle ne le voulait pas au début. Mais j'ai réussi à la convaincre. »
En effet, le pointu avait des hématomes sur le visage et sa lèvre, elle aussi, était légèrement fendue. Il ne faisait donc aucun doute que c'était avec lui qu'Oikawa s'était battu quelques heures avant. Le jeune homme se leva et prit ses béquilles pour lui faire face.
« Pourquoi es-tu venu ici ? »
La colère qui montait peu à peu, redescendit immédiatement lorsqu'il vit son ami le regarder avec une telle détresse. C'était à ne plus rien y comprendre. Il y a quelques heures, ils s'étaient battus comme jamais et voilà que maintenant, il revenait la queue entre les jambes, pour... venait-il pour s'excuser ? Oikawa serrait ses béquilles. Il avait toujours eu un mal fou à pardonner aux gens, il savait que sa rancune, bien souvent trop tenace, lui avait fait perdre de nombreux amis.
« Je suis désolé. Je n'aurai pas dû te frapper tout à l'heure... »
« Pff... essaie encore Iwa-chan. Les coups je m'en fous. Par contre... Le fait que tu ne m'aies pas adressé la parole depuis presque une semaine, que tu sois parti comme un voleur à l'hôpital et que... que tu m'aies laissé t'implorer sans rien dire...ça... »
Il serra davantage les poings. Les mots avaient même du mal à passer ses lèvres. Comme il lui en voulait de s'être comporté comme le dernier des crétins. Comme il lui en voulait de ne pas s'être occupé de lui depuis le début alors qu'il avait juste besoin de son meilleur ami.
« Tu m'as abandonné... »
Voilà, c'était dit. Le vice capitaine le connaissait depuis suffisamment longtemps pour savoir qu'Oikawa tolérait mille et une choses, mais que l'abandon était ce qu'il exécrait par dessus tout.
« Je... Quand je t'ai vu à l'hôpital, j'ai pris peur. Je savais que tu m'en voudrais d'être parti, c'est pourquoi...C'est pourquoi je ne t'ai pas adressé la parole. Et... J'étais en colère parce que si tu avais laissé cette balle tomber, tu ne te serais pas blessé. »
« Si j'avais laissé cette balle tomber, ils auraient eu le point. Tant que la balle ne touche pas le sol, la partie n'est pas finie. Je ne voulais pas qu'elle s'arrête... Pourquoi ne peux-tu pas comprendre...»
« Je peux comprendre mais à quoi bon si c'est pour mettre ta santé et ta carrière en l'air ?! »
Son regard. Jamais il n'avait vu ses yeux lancer de tels éclairs. Ils étaient si sombres à ce moment précis, si ombrageux. Mais rapidement, ces yeux ombrageux laissèrent transparaître les premières gouttes de pluie. Il s'en voulait donc tant que ça ?
« Quand finiras-tu par comprendre Iwa chan que sans toi, ma carrière je m'en cogne comme de l'an quarante ? Sans toi... à quoi bon... On a toujours tout fait ensemble et c'est ensemble qu'on avancera, tu comprends ? » Avait-il crié en attrapant son ami par le col de la chemise.
Ses béquilles étaient tombées au sol dans un bruit sourd. Ils étaient là, tous les deux, l'un contre l'autre, les yeux dans les yeux. Jamais ils n'avaient été aussi proches. Ces mots avaient eu tant de mal à passer enfin leurs lèvres : qu'il était difficile de dire ce que l'on ressentait quand on portait continuellement un masque. Masque contre masque. Peau contre peau.
Alors qu'Oikawa s'apprêtait à relâcher son étreinte, Iwaizumi l'attrapa par la taille et l'embrassa sur les lèvres avec fougue. Combien de temps avait-il attendu pour que son ami se décide enfin ? Le passeur n'aurait su le dire. Il répondit toutefois à ce baiser si longtemps espéré. Ils n'avaient plus besoin de parler, tous deux se comprenaient maintenant parfaitement. La colère, la peur, le ressentiment, leur avaient fait perdre l'esprit au point de se haïr alors que depuis maintenant des années, ils s'aimaient tendrement.
Ils restèrent longtemps ce soir-là, couchés dans le lit, dans les bras l'un de l'autre, à apprécier leur présence mutuelle. Aucune parole ne fut échangée, ils étaient juste bien. Et c'était le principal.
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Merci d'avoir lu !
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