Chapitre 1
Tant que la balle n'avait pas touché le sol, la partie n'était pas encore finie. Tant qu'il restait une chance, même infime, il ne devait absolument pas abandonner. Elle était là, à un mètre au moins. Les autres ne semblaient pas bouger, pétrifiés par la vitesse de l'attaque d'Asahi. Pourtant ce n'était rien quand on plongeait, quand on prenait la peine d'essayer... Alors, Oikawa plongea. Un tressaillement violent dans l'échine, puis une douleur terrible et un corps qui s'écroula sans pouvoir se relever, complètement assommé.
En quelques secondes, toute l'équipe était autour de lui semblant comprendre que quelque chose n'allait pas. Il avait réussi à renvoyer la balle mais le fait que le passeur ne se redresse pas les avait immobilisés. Tant bien que mal, le capitaine de l'équipe tenta de se relever mais ses jambes ne répondaient plus et une douleur incommensurable le prit dans la cheville.
« Ça va aller, je peux... encore... jouer... La partie n'est pas finie. »
Il ne savait pas pourquoi il s'accrochait comme ça. Après tout, ce n'était qu'un simple match amical contre Karasuno. Dans l'équipe adverse, tout le monde l'observait, abasourdi. Faisait-il donc si peur à voir ? Il devait sans doute être particulièrement pâle car Iwaizumi le prit par les épaules, l'aidant à marcher, et le fit asseoir sur le banc de touche.
« Pour toi, elle l'est... Tu te reposes. »
Jamais la voix de son vice capitaine n'avait été aussi stricte néanmoins il crut y percevoir une once de panique. Comme on pouvait s'en douter, le match ne reprit pas. Tout le monde semblait s'alarmer pour lui et bientôt la décision fut prise d'appeler les pompiers pour le conduire au service d'urgence le plus proche car sa cheville commençait déjà à enfler et à prendre une couleur inquiétante. Il ne parlait pas : il n'avait d'ailleurs rien dit depuis de longues minutes. Au fond de lui, la peur régnait : une blessure pouvait détruire toute une saison, toute une carrière, toute une vie. Pourquoi n'avait-il pas été capable de faire plus attention ? Il fallait toujours qu'il en fasse trop, qu'il aille plus loin que les autres et voilà les conséquences de son inconscience.
Tout se passa ensuite très vite : les pompiers arrivèrent dans la demi-heure et emmenèrent le jeune homme. Il ne trouva même pas la force de garder son habituel sourire et de leur faire un signe de la main. A quoi bon ? Tous avaient compris sa crainte, il était donc inutile de se voiler la face en espérant un petit miracle comme on les aime tous.
- Iwaizumi-
Iwaizumi observa son ami partir, les poings serrés, anxieux comme jamais. Oikawa ne souriait pas alors que d'habitude, il souriait toujours. Il aurait tant aimé lui dire que tout allait bien se passer, qu'il ne fallait pas s'en faire. Mais voilà, il ne s'en sentait pas le courage, la panique ayant pris le pas sur la multitude d'émotions qu'il pouvait ressentir à ce moment précis. Les pompiers emmenèrent ainsi son meilleur ami sans qu'il ne fasse le moindre geste vers lui.
« Vous pensez que ça va aller pour le Grand Roi ? » demanda alors Hinata au bout d'un moment, disant à haute voix ce que tout le monde pensait silencieusement.
« Il est fort, il n'y a pas de raison qu'il ne s'en sorte pas tu sais. » finit par répondre Sugawara.
Pourtant, Iwaizumi perçut dans le ton du passeur de Karasuno la volonté de se rassurer soi-même plutôt que les autres. La situation n'était de toute façon pas évidente à jauger.
« Il vaut mieux arrêter le match. On s'inquiète tous pour Oikawa et on risquerait de se blesser. Donnez-nous des nouvelles de votre passeur au plus vite, s'il vous plait »
C'était l'entraîneur Ukai qui venait de parler. Il avait raison, s'ils s'évertuaient à jouer sans la présence de leur capitaine, l'inquiétude serait telle qu'ils risquaient de ne pas faire attention à leurs gestes et donc de se blesser. C'était très censé. Pourtant, le pointu de l'équipe savait déjà qu'il les détesterait d'avoir ainsi tout arrêté à cause de lui. Tant que la balle n'a pas touché le sol, la partie n'est pas finie. Toute la vie d'Oikawa était tournée vers cette devise : il ne voyait que par elle.
Après s'être changé, les équipes se séparèrent rapidement. Iwaizumi prit immédiatement son vélo et partit vers l'hôpital où son ami avait été amené afin d'avoir de ses nouvelles. Ses pensées allant toute vers Oikawa, il ne profita pas de ce magnifique soleil qui chauffait doucement sa peau ni de cette brise légère qui effleurait son visage et ses cheveux.
- Oikawa -
Quasiment aucune parole ne fut échangée dans l'ambulance. Il prit seulement la peine de remercier les pompiers une fois à l'hôpital. Il n'avait pas desserré les poings de tout le trajet, craignant que des larmes de frustration ne passent les yeux. Oikawa avait beau toujours faire le mariole, il n'en restait pas moins humain et la peur ressentie à ce moment précis faisait tomber une à une les barrières qu'il avait pris tant de temps à dresser. Jamais il ne s'était senti aussi vulnérable.
- Iwaizumi-
Assis sur un siège dans la salle d'attente, Iwaizumi vit passer les parents d'Oikawa à qui il fit un signe de tête et attendit. Longtemps. Trop longtemps.
C'est au bout de deux heures environ qu'il vit son ami sortir, une béquille à chaque bras et une attelle autour de la cheville. Son capitaine ne l'avait visiblement pas vu et, sans savoir pourquoi, le jeune homme eut un mouvement de recul. En deux heures, il avait essayé de rassembler tout son courage et voilà que, face à ce visage fermé, à ces yeux cernés et ces poings serrés, il sentait que le peu de vaillance accumulée lui glissait entre les mains et s'enfuyait à une vitesse folle. Ne supportant pas cette vision, il courut hors des urgences, prit son vélo et rentra chez lui sans un mot.
- Oikawa -
« Iwaizumi-san est venu jusqu'à l'hôpital pour te voir, on le croisera sans doute dans la salle d'attente. »
A l'évocation du nom de son meilleur ami, un faible sourire s'était dessiné sur ses lèvres. Il était venu le voir car il s'inquiétait pour lui. Malgré la douleur et la peur qu'il ressentait, Oikawa sentit une douce chaleur se faire une place au fond de lui. Il était là, il pour lui... Lui qui avait toujours été froid et bien souvent désagréable car le capitaine ne pouvait pas s'empêcher de faire l'imbécile à longueur de journée.
Lorsqu'il sortit de la pièce avec ses béquilles, il chercha un long moment son ami du regard. Il le trouva, partant en courant comme un voleur, effrayé d'on ne sait quoi. Le capitaine serra les poings mais ne dit rien, suivant ses parents jusqu'à la voiture avant d'y montrer en silence. Sa mère n'avait pas osé dire quoi que ce soit, sentant bien que son fils n'allait pas bien. Oikawa, depuis qu'il était petit, se murait dans le silence dès que quelque chose n'allait pas. L'accumulation de problèmes était assez impressionnante aujourd'hui, elle estima donc qu'il valait mieux le laisser en paix.
Le trajet dura un moment : le soleil s'était peu à peu caché derrière les nuages et une pluie fine se mit à arroser le paysage environnant. Malgré lui, il sentit une larme couler le long de sa joue. Il l'essuya rapidement et, à peine la voiture garée, il rentra chez lui où il s'enferma dans sa chambre, refusant de répondre aux différents messages envoyés par ses amis. Il ne pouvait pas s'empêcher de les détester parce qu'eux n'avaient rien, parce qu'eux pourraient continuer à jouer au volley, parce qu'eux n'avaient pas vu Iwaizumi s'enfuir devant lui...
Lentement, ses yeux se fermèrent. Oikawa se laissa bercer par le clapotis de l'eau sur la vitre de sa chambre, appréciant ce son qui s'accordait parfaitement avec ce qu'il ressentait à ce moment précis.
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Merci d'avoir pris la peine de lire ! Il y aura bien entendu une suite !
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