Wilden

Je pousse la lourde porte des Urgences, suivie par Shawn, et cours jusqu'à l'accueil.

— Je- Je dois-

Shawn me prend par les épaules et me recule, le laissant ainsi parler lui-même avec la femme derrière le meuble blanc qui me regarde avec une certaine inquiétude, comme si elle savait déjà pourquoi, ou plutôt pour qui, j'étais là.

Je pose mes mains sur mon front, respirant fortement et bruyamment.

Je n'arrive pas à y croire.

Pourquoi faut-il toujours que ça arrive à notre famille ?

Qu'est-ce qu'on a bien pu faire pour que ça nous tombe dessus comme cela à chaque fois ?

— Wilden !

Je tourne la tête pour voir mon grand frère accourir vers moi.

Je me précipite vers lui, les yeux exorbités.

— Où il est ?! Je m'écrie sans pouvoir m'en empêcher. Où est Blaze ?!

Je dois certainement passer pour la dernière des folles, mais honnêtement, je m'en fiche, tout ce que je veux, c'est savoir si mon petit frère va bien.

Alejandro attrape mes épaules, m'empêchant de le repousser pour partir à l'aveugle à la recherche du petit blond.

— Il est encore avec les médecins, d'après ce qu'on m'a dit, ils lui font une série d'examens.

— Et pourquoi on ne peut pas être avec lui ? Ce sont juste des examens.

Il hausse les épaules, un air attristé sur  le visage.

— Je ne sais pas. Ils n'ont juste pas voulu que j'entre avec eux. Peut-être que c'est trop grave.

J'ouvre grand les yeux et pose une main sur ma bouche.

《 Peut-être que c'est trop grave 》

Qu'est-ce que c'est censé vouloir dire ?

Que Blaze est malade ? Qu'il s'est cassé quelque chose ?

Bon dieu, mais qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Al me tire par la main et Shawn nous suit jusqu'a une sorte de salle d'attente.

Je m'assieds sur une chaise, imitée par Shawn, mais Alejandro reste debout et fait les cent pas, marchant le long du couloir.

Je pose mes coudes sur mes cuisses, et enfuie ma tête dans mes mains tandis que mon meilleur ami place une main sur mon dos et commence à faire des mouvements de haut en bas.

Dès l'instant où Alejandro m'a appelé, j'ai ressenti cette peur, cette peur que j'éprouve constamment.

Celle de perdre mes frères.

Depuis que Al a été hospitalisé, j'ai toujours peur de les perdre. Surtout Cash et Ezekiel. Je ne suis vraiment pas rassurée de les savoir sur le terrain, mais je ne peux pas les empêcher de faire ce qu'ils ont envie de faire, même si ça signifie de risquer de les perdre à n'importe quel moment.

Je ne veux pas revivre ce que l'on a vécu avec notre aîné, ça a été dur, et ça l'est toujours, d'ailleurs. Mais j'ai comme l'impression que l'on va devoir y faire face à nouveau.

— Vous êtes de la famille du petit Blaze ?

Je lève la tête immédiatement, n'ayant même pas entendu la porte du cabinet s'ouvrir.

Je me lève et me dirige vers mon frère et le médecin.

— Qu'est-ce qu'il a ? Je demande en prenant la main de mon frère dans la mienne.

— Vous devriez peut-être vous asseoir- Commence le médecin en avalant difficilement sa salive, mais gardant un air impassible.

— Dites nous juste ce qui arrive à notre petit frère ! S'exclame Alejandro, impatient.

— Comme vous le savez, votre petit frère boitait, saignait du nez et s'est évanoui.

— Bien évidement, réplique amèrement mon frère. C'est moi qui l'ai emmené ici.

Je soupire et lui donne un coup de coude signifiant qu'il devrait la boucler.

— Continuez, je dis, méfiante.

— Ce sont des symptômes assez fréquents, vous avez, et assez significatifs lorsqu'ils apparaissent en même temps. Mais il a fallut que nous fassions des examens sur Blaze pour en avoir la confirmation.

Je fronce les sourcils, ne comprenant pas grand chose à ce qu'il tentait de nous faire comprendre.

— Des symptômes ? Je tente, méfiante. Il est malade ?

— Je le crains, dit l'homme en blouse en hochant la tête.

— Et qu'est-ce qu'il a ? Demande Al, s'impatientant sérieusement.

— Vous êtes sûrs que vous ne voulez pas vous asseo-

— Putain, le coupe le brun à mes côtés. Mais dites nous de quoi souffre notre petit frère, bordel !

— Votre petit frère est atteint d'une leucémie.

Je reste statique, incapable de bouger, tandis que les paroles du médecin résonnent dans ma tête.

《 ... Atteint d'une leucémie ...》

Ma vision se trouble tandis que j'essaie de me concentrer sur le docteur, qui nous parle toujours.

— C'est une leucémie aiguë, ça signifie que les symptômes sont arrivés d'un seul coup et assez rapidement. Nous n'aurions pas pu le déceler plus tôt.

Ses yeux passent de mon frère à moi avant de prononcer la phrase qui fut comme un déclic :

— Je suis désolé.

Ma bouche s'ouvre largement et mes yeux se remplissent de larmes.

Tout se passe au ralentit.

Mon esprit se brouille, ma tête tourne, mes belles idées s'envolent, ne laissant place qu'à un vide atroce et une douleur fulgurante et épouvantable.

Je me laisse tomber au sol, malgré le fait que je tenais le bras d'Alejandro pour me maintenir debout.

Je pousse un cri mettant mes mains sur mon visage, vidant mon corps de ses larmes.

Je sens Alejandro se mettre à ma hauteur et m'entourer de ses bras.

Je pose ma tête dans son cou, laissant mes larmes ruisseler dans celui-ci, mon corps tremblant et remplit de spasmes.

C'est impossible.

Pas Blaze.

Pas mon bébé.

Mon tout petit bébé.

Mon petit frère de deux ans, presque trois.

Pourquoi ?

Pourquoi faire ça à un petit être aussi innocent, doux et adorable ?

Pourquoi la nature s'acharne-t-elle ainsi sur lui ?

Il a perdu sa mère, son père l'abandonne, et maintenant ça ?

C'est tellement horrible que j'ose à peine le croire, mais c'est la réalité, et mon petit frère de deux est bel et bien atteint d'un cancer.

— J'ai appelé votre lycée, j'entends vaguement le médecin. Vos frères devraient bientôt arriver. Voulez-vous le voir ? Nous l'avons déjà emmené dans sa chambre.

Je lève la tête vers lui, qui me regarde avec peine.

Après l'avoir fixer silencieusement pendant un certain moment, je finis par hocher la tête.

Il nous sourit difficilement alors que nous nous remettons debout.

— Est-ce que mon ami peut venir ? Je demande en reniflant et en désignant Shawn.

— Il a besoin de repos et de peu de visite, réplique le docteur, peu convaincu.

— Il partira lorsque nos frères arriveront, Blaze voudra certainement le voir.

Il pince les lèvres mais finit par accepter après avoir peser le pour et le contre.

Je prend la main de Shawn et le tire tandis que nous avançons dans les couloirs blancs sans fins et sans joie.

Il nous dirige vers la section enfant, où les murs sont recouverts de peintures de couleur, de dessins, et où les jouets s'empilent et traînent dans tous les coins.

Une fois devant la porte abordant le numéro 《 578 》, il l'ouvre et je prend une grande inspiration.

— Je tiens à vous prévenir, le médecin se retourne. Il est extrêmement faible à cause de son malaise, ne le brusquez pas.

Je hoche la tête et serre la main de mon ami un peu plus fort, ayant peur de voir mon petit frère dans un état déplorable.

Shawn presse également ma main en signe de soutien et me sourit sincèrement.

Je pénètre dans la chambre aux murs jaunes pales et vert pastels pour trouver un lit unique au bout de la pièce.

Sur ce lit, une petite forme est roulée en boule, emmitouflée dans les couvertures.

Je me dirige d'un pas prudent vers celui-ci et me place juste devant.

La tête de Blaze est cachée dans ses petit bras recouverts de la couverture.

Je pose doucement ma main dessus et la tire, mais j'aperçois une petite main potelée la retenir.

— Laze ? Je dis d'une voix douce. C'est moi, Wiwi.

La petite masse semble se détendre et la main desserre sa prise.

La couverture est retirée un minimum, me permettant de voir les cheveux blond ainsi que les yeux de mon petit frère.

— Blaze, je lui souris prudemment. Tu peux retirer la couverture, il n'y a que Aly, Shaw et moi.

Il reste statique quelques secondes mais finit par hocher la tête.

Il retire la couverture, mais reste roulé en boule.

Ma respiration se coupe en le voyant relié à une machine avec une sonde à son avant bras.

— 'Aime pas cet endroit, Wiwi.

Je passe une main dans ses cheveux, me retenant de pleurer.

— Je sais bébé, moi non plus.

— On peut partir ? Il me demande en me fixant de ses grands yeux bleus.

— Non, je hoche négativement la tête, tentant de garder mon sourire, vainement. Non mon coeur, on ne peut pas.

— Pourquoi ?, il fronce ses sourcils clairs.

Je pince mes lèvres et retiens mes larmes de perler de mes yeux.

Comment expliquer à votre petit frère de deux ans qu'il est atteint d'un maladie relativement grave ?

— Tu as un vilain bobo, je renifle. Et tu dois rester ici pour ne plus l'avoir.

— C'est ça qui me fait mal ? Il me demande, les yeux brillants.

Je pince les lèvres, avant de hocher la tête.

一 Mais ne t'inquiète pas, ça va partir.

Je vois de petites larmes couler le long de ses joues.

Je place ma tête sur la sienne et frotte ses bras avec mes mains en embrassant ses cheveux.

一 Je veux pas rester ici, Wiwi.

Moi non plus, si tu savais.