Chapitre 9 - Consolação

Cela fait presque une semaine que je suis arrivé à São Paulo. Après des recherches intensives et de nombreuses déceptions, je m'apprête enfin à aménager dans mon nouvel appartement. Il est situé en plein milieu du quartier Consolação, l'un des plus animé. J'avais longuement hésité entre le coin bobo et aisé de la ville, avant de me rappeler que j'étais ici pour démarrer une nouvelle vie, et pas pour recommencer à fréquenter la luxure et l'hypocrisie qui accompagnent forcément les gens riches.

Mon nouveau chez moi est ce qu'il y a de plus simple. Un salon et une cuisine ouverte, une salle de bain et des toilettes, et une chambre. Rien de très grand ou de très sophistiqué, juste quelques touches de bois et majoritairement du blanc, comme une toile prête à être peinte. Honnêtement, il n'était pas si mal.

Pour l'instant tout allait bien, à l'exception que j'affrontais quelques difficultés à trouver un job. Vu ton niveau de portugais. En réalité, j'avais quasiment cent milles dollars planqué sous une late du plancher mais il était hors de question d'y toucher. Cet argent était une sorte de porte de sortie, une roue de secours. Je devais trouver un autre moyen pour vivre.

Le soir arriva rapidement et je me rendis compte, lorsque mon estomac se mit à gargouiller, que les placards étaient vides. Seule solution à cette heure, dîner dehors. Super moyen d'économiser, Eden.

Je pensais savoir me repérer dans le quartier, mais quand je me retrouvai devant une laverie là où j'étais supposé rencontrer une pizzeria, le doute s'installa. Champion du monde. Bizarrement, le coin me disait quelque chose. La rue pavée, la musique, le bar dans l'angle... le bar ! Pour une surprise, s'était une. Le petit bistrot qui sert de délicieux hamburgers et qui a des serveuses exécrables.

L'ambiance de l'endroit n'a rien à voir avec le calme qui régnait lors de ma dernière visite. Des lumières tamisées oranges et rouges éclairent faiblement la piste, et une musique très sensuelle se fait entendre. Wow, c'est vraiment le même endroit ? À l'instant où je me pose la question, je la vois.

Elle rit aux éclats, son petit corps svelte recouvert d'un minuscule débardeur rose et d'un short en jean noir. Elle ne porte plus ses longues nattes, qui ont laissé place à une chevelure lisse. Bon sang Eden, arrêtes de la mater ! Je détourne vivement la tête et me dirige vers le bar. Il y a pas mal de monde ce soir. Je commande rapidement mon hamburger et essaye de passer le temps sur mon téléphone mais c'est peine perdu. J'ai tout le mal du monde à ne pas relever la tête et l'a chercher du regard.

- Tiens, tiens regardez-moi qui s'est de nouveau perdu. Isso se torna um hábito, m'interpelle une voix que je peux désormais reconnaître.

Je lève les yeux au ciel avant de les poser sur ma belle inconnue. Elle sourit toujours, mais quelque chose chez elle est différent. J'ai l'impression qu'elle est... contente de me voir ? Oui Eden, bien-sûr.

- Il faut croire, répondis-je platement. Cet endroit est formidable le soir.

Je pointe du doigt les spots lumineux et la foule, réellement impressionné.

- E você ainda não viu nada !

Elle me tend ensuite sa main parfaitement manucurée.

- Je m'appelle James.

- Ça alors, elle a un prénom ! répliquai-je, sur le cul, en lui serrant la main.

Un frisson me parcourt instantanément, mais James reprend sa main. James... Quelle genre de fille peut bien s'appeler James ? Elle contourne le bar et se place en face de moi.

- Alors Eden, pourquoi t'es là ?

Son faible accent me fait toujours craquer. Cra-quoi ? Bref.

- Parce que j'ai faim et que mes placards sont vides.

- Le jeune aventurier a donc trouvé son nouveau refuge, conclut-elle.

J'ai l'impression qu'elle se moque de moi. Non, en fait, je sais qu'elle se moque de moi, mais ça ne me dérange pas. Je lui fais un sourire en coin et hoche la tête. Elle me dit qu'elle revient et me ramène mon dîner.

- Bom apetite, l'American.

- Tu es au courant que je ne comprends pas un traite mot de ce que tu racontes ? lui fais-je remarquer.

- Évidemment, me répond-elle en me faisant un clin d'œil.

Je reste là, la bouche pleine,  les yeux rivés sur cette fille qui m'intrigue tant. Je la regarde s'éloigner de moi, en se déhanchant légèrement sur la musique, une bouteille de ce qui me semble être du cachaça à la main. Je la regarde servir un groupe de filles, tout en s'avançant vers la piste. Je la regarde, je ne fais que ça. Merde. J'ai envie de la mettre dans mon lit flambant-neuf.

Il faut que j'établisse une stratégie. Premièrement, serait-ce si grave ? Je ne pense pas. Cette ville est assez grande pour ne plus la croiser, dans le cas où elle finirait par me traiter de connard. Bah quoi ? Je sais que ça arrive souvent. Deuxièmement,  et aussi surprenant que cela puisse paraître, je la sens réceptive ce soir. Je la regarde mais c'est ce qu'elle veut. Quand elle bouge son corps, quand elle sourit en coin. Ma décision est prise.

- T'as prévu quoi maintenant ? me demande James en me débarrassant de mon assiette.

- Je suis libre comme l'air. T'as une idée en tête ?

Elle me fixe et mord sa lèvre. Je manque de m'étouffer.

- Plusieurs, à vrai dire.

Puis elle éclate de rire face à mon expression.

- Tu devrais voir la tête que tu tires l'Américain ! s'esclaffe t-elle.

Soudain je n'ai plus envie de rire. Elle joue avec moi, et ça ne me plait pas. Si James pense que je vais la laisser me mener par le bout de nez, elle se trompe. Je sors mon portefeuille, et lui tend un billet.

- Merci pour l'hamburger.

À vrai dire, j'espère qu'elle va me retenir. T'es un idiot. Oui, j'en suis un et la vague de soulagement qui me submerge quand elle attrape mon poignet ne fait que le confirmer.

- Hey, espere ! Dis donc, je ne te pensais pas aussi sérieux, me dit-elle avec un haussement de sourcil. Je fini mon service dans une heure. Tu m'attends ?

Incroyable. Cette fille est bipolaire, je ne vois pas d'autres explications à ce stade. Tant pis. Du moment qu'elle baise bien. J'hoche la tête et me rassois au bar. 

Une heure plus tard, nous sortons ensemble du bar dont je connais désormais le nom, le Luiz. Elle s'est changé et porte maintenant une robe noire moulante qui lui arrive en dessous des genoux, sous une veste en jean. Ça lui donne un look plutôt mignon.

- Bon, qu'est-ce qu'on fait alors, James ?

Elle frisonne au son de son nom sur mes lèvres.

- Tu pourrais me faire voir ton nouveau refuge, répond-elle, comme-ci de rien était.

- Tu veux le voir ?

Elle me regarde et sourit. Je lui souris en retour. A cet instant, elle est vraiment adorable, et Dieu seul sait combien d'autres adjectifs peuvent lui correspondre en temps normal. Nous marchons en bavardant tranquillement, de tout et de rien. James Allen à vingt-trois ans, et elle est née aux Etats-Unis mais vit au Brésil avec sa mère depuis ses huit ans. Ça alors. Je n'aurais jamais deviné. J'essaye de répondre le plus évasivement à ses questions. À ses yeux, je suis un petit gosse de riche qui à décidé de prendre une année sabbatique après un accident de voiture, sans importance.

On marche depuis quinze minutes quand je me rends compte que je ne sais absolument pas où on est. Merde, était-ce cette rue ? Ou peut-être celle-ci ?

- O que ? me demande t-elle en me voyant tourner la tête dans tout les sens.

- Euh... je crois que je suis perdu.

Super Eden, décidément c'est ta journée. La ferme.

-  Attends, donne moi ton adresse, fait-elle en riant.

Je sors mon téléphone et le lui tend, l'adresse affichée sur une de mes notes. Elle l'attrape et tapote sur l'écran.

- Mmh, on a fait un petit détour mais ce n'est plus loin. Viens.

Elle attrape ma main pour la deuxième fois de la soirée. Le reste du trajet se fait tranquillement. On arrive vite devant mon immeuble.

- Je suis au troisième étage, annonçais-je en la regardant.

Ça y est. On y est. C'est le moment. Alors que je m'avance vers le portail, elle se raidit.

- Je crois que je vais pas rester finalement, l'Américain.

Pardon ? Je sais qu'elle lit un mélange de surprise et d'agacement sur mon visage.

- Désolé Eden. C'était cool de parler avec toi, conclut t-elle avec un sourire satisfait.

C'est officiel, je déteste cette fille. Pourtant une idée me traverse, l'espace d'une demi seconde. Elle passe son temps à me déstabiliser, c'est l'heure de lui montrer ce que ça fait. Je l'attrape par les hanches, l'a tire brusquement vers moi et m'approche de ses lèvres. Je m'arrête une seconde, comme pour demander la permission. Elle ne bouge pas, et je sens sa respiration s'emballer. Très bien.

Quand ma bouche touche la sienne, c'est une sensation que je ne peux pas décrire. J'ai l'impression d'être parcouru d'un courant électrique. Je ne sais pas si elle le ressent aussi, mais sa main vient se poser sur ma nuque. Notre baiser s'amplifie et je la plaque contre le portail. Ses lèvres et sa peau sont si douces, et son odeur, dieu tout puissant. Plus que jamais, j'ai envie de la traîner de force dans mon appart.

Mais le fantasme s'interrompt. Elle s'éloigne de moi, ses prunelles dans les miennes. James mord sa lèvre, et passe une main dans ses cheveux. Elle me sourit et commence à reculer, avant de me tourner complètement le dos.

- Appelle moi, lance t-elle avant de disparaître.

Je suis encore secoué par notre baiser. L'appeler ? Mais je n'ai même pas son numéro ! Ah. J'enrage, en pensant qu'elle m'a encore eu et que je devrais accourir comme un con chez Luiz pour pouvoir la voir. Fais chier. Quoique... Je sors mon téléphone de nouveau et le déverrouille. Je le savais. Il est là, son numéro. Sur la note, en dessous de mon adresse.

•••

Ahah, j'ai toujours rêvé d'appeler une fille James, vous aimez ?

🌸 Que pensez-vous de son caractère ?

🌸 Pronostic sur la suite ?

On se dit à la semaine prochaine, bisous tout le monde !

Tessy

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