Chapitre 5 - Idea

C'est après la fuite de l'information que les choses tournèrent au vinaigre. Aussi incroyable que cela puisse paraître, les journalistes firent de ma vie un enfer. Enfin, non. Ils ne firent que révéler la pourriture qui m'entourait. Cette soit disant célébrité était un poison, et je ne pouvais plus le supporter. Comment avais-je pu vivre comme cela aussi longtemps ? Chacun de mes gestes, chacune de mes phrases étaient entendus, répétés, interprétés et publiés sur des torchons plus immondes les uns que les autres. Je pense sincèrement que le prochain tocard avec un micro que je croise prendra mon poing dans le nez. Scott ou pas.

Cette famille était dysfonctionnelle. Pire, ce n'en était même pas une. Mon père était mon père ; il se préoccupait plus de l'image de l'entreprise que de la vie de son fils aîné. Je savais pertinemment qu'il songeait à me congédier temporairement, et même si cette idée me mettait en rogne au début, j'en étais arrivé à un stade où je ferais tout pour qu'on me fiche la paix. Et cette idée ne faisait plus que me hanter, chaque jour que Dieu faisait. La paix. Amber me rendait fou avec sa voix haut perchée et ses crises pour une miette de pain. J'en étais venu à m'enfermer dans la salle de bain, prétextant des envies de bains chauds. Je détestais les bains.

Et comme-ci ce n'était pas suffisant, mon petit frère faisait le mort. Au début, j'avais pensé qu'il m'en voulait, pour avoir en quelque sorte suivit les traces de notre père. Peut-être était-il jaloux ? Et puis j'avais bien conscience d'avoir été un connard fini, Kate me l'avait clairement dit l'autre soir. Sa distance avec moi m'avait donc paru légitime. Mais maintenant, je voyais bien qu'il était un gros égoïste. J'avais besoin d'aide et il le savait parfaitement, mais il préférait rester cacher dans son maudit garage, dans le rôle du frère incompris.

Tant pis. Je me passerais de lui. Je n'avais besoin de personne. Il fallait que je pense à moi, et bon sang, il fallait que je retrouve la mémoire. L'incertitude, c'est pesant.

Profitant des rares absences d'Amber à l'appartement, je m'étais rendu à la salle de sport et j'y avais laissé toute ma colère et toute ma frustration. Je me sens beaucoup mieux, même si ce bras cassé m'avait quelque peu frustré. En remontant vers le salon, je croise Kate les bras encombrés de draps propres et pliés. Sans savoir pourquoi, je l'arrête. Je crois qu'elle est mon seul espoir d'avoir une relation saine avec quelqu'un, et puis elle n'est pas tellement plus âgée que moi. Quinze ans, au maximum.

- Bonjour Kate.

- Bonjour M. Scott, vous avez besoin de quelque chose ? m'interroge t-elle, soucieuse.

Sa douceur m'étonnera toujours. Je réfléchis avant de répondre. C'est vrai après tout, de quoi donc ai-je besoin ?

- De réponses. Accepteriez-vous de m'accorder un peu de votre temps ?

Encore une fois, elle affiche une expression plus qu'étonnée. Elle me dévisage carrément, et je vois bien son visage se teinter de rouge quand son regard dérive sur mon torse nu. Je préfère l'ignorer, bien que sa réaction soit intrigante.

- Bien-sûr, monsieur, balbutie t-elle.

J'en déduis aisément qu'on ne lui a pas souvent demandé son avis. J'acquiesce de la tête et l'invite à m'attendre dans le salon, le temps que je prenne ma douche. J'espère qu'Amber n'est pas pressée de rentrer.

Dix minutes plus tard, nous sommes assis sur le canapé, dans le silence le plus malaisant du monde. Je toussote avant de prendre la parole.

- Je suppose que vous êtes étonnée de mon changement de comportement.

- Un peu, monsieur.

- Arrêtez avec vos "monsieur", j'ai l'impression d'avoir vingt ans de plus, l'interrompais-je. Je m'appelle Eden.

- Je ne suis pas sûre que..

- Eden.

Elle m'observe un moment et fini par hocher la tête. Bien. J'éprouve une certaine sympathie pour cette femme.

- Kate, dites moi. Est-ce que vous pensez que j'étais heureux ? Avant l'accident.

J'ai besoin de connaître la réponse à cette question. J'ai besoin de savoir si j'ai changé, ou si au contraire, je suis plus moi que je ne l'ai jamais été. Cette vie ne me convient pas, ne me convient plus.

- Je n'en sais rien, Eden. Il est vrai que tout vous souriait. L'argent et la célébrité, d'ailleurs vous le supportiez bien. Je dirais même que vous adoriez ça, commença Kate.

Elle marqua une pause, pour trouver les mots juste, me semblait-il.

- Mais je ne sais pas si un homme peut-être heureux sans amour. Et d'après moi, il n'y a pas d'amour dans votre vie. Ni par mademoiselle Sparks, ni par votre père, termina t-elle.

Je suis abasourdi par son discours. Non pas qu'elle est tord, bien au contraire. Non, ce qui me déstabilise, c'est la facilité avec laquelle cette femme vient de briser l'image parfaite qu'on m'associait. Il avait suffit de creuser un peu, de s'éloigner un brin de la surface.

- Merci Kate.

Je parti comme une tornade vers la porte. Je savais ce qui me restait à faire. Je ne pouvais pas changer ma vie, elle était ce qu'elle était. Je ne pouvais décemment pas abandonner Manhattan, et la société. Mais je ne pouvais plus subir tout ceci non plus. Je ne savais pas si j'avais changé, ou si j'avais enfin ouvert les yeux, mais peu importait. Le chauffeur m'attendait en bas de l'immeuble, comme toujours. Je lui donnai l'adresse et il s'exécuta sans un mot. Je me rendis compte que je ne connaissais pas son nom.

- Excusez moi, comment dois-je vous appeler ?

Le chauffeur grisonnant me jeta un coup d'œil à travers le rétroviseur et me sourit.

- Tucker, monsieur. Pour vous servir, déclara t-il.

Le trajet paru durer une éternité, à cause des bouchons. Quelle idée de s'installer aux portes de la ville, nom de Dieu. Mes pensées vagabondaient. Il n'y avait pas de raison que ça fonctionne mais je devais essayer. Il était impossible de continuer ainsi, ou j'allais finir par perdre la tête. J'avais besoin de mon frère. Je ne le laisserai pas se terrer dans son garage pour l'éternité. Il était clair que je ne tomberai pas amoureux d'Amber et de sa stupidité, par conséquent, je devais renouer avec mon frère pour garder un semblant de famille. Mes rares souvenirs avec lui étaient loins de notre relation catastrophique d'aujourd'hui. A l'époque il ne m'évitait pas comme la peste, et ne se comportait pas comme un égoïste. Nous étions amis, tout simplement.

J'entrevois enfin son immeuble à la façade dégarnie. On est bien loin de mon quartier huppé, mais l'atmosphère semble plus légère ici. Les gens sur le trottoir échangent des sourires et des regards, tout le contraire des bourgeois et des nouveaux riches qui peuplent l'Upper East Side. Je descends de la berline et demande à Tucker de m'attendre. Je ne pense pas en avoir pour longtemps.

L'entrée de l'immeuble est un simple tourniquet, accessible à tous. Tout d'un coup, mon building ultra-sécurisé me paraît vraiment exagéré. Je n'arrive pas à me rappeler le numéro de l'appartement de Matt, alors je cherche son nom. Scott, Scott, Scott.. Mes yeux percutent. Appartement B6, troisième étage. Évidemment, l'ascenseur est hors service. Je pousse un soupire de résignation et commence à monter.

B6. Je toque, fermement. Quelques secondes plus tard, la porte s'ouvre sur un Matt qui semble plus que surpris. Je peux comprendre. Il me fixe un moment et réalise son manque de politesse en m'invitant à entrer.

- Il faut que je te parle frangin, déclarai-je directement.

Matt est prit d'une soudaine quinte de toux que j'ignore volontairement. Oui, c'est une surprise, qu'il s'en remette.

- Eden, wow.. Je ne t'attendais pas. Ça fait des années que tu n'as pas mis les pieds ici.

Je chasse sa reflexion d'un geste de la main.

- Oui, oui, on s'en fiche Matt, éludai-je.

Je fais le tour de la petite pièce rapidement et m'assois sur un canapé beige un peu poussiéreux. Je jette un rapide coup d'œil circulaire et réalise que cet endroit ne me dit rien du tout. La décoration est simple et minimaliste. Encore quelque chose qui se cache dans le fin-fond de ma mémoire. Bien. Je ne sais pas par où commencer. À sa place, j'aurais été aussi perdu. J'avais dû être un vrai con ces dernières années et il était clair qu'il m'en voulait. Je crois que Scott était un nom devenu difficile à porter pour lui, contrairement à ce que pense Augustin.

- Euh.. tu veux boire quelque chose ? tenta t-il.

Je secoue la tête. Non, tout ce que je souhaite, c'est que tout redevienne comme avant. Avant qu'elle ne parte. Je veux retrouver mon frère.

- Matt, écoute. Je te dois des excuses. Bien que je n'en ai aucun souvenir, j'ai compris que je n'ai pas été là pour toi quand il le fallait. Mais je veux changer, je veux changer tout ça.

Il ne pipe pas un mot, et me fixe sérieusement, assis sur un fauteuil.

- Si cette vie me plaisait avant, ce n'est plus le cas, repris-je. Et j'ai besoin de toi. Parce que tu es mon frère.

Je ne peux plus faire comme-ci le froid entre nous ne m'atteignait pas. J'avais horreur de ce genre de grande déclaration, mais il me fallait être honnête. Avec lui, avec moi-même.

Matt me fixe toujours, bouche bée. Ce genre de réaction commence à mettre familière, d'autant plus que Kate l'aborde à chaque fois que je bouge une oreille.

- Je ne sais pas quoi te dire, Eden. Tu débarques, comme une fleur. Tu as peut-être tout oublier mais moi, pas, déclara t-il avec le plus grand des calmes.

Il a raison. Je n'ai jamais dis que cela serait facile mais il est hors de question que je ne tente pas le coup. Est-ce aussi incroyable que je veuille éviter que l'on finisse par devenir des inconnus ?

- J'ai merdé Matt. Mais je suis entrain d'essayer de remettre ma vie en ordre. Vas-tu m'aider, oui ou non ?

Je ne peux pas le forcer à quoique ce soit, et je ne suis pas venu perdre mon temps. Son attitude m'irrite au plus haut point, mais je ne suis pas très bien placé pour la ramener. Mon petit frère se lève sans manquer de me toiser et s'en va vers ce qui me semble être la cuisine. Quoi ? C'est tout ? Je soupire. Tant pis, j'aurais essayé. Je n'ai plus rien à faire ici. Je ne pensais pas que notre relation était aussi détériorée. Alors que je me dirige vers la sortie, il m'interpelle.

- Attends Eden.

Je me retourne et à ma plus grande surprise, il me tend une corona.

- Je crois qu'on a besoin de boire un coup, déclare t-il avec un petit sourire.

•••
Nouveau chapitre 😌, l'intrigue se met petit à petit en place.

☀️ Que pensez-vous de la relation entre Matt et Eden ?
☀️ Kate/Tucker et Eden ?
☀️ Aimez-vous le "nouveau" Eden ?

Je vous souhaite une bonne année ! 🎉❤
Tessy

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