Min-15

« Le jeu s'arrête. Cela fait un moment déjà que plusieurs personnes se sont mises au bord, observant les autres. Maintenant, il ne reste plus que mon frère, ma sœur et Jerem.

- Dès que tout est prêt dans les paniers, on y va ! Et quelqu'un a vu Jasma ?

- Je vais la chercher.

Jux se dirige droit sur la paroi, puis commence gentiment mais sûrement à monter, tandis qu'un vent de plus en plus glacé se met à souffler, descendant des sommets nuageux. Quant à moi, je regarde ma dernière mèche devenir blanche. »

Min-10

« Péniblement, mon frère finit de se hisser sur ma corniche. Il respire fort.

- Bon... Tu sais qu'il existe des chemins moins périlleux ? Et que tu pouvais simplement m'appeler pour que je vous rejoigne ?

- Ouais, mais ça aurait été moins drôle.

- On descend maintenant ?

- Attends deux secondes. Qu'ils finissent de tout ranger, comme ça on n'aura rien à faire. »

Min-5

« - Tu as vu ?

- Quoi ? Ils partent sans nous ?

- Non... L'herbe est en train de se couvrir de gel.

- Et alors ?

- On est en été, et au milieu de la nuit.

Je me tais. Il est vrai que ce n'est pas normal, plutôt inquiétant même.

- Il fait froid.

- On est au pied des montagnes. Il fait tout le temps froid, surtout la nuit.

- Si tu le dis... Au fait, tous tes cheveux sont blancs, c'est normal ?

- J'en sais rien.

Je baisse les yeux sur mon bracelet. Il dégage une aura de fraicheur, qui se transforme peu à peu en gel sur ma peau. Je frissonne, avant de le saisir et de l'enlever. D'essayer en tout cas, puisqu'il semble s'être collé à ma peau. Je force, commençant à stresser. Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi je n'arrive pas à le retirer ?

- Tout va bien, Jasma ?

- Non ! Je n'y arrive pas !

- Laisse-moi t'aider.

Paniquée de ne pouvoir l'enlever, je lui tends brusquement mon poignet. Il approche ses mains, avant de se figer à un centimètre du bijou. Je le dévisage, interrogative, lorsque je m'aperçois que ses lèvres virent au bleu et que sa peau se dessèche avant de se craqueler. Vivement, j'éloigne le bracelet, comme par réflexe, et tends l'autre main. À peine l'ai-je effleuré qu'il tombe soudainement en poussière cristalline, comme s'il n'avait toujours été rien d'autre qu'une vulgaire illusion.

Complètement paniquée, je me penche dangereusement au bord du promontoire, découvrant avec horreur tous mes proches, mes amis, ma famille transformée en cette même matière si friable. Puis, d'une façon totalement synchronisée, ils tombent en un tas hypnotique, captivant et horrifiant qui brille de mille feux.

Je tombe à genou, anéantie, vidée, stupéfaite, en état de choc. Et je reste là, à attendre, tandis que la neige se met à tomber, que ma peau devient pâle et que l'ornement maléfique vire au blanc immaculé, comme purifié de je ne sais quoi. »

*** 

Voilà, vous connaissez maintenant ma bien triste histoire. Cela fait plusieurs semaines que je n'ai pas bougé, toujours perchée sur le même promontoire rocheux. Je me suis escrimée en vain à détruire ce bracelet de malheur, en le brûlant, en le coupant, en en faisant de la sciure, en le jetant dans une source, en l'enterrant, et j'en passe, mais il finissait toujours par se retrouver, bien que je ne sache pas encore comment, à mon poignet. J'ai ensuite essayée par maints moyens de me suicider, également en vain. Au moment de me briser les os, de me noyer ou autre, une sorte de champ de force se déployait autour de moi, et m'évitait pour mon plus grand malheur de quitter ce monde et ce bijou infâme. Je n'ai pas encore totalement renoncé à mourir, mais j'ai beaucoup réfléchit, et j'ai décidé de parcourir le monde, dans l'espoir fou de rencontrer le moindre survivant. Il est temps que je vous dise au revoir, et je tiens à vous donner un conseil primordial : ne prenez jamais un objet sur un piédestal, dans une grotte avec des inscriptions étranges sur les murs.