Chapitre douze : Coalition royale
Lorsqu'elle se réveilla, Crystal était trempée de sueur. Elle avait beau s'être re-couché en sachant que son frère patrouillait dans les couloirs et qu'elle était en sécurité, elle n'avait pu trouver le sommeil qu'aux premières lueurs de l'aube et le peu de temps qu'elle avait passé endormie avait été agité.
Son miroir lui renvoya l'image de ses yeux cernés d'énormes poches noirâtres et d'un regard peu engageant. Rien de bien inhabituel en somme. Sauf qu'elle ne pouvait clairement pas se présenter dans cet état au petit déjeuner, son père ne le lui pardonnerait pas. D'un pas traînant, elle entra dans sa salle de bain.
Dans un coin, une vasque d'eau était remplie en permanence, elle s'y dirigea et plongea son visage dedans tout en veillant à ne pas mouiller ses cheveux outre-mesure. Elle resta immergée le plus longtemps possible, retenant l'air dans ses poumons et commença à compter les secondes. Elle adorait compter. Elle aimait tellement ça qu'elle comptait presque tout, le nombres de pas nécessaires entre tel et tel endroit, le nombre de marches de chaque escalier... Et ce à tel point qu'elle aurait pu arpenter le palais les yeux fermés sans jamais heurter un mur. Lorsque la douleur due au manque d'oxygène commença à se faire ressentir, elle souffla doucement par le nez pour finir de vider des ses poumons et sortit enfin la tête de l'eau. Haletante, elle se saisit de la serviette éponge à côté d'elle et s'essuya le visage. Un mince sourire lui ornait le visage, elle avait encore amélioré son temps d'apnée !
Maintenant qu'elle s'était rafraîchit et que son visage lui paraissait moins bouffi, elle attrapa l'une de ses rares boîtes de maquillage personnelles posée dans sa salle d'eau. Il s'agissait d'une poudre incroyablement légère, au point que même elle qui détestait avoir quelque chose sur la peau ne la sentait pas le moins du monde. Importée tout droit de Simul, une importante ville du sud, elle avait le mérite de cacher les cernes en une poignée de seconde. Elle ne s'en servait qu'en cas de force majeure et là, c'en était clairement un. Crystal attrapa la mousse qui servait d'applicateur et se tamponna la poudre autour des yeux.
Lorsque son regard croisa de nouveau le miroir, elle avait en face d'elle une personne qui semblait avoir bien dormi. Un ricanement franchit ses lèvres, cela faisait bien longtemps que cela n'avait pas été le cas. De retour dans sa chambre, elle compléta le tenue qu'elle avait enfilé la veille pour sortir dans les couloirs d'une paire de chaussures basses et remis un semblant d'ordre dans ses cheveux. Une fois fait, elle se dirigea d'un pas traînant vers la salle à manger.
Sans surprise, son frère y était déjà, un bol fumant devant lui et un livre dans une main. Mais le plus surprenant était son teint frais et l'absence de cernes sous ses yeux. Crystal l'avait longtemps soupçonné d'utiliser la même poudre qu'elle, mais son hypothèse avait vite été balayé quand Sélène lui avait affirmé qu'il n'y en avait pas le moindre pot dans la chambre du prince. La jeune fille se laissa glisser sur la chaise à ses côtés avant de lever la main pour qu'un serviteur lui apporte de quoi manger.
- "Tu as une tête affreuse, Crystal." lui annonça le brun sans la moindre trace de tact.
- "On n'a pas tous la chance de pouvoir enchaîner les nuits blanches sans en subir les conséquences..."
- "Une énième qualité que tu peux ajouter à une liste déjà longue..."
- "Liste où ne figure toujours pas le mot modestie apparemment." le railla-t-elle.
- "On n'est jamais parfait."
Leur joute verbale fut interrompue lorsque les portes s'ouvrirent, laissant passer Aloys. Le jeune seigneur combla les quelques mètres qui les séparaient à grandes enjambées, le menton relevé et un air hautain sur le visage. Malgré l'envie lancinante de lui faire ravaler son arrogance, Crystal se releva et s'inclina poliment. Le jeune mage rouge posa sur elle un regard satisfait avant de dévisager Onyx. Ce fut très discret, pourtant la jeune fille remarqua instantanément le subtil changement de couleur qui s'opéra sur le visage d'Aloys.
Sans soucis, Crystal reconnut l'afflux sanguin synonyme de colère et elle se retourna pour en déterminer l'origine. Elle manqua de s'étouffer quand s'aperçut que son frère n'avait même pas prit la peine de se lever de sa chaise. Par ce geste, il faisait clairement comprendre au jeune seigneur qu'il lui était inférieur et que c'était à lui que revenait le devoir de s'incliner. Ce type de comportement de la part de son frère était quelque chose d'étrange pour la jeune fille qui avait plutôt l'habitude de le voir mesuré et soucieux de respecter toutes les règles de bienséance. Mais à y réfléchir, à ce moment précis, c'était bien Onyx qui avait le plus haut statut. Le mage rouge avait beau être fils de seigneur, le mage noir lui, était fils de roi et il en avait pleinement conscience.
Raide comme un manche, Aloys finit par s'incliner très légèrement avant de prendre place, les traits du visage tendus à l'extrême. Intérieurement, Crystal jubilait, voir le mage rouge ainsi remis à sa place avait quelque chose de très satisfaisant.
- "Je vous informe que nos pères respectifs ne mangerons pas avec nous ce matin, ils sont actuellement occupés à négocier les parts de leur accord commercial." lâcha Onyx en refermant son livre dans un claquement sec. "Quand à Kélénia et ses filles, ces dernières se sentent souffrantes, elles resteront donc dans leurs appartements pour la journée."
La jeune fille hocha la tête en affichant une mine désolée, savoir que les jumelles étaient malades la peinait particulièrement. Pas qu'elle entretienne une quelconque amitié avec celles-ci mais les petites étaient si adorables qu'elle ne pouvait pas être contente à l'annonce de leur souffrance. Leur mère par contre, c'était une autre histoire pensa-t-elle, un petit rire sadique résonnant dans son esprit.
- "Dites moi Crystal, que diriez-vous de profiter de la matinée pour sortir au marché ? Nos pères sont occupés, autant en profiter ?" lui glissa-t-il avec un sourire enjôleur.
- "Et bien... Il faudrait les prévenir. Père n'apprécierait pas que je sorte ainsi sans le tenir au courant..." hésita-t-elle en jetant un regard vers son frère.
- "Vous savez, nous avons presque atteint l'âge adulte, il est temps pour nous de nous passer de l'autorisation de nos parents. N'est-ce pas ? Et puis ainsi, nous pourrons nous passer d'escorte !"
La jeune fille prit une grande inspiration, elle n'aimait pas du tout la tournure que prenait la discussion. D'un côté, si elle suivait Aloys, son père y verrait une nouvelle tentative de rébellion et pourrait le lui faire payer très cher et de l'autre, si elle refusait net la proposition du jeune seigneur, celui-ci serait capable de le rapporter à son père qui pourrait s'en plaindre auprès du sien qui lui ferait payer très cher également. Peu importe ce qu'elle choisissait, son père lui tomberait forcément dessus, c'était à elle de décider quelle réponse lui apporterait le moins de problème. Elle allait céder à la demande du mage rouge lorsque son frère l'arrêta net.
- "En l'absence de notre père, c'est moi qui prend les décisions concernant Crystal." grinça-t-il des dents en fixant fermement le jeune homme. " Et croyez moi, votre comportement immature ne joue pas en votre faveur."
- "Vous n'allez tout de même pas empêcher votre sœur de profiter de cette si belle journée ! Et puis nous serons plus discret en y allant seuls !" insista Aloys.
De plus en plus mal à l'aise, Crystal jeta un regard désespérée à son frère. Plus le jeune mage rouge parlait moins il lui inspirait confiance et moins la jeune fille avait envie de se retrouver seule avec lui. Heureusement le brun compris l'appel à l'aide qui se reflétait dans ses yeux et étira ses lèvres en un fin sourire, celui qu'il utilisait quand il savait qu'il avait gagné.
- "Si vous ne voulez pas d'escorte, je suis sûr que les jardins du palais seront suffisant pour vous permettre de profiter de cette "si belle journée" en attendant si vous voulez passer la passer la porte de ce château se sera accompagné d'un escadron au grand complet et pas autrement."
S'ils n'avaient été que tous les deux, Crystal aurait volontiers sauté dans les bras de son frère tant ce dernier lui avait sauvé la mise. Au plus grand malheur d'Aloys qui avait l'air de réfléchir à toute vitesse.
- "Et bien il ne me reste qu'à appeler un de vos serviteurs pour prévenir ma garde rapprochée de..." finit-il par répondre avec un air satisfait.
- "Ne dérangez donc pas vos gardes, ma sœur a tout un escadron à son service et je suis sûr qu'ils seront ravis de veiller sur elle." l'interrompit brusquement Onyx en levant une main. "Crystal, je te laisse choisir tes gardes."
- "Ce sera fait." murmura-t-elle avant de piocher quelques fruits dans une corbeille pour dissimuler son soulagement.
Tout en picorant le contenu de son assiette, la jeune fille se mit à réfléchir aux gardes qu'elle allait faire appeler. Le père de Sélène était le capitaine de sa garde personnelle et elle savait qu'elle pouvait lui faire confiance. Songeuse, elle fit un signe en direction d'un domestique pour lui dire de venir. Ce dernier pressa le pas pour la rejoindre et s'inclina poliment devant elle, attendant ses ordres.
- "Est-ce que vous pourriez prévenir Soulian que je compte sortir avec le jeune seigneur Ad Avior dans la matinée , que j'ai besoin d'une escorte d'au moins dix soldats et que je lui laisse carte blanche sur la composition de son équipe. Merci beaucoup. "finit-elle en souriant gentiment au domestique.
Celui-ci hocha frénétiquement la tête, s'inclina et en se retournant pour partir, manqua de se prendre les pieds dans le luxueux tapis qui couvrait le sol de la salle à manger.
- "Non mais regardez moi cet empoté ! Un tel incapable n'a pas sa place dans un château ! Chez moi, les serviteurs se font renvoyer pour moins que ça !" s'exclama Aloys en posant un regard dégoûté sur le pauvre domestique qui, tout en reculant vers la sortie, se confondait en excuses, le visage rougis par la honte.
Pour Crystal se fut la phrase de trop, le mage rouge se comportait de manière odieuse et elle allait se lever pour le lui faire remarquer de manière virulente quand son mouvement fut retenu. Déconcertée, la jeune fille constata que son frère aîné avait anticiper son mouvement puisque de minces filaments d'obscurité la maintenait contre la chaise. A deux doigts d'exploser, elle se tourna vers lui pour exiger qu'il la libère lorsque son regard se posa sur le visage d'Onyx, défiguré par une colère froide.
- "Sauf que vous n'êtes pas ici chez vous et vous semblez l'oublier." gronda-t-il. "Ce n'est peut-être pas le cas à Amao mais ici, à Trévileos, on respecte les gens qui se démènent toute la journée pour nous offrir tout le confort possible. Ce jeune homme que vous venez de rabaisser fait parti de l'équipe qui travaille aux cuisines, c'est en partie grâce à lui que vous pouvez vous empiffrer de gâteaux comme vous êtes entrain de le faire. Plus je vous écoute parler plus je vous trouve indigne de votre statut et plus je pense que l'idée d'unir nos deux territoires est mauvaise. J'espère sincèrement que votre père est un peu plus éduqué que vous sinon je ne donne pas cher de notre accord commercial. On ne dirait pas, mais à Trévileos, l'étiquette est importante et le respect et la reconnaissance sont des valeurs fondamentales. Je vous conseille de l'intégrer de manière rapide si vous voulez avoir une chance d'obtenir la main de ma sœur. Elle ne possède peut-être aucune magie, mais je peux vous garantir qu'elle vous est largement supérieur en terme de qualités humaines. Vous ne la méritez pas, j'espère que vous en êtes conscient."
Les mots du jeune héritier résonnèrent dans la large salle et dans les esprits des personnes présentes. Tous étaient estomaqués par la violence des propos du jeune mage noir, pourtant personne ne se permit de lui faire la moindre remarque. Pas même Aloys qui se contentait d'ouvrir et de fermer la bouche comme un poisson hors de l'eau.
- "Maintenant si vous le voulez bien, je vais me retirer dans mes appartements." déclara-t-il en se levant.
Le brun se leva et avant de sortir se tourna vers la jeune fille qui le fixait avec de gros yeux. D'une main il lui serra l'épaule et lui lançant un regard encourageant avant de sortir de la salle en laissant la porte claquer derrière lui.
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