Chapitre dix-sept : Les souterrains


- "Mais quelle idiote je suis !" lâcha Crystal, totalement estomaquée.

Il lui avait fallu une seconde pour remettre à leur place toutes les pièces de puzzle. Le gala, Loreis lui offrant la boîte à musique, son nom de famille ! Comment avait-elle pu passer à côté ? Les Vur Mechanik étaient une famille d'ingénieurs de Foirnéise, et pas n'importe lesquels, noooon ! La mère, Lora Vur Mechanik si elle se souvenait bien, était la créatrice du système de filtrage d'air autour de la ville. Et le champ de protection du palais, lui, avait été créé par la fille aînée de la famille. Elle était la seule à savoir exactement comme ce dernier fonctionnait... Elle n'avait plus aucun doute sur le fait que l'étoile était aussi une de ses créations et que c'était l'activation du mécanisme qui avait empêché celle du champ de force.

Mais le plus important à retenir à propos des Vur Mechanik, ce n'était pas leurs incroyables talents d'ingénieurs. Le plus important, c'était leur rôle dans la rébellion pesshtienne. Ils en avaient été les leaders. Les parents, érigés en héro national au lendemain de la prise d'indépendance, avaient été exécutés en place publique sur ordre du Roi.

- "Vous avez mis du temps à comprendre, Princesse. ricana-t-il.

- Vous vous êtes présenté sous votre vrai nom lors du bal, j'aurais pu vous reconnaître dès le départ. Pourquoi avoir fait ça ? C'était risqué pour rien. demanda-t-elle, soudain suspicieuse.

- Mais vous ne m'avez pas reconnu. Premièrement parce que je suis officiellement mort il y a huit ans, tué par la fièvre rouge. Deuxièmement, parce que mon prénom est introuvable, il a été effacé de tous les documents officiels, ma sœur en a fait une affaire personnelle. Troisièmement parce que Mechanik est un nom commun chez les ingénieurs de Pesshta et que la particule de noblesse de ma famille méconnue car attribuée post-mortem. Et enfin, si vous aviez fait le rapprochement, votre cerveau l'aurait rejeté. Après tout, que ferait un dangereux criminel dans un gala royal ? expliqua le rouquin avec un sourire.

- Vous comptez continuer à parler encore longtemps ? grogna Aloys.

- Qu'est-ce qu'il a le petit seigneur ? Il est pressé de se faire mettre au tapis ?

- Le petit seigneur il va te mettre la dérouillée de ta vie ! s'exclama Aloys que la pique avait poussé à bout.

- Aloys, non !" tenta de le retenir Crystal.

Trop tard, le jeune homme s'était déjà élancé. Le poing fermé, il tendit le bras pour essayer de frapper le mage orange au visage. Mais il n'atteignit jamais sa cible, un bloc de cristal ambré se referma sur son bras et qu'un craquement abominable retentit dans les souterrains, vite suivi du hurlement de douleur du mage rouge.

Aloys était tombé à genoux et se tenait le bras toujours pris dans le cristal en se balançant d'arrière en avant. De là où elle était, la jeune fille pouvait voir le bras réduit en charpie dans l'étau orangé et manqua de rendre son repas. Avec horreur, elle pu observer Loreis s'accroupir devant le mage rouge et lui attraper violemment les cheveux pour lui tirer la tête vers l'arrière.

- "Tu disais quoi déjà ? Ah oui, plus grosse fortune d'Amao. C'est bien, avec un peu de chance tu pourras te payer un mage rose suffisamment compétent pour recoller les morceaux.."

Crystal déglutit et sentit une main se resserrer sur son avant-bras mais quand elle y jeta un coup d'oeil, elle ne vit rien. Elle en conclut que son le coup de la peur, Kilaï, derrière elle, avait disparue. Keven quand à lui, avait bien compris en regardant Aloys qu'il n'avait aucune chance contre les deux mercenaires. Prudent, il se contenta de faire barrage de son corps pour protéger les deux filles.

Bien décidée, à ne pas laisser Keven les défendre seul alors que sa magie n'atteignait même pas le stade 1, la princesse se libéra de l'emprise de son amie pour se baisser et refermer ses doigts sur la dague accrochée à son mollet et prit une posture de combat approximative. Elle était savait peut-être manier ce genre d'arme mais les trois quarts de ses connaissances étaient théoriques et elle manquait clairement de pratique. Pourtant, elle n'en laissa rien paraître, affichant un regard sûr d'elle.

- "Et bien, vous me paraissez plus calme que votre ami. On va en profiter pour discuter comme des grands d'accord ? Alors s'il te plait princesse, range moi ce coupe papier."

- "Elle peut le garder." annonça le deuxième qui ouvrit la bouche pour la première fois. "De toutes façons elle ne sait pas s'en servir correctement."

Crystal grimaça, sur les onzes types de magies existantes il fallait qu'ils tombent sur un télépathe.

- "Heureux de l'apprendre. Bon les jeunes voilà ce qu'il va se passer : Les deux bleus, vous allez rester ici avec mon ami et l'invalide pendant que la princesse va me servir de guide. Ça convient à tout le monde ?"

- "Je refuse de laisser Crystal seule avec un mercenaire !" grogna Keven en se rapprochant d'elle.

- "C'était pas une vrai question." rétorqua Loreis en s'approchant à son tour.

- "Faudra me passer sur le corps !"

- "Tu veux finir dans le même état que ton pote ?" demanda le rouquin en désignant Aloys, toujours au sol et qui semblait à deux doigts de s'évanouir.

- "Je viens !" intervint Crystal, paniquée à l'idée que le mercenaire puisse s'en prendre à un de ces amis.

- "Crystal... C'est pas une bonne idée..." souffla Kilaï dans son dos en essayant de la retenir

- "Tout va bien se passer..." essaya-t-elle de la rassurer comme elle pouvait.

La princesse plaqua le manche de sa dague dans la main de Keven en le regardant dans les yeux.

- "Si jamais quoique se soit dérape, je compte sur toi pour protéger Kilaï."

Ce dernier lui jeta un regard implorant, comme pour la supplier de ne pas y aller mais elle l'ignora. Tous étaient tellement occupés à fixer la jeune fille que personne ne remarqua les trois silhouettes qui se glissèrent dans l'ombre, quelques mètres plus loin, visiblement très attentives à ce qu'il se disait.

Le télépathe dont Crystal ne connaissait pas le prénom tendit une carte en papier à Loreis avant qu'il ne fasse disparaître l'énorme bloc de cristal qui bloquait le passage, provoquant au passage un hochement de tête impressionné de la part de la jeune fille. Le rouquin était puissant ça ne faisait aucun doute. Un stade trois peut-être... Les mages de chaque couleur étaient classés dans trois catégories de la plus faible à la plus puissante. A Trévileos, la moyenne magique était au stade deux mais tendait plus vers le trois dans certaines régions... D'un mouvement de tête, il lui fit signe de le suivre et la jeune fille lui emboîta le pas. A peine eurent-ils marchés une demie douzaine de mètres que le mur orange se reforma, les coupant du reste du groupe. Crystal déglutit avec difficulté en réalisant qu'elle était désormais seule avec un dangereux criminel, la dernière fois qu'elle avait tenté l'expérience cela c'était très mal finit.

- "Bon, voyons voir ce que dit le plan..."marmonna Loreis en regardant sa carte à la lueur de la torche"

- "Pourquoi tu as besoin de quelqu'un pour t'emmener à la salle du trésor si tu as déjà une carte ?" ne put s'empêcher de demander la jeune fille.

- "C'est juste le plan des souterrains," lui répondit le mercenaire distraitement. "En plus, tu pourras me servir d'otage dans le cas où on rencontrerait des gardes..."

- "Te servir d'une albinos comme otage ? Tu sais qu'il y a neuf chances sur dix que les gardes préfèrent me descendre ?"

- "Ça c'est parce que ce sont des ignorants..." marmonna Loreis pour lui-même.

- "Comment ça ?"

- "Et toi aussi... Je ne sais pas si je dois me réjouir du manque d'informations sur les mages blancs ou le déplorer... Non mais sérieux, quel gâchis..." continua à grommeler le mercenaire.

- "Mages blancs ? Mais de quoi tu parles ?" insista Crystal, un peu perdue.

- "Laisse tomber." finit-il par lâcher avant de retourner la carte en grommelant. Qu'est-ce que c'est que cet énorme trou dans le plan ! Il y a des souterrains partout sauf là...

La princesse lorgna discrètement sur le plan du mercenaire. Ses yeux s'écarquillèrent lorsqu'elle se rendit compte que la carte sous ses yeux était plus détaillée que toutes celles qu'elle avait pu examiner ! Mais où diable avait-il trouvé ça ? Il était hors de question que les mercenaires restent en possession d'informations aussi importantes. Heureusement que le jeune homme avait de grosses difficultés à se retrouver au milieu des lignes et des pointillés, ainsi il ne faisait presque plus attention à elle.

Pourquoi l'aurait-il fait en même temps, elle était désarmée et sans aucune source de lumière. Un faible sourire illumina son visage. Pour une fois Kreatos jouait en sa faveur. Le télépathe devait être hors de portée maintenant, impossible pour lui d'anticiper ses mouvements et de prévenir le rouquin. Si elle ne s'était pas trompé dans ses calculs, elle avait une petite chance de semer le mercenaire et d'aller chercher sa garde personnelle pour porter secours aux faux jumeaux et à Aloys ! D'un geste rapide, elle tendit la main pour attraper la carte.

Mais avant même que ses doigts ne puissent frôler le papier, ceux du mercenaires l'avaient lâché pour venir agripper son poignet. Incrédule, Crystal releva les yeux sur le mage orange et esquissa un pas en arrière en tombant sur le regard écarlate de ce dernier. Le sourire amical du jeune homme lui déclencha un frisson et elle tenta de se défaire de la prise, sans succès.

En bougeant, la princesse sentit un poids dans sa poche et manqua de hurler de joie en reconnaissant la bourse qui contenait sa poudre soporifique. Mais elle ne put rien entreprendre, Loreis lui tordit le bras violemment et lui écrasa le visage contre le sol, un genoux plaqué entre ses omoplates.

La jeune fille couina lors de l'impact alors que des larmes de frustration apparaissaient aux bords de ses yeux.

- "Pour le bien de ton joli visage, ne me cherche pas princesse." lui conseilla gentiment le mercenaire en tournant un peu plus son bras.

- "Co... comment ?" demanda Crystal en serrant les dents.

- "On attaque le palais royal, princesse. Tu penses vraiment qu'on enverrait des incapables ?"

Dans une tentative un peu désespérée, la jeune fille rua pour tenter déloger le rouquin mais ce dernier ne bougea pas d'un pouce, se contentant d'appuyer davantage sur son dos pour mieux la plaquer au sol.

- "Qu'est-ce que j'ai dis princesse ? Tu tiens vraiment à ce que je m'énerve ?"

La jeune fille s'immobilisant un instant. N'importe qui de censé serait aller dans le sens du mercenaire, ne serait-ce que pour espérer retrouver une vie normale. Mais sa vie était un cauchemar qui allait en s'empirant. Alors elle n'avait rien à perdre. Déterminée, Crystal reprit ses ruades.

Dans son dos, le mage orange grogna mais réussit tout de même à la maintenir au sol et tordit son bras tellement fort que la princesse ne put retenir son cri de douleur. Une larme coula sur sa joue pour aller s'écraser sur le sol poussiéreux.

- "Bon, puisque tu ne tiens visiblement pas à ta vie, peut-être que celles de tes amis t'importent un peu plus ?" gronda Loreis, qui commençait à perdre patience.

La phrase du mercenaire eu l'effet escompté puisque la jeune fille se figea. Maintenant immobile, inquiète et un peu plus coopérative, Crystal ferma les yeux et relâcha ses muscles.

- "Alors par contre, si vous pouviez éventuellement me débarrasser de l'imbécile qui me sert de fiancé se serait très gentil de votre part."

- "Tu manques pas d'humour toi, dis moi." pouffa le jeune homme en relâchant un peu la pression qu'il exerçait sur son corps. "Bon, ça y est ? Disposé à coopérer ?"

- "Ça dépend, qu'est-ce que vous voulez faire dans le palais ?"

- "Parce que tu penses pouvoir négocier ?"

La phrase du mercenaire fit écho dans l'esprit de la jeune fille. Elle l'avait bien trop entendue.

- "Pardon, j'avais oublié que mon avis ne comptait pas..." murmura la jeune fille, blessée.

Un soupir résonna dans son dos et le genoux qui l'écrasait contre le sol quitta son dos. Crystal voulut ramener ces mains devant elle avant de se rendre compte qu'elles étaient bloquées l'un contre l'autre dans un étaux orangé.

D'un oeil méfiant, elle observa le rouquin s'accroupir devant elle et la dévisager.

- "Sérieusement, pourquoi t'es encore ici ?"

La princesse haussa un sourcil, perplexe.

- "Pardon ?

- Cheveux blancs, tempérament rebel et des manières discutables pour une princesse. N'essaye pas de me faire croire que la vie de château te plaît. Donc je répète : Pourquoi tu es encore ici ?"

Un silence accueillit la question alors que Crystal réfléchissait à la réponse. Pourquoi est-ce qu'elle restait au château ? Pour son frère ? Il s'en sortait très bien tout seul. Pour Keven et Kilaï ? Elle leur apportait plus de problèmes qu'autre chose...

- "Je ne sais pas..."

- "Et donc, en quinze ans tu n'as jamais pensé à partir ?"

- "Où est-ce que je serais allée ?"

- "A Ikyo."

- "Qu'est ce que je serais allée faire à Ikyo ?"

- "Tu serais surprise de tout ce que tu pourrais apprendre dans les glaciers." lui répondit le jeune homme avec un rictus amusé.

- "Je dois prendre ça comme une invitation ?" enchaîna la jeune fille, perplexe.

- "Prend ça comme tu veux, princesse. En attendant moi j'ai un travail à terminer. Reste à savoir si tu m'aides ou si je dois te forcer la main."

- "Qu'est-ce que vous voulez faire dans le palais ?"

- "On a besoin d'un document qui se trouve dans la salle du trésor."

- "Un document ? Dans la salle du trésor ? Tu sais que si tu n'as pas un peu plus d'indication tu risques d'y passer la nuit ?" demanda Crystal.

- "C'est bien pour ça que ça m'aiderait beaucoup que tu coopères." ricana le jeune homme. "Alors tu marches ?"

Crystal réfléchissait à toute vitesse. La salle du trésor était sur-protégée, une vrai forteresse si on essayait de s'y prendre de front. De plus, elle se situait dans le quartier le mieux protégé du palais. C'était presque du suicide de sortir dans les couloirs.

Par contre... En prenant les souterrains puis les passages cachés dans les murs.... Ne restait plus qu'à espérer que personne n'ai eu l'incroyable idée de se cacher dans la salle. Ce qui était sûr, c'était que l'opération se tentait et que s'ils ne se faisaient pas prendre, elle aurait une échappatoire à son mariage et à cette vie au palais qu'elle ne supportait plus. Alors quand elle reprit la parole, sa voix ne trembla pas.

- "Je marche."

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top