Chapitre dix-huit : un nouveau départ ?
- "On est bientôt arrivé ? demanda Loreis derrière elle. Ça doit bien faire vingt minutes qu'on marche !
- C'était soit ça, soit ça les artères principales du palais qui sont certainement pleines de gardes. Qu'est-ce que tu préfères ?"
Le mercenaire resta silencieux et Crystal soupira. Le château était grand et effectivement la salle au trésor était loin mais elle avait tout fait pour prendre le chemin le plus court et le plus sûr. Ce n'était pas des chemins qu'elle avait l'habitude d'utiliser, elle devait rester concentrée pour être sûre de ne pas s'égarer. Heureusement, le chemin était ponctué de petites ouvertures dans les murs lui permettant de se situer. Ils ne devaient plus être très loin.
Ils parcourent encore quelques dizaines de mètres avant que la jeune fille se stoppe. Elle les avait volontairement fait monter un étage au dessus de leur objectif. Résultat, sous ses pieds, elle pouvait sentir la délimitation de la trappe qui donnait sur le plafond de la salle au trésor.
D'un geste de la main, elle lui intima de ne pas bouger. Elle ne pouvait pas juste ouvrir la trappe comme ça. Si comme elle le craignait, un groupe de soldats avait investi la salle, ils allaient se faire remarquer instantanément. Elle s'accroupit contre le sol et colla son oeil à la fente. Comme elle le craignait, deux soldats se tenaient contre la porte, juste en dessous d'elle. Ils n'avaient pas l'air sur le qui-vive, c'était un bon point pour eux.
Si elle était suffisamment rapide, elle pourrait ouvrir la trappe et leur jeter une poignée de sa poudre soporifique toujours cachée dans sa poche. Tout en retenant son souffle, elle en récupéra une petite quantité dans main, ouvrit la trappe et projeta la poudre sur ses cibles.
Ils n'eurent même pas temps de crier que le somnifère faisait déjà effet. Ils tombèrent au sol dans un bruit sourd.
- "C'est super efficace ton truc ! commenta le mercenaire en se laissant glisser à sa suite. C'était ça que tu comptais me jeter dessus toute à l'heure ?
- Tu ne le savais pas ? demanda la jeune fille, interloquée.
- Nieru a pu m'avertir que tu comptais faire quelque chose. Mais il commençait déjà à être loin, il n'a pas pu en savoir plus.
- Donc maintenant, il ne peut plus nous entendre ?
- Pas nos pensée, non. Par contre, il est encore capable de savoir si je suis en vie. Donc si tu penses pouvoir te débarrasser de moi, saches que c'est une mauvaise idée. ricana-t-il en sortant un papier de sa poche.
- Bon dis moi ce que tu cherches, qu'on sorte d'ici au plus vite.
- Alors, d'après mes informations, on doit trouver un document officiel qui date d'il y a plus de deux cents ans. Il a deux sceaux, un noir et un rouge..."
Immédiatement, la princesse se dirigea vers les énormes bibliothèques qui bordaient les murs. Ces yeux glissant sur les reliures à une vitesse déconcertante. Si le document était vieux, il devait se trouver vers le fond de la salle. Elle s'arrêta enfin devant l'une des étagère. Ces doigts glissèrent le long des livres alors qu'elle réfléchissait.
- "Couleur du marquage ? demanda-t-elle.
- Gris ! répondit le mercenaire en regardant sa feuille.
- Dans ce cas..." murmura-t-elle en sortant un énorme recueil de son emplacement.
Le marquage était une manière simple de classifier les documents important par secteur. Par conséquent, le gris indiquait une affaire géographique. Cela pouvait aussi bien être un traité sur les terres considérées comme royales ou sur la construction d'une nouvelle ville. Crystal parcouru les pages à la recherche du fameux marquage. Sous ses yeux, les lettres de Trévilien ancien s'accrochaient à son cerveau, faisant résonner dans son esprit les rares syllabes qu'elle parvenait à comprendre.
- "Document de plus de deux cent ans, sceaux noir et rouge, marquage gris... Je crois que je l'ai ! s'exclama fièrement la jeune fille en s'arrêtant sur une page.
- Parfait !" répondit le rouquin en s'approchant.
Il lui prit le livre des mains et arracha la page sous le regard horrifié de la princesse. Elle se retint de ne pas engueuler le mercenaire pour avoir oser abimer un ouvrage vieux de plus d'un siècle mais le reproche se lisait clairement dans son regard.
Loreis dut le voir puisqu'il se contenta de pouffer en rangeant la feuille dans une poche intérieure de sa veste. D'un geste de la tête, il lui indiqua la trappe. En se faisant la courte échelle, ils ne mirent qu'une minute à remonter dans le passage et Crystal referma la trappe derrière eux. Ils rebroussèrent le chemin et bientôt, ils furent de retour dans les souterrains.
- "Une idée pour empêcher les trois autres de prévenir les gardes immédiatement après notre départ ? demanda Loreis. Ce serait embêtant d'avoir fait tout ça pour se faire arrêter à la sortie de la ville. Ton somnifère garde la personne dans les vapes combien de temps ?
- Certainement pas assez pour avoir le temps de quitter la ville, mais je vais trouver un moyen. On n'a pas besoin d'utiliser la manière forte ! s'empressa d'intervenir la jeune fille, paniquée à l'idée que le mercenaire en vienne à se débarrasser définitivement de ses amis.
- Pas la peine de paniquer, je suis un mercenaire pas un tueur. Même si dire que ça ne m'est jamais arrivé serait mentir, j'essaye d'éviter le plus possible, la rassura le rouquin.
- Je pensais que ça allait ensemble... murmura Crystal en posant sa main sur sa poitrine.
- Eh bien, c'est vrai que certains en font leur spécialité, notamment les mercenaires de la base noire qui sont de vrais sadiques qui ne trouvent la joie que dans le meurtre... groga le mage orange.
Rien qu'au ton qu'il avait utilisé pour parler d'eux, la princesse comprit qu'il ne les portait pas dans son coeur et qu'ils représentaient un sujet sensible, alors elle se garda bien de tout commentaires.
Lorsqu'ils arrivèrent devant le mur de cristal orange, Loreis le fit disparaître en un nuage de poussière étincelante. Derrière, Crystal fut soulagée de retrouver les faux jumeaux sains et saufs, assis contre l'une des parois. Un peu plus loin, Aloys avait toujours le bras entourée de l'étaux de cristal mais ne gémissait plus. Il était toujours blême mais la douleur du choc s'était atténuée. En fait, à y regarder de plus près, c'était le cristal, en servant d'attelle qui était à l'origine de l'amélioration.
Mais elle n'avait pas le temps de s'extasier sur les compétence du mage orange. Elle expliqua la situation à Keven et Kilaï et comme elle s'y attendait, leur première réaction ne fut pas vraiment positive. Heureusement, les faux-jumeaux étaient loin d'être idiots et une fois la surprise de l'annonce passé, ils durent bien admettre que cette solution lui permettait à la fois d'échapper à son mariage et à Kélénia. Ne restait plus qu'à gérer un dernier détail.
- "Ne croyez pas vous en sortir comme ça ! Aussitôt sortis d'ici, je m'arrange pour mettre toute ma garde personnelles à vos trousses ! Ne pense même pas à m'échapper !" cria Aloys à la fin des négociations.
Le regard noir que lui jeta la jeune fille, le fit immédiatement taire. Une fois sûre qu'il resterait silencieux, Crystal se tourna vers Keven.
- "Tu as de quoi écrire ?"
Après une seconde d'incompréhension, il sortit de ses poches un petit carnet et un crayon et les lui tendit. La jeune les récupéra et griffonna quelques phrases sur l'une des feuilles avant de signer et de détacher la feuille du carnet. Elle la plia minutieusement en s'accroupissant devant le mage rouge. Elle se pencha et lui murmura à l'oreille :
- "Si tu ouvres ta bouche, les faux-jumeaux seront forcément mis au courant. C'est pour ça que je vais leur remettre cette lettre qu'ils devront remettre à mon frère si cela se produit. Alors si tu ne veux pas que mon frère soit mis au courant que ton père essaye d'avoir accès au bureau de mon père pour y faire je ne sais quoi... Je te conseille de garder ta langue dans ta poche..." souffla-t-elle d'un ton dégoulinant de menace.
L'éclat paniqué dans les yeux verts du jeune seigneur lui assura qu'elle avait touché en plein dans le mille. Puis avant de lui laisser dire quoique se soit, elle lui jeta une poignée de somnifère au visage. Le corps du mage rouge s'écrasa contre la terre meuble sous le regard satisfait de la princesse. Conscient qu'ils fallait le sortir d'ici, Keven attrapa Aloys et le hissa sur son dos.
Satisfait, Loreis leur fit prendre le chemin du retour. Tous étaient plongés dans un mutisme si profond que encore un fois, personne ne remarqua les trois silhouettes à quelques pas, qui les suivaient en frôlant les murs avant de disparaître brutalement.
Lorsqu'ils arrivèrent à la surface, Crystal écarquilla les yeux face au chaos qui avait pris forme devant ses yeux. Tout le monde courrait dans tous les sens, que se soit gardes ou citoyens, le tout accompagné de cris plus ou moins puissants. Presque invisible dans la pagaille ambiante, l'étrange groupe s'éloigna en vitesse jusqu'à atteindre un coin de la ville relativement calme et qui n'avait pas été touché par les incendies. Une fois qu'ils furent sûrs qu'aucun garde ne les avait suivis, Keven laissa tomber Aloys sans la moindre précaution avant de se retourner vers Crystal, sa sœur à ses côtés. Les trois amis d'enfance se regardèrent un moment sans parler, bien conscient que les larmes n'étaient pas très loin.
- "On se reverra n'est-ce pas ?" murmura Kilaï avec des trémolos dans la voix.
S'en fut trop pour la princesse qui se jeta dans les bras de son amie, à deux doigts d'éclater en sanglots.
- "Je te le jure, peut importe sur quel dieu !
- Y a intérêt !" s'exclama Keven en s'ajoutant à l'accolade.
Les trois adolescents restèrent un moment ainsi, sans qu'aucun des mercenaires ne viennent les interrompre, mais finirent par se décoller sans vraiment oser se regarder en face.
- "Prenez soin de vous...
- Ça vaut aussi pour toi." lui répondit le télékinésiste en lui tendant sa dague.
La jeune fille hocha la tête tout en récupérant l'arme. Elle la rangea soigneusement et observa Keven reprendre Aloys sur son dos avant de s'éloigner vers les quartiers d'Amao, sa sœur sur les talons. Des larmes pointèrent aux coins de ses yeux mais elle les refoula aussitôt, se disant qu'elle avait au moins pu leur dire au revoir... Contrairement à Sélène et Onyx.
La jeune fille souffla finalement un bon coup avant de se tourner vers les deux mercenaires qui commençait à montrer des signes d'impatience. Soulagés de voir qu'elle avait enfin fini, ils la menèrent jusqu'au petit quai où était apparemment amarré leur char à voile.
Juste avant de passer la porte du quai, la princesse jeta une dernière œillade derrière elle, juste à temps pour croiser un regard ébène qu'elle ne connaissait que trop bien. Ses yeux s'agrandir de stupeur en le reconnaissant. Il n'avait rien à faire ici ! Il aurait dû être au palais avec son père et le reste de la famille royale ! Alors que diable faisait son frère au beau milieux des soldats ?
Elle n'eut pas le temps de s'interroger davantage que Loreis la tirait vers l'embarcation, lui laissant juste apercevoir un hochement de tête entendu qu'il lui serra la gorge. Onyx comprenait. Il lui montrait son approbation. D'un côté, cela la rassura, elle devenait peut-être une criminelle mais son frère était toujours de son côté. Ce fut donc avec un poids en moins sur le cœur qu'elle se laissa entraîner par le mage orange.
Une seconde avant de montrer sur l'embarcation, Crystal sentit Loreis se rapprocher d'elle pour venir lui chuchoter quelque chose à l'oreille.
- "Retiens bien, à partir de maintenant, t'appelles Elh, tu bosses au château et tu viens avec nous parce que tu ne supportais plus les mauvais traitements que tu subissais là bas à cause de tes cheveux. Et dès qu'on est sur le char, tu me suis, on doit te trouver d'autres vêtements. Les tiens sont trop luxueux. Compris ?"
La jeune fille se contenta d'hocher la tête en répétant mentalement les infos données par le rouquin et sauta sur le pont du char à voile. Le mercenaire avait pensé à tout. Après tout, les prénoms dits "précieux" étaient réservés à la famille royale. Débouler en plein repaire mercenaire avec un prénom de ce type, c'était comme se promener dans une église Kréatienne quand on avait les cheveux blancs. C'était du suicide. Et pour ses vêtements, il avait également raison, si de loin ils ne paraissaient pas si luxueux, de près c'était une autre histoire...
Aussi discrète que possible, l'ancienne princesse suivit le mage orange dans la cale du char, miraculeusement vide. De ce qu'elle avait vu, les mercenaires étaient une douzaine et tous étaient sur le pont à s'activer pour quitter la ville au plus vite. Leur départ ne serait même pas suspect. L'un d'eux s'était occupé de mettre le feu au port et de nombreux marchands s'empressaient de mettre à l'abris leurs précieuses embarcations.
C'est à ce moment qu'elle réalisa, qu'elle réalisa à quel point ils étaient puissants. Ils étaient douze, et pourtant, ils avaient réussis à prendre d'assaut la ville la plus protégée du royaume et à s'introduire dans le palais royal.
Devant elle, Loreis s'était accroupi près d'un gros sac pour en sortir une tenue très similaire à la sienne. Un pantalon noir, et une veste bleu foncée, le tout en toile épaisse. Il lui fourra entre les mains avant de sortir de la cale pour la laisser se changer.
Sous ses doigts, la jeune fille sentit que le tissus était plus rigide qu'à l'accoutumé. En y regardant de plus près, elle put constater que ce dernier était traité, certainement grâce à de l'insuli, une mousse trouvable dans n'importe quelle région avec des conditions de vie extrême. Une fois lavée, la mousse était réduite en bouillie et laissée à fermenter pendant plusieurs mois. Puis on l'étalait sur le tissus et attendait quelques jours le temps que le mélange imprègne bien. Ne restait alors plus qu'à laver le tout plusieurs fois et les vêtements étaient enfin prêts.
Il s'agissait d'un procédé long et coûteux car l'insuli se cultivait très mal. La panoplie qu'elle tenait dans ses mains était un petit trésor à elle toute seule. Car en plus de valoir très cher, le tissu devenait résistant à à peu près tout, notamment au froid.
Au vue de leur destination, la jeune fille soupira de soulagement. Au moins, elle ne finirait pas ses jours sous forme de glaçon. A la va vite, elle se changea et cacha ses vêtements sous l'une des couchettes de l'embarcation avant d'aller rejoindre Loreis sur le pont.
En évitant de trop se faire remarquer, elle rejoignit le mercenaire à l'avant du char. Ce dernier observait l'horizon avec attention et elle ne put s'empêcher de faire même. Sur leur gauche brillait Treann et à en juger par la course du bateau, ils n'y feraient pas escale. Par contre... si ils continuaient tout droit ils devraient atteindre l'un des canaux qui parcouraient le désert et permettait d'assurer une partie du transport de marchandise grâce aux péniches...
- "On va continuer dans cette direction jusqu'à atteindre le canal le plus proche. On va le longer jusqu'à rejoindre l'autre équipe. lui expliqua Loreis, confirmant ainsi sa théorie. On compte faire des échanges. Les blessés et les moins forts passeront de l'autre côté, les autre continueront sur cette rive pour détourner l'attention. J'espère que t'aime la randonnée, parce qu'une fois qu'on aura atteint les glaciers on devra passer à la marche à pied.
- Ça ne posera pas de problème.
- Parfait."
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top