7. L'Esprit De Feu


Pas très loin de là, tapis dans l'ombre, deux hommes suivaient attentivement la discussion sans émettre le moindre son. Spectateurs, ils observaient la scène avec une curiosité malsaine. Loin de vouloir aider le Milliardaire, eux aussi voulait savoir ce qu'il savait.

Pas pour eux, même si Kysten aurait volontiers affirmé que cette histoire abracadabrante, il voulait en connaître la finalité. Mais pour leur Roi qui aurait tôt fait de vouloir connaître les moindres détails de cette lugubre affaire.

Matt, quant à lui, espionnait Erik. Son caractère imprévisible et sa posture aux aguets le catégorisait dans sa case personnelle d'homme à surveiller.

Étroitement.

D'ailleurs, il se demandait, avec les cent pas que faisait l'homme, pourquoi il n'avait pas lui-même exigé les réponses de leur prisonnier. La dynamique de leur duo jumellique était encore plus complexe qu'il n'y paraissait.

Enfin, Erik s'arrêta et sortit de sa veste, une longue noire en laine, un cigare de sa poche intérieure droite.

Matt leva un sourcil perplexe. Décidément, ce personnage était haut en couleur. Sans avoir ressenti la moindre odeur de tabac sur lui, il aurait juré qu'il n'était pas homme à fumer des cubaines.

L'elfe lui s'impatienta.

Il répond oui ou merde ?

À fond dans l'histoire, lui aussi désirait savoir qui était les quatre experts portés disparut dans un accident de laboratoire secret qui avait fait plusieurs morts. Encore un peu et il déplorerait le manque de pop-corn.

- Tuez-moi, je ne dirai rien.

Voilà un revirement qu'il n'avait pas prévu. Et d'après la tronche de son ami et supérieur, il n'était pas le seul, contrairement aux deux frangins.

- Allez, s'il te plaît, implora alors Erik.

Hein ? Si les Vampires étaient perdus, le prisonnier fut prit de cour.

- Quoi ? Pensez-vous sérieusement, qu'en demandant gentiment, j'allais aussitôt changer d'avis ? lança leur prisonnier dont la situation semblait cocasse.

- Cette question était pour moi, répondit alors Jeremy, et j'espérais de tout mon coeur ne pas avoir recours à un procédé aussi extrême. Mais puisque vous ne me laissez pas le choix...

Interloqué, Anderson ne vit pas le discret hochement de tête qui signa son assentiment à son frère.

Erik sourit et relâcha de ce fait une fumée épaisse. 

Puis, il s'avança tel un prédateur vers l'homme fixé à sa chaise. Anderson, qui avait senti son aura meurtrière, ses sens en alerte, recula, alors qu'Erik, ne fit que retirer délicatement et avec une extrême douceur le bandeau qui lui bloquait la vue.

Dénotant tout son comportement. Matt en frissonna. Le milliardaire mit un petit moment pour s'habituer à ce changement, manifester par quelques clignements d'yeux effaré. 

- Vous ?! s'exclama-t-il.

Matt, surpris, fit un mouvement assez brusque, coupé aussitôt par l'Elfe dans sa lancée. Jeremy regarda alors un instant dans leur direction, sans rien apercevoir. Puis, il reporta son attention sur la mine surprenante d'Anderson.

- Maître Lunch ? Quelle est cette odieuse plaisanterie ? s'insurgea le pauvre homme.

Maître ? Ce salopard est avocat ?

Kysten fut un instant béa d'attention. Matt avait oublié de le prévenir. Le gars était juste son putain d'avocat ! En fait, il était plutôt son putain de notaire... Mais nous n'étions plus à un détail près.

- Juste la plus vieille du monde, Anderson, au mauvais endroit au mauvais moment, pouffa Erik.

Puis, comme dans le bureau de Sebastian, il s'arrêta de rire, remodelant son expression à une vitesse peu humaine.

- Leurs noms, souffla-t-il, prenant soin d'articuler lentement.

Sa voix menaçante jeta un froid dans la pièce, rappelant à Anderson sa position précaire.

- Non, émit-il, néanmoins.

- Veuillez pardonner mon frère, il a oublié de vous rappeler que nous connaissons tous deux votre véritable adresse, lança avec sa monotonie habituelle, Jeremy.

Aussitôt, l'homme pâlit. Il n'avait qu'une faiblesse en ce monde. Sa Sarah, sa fille, âgée de quelques années seulement. Un âge où l'innocence persistait encore dans son regard.

- Maintenant que nous sommes sur la même longueur d'onde, racontez-nous ce qu'il s'est passé avant l'explosion.

À son expression, Matt sut alors qu'il allait tout déballer.

- Il y avait une femme et trois hommes, se remémora le milliardaire, le regard perdu. Une blonde, très belle, experte en minéralogie, le Professeur Sherman. Elena Sherman, elle était chargée de l'expertise sur plusieurs gemmes de stockage. Elle travaillait sur un Ruby assez complexe qui contenait déjà des données...

L'homme grimaça. Il se souvenait de l'attraction qu'il avait ressentie, de l'autre côté d'une vitre transparente, mais blindée...

- Elle faisait équipe avec un sismologue, un certain Perry ou Jerry. Non, Barry ! C'est ça... Barry, un garçon extrêmement intelligent. Quel dommage. Il y avait avec eux un technicien confirmé. Un ours plutôt mal léché, un type costaud et bourru... C'était lui qui effectuait tous les tests. Monsieur Gareth. Je m'en souviens très bien, il était écrit sur son badge dans sa tenue de protection.

L'homme marmonna une seconde, comme si quelque chose le chiffonnait maintenant qu'il secouait sa mémoire à la recherche de leurs noms.

- Et puis, il y avait ce Professeur, un Lord ou un Sir... Un archéologue de renom. C'était lui qui avait convaincu ses supérieurs de le subventionner. Personnellement, j'aurais pas mis un centime sur son projet de gemmes de stockage peu importe combien de données ce Ruby pouvait contenir... Mais après l'avoir rencontré... Mon avis importait peu. Un sacré personnage, ce Sir Charles.

Si l'homme, perdu dans ses pensées, ne remarqua pas la tension soudaine de ses deux bourreaux, ce ne fut pas le cas pour les vampires. Matt et Kyst notèrent son nom au marqueur rouge dans leur esprit. Quiconque inspirait ce genre de sentiment à leurs égards pourrait devenir un allié de taille.

- Ensuite, cela, c'est compliqué. Les actionnaires voulaient voir de leurs yeux l'avancée de leurs recherches. À l'époque, on commençait tout juste à entrevoir... Quelque chose d'unique, de presque magique ! Bien qu'adepte de l'adage : toute avancée technologique peut être perçue en premier lieu comme de la magie, j'avoue que rien ne m'avait préparé à voir une sorte d'esprit élémentaire sortir d'une pierre aussi grosse qu'un demi-pouce. Un esprit de feu qui plus est !

L'homme secoua la tête négativement sans en avoir réelle conscience.

- Un hologramme, mon cul ! s'écria-t-il, oubliant son langage, oubliant où il était, avec qui il était et même sa douloureuse position. Un hologramme, même confiné, n'aurait pas tout dévasté sur son passage, bordel de merde !

- Comment ça ? exigea Jeremy, le ramenant sur terre.

- Je suis parti avec les actionnaires, balbutia l'homme qui n'en revenait pas d'avoir occulté un pareil truc dans sa propre mémoire. Quelques heures plus tard, on nous a rapporté que le laboratoire avait eu un accident. Tout avait été détruit.

Une larme coula silencieusement sur sa joue.

- Par le feu, chuchota-t-il comme s'il s'agissait d'un secret.

Les deux jumeaux s'échangèrent un regard et comme si Erik demandait une quelconque permission, Jeremy donna son assentiment une fois de plus.

- Le laboratoire, où était-il situé ? demanda doucement le moins terrifiant des deux, aussi doucement qu'il aurait fait pour s'adresser à un enfant.

- Sous la Tour du Nord, à des dizaines de kilomètres sous terre. Ils ont condamné les issues... Tout n'est plus que cendre...

Un silence plana un instant dans l'air, résultat de sa voix meurtrie et brisée.

- Bon, tu as eu ce que tu voulais ? trancha Erik.

Son frère lui lança un regard noir débordant de tout le mérite de sa remarque déplacée.

- Bah quoi, je me les gèle !

Jeremy leva alors les yeux au plafond, répondant par là même à sa question.

- Super, lança le blond en balançant son cigare dans un coin.

Aussitôt qu'il eut touché le sol, l'étron disparut sous les yeux éberlués du magnat de l'immobilier. Sans s'émouvoir, Maître Lunch claqua des doigts et les liens qui immobilisaient auparavant l'homme disparurent comme par enchantement. Erik sortit alors une liasse de feuilles enroulées dans l'une des poches de son manteau, ainsi qu'un stylo.

- Vous connaissez la procédure, lança-t-il en se coulant dans la peau du notaire respectable qu'il était. Parafez, là, là et là, dit-il en désignant les endroits, puis vous signez à la fin. N'oubliez pas, la citation. Très importante la citation.

- Hein ? bugua l'homme d'affaires qui, après les démonstrations évidentes de magie, ne s'attendait visiblement pas à faire quelque chose d'aussi commun que de signer un contrat.

Kysten se demanda quelle serait la finalité de cette histoire. Un élémentaire de Feu et puis quoi encore ?

Anderson prit de court, commença à parafer avant de s'arrêter d'un coup et de se pencher sur le fameux contra.

- Acte notarié de la vente d'un bien immobilier... Tour du Nord... Situé à... Epsilon... Nouvel acquéreur... Sebastian Greyson ?

À l'entente du nom de leur Roi, les deux vampires se regardèrent dans l'ombre, avant de reporter leur attention sur le magnat de l'immobilier.

- L'un de vos nombreux noms, j'imagine ? demanda l'homme tout en signant.

Il n'était pas bête au point de savoir qu'ils ne montreraient pas leur véritable nature à quelqu'un qui allait s'en sortir vivant.

Mais avant de noter la citation « Lu et approuvé », il arracha la promesse aux deux hommes qu'aucun mal ne sera fait à sa fille.

Le document de retour au chaud dans la poche d'Erik, celui-ci prit soin de sortir de la doublure de son pantalon une lame aussi fine et tranchante qu'un rasoir. Matt, qui connaissait par coeur le nom de toutes les armes que contenait l'armurerie de Sa Majesté, n'eut aucun mal à reconnaître une rapière.

Soudain, Kyst l'attrapa par son horrible veste bleu marine. Subjugué par l'épée, il n'avait pas vu que Jeremy, laissant à son frère le soin de finir le travail, regagnait déjà la sortie.

À une allure vampirique, ils rejoignirent le véhicule qu'ils avaient « emprunté » encore secoué par les révélations de cette nuit.

Tandis que les deux gardes s'éloignaient à bord du véhicule, Matt vit, à l'aide du rétroviseur central, que Jeremy sortait de l'immeuble en reniflant l'air. Avaient-ils été repérés ? Le demi-mage regagna la voiture sans plus de cérémonie et les deux acolytes soupiraient de soulagement.

- Merde alors ! murmura Kysten, t'y crois toi, à cet élémentaire de Feu ?

- Lui, en tout cas, il avait l'air d'y croire. Et puis, songea le Chef, on va vite le savoir.

Kysten haussa un sourcil en guise de question muette.

- Si la Tour du Nord, revient réellement à Sebastian, rien nous empêchera de jeter un coup d'oeil à ce fameux labo.

- Du moins, ce qui l'en reste, conclut l'elfe en regardant par-delà la nuit noire.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top