6. Foutus Ascenseurs
Matt et Kyst, garés à quelques dizaines de mètres de là, les regardèrent s'engouffrer dans ce qui semblait être un vieil HLM. Aucun des deux n'avait ouvert la bouche depuis leur entrée dans cette ville aux abords de la frontière entre les États du Sud et du Nord : Frost.
Cette ville qui était sous la direction des Drakions, - un joli mot pour dire dragon, qui avait la possibilité de se transformer en être humain- et ainsi hors de la juridiction de leur espèce, ne leur disaient rien qui vaille. Enfin plus pour Matt que Kyst. Ce dernier à moitié elfique et source de nombreux conflits pouvaient expliquer plus ou moins sa présence contrairement à son supérieur.
- Tu sais où on est ? lui demanda justement le brun.
- Vu l'état des lieux, je dirais dans le quartier le plus pauvre du coin, haussa des épaules l'elfe vampirique.
Sous l'oeil réprobateur de son patron, il soupira puis sorti son téléphone de sa poche.
- Je vais tâcher de me renseigner.
Matt acquiesça avant de retourner à sa surveillance. Il n'eut pas à attendre longtemps avant d'entendre plusieurs moteurs s'approcher de leur position. Sans un mot, Kysten rangea son téléphone, évitant ainsi de se faire repérer par la lumière de l'écran. Tous deux purent voir deux voitures banalisées et noires entrer à leur tour sur le parking.
Plusieurs hommes en sortirent et les deux vampires s'échangèrent un regard. Ils avaient reconnu à leur posture des hommes dûment entrainés au combat et une formation de gardes du corps. Ils surent qu'ils avaient vu juste quand un homme qui détonnait dans le décor avec son costume soigné et ses bijoux en argent qui se voyaient de loin, même dans la nuit noire, sortit à son tour du véhicule.
Matt attendit que l'escorte s'engouffre dans l'immeuble pour demander à Kyst ce qu'il savait.
- Pas grand-chose, j'en ai peur. Il y a plus de trucs sur le net pour les gens riches ou les « people » qu'un vieil immeuble décrépi des années vingt dans une agglomération minime qu'est Frost. Mais si tu me laisses une minute de plus, continua-t-il en pianotant déjà sur son clavier, je suis sûr de trouver un truc sur le type en costume Armani qui vient d'arriver.
Matt haussa alors un sourcil sans que son Lieutenant préféré le remarque. Comment diable pouvait-il distinguer un costume Armani d'un autre ?
- Oh merde ! siffla l'elfe. Je crois qu'on ferait mieux de les suivre.
- Pourquoi ? s'enquit le Chef de la Sécurité, en attrapant le téléphone.
Il parcourut un instant l'écran des yeux, reconnaissant enfin l'homme.
- Que fait le Proprio de la Tour du Nord dans cet endroit ? murmura le garde, essayant en vain de remettre les pièces du puzzle en place en parcourant un article des yeux.
Soudain, il cessa de lire, ses oreilles sensibles le titillèrent. Sur le qui-vive, l'elfe se redressa, l'ouïe encore plus affutée. Entre les hurlements et le boucan d'enfer qui survinrent, nul doute fut permis : un des ascenseurs de l'immeuble venait de lâcher avec sa cargaison.
- Faisait, conclu le Lieutenant en frissonnant.
Sans se consulter, les deux hommes sortirent du véhicule se précipitant vers l'entrée de l'immeuble. Quiconque les connaissaient un tant soit peu auraient pu prévoir leur réaction. Même vampire, leur nature intrinsèque avait toujours été d'aider son prochain. Peut-être était-ce pour cela qu'ils faisaient une très bonne équipe ?
Peu importe.
Lorsqu'ils arrivèrent sur les lieux de l'accident, même eux, devant une telle boucherie, détournèrent le regard. De toute façon, il n'y avait plus âme qui vive. Un hurlement étouffé pourtant les dissuadèrent du contraire. Suivant la piste, ils déboulèrent dans les garages ou les caves, des plus riches locataires des lieus.
Une d'entre elles était à moitié ouverte et illuminé par une ampoule blafarde et vacillante.
À pas léger et prudent, les deux vampires s'approchèrent. Lorsqu'une voix qu'ils reconnurent entre mille, les convainquirent que Sebastian avait bien fait de les faire suivre.
***
L'homme se réveilla avec un mal de tête abominable, un goût horrible dans la bouche et ses sens perturbés avec le bandeau qu'il avait sur les yeux. Le « tic-tac » de sa montre, si faible à l'accoutumée, tapait dorénavant sur son crâne comme un marteau-piqueur.
Perdu, sa mémoire lui jouant des tours, il se souvenait que c'était sa fille, sa petite Sarah qui la lui avait offerte...
Il chassa le souvenir, en essayant de savoir ce qu'il foutait là au juste.
Emmerdé par son manque essentiel de la vue, il comprit rapidement qu'il était dans de sales draps lorsqu'il sentit des cordages grossiers enrouler sur ses poignets.
Ça et le fait que l'on murmurait juste à côté de lui. Bien sûr, comme si cela ne suffisait pas, la chaise bancale et rigide lui faisait un mal de chien.
Puis soudain, comme si son esprit prit conscience de sa position, il sentit quelque chose de familier fleurir au plus profond de ses tripes : la Terreur. Sourde, muette et pourtant là, elle ne lui faisait pas de cadeau.
Sa posture qui était jusque-là, lâche, se transforma en quelque chose de tendu et sa respiration en quelque chose de plus hiératique.
Ce qui mit aussitôt la puce à ses geôliers sur le changement d'état de leur proie.
- Anderson ?
La voix lui sembla aussitôt familière, ce qui aida à faire reculer la peur assez bien pour l'aider à se reconnecter à cette foutue réalité. Mais, sans le visage qui allait avec, il eut du mal à se rappeler à qui était ce timbre.
- Et oh, c'est réveillé ?
Surpris par la formulation peu correcte, Anderson ne répondit pas. Il lâcha cependant une grimace face au claquement de doigt qui survint deux secondes plus tard auprès de son oreille, l'assourdissant au passage.
- Ah ce que je vois, vous avez reçu notre message...
Cette voix-là, aux intonations un peu plus... Normale ? Et pourtant dite d'une façon plus polie et ennuyeuse était inconnue au bataillon.
Les mots employés déclenchèrent alors dans sa conscience la raison de sa présence.
Un chantage !
Un odieux chantage contre sa personne. Un message dissimulé dans sa boîte mail, adressé à son illustre personne, relatant un fait survenu une année plus tôt, connu d'un petit nombre d'initiés... Dont l'instigateur du message lui donnait rendez-vous dans l'un de ses vieux immeubles à la périphérie de sa ville de séjour, pour seule indication l'heure.
Le milliardaire avait d'abord pensé à une blague lorsque son Chef en CyberSécurité lui avait présenté l'affaire. Il avait moins ri, lorsqu'il vit que le message était accompagné d'assez de preuves pour le plonger direct en prison pour un bon moment.
Tout cela pour un labo de développement en technologie de pointe qui avait soudain connu un sort funeste. Anderson, se souvenait juste des pertes humaines qui avaient été accablantes et troublantes. Une tragique perte pour l'humanité.
Bien sûr, l'affaire avait été étouffée, tant par les actionnaires que part l'économie financière du pays tout entier qui aurait sombré...
Alors comment diable avait-on pu remonter jusqu'à lui ? Lui, qui n'avait fait qu'offrir une sécurité toute relative à l'archivage de ses données ?
Il fut rappelé à l'ordre par un autre claquement de doigt.
- Oui.
Il n'avait même pas bégayé. Éducation oblige ou simple déformation professionnelle. Après tout, quand on valait son pesant en or...
- Vous êtes passé ce jour-là... Vérifiant vous-même la bonne marche des données récoltés, vous vous en souvenez ?
Anderson déglutit et acquiesça. S'ils savaient ça, c'était probablement qu'ils étaient déjà bien trop renseignés.
- C'est louable de votre part.
Le prisonnier dut laisser transparaitre quelque chose puisque l'homme reprit sur sa lancée.
- Non, vraiment. Inspectez vous-même pour vous assurer de la bonne marche de l'entreprise dans un laboratoire sécurisé à des dizaines de kilomètres sous terre... Vous n'aviez rien d'autre de plus urgent à faire ?
Le Milliardaire déglutit. Ce n'étaient pas les mots employés qui le dérangeaient, mais plutôt la manière dont il les disait.
- On m'a rapporté que vous aviez-vous même recruté les agents qui sont morts. Pourtant, vous en aviez rajouté quatre, semble-t-il. Qui n'étaient pas là. Pour seule mention : « Porté disparu ». Tout ce que nous voulons, ce sont leurs noms. Dites-les-nous et vous pourrez repartir sans encombres.
La fin de sa phrase, à défaut de résoudre les problèmes de l'homme, résonna son glas dans un silence des plus glacial.
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