11. Marina


Quelques heures plus tôt.

C'était son anniversaire et pourtant elle se rendait à une fête qui n'était pas la sienne. Il n'y a rien de pire que ne pas être assez populaire pour être éclipsé par une autre. Pour une adolescente en mal dans sa peau. En l'occurrence, la reine du lycée.

Cette dernière habitait dans une grande maison alors qu'elle logeait dans un petit appartement. Un F2. Marina essayait de ne pas faire de comparaison, mais c'était dur. Si sa mère n'était pas là pour son anniversaire, c'était à cause du boulot, pour joindre les deux bouts.

Si les parents de Vanessa n'étaient pas là, c'était parce que ses parents étaient en voyage pour affaires à l'autre bout du monde. Alors, pour se faire pardonner, ils avaient autorisé leur fille à faire une fête dans la maison, tant que le deuxième étage était interdit d'accès.

Pour l'anniversaire de leur fille, ils avaient contacté un DJ. Pour son anniversaire, Marina avait été invitée comme pièce rapportée. Elle fixait la pièce bondée en se demandant pourquoi la vie était aussi injuste.

Elle, tout ce à quoi elle aurait droit, c'est un bout de gâteau et peut-être un cadeau. Ces yeux se posèrent sur la pile immense au milieu du salon. Sur la table de la salle à manger. Elle pourrait en prendre un que personne ne remarquerait la différence.

Mais, la jeune fille était intègre. Ce n'était pas une voleuse. Un jour, se promit-elle, elle gagnerait assez d'argent pour s'offrir tous ses cadeaux à la noix.

- Ça va, princesse ? cria le mec qui l'avait ramené, par-dessus la musique.

Marina essaya de ne pas grimacer. Dieu, ce qu'elle détestait ce surnom ! Elle n'était pas présomptueuse, pas imbue d'elle-même, pas « précieuse ». Pourquoi l'avait-il affranchi d'un tel sobriquet ?

Marina acquiesça néanmoins. Jacob avait des vues sur elle depuis un moment déjà. La jeune fille avait fini par céder par courtoisie. Elle était trop gentille pour lui faire comprendre qu'elle n'était pas intéressée.

Mais c'était le seul qui lui avait souhaité un bon anniversaire et quand il l'avait invité, elle n'avait pas eu le cœur de lui dire non.

Elle aurait dû. Oh oui, elle aurait dû !

Jacob l'entraîna et elle finit par se mélanger à la foule. Quand le vampire frappa, personne ne le vit venir.

Ce fut rapide. Brutal. Sanglant.

La musique battait son plein et couvrit les hurlements. Beaucoup essayèrent de fuir. Mais bizarrement, les portes étaient toutes fermées.

Marina avait les yeux ouverts, fixés, sur l'horreur pure. Des membres volaient, arrachés à leur précédent propriétaire. Du sang couvrait petit à petit les murs et les sols. Comme un peintre sur son chevalet, apportant une touche par ci, par là.

Et la jeune fille dans la cohue ne bougea pas. Son cœur battit si vite, qu'elle tomba frappée de malaise. Bien, lui en prit. Le baladeur ne fit attention qu'à ceux qui remuaient.

Repus, sans faire attention qu'une jeune fille était encore vivante, il s'éloigna dans la nuit comme il était venu. Marina est à l'abri sous une pile de corps. Seulement, elle en avait trop vu.

Son destin était déjà scellé.

Par deux vampires qui discutaient sous son porche. Elle n'entendit qu'un mot sur deux. Sa crise l'avait paralysée. Pas de terreur. La panique avait fait disjoncter son cerveau. Une crise cardiaque. Certainement ce qui l'avait sauvé du vampire.

Et pourtant, ce qui l'avait sauvé allait la tuer.

Soudain, la porte s'ouvrit et une armée d'hommes débarqua. Coincée, elle ne les vit pas. Doucement, corps après corps, elle sentit le poids qui reposait sur elle s'alléger. Toutefois, elle ne bougeait toujours pas.

Un visage arriva dans son champ de vision. Un homme imposant, brun, la mâchoire carrée, les yeux chocolat, la regardait avec inquiétude. Marina pleura.

Elle vit ses lèvres remuer, mais elle n'entendit rien. Elle sentit ses mains sur son corps, la toucher avec délicatesse.

- ... mal en point, déclara un homme juste derrière.

Elle suivit du regard le jeune homme qui venait de parler. Il était plutôt beau, les cheveux couleur de blé, fin et musclé. Une tenue de cuir, un arc et des flèches qui lui rappelaient Robin des bois. Enfin, c'était sans les oreilles en pointes.

- On dirait qu'elle est paralysée. Un AVC.

Son regard se reporta sur l'homme qui l'avait dégagé et qui continuait de la toucher. Nan, sans déconner, elle n'avait pas remarqué !

Marina pleura à nouveau. Si c'était pour finir comme ça, autant mourir ! Sa détresse était visible.

Une autre voix se fit entendre. Douce, belle, absolument merveilleuse ! Elle chercha du regard qui parlait sans le voir.

- Alors, Kyst, tu crois toujours que je devrais la laisser mourir aussi jeune ?

- Mieux vaut la mort, qu'une vie damnée, grogna celui aux oreilles pointues.

Il aurait pu jouer dans un film d'héroïque fantaisie sans problème.

- Et si on la laissait choisir ? Y a pas le feu, on peut toujours lui demander ce qu'elle préfère ? Suggéra celui qui était à ses côtés.

Le silence se fit alors et l'homme qu'elle désirait voir s'avança.

Marina n'avait jamais vu quelqu'un aussi beau que lui. Ses yeux étaient fascinants, d'un noir profond, il la regardait.

- Quel gâchis ! Elle a quoi, seize ans, a tout cassé ? Tsss, celui qui a fait ça commence sérieusement à me les briser ! Quand on le retrouvera, on lui fera sa fête.

Tous les hommes hochèrent la tête à l'unisson. Et Marina cligna des yeux, armée d'une idée mortelle. Quelque chose qui ne lui avait jamais traversé l'esprit.

Oui, faites-lui la peau ! Je veux qu'il crève !

Sa détermination était si farouche que ses yeux étincelèrent de colère.

- Eh merde, murmura l'homme en cuir et aux yeux verts.

Il avait pressenti la suite.

Ce soir-là, l'homme le plus beau qu'elle n'avait jamais vu lui expliqua qui il était. Paralysée, ayant fait dans son froc sans pouvoir bouger, souillée, elle apprit que celui qui l'avait attaqué, elle et la moitié du lycée qui avait fini massacrer n'était rien d'autre qu'un monstre.

Un monstre tiré d'une légende. Un truc qui ne devrait même pas exister.

L'homme lui laissa le choix. Une mort rapide ou devenir elle-même un monstre et se venger.

L'homme aux oreilles pointues la regarda avec tristesse. Lui aurait voulu pour elle, une douce étreinte et s'éteindre doucement.

Les deux autres, ainsi que ceux qu'elle avait entendues, mais qu'elle ne voyait pas, avaient une aura de vengeance.

Ses hommes là ne la regardaient pas avec pitié. Ils s'en fichaient qu'elle sentait l'urine. Le spectacle de la boucherie passait au-dessus de leur tête.

Son rêve ? Devenir comme eux. Aussi froid qu'eux. L'homme la rassura. Une fois transformée, elle retrouverait sa mobilité comme si de rien n'aurait été passé.

Tout ne deviendrait alors qu'un souvenir. Un reste qui avec le temps se dissipera. Avec l'idée d'une vengeance à la clé.

- Cligne des yeux une fois pour dire non et ta mort sera paisible, cligne deux fois et ta vie n'en sera que plus forte.

Marina cligna une fois des yeux et la larme qui était coincée coula.

Puis, elle cligna une seconde fois.

L'homme penché sur elle la souleva dans ses bras comme une princesse. Avant qu'elle ne perde connaissance, Marina vit une dernière fois le spectacle désolant de sa fin de vie de mortelle.

Et Matthew qui la portait écrasa de ses pieds un des cadeaux qui jonchaient le sol en même temps que le reste. Pour sa fête, Vanessa avait trouvé la mort. Mais pas elle. Au final, elle avait eu le meilleur anniversaire.

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