Chapitre 5
Je pose mon sac sur le canapé et y fourre de la nourriture, de l'eau et une couverture que j'ai dégoté dans cette maison.
Je soulève mon t-shirt et retire mon bandage baigné de sang pour constater que ma blessure se referme plus vite que je ne le pensais, au moins elle ne me gênera pas dans la quête que je m'apprête à mener.
-Tu comptais partir comme un voleur, me surprend Aitor.
Je ris, d'un rire presque forcé parce qu'il a encore une fois raison et que peut m'importe ce qu'il en pense.
-Je ne trouve pas ça drôle, reprend-il.
-Moi si, après tout tu parles à un assassin...
Il ne répond pas à ma dernière réplique comme à son habitude et après quelques instants à me fixer, il quitte la pièce mais revient rapidement avec une corde en main.
-Elle te sera sûrement utile.
Je le remercie brièvement de ce présent, à la fois surpris et limite inquiet d'une réaction bienveillante aussi spontanée de sa part. Avant que je ne franchisse le pas de la porte, il s'adresse une nouvelle fois à moi :
-Je retourne dans les terres du Sud.
-Pourquoi m'en informes-tu ?
-Pour la simple et bonne raison que tu ne t'en sortiras pas tout seul Lyas, pas cette fois, et mon aide te serait utile, souffle-t-il.
-C'est ma quête ! Je tuerais le Descendant Spring et après je me chargerais du conseil ! M'exclamais-je le poing serré.
-Tu changeras d'avis, espérons juste qu'il ne sera pas trop tard quand tu t'en rendras compte. Pars vers les terres de l'Ouest, j'ai entendu dire qu'il se cachait par là, mais il a pris soin de cacher son identité. Ne t'inquiète pas, je ne te suivrais pas, néanmoins je suis sûr que bientôt nos routes se croiseront à nouveau. Que tu le veuilles ou non, nous sommes dans le même camp Lyas et tu n'arriveras pas à battre les conseillers seul.
-Je suis un loup solitaire Aitor.
-Un loup ne survit pas sans sa meute, ne l'oublies pas.
Sur ces dernières paroles, je lui tourne le dos et pars accompagné de mon sac. Si le descendant vit dans les terres de l'Ouest alors c'est ma prochaine destination, je ne m'y suis jamais rendu mais j'ai consulté de nombreuses cartes lors de ma formation de soldat. Si ma mémoire ne me fait pas défaut, cette ville est l'épicentre de tous les pôles il me suffit juste de choisir la bonne direction sans me faire attraper.
Pour l'instant, je dois quitter la ville et passer par la forêt pour éviter le plus possibles les chemins à découvert et les villages alentours. Je dois éviter toutes les patrouilles d'autant plus qu'il fait nuit.
Cela fait déjà plusieurs rues que j'empreinte et je n'ai croisé aucune patrouille ou presque, bien évidemment quitter cette maudite ville n'est pas aussi simple que ça surtout pour un évadé.
Il semblerait que la chance ne m'est pas totalement quittée, en effet, j'ai à peine eu le temps de me cacher dans un renfoncement de porte qu'une patrouille traversait la ruelle adjacente. Je reprends rapidement mon chemin et arrive très vite en bordure de ville où mon regard se perd déjà dans l'immensité des arbres qui se dressent devant moi.
-Halte là !
Pourquoi faut-il toujours que quelqu'un vienne me déranger, je commençais seulement à apprécier le paysage.
-Retournes toi doucement, ordonne la voix.
-Je n'aime pas les ordres, dis-je en me retournant face à ce jeune garde.
Je le détaille rapidement comme s'il était ma prochaine proie. Il tient une torche et plisse des yeux pour mieux voir mon visage, il n'a certainement pas du me reconnaître.
-Le couvre feu a commencé il y a plusieurs heures, tu n'as rien à faire ici.
-Et qu'est ce qu'un garde fait-il à patrouiller seul ?
Pendant une demi-seconde j'ai vu la peur traverser son regard, j'ai réussi à le déstabiliser.
-Les autres gardes ne vont pas tarder, dit-il plus sûr de lui mais j'arrive tout de même à y déceler une once d'hésitation.
-Je pourrais te tuer en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, lui dis-je en avançant d'un pas.
-Mais tu ne l'as toujours pas fait.
-Je ne veux pas perdre mon temps à cacher un cadavre mais je ne veux pas non plus d'une patrouille à mes trousses.
Il a de la chance ce garde là tout de même, il devrait même être honoré que je lui consacre de mon temps précieux parce que habituellement je tue d'abord et discute ensuite.
-Alors qu'est ce que tu fais encore devant moi ? m'interroge le garde.
Il n'a pas totalement tord, en temps normal il serait déjà mort mais son audace mérite d'être récompensé et c'est pourquoi je m'éloigne en direction de la forêt, pile au moment où plusieurs voix se font entendre.
-Qu'est ce que tu fais encore là ? ronchonne un homme.
-Je vérifie qu'il n'y a personne comme vous me l'avez demandé.
-Je t'ai aussi demandé de revenir le travail aussitôt fait imbécile !
Malgré l'obscurité et la distance qui me sépare des gardes, j'aperçois le jeune serrer des poings mais il ne réplique rien de plus. Il doit en être au début de sa formation à mon avis et forcément, les plus vieux en profite pour l'exploiter un peu. Par contre, le fait qu'il ne m'ait pas dénoncé est assez étonnant, cela lui aurait permis d'être mieux vu ou alors il pensait faire sa bonne action de la journée, raté pour lui quoique il aura au moins eu la vie sauve, ce qui n'est pas donné à tous ceux qui me croisent, loin de là...
La nuit est de plus en plus obscure et la densité de la forêt n'y arrange rien, plus j'avance et plus j'augmente mes chances de me perdre. Je devrais plutôt profiter de la nuit et du calme pour me reposer mais il est vrai que rester seul en pleine forêt, ça craint un peu quand même.
-Allez Lyas, c'est le moment d'utiliser ta musculature, chuchotais-je à moi même.
La seule, et de loin, la meilleure solution que j'ai trouvé, est de monter en haut d'un arbre. Je commence alors mon ascension en espérant ne pas glisser. Arrivé à une dizaine de mètres de hauteur, je me stabilise sur une branche épaisse qui m'a l'air assez solide. Je m'adosse alors au tronc et sors la corde d'Aitor pour m'attacher du mieux que je peux à l'arbre pour ne pas risquer de tomber.
Avant de m'endormir, j'entends encore les dernières paroles d'Aitor qui résonnent à travers les feuillages "Un loup ne survit pas sans sa meute, ne l'oublies pas". Je ne peux plus y croire, un loup doit pouvoir faire confiance à sa meute, il doit pouvoir la protéger mais pas la détruire, tout a changé depuis la mort de Thélio...
Les premiers rayons du soleil pointent à l'horizon et le peu de chaleur qu'ils dégagent viennent effleurer le bout de mon nez. Mais comme à chaque réveil, mon front est brûlant puisque même dans cette forêt mes démons me poursuivent.
Au moins, le levé du soleil me permet de situer l'est, je sais donc que je dois partir dos à ce soleil levant pour me diriger vers les terres de l'Ouest. Avant de descendre de cet arbre, je mange un bout de pain et le peu de viande séché que j'ai pu emporter.
Je réajuste ma capuche sur ma tête et poursuit mon chemin. Si je croise des patrouilles ou des soldats, je n'ai plus qu'à espérer qu'ils ne me reconnaîtront pas, et pour ça je dois passer inaperçu, agir comme un simple villageois lambda.
J'avais oublié à quel point marcher seul procurait une sensation de liberté et de purification, une purification que je ne pourrais jamais atteindre tout comme ma liberté en fait. Du plus loin que je me souvienne, je n'ai jamais eu peur de rien, même pas de la mort que je cherchais à provoquer. Mais aujourd'hui, j'ai l'impression d'avoir peur de mes pensées qui refont surface. Tous ces mois enfermé à Blackdeaf, j'ai réussi à éloigner le plus possible toutes les pensées liées à Thélio mais maintenant que j'en suis sorti, elles m'assaillent dès la première occasion et cette fois, je ne peux pas tuer pour les fuir.
Cette excursion me rappelle une de mes premières sorties de la ville lors de ma formation de soldat, nous devions faire équipe avec un autre premier année et survivre trois jours dans la forêt, nous n'avions ni nourriture ni eau.
FLASHBACK
-Lâché en pleine forêt comme des bêtes, voilà ce qui les amuse, et c'est ça qu'ils appellent nous entrainer ?
Je suis indigné qu'ils nous obligent, dans un certain sens, à soit disant survivre en milieu extérieur, ça m'a l'air d'un ennuie profond.
-Arrête de geindre, tu vas finir par me donner la migraine.
Plus ennuyeux encore, mon coéquipier est une personne insupportable. Et pire que ça, il m'a humilié en me battant à plat de couture en combat à mains libres alors que je me vantais d'être le plus fort. Je dois bien avouer qu'il est extrêmement doué dans ce domaine là et qu'il me tarde d'avoir ma revanche mais en attendant je suis obligé de faire équipe avec lui.
-Tu sais quoi, je crois que je vais aller faire un petit tour sur la place et aller nous acheter de quoi manger puisque tu n'as pas l'air décidé à faire quelque chose d'utile.
-Tu es un idiot Lyas, as-tu écouté ce que les généraux ont ordonné ?
-Les discours ennuyeux, très peu pour moi.
-Si tu tiens à te faire renvoyer alors je t'en pris, fais en encore une fois qu'à ta tête et désobéit aux ordres, dit-il agacé.
Il est hors de question que je me fasse renvoyer après tout le mal que je me suis donné pour être là où je suis.
Il n'a pas tout à fait tord, avec les nombreux avertissements et les corvées que je me suis déjà pris à cause de mon insolence, il vaudrait mieux que je me tienne à carreaux quelques temps même si cela risque d'être difficile.
-Qu'est ce que tu fais encore ? lui demandais-je, voyant qu'il est encore dos à moi.
-Je fabrique un piège, les lapins ne vont pas accourir tout seul dans nos bras.
Puisqu'on est coincé dans cette forêt pendant trois jours, autant que je me rende utile. Je décide donc de lui donner un coup de main même si au final c'est lui qui m'apprend un peu tout. Il est clair que je l'ai jugé vite et qu'il est loin d'être un imbécile.
-Je me suis trompé sur ton cas et il se pourrait même que l'on s'entende bien tous les deux Thélio, lui dis-je en esquissant un sourire.
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