Chapitre 2
Ma vue est trouble, mes oreilles bourdonnent, mon corps vient de heurter violemment le sol après avoir entendu le bruit sourd d'une explosion. Toujours au sol, je sens mes poumons me brûler, cette brûlure est du à la brusque bouffée d'oxygène que je réclame. Cette douleur qui me lance maintenant dans tout mon corps me fait savoir que je suis toujours vivant.
Pour quelqu'un qui a tué une "petite" centaine de personnes, torturé à plusieurs reprises, condamné à la peine de mort et pendu, je ne m'en sors pas si mal que ça. J'ai échappé à Blackdeaf, au conseil, certes avec un peu d'aide mais je m'en suis sorti.
-Tu peux marcher ? me demande une voix grave.
Ma vue brouillée se rétablit petit à petit et la silhouette que j'ai aperçu est bien celle d'Aitor. Qui aurait pu croire que mon ennemi me sauverait la vie un jour ? Certainement pas moi en tout cas. Mais je sais que ce sauvetage de dernière minute à un prix, tout à un prix de nos jours.
J'acquiesce légèrement, encore un peu sonné.
-Tant mieux parce que j'ai besoin que le tueur qui est en toi vienne me prêter main forte.
Un rictus se forme sur mes lèvres, en un an, Aitor n'a décidément pas changé.
-Tuer ? C'est ce que je fais de mieux...
Mes cinq sens se mettent en éveil comme lorsque j'étais soldat. Je saisis le poignard que me tend Aitor.
-J'ai cru comprendre que c'était ta spécialité.
Sa voix est toujours aussi posé et calme, même pour quelqu'un qui vient de faire évader l'homme que tout le monde souhaite mort.
J'ai à peine eu le temps de m'emparer du poignard, que je me retourne vivement et enfonce la lame directement dans la carotide d'un garde. Malheureusement, c'est loin d'être le seul et mon corps ne s'est pas encore bien adapté à ce changement radical, par conséquent je suis moins performant qu'avant.
A bout de souffle, j'arrive tout de même à mettre hors jeu mon quatrième garde.
-Déjà fatigué ? remarque Aitor, qui lui semble en pleine forme.
-C'est pas comme si j'étais en train de suffoquer et que tu me regardais...
-Petit contre temps, mais t'es toujours vivant, enfin pour l'instant.
Avant même que je réponde, il poursuit :
-Allons-y avant que d'autres factions arrivent. Je ne tiens pas à laisser ma vie ici pour t'avoir sauvé...
J'opine de la tête et commence à le suivre quand une douleur dans mon dos me lance subitement. Instinctivement, mes mains se portent au niveau de cette douleur et sentent le liquide chaud qui coule abondamment. Du sang coule, la douleur n'est que plus grande, mais je me retiens de hurler. Hors de question de passer pour une chochotte devant Aitor. D'ailleurs, celui-ci ayant entendu mon gémissement, se retourne et en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, dégaine son arme à feu et abat le garde qui vient de me planter.
-Quel lâche ! ne peut-il s'empêcher de cracher. Dépêchons nous, les autres ont sûrement entendu la détonation.
-A...au cas où t...tu n'aurais p...pas remarqué j'...j'ai un, un t...trou dans le d...dos.
-Tu es pas croyable, même poignardé tu arrives encore à faire le malin. J'espère que tu ne vas pas mourir, je me suis donné du mal pour te libérer. En attentant, tais toi et économise ton énergie.
Je m'appuis sur mon nouvel allié et nous avançons dans les ruelles, espérant semer les soldats qui doivent nous rechercher.
Je ne sais pas exactement ce que cherche Aitor mais au lieu de quitter la ville, il empreinte des rues isolées, certes pour éviter les gardes, mais je n'ai pas l'impression qu'il souhaite nous éloigner de la Place.
Au fur et à mesure, ma vue se trouble et je dois lutter pour ne pas fermer les yeux, atteindre mon nouvel objectif qui est la vengeance.
Aitor s'arrête devant une maisonnette, qui n'a rien d'exceptionnelle puisqu'elle ressemble à toutes celles qu'on a pu croiser. La seule différence, s'est que je m'y trouve désormais à l'intérieur.
Avant que je ne puisse lui poser la moindre question, mon corps m'abandonne et je rejoint l'inconscience.
J'ouvre mes yeux et instinctivement, ma main se porte à l'endroit de ma blessure où je sens un bandage.
-Je ne pensais pas que tu t'évanouirais aussi vite, constate Aitor.
-Et bien tu pensais mal, ai-je répliqué.
-Pourtant à Blackdeaf, tu as du subir bien pire...
Je ne vois pas trop où il veut en venir et je décide d'ignorer sa dernière parole.
-Comment as-tu trouvé cette maison ?
En posant cette question, je ne peux m'empêcher de la détailler rapidement du regard comme une nouvelle proie. Je me trouve dans une salle à manger de taille moyenne, suffisante pour que deux personnes y vivent. Tous les meubles, bien que la pièce soit étroite, sont assez imposants et anciens, un peu comme cette maison qui semble renfermer de nombreux souvenirs. Malgré cette superficie modeste, une cheminée en brique rouge domine la pièce, donnant un aspect chaleureux et rassurant à l'habitacle. Quant à mon cas, je ne serais plus jamais en sécurité, je suis un fugitif, un meurtrier.
Mon nouveau "colocataire" daigne tout de même me répondre :
-Avec le peu de temps que tu m'as laissé pour te faire évader, je n'ai pas eu beaucoup de temps. De toute manière, les propriétaires n'en auront plus besoin...
Aitor n'a pas besoin d'en dire plus pour savoir ce que sont devenus ces anciens habitants.
-Au fait, comment tu as procédé pour me sortir de là ?
Il sourit, sûrement fier de ce qu'il a accompli aujourd'hui.
-J'ai placé quelques explosifs et les villageois ont fait le reste sans le savoir. Malheureusement, je n'ai pas tué de conseillers et comme tu le sais déjà, ils portent toujours leur masque donc je n'ai aucun moyen de les identifier.
En effet, les conseillers ont depuis toujours caché leur identité de peur de mettre leur vie ou celle de leurs proches en danger. Mais c'est aussi un moyen d'effrayer encore plus la population. Le conseil se prend pour un dieu, il se croit immortel. Mais viendra un jour où je les tuerais de mes propres mains...
Durant la journée, j'ai essayé de faire la conversation à Aitor, en vain. Autant dire qu'un mur aurait été moins silencieux.
Ce n'est qu'en début de soirée que Monsieur s'est enfin décidé à recouvrer la parole.
-Je ne comprends pas...
Je lui laisse le temps de formuler clairement sa phrase, qui a du le tracasser toute la journée à mon avis. Puis il reprend :
-Tu avais une bonne place dans cette société étant donné que tu étais de la quatrième faction, encore quelques échelons de plus et tu aurais été un soldat de la première faction, encore plus proche du conseil. Tu devais être talentueux et surtout un allié des conseillers. Certes tes activités n'étaient pas blanche comme neige, mais tout ça faisait parti de ta faction. Je ne comprends pas pourquoi tu as subitement changé ton fusil d'épaule.
-Je suis sûre que le conseil a déjà répondu de manière assez vague à toutes ces petites questions, ai-je rigolé.
-Oui Lyas, mais nous savons tous les deux que ce n'est pas la vérité.
-Elle est pourtant simple Aitor, je me suis lamentablement fait manipuler.
Il hoche la tête, m'incitant à continuer et je soupir :
-Un jour, le conseil m'a convoqué et m'a fait part d'une prophétie qui était apparue.
Il hausse un sourcil, certainement perplexe mais je repris :
Une prophetie qui disait qu'un seul Descendant des quatre saisons survivrait. Les conseillers m'ont bien laissé sous entendre que je pourrais être ce survivant. Alors je me suis dit que je ne devais pas attendre que la mort choisisse à ma place. Je me suis alors mis à traquer les trois autres Descendants dans le but de les tuer et assurer ma place. Évidemment, ce n'était pas si simple et j'ai tué de nombreuses personnes sur mon chemin.
Le conseil perdait alors peu à peu l'emprise qu'il avait sur moi et me jugeant trop dangereux, a donné ordre de m'arrêter vivant. Je ne me suis pas laissé faire et plusieurs cadavres ont fini par agrandir ma liste de crimes.
Ils m'ont ensuite enfermé à Blackdeaf.
Une haine incommensurable à alors traversé mes yeux.
-Mais tu n'as pas réussi à tuer les trois ?
Bizarrement sa question sonnait plus comme une affirmation et il poursuit :
-Mila Summer et Alkis Autumn sont morts mais pas le Descendant Spring. Ils ne t'ont pas pendus tout de suite à Blackdeaf parce qu'ils voulaient connaître l'identité du troisième Descendant.
-Et au bout de six mois de torture, ils ont compris que je ne la connaissais pas, pas très futés ces conseillers, finis-je.
-Je t'ai sous estimé Lyas, tu es bien plus malin que tu ne veux le paraître.
Il se lève et quitte la pièce dans laquelle je n'ai toujours pas bougé, mettant fin à notre discussion mais dont la satisfaction m'envahit.
J'ai du mal à m'endormir, ma dernière blessure étant plus coriace que je ne le pensais.
Sans m'en rendre compte, je finis par trouver le sommeil, un sommeil remplit d'horreur...
Une main sur mon épaule me tire brusquement de mon demi-sommeil. Rapidement et sans même réfléchir, j'attrape le poignard que j'ai gardé et le porte au cou de cette personne de façon à la menacer.
-Calme toi Lyas, tonne la voix grave d'Aitor.
-Tu voulais me tuer ?!
-Si j'avais voulu je faire, je l'aurais fait bien avant.
Voyant que je ne le crois pas, Aitor poursuit :
-Je te rappelle que c'est toi qui a tenté de me tuer à plusieurs reprises auparavant.
-Tu pourrais vouloir te venger.
-J'ai beau être un hors la loi, j'ai des principes, je n'attaquerais pas un jeune homme dans son sommeil !
Je relâche lentement la prise que j'ai sur lui.
-Tu sus, constate-t-il.
-J'ai fait un cauchemar.
Il m'interroge de ses yeux et part au bout d'une dizaine de minutes, comprenant que je ne lui en dirait pas plus.
Après mon évasion de Blackdeaf, j'ai pensé que c'en était fini de ces cauchemars, que Thélio et mes autres morts ne me hanteraient plus.
J'ai eu tord. Blackdeaf m'a changé et ceci à jamais ...
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