Je marche lentement, mon corps est lourd, il refuse de m'obéir. Le ciel sombre menace de s'effondrer et la lueur qui en émane me permet simplement d'apercevoir ce qui semble être un champ de bataille. L'odeur nauséabonde me donne envie de vomir mais ce n'est rien comparé à l'état dans lequel se trouve ces cadavres : un véritable massacre.

En m'approchant, je reconnais chaque visage de chaque dépouille, me rappelant les avoir tous tués.

Pourtant, je ne fais preuve d'aucune culpabilité, d'aucun remord, je ne regrette en rien tous ces morts. Je les ai tué pour atteindre mon but; me protéger. Je sais que tous ces cadavres ne sont que le début de cette hécatombe, il y en aura d'autres, beaucoup d'autres.

Soudainement, une envie de hurler me surprends quand je vois le corps inanimé de mon ami, le seul que je n'ai jamais eu, Thélio, le frère d'arme que j'ai tué. Je m'agenouille près de lui, posant mes genoux dans cette mare de sang. Tous les souvenirs que nous avons partagé ensemble refont surface et je ne peux empêcher cette larme de couler le long de ma joue...

Je me réveille en sursaut, mon front dégoulinant de sueur face à ce cauchemar. Cauchemar résumant tous les meurtres que j'ai commis, cauchemar que je fais depuis plusieurs mois, depuis que je suis enfermé dans cette pièce insalubre d'à peine cinq mètres carrés, emprisonné à Blackdeaf pour mes actes.

Bientôt, je serais exécuté, mais la mort est un confort auquel je n'ai pas encore droit, car tout le monde le sait ici: la torture est présente dans chacun de ces murs.

Et c'est en reprenant petit à petit mon souffle comme à chacun de ces réveils que je répète calmement cette phrase à moi-même :

-Je m'appelle Lyas Winter, je ne vais pas devenir fou et je les tuerais tous.

Cela fait bientôt trois jours que je n'ai pas reçu la visite de ce qu'autrefois j'appelais "frère" et qui désormais, me garde dans ce trou.

Et c'est dans ces moments là que je repense à l'avant, le petit garçon encore pur et innocent dont je presque plus souvenir, devenu par la suite le monstre que tout le monde pense que je suis. Pourtant, tout se passait bien avant que cette maudite prophétie ne fasse surface dans les mains du conseil. J'étais un jeune soldat qui montait vite en grade et qui souhaitait plus que tour intégrer la faction I, ayant pour but de plus grandes responsabilités. Je savais à la fois me montrer juste et intrépide, méfiant et confiant. Maintenant, le simple fait de penser que j'ai pu travailler pour le conseil me mets les nerfs à vifs et une envie irrésistible de brûler cette prophétie me ronge ainsi que ces vers qui me hantent encore:

Quatre royaumes régnaient, règnent et régneront
De ce règne descend les enfants des saisons Trois royaumes règnent, régnaient et régneront De ce règne les morts les poursuivront Deux royaumes régnaient, règnent et régneront De ce règne, le trône ils réclameront Un royaume régnait, règne et régnera Seul un de ces descendant survivra

Parfois, je me demande si le conseil n'a pas tout inventé, même si cela me semble encore invraisemblable. Par contre, plus j'y pense, plus je me dis qu'il se sont servis et de la prophétie et de moi. Ils m'ont poussés à faire le sale boulot à leurs places pour ensuite se débarrasser de moi, mais une chose leur a échappé, je n'ai pas eu le temps de traquer le troisième descendant. Par conséquent, si je meurs, ce descendant vivra sans crainte le restant de sa misérable vie puisque je ne pourrais pas le tuer, le conseil aura alors fourni tant d'effort pour rien, quel dommage !

J'allais comme à mon habitude continuer d'échafauder , minutie par minutie, mon plan d'évasion, car oui, je comptais quitter cet enfer et fausser compagnie à mes chers ''frères'' plus tôt qu'ils ne le voudraient. La mort ne me fauchera pas comme une petite fleur venant d'éclore.

Ma courte réflexion fut coupé par le bruit de la porte métallique qui s'ouvre. Shad, un des mes ancien compagnon de faction apparaît devant moi, et dans l'ombre, j'aperçois deux gardes.

-Saches que je ne bougerais pas d'ici, si tu veux me torturer, tu vas devoir le faire ici et maintenant ou demander à tes sbires de le faire à ta place.

-Ne rends pas les choses plus difficiles Lyas...

Shad me paraît mélancolique, certainement en train de se rappeler le nombre de fois où je lui ai sauvé la vie...

-Je suis désolé...

C'est la seule chose que j'ai comprise avant qu'il ne m'assomme.

Je me réveille, attaché et je devine tout de suite ce qu'il va m'arriver, même si à force je devrais m'y habituer.

-On dirait que c'est toi qui va quand-même avoir l'honneur de me torturer. Je vais finir par prendre un abonnement...

Shad ne me répond pas mais me pose une question, LA question qui m'est posé depuis que je suis arrivé ici :

-Qui est le troisième descendant ?

Et j'y réponds de la même manière que pour les autres fois, par le silence. Shad s'éclipse alors pour laisser place à un garde, mais avant qu'il ne parte, je lui dis :

-Tu n'es pas encore devenu assez homme pour te salir les mains, tu ne l'as jamais été et tu ne le sauras jamais.

J'aperçois alors la contraction de ses muscles et me satisfait de ma petite remarque. Mais mon sourire s'efface aussi vite qu'il est apparu puisque je reçus une succession de coups violents espacés par cette même question qui me hantera toujours... Je pourrais très bien leurs dire que je ne connais pas la réponse à cette question, ce qui d'ailleurs est la vérité, mais le conseil me ferait tuer et pour l'instant, mieux vaut être torturé que mort, cela me laisse du temps pour m'évader. Malheureusement, j'ai peur que mon corps ne tienne plus très longtemps fasse à la brutalité dont j'ai droit. Quant à mon âme, cela fait bien des années qu'elle a sombré.

Mes hurlements stridents commencent à me faire mal aux oreilles et aux poumons. La douleur est si forte que je finis par m'évanouir.

Je reprends petit à petit mes esprits mais la douleur parcourt tout mon être et s'est en me redressant difficilement que je constate la présence de Shad.

-Tiens, un revenant, dis-je avant que mon invité d'honneur ne me coupe la parole.

-Je ne suis pas venu pour discuter avec toi Lyas, cela fait cinq jours que tu es inconscient et le conseil a rapproché ton exécution à dans deux jours.

Avant même que je ne puisse dire quoique ce soit, il était déjà parti, et une petite alarme se déclencha dans ma tête. Il me reste deux jours, deux jours pour m'évader, deux jours ou je serais mort, mort pour avoir seulement tué une centaine de personnes...

J'ai du mal à rester éveillé, ce salopard de bourreau ne m'a pas loupé, on peut dire qu'il sait cogner là où ça fait mal. En attendant je n'arrive pas à réfléchir rationnellement et j'ai horriblement besoin de sommeil : c'est alors que je m'endors...

Comme à chaque réveil, je sus. Mon cauchemar reviens chaque nuit pour mieux me hanter : ces centaines de cadavres , mon frère ; je constate alors que la mort de Thélio m'a plus affecté que je ne le pensais.

J'ai passé la journée à faire aller mes neurones. Méthode qui a fini par payer puisque j'ai finalement trouvé un plan d'évasion qui pouvait bien fonctionner, à condition que Shad fasse passer un message pour moi, message qu'il fera passer puisqu'il me doit une dette...

Aujourd'hui, c'est le jour de ma mort ou de ma renaissance, qui sait ?!

Pour quelqu'un qui va mourir, je me trouve assez serein, j'ai 50% de chance de mourir et 50% de vivre, si mon plan fonctionne, je serais libre dans quelques heures, libre de tuer à nouveau; la vengeance est un plat qui se mange froid... Et pour ma part, très froid...

La porte de ma cellule s'ouvre lentement, Shad n'est pas la mais je sais qu'il a fait ce que je lui ai demandé. Il a beau être peureux, c'est une personne de parole.

Ces deux gardes m'escortent et c'est ainsi que je quitte Blackdeaf, pour me rendre sur la Place, lieu de mon exécution...

Je suis placé avec trois autres détenus sur une planche, la foule nous observe ainsi que le conseil qui a tout de même bougé ses fesses, ce qui relève de l'exploit. Ils étaient sûrement impatients d'assister à ma pendaison.

Une corde vient d'être soigneusement placée autour de mon cou. Je fais abstraction de celle-ci quelques instants et mon instinct reprend le dessus, il commence à examiner rapidement mais efficacement tout le monde, j'ai toujours eu ce sens d'observation. Très vite, j'aperçois l'homme qui doit me sauver la vie dans quelques instants, toujours discret, il se fonderait presque dans la masse.

J'entends dans un léger décompte la voix du garde qui va bientôt casser la planche sur laquelle je me trouve, dans le but de me tuer. Je suffoquerais alors, mais avant ça, un rictus ne peut s'empêcher d'apparaître sur ma bouche. Conseillers, préparez vous à votre première défaite...

La planche est fracassée, seul la corde autour de mon cou me maintiens en suspend, il me reste quelques instants à vivre, mais mon plan va marcher, il doit marcher. Je serais vivant, je tuerais l'autre Descendant et me vengerais. Je serais tout simplement le seul Descendant qui survivra.

Le souffle qui commence a diminuer, mon corps tente toujours de se débattre, je ferme mes paupières et essaie d'économiser le peu d'oxygène qu'il me reste...