07 | Le jour où les souvenirs étaient trop lourds à porter
hey hey hey ! ici Rainy qui aime faire des titres à rallonge TwT
(personne ne les lit de toute façon–)
((vous devriez parce qu'il est possible que je glisse des indices de temps en temps uwu))
(((oops)))
c'est aussi comme les dialogues en début, ils ont un sens (normalement–)
bref, les vacances sont bientôt terminées, mais apparement, le déni c'est mieux uwu
et je suis pas trop en retard pour poster, miracle mdrr
bonne lecture !
(dernière petite nda, si le comportement d'Akutagawa vous paraît OOC, c'est assez volontaire ? enfin, il y a une explication–)
~
— Je me subis toute la journée. Comment faites-vous ?
— Faire quoi ?
— Pour me supporter.
— … L'habitude. Ce n'est pas la première fois, et ça ne sera pas la dernière.
— Ah ? Il y en aura d'autre après moi ?
— Encore une fois, tout dépend de tes choix.
~
C'était un euphémisme que de dire qu'Atsushi avait mal vécu la semaine de "remise à niveau". Tous ses muscles étaient courbaturés, et il ne pouvait pas bouger sans qu'une douleur lui vrille le corps.
Au fond de lui, il soupçonnait que le seul but de Dostoïevski avait été de faire souffrir cruellement les nouvelles recrues des régiments.
C'était typiquement le genre de chose que le commandant des armées de Paradis n'aurait aucun scrupule à faire.
La vie en tant qu'assistant de Dostoïevski était moins pire qu'Atsushi ne l'avait imaginée. Le commandant était bien loin d'être une princesse capricieuse qui l’aurait obligé à remplir la plupart des tâches domestiques.
Au contraire, l'argenté devait trier les bacs de papier à jeter et à garder, faire entrer et sortir les gens dans le bureau de l'homme et lui apporter son courrier.
C'étaient des tâches assez aisées à réaliser, même si pour cela, il devait disparaître du Quartier Général du Bataillon d'Exploration de longues heures les jours où il était de service. Et généralement son dos le faisait souffrir à la fin de la journée après être resté aussi longtemps debout, et ses jambes étaient engourdies à cause des longues heures sans bouger.
Mais c'était un moindre mal, surtout si le commandant passait l'éponge sur son étrange absence qu'il ne savait pas expliquer.
Atsushi souffla sur ses mains qui commençaient à geler dans le froid matinal, et il récupéra les enveloppes qui avaient été posées dans la boîte aux lettres pendant la nuit.
Il se dépêcha de remonter l'escalier afin de fuir l’extérieur et ses températures glaciales au plus vite.
Dostoïevski était lui aussi une étrange personne, si ce n'était plus qu'Atsushi : il avait donné au jeune homme des horaires et des jours de travail très précis qu'il devait respecter à la minute près.
Atsushi s'y était plié sans poser de questions : il n'avait aucune envie de s'attirer des ennuis supplémentaires.
Il déposa sur le meuble du hall les enveloppes qui n'étaient pas adressées au Commandant et emporta les autres avec lui.
— Entre, fit la voix de Dostoïevski quand il frappa contre le panneau de bois qui donnait accès à son bureau. Y'a-t-il du courrier aujourd'hui ?
— Hmm… oui, répondit Atsushi en poussant rapidement la porte.
Il tendit précipitamment les enveloppes tout en lisant les noms inscrits dessus.
— Une– non plusieurs lettres du roi, de Monsieur Fukuzawa, et une de, hum, un certain Shuji ?
Le visage du Commandant ne trahit aucune émotion en entendant ces divers noms, et il se contenta de tendre la main à Atsushi. Ce dernier y posa les enveloppes et il se dépêcha de retourner à sa place initiale, devant la porte.
— Merci bien.
L'argenté bredouilla un "ce n'est rien" avant de disparaître à toute allure.
Il valait mieux rester en dehors des affaires de Dostoïevski.
Atsushi voulait simplement conserver son poste dans le Bataillon d'Exploration après toutes ces années à vivre dans la misère. Il fronça légèrement les sourcils. Du moins il supposait qu’il avait toujours vécu dans une pauvreté plus ou moins totale.
Atsushi chassa rapidement de ses pensées le doute qui commençait à y apparaître.
Il suivrait les ordres du Commandant à la lettre, et il n'aurait pas à s'en faire. Du moins, il espérait ne pas se tromper.
~
Quand Atsushi pénétra enfin dans la petite chambre qui lui avait été assignée, il était tout simplement épuisé par une énième journée à courir dans tous les sens.
Il ne demandait qu'une seule chose : pouvoir enfin s'affaler sur le matelas qui semblait si accueillant.
Le jeune homme se débarrassa rapidement de son uniforme qui l'encombrait et il se laissa rapidement tomber sur le lit, sans prendre le temps de rabattre les couvertures sur lui.
Le sommeil vint à lui beaucoup plus vite qu'il ne l'avait imaginé, et il s'y abandonna totalement sans hésiter.
~
Quand il ouvrit les paupières, le soleil ne s'était pas totalement levé dans le ciel, ce qui ne pouvait signifier qu'une seule chose : aujourd'hui il ne serait pas en retard.
Se mettant sur ses pieds, Atsushi prit rapidement son gilet militaire pour se protéger du froid avant de descendre récupérer quelque chose à grignoter.
L'argenté avait à peine fait un pas dans l'escalier que deux voix féminines retentirent non loin de lui.
— Je suis sûre que je ne t'ai pas raconté la dernière nouvelle !
Il y eut un petit gloussement, et sans savoir pourquoi, Atsushi se figea sur sa marche d'escalier.
— Non ?
— Tu sais bien le jeune Fitzgerald qui est monté sur le trône avait déjà un fils, je ne t'apprends rien.
— Oui. Avant que sa femme ne devienne folle. Je suis sûre qu'elle ne le reconnaît plus.
Un bruit de pas allant et venant contre le plancher de l'auberge résonna doucement, et la première femme reprit.
— Ce sont des rumeurs ça.
— Et la tienne ? Elle est vraie, peut-être ?
— Bien sûr ! Écoute, on dit que la reine aurait eu une fille hors mariage, bien avant de se fiancer avec le roi.
Une exclamation de surprise ponctua cette "révélation" au moment même où Atsushi décida qu'il en avait trop entendu.
Les commérages sur le roi et la reine ne l'intéressaient pas, même s'il était bien connu que Madame Fitzgerald était devenue folle après la Seconde attaque de titans.
Atsushi souffla doucement et il continua sa descente des escaliers. Evidemment, l'ayant entendu arriver, les deux femmes étaient déjà parties quand il arriva en bas.
L'argenté décida que cela n'avait pas d'importance et il chassa cette conversation de son esprit, décidé à aller manger plutôt qu'à ruminer sur des choses inutiles.
Le gérant de l'auberge lui sourit aimablement, et Atsushi se dépêcha de prendre une tranche de pain avec les quelques économies qui lui restaient.
Dostoïevski n'était pas si mauvais étant donné qu'il prenait toujours la peine de lui donner des pièces après une de ses journées bien remplies.
Malgré tout, l'argenté ne pouvait s'empêcher de lui en être reconnaissant. Dans un sens, il devenait redevable à Fyodor Dostoïevski, et il pressentait par moment que ce n'était pas une excellente chose.
Aujourd'hui, sa journée était uniquement consacrée au Bataillon d'Exploration, et Atsushi ne pouvait s'empêcher de se sentir soulagé.
Joyeusement, il se dirigea à pas sautillant vers le Quartier Général du Bataillon. Cela lui demandait un peu plus de temps que d'aller jusqu'à la capitale, mais la différence de temps entre les deux trajets n'était pas non plus excessive.
L'argenté agita sa main en guise de bonjour pour les quelques habitants qui se trouvaient dehors à cette heure-ci.
Même si ce n'était pas toujours une tâche aisée, Atsushi se faisait un devoir de saluer comme il se devait les passants croisés même le matin mal réveillé.
Se sentant légèrement fiévreux, l'argenté passa une main sur son front afin de vérifier rapidement sa température tandis que les contours du bâtiment des Quartiers Généraux commençaient à se dessiner. Il avait eu quelques migraines dernièrement, et il n'y avait rien qui pouvait l'expliquer.
Atsushi avait abandonné l'espoir d'y trouver une explication : ses maux de tête finissaient toujours par passer, ignorer la douleur était devenu une habitude avec le temps.
Il soupira doucement et il continua sa marche jusqu'à ce que le bâtiment soit bien visible face à lui. Il ne savait pas ce que leurs supérieurs leur avaient réservé pour aujourd'hui comme entraînement, mais l'argenté avait bien peur que cela soit de nouveau une épreuve insurmontable.
Yosano était déjà présente à l'intérieur, ouvrant méthodiquement toutes les fenêtres disponibles qu’elle pouvait trouver.
Même si la semaine de remise à niveau était terminée et qu'il n'était plus vraiment sous ses ordres, Atsushi ne put s'empêcher de la saluer plus formellement que nécessaire.
La jeune femme brune lui rendit sa salutation avec un léger sourire, comme amusée par tant de politesse de sa part.
— Il y a quelqu'un d'autre ?
— Mis à part les soldats qui restent dans les chambres louées par l'armée et moi qui vient d'arriver, non je ne crois pas, répondit-elle.
L'argenté hocha la tête suite aux informations que la brune venait de lui donner.
— Tu devrais commencer à seller les chevaux, reprit Yosano après un léger temps d'arrêt. Il est possible qu'on fasse un petit détour par la ville la plus proche. Je t'enverrai les nouveaux arrivés pour t'aider.
Atsushi hocha une nouvelle fois la tête, avant de ressortir du bâtiment afin de pouvoir se rendre jusqu'aux étables.
Plus vite qu'il ne l'avait imaginé, d'autres recrues vinrent le rejoindre, préparant un maximum de chevaux avec lui en silence.
Plus vite qu’il ne l’aurait pensé, les montures furent prêtes, et Hirotsu lança enfin le signal du départ.
Aujourd'hui, leur avait-on dit, était simplement dédié à un léger exercice de patrouille dans les villes et de montée de cheval afin de s'assurer qu'ils étaient capables de maintenir une formation.
Atsushi avait été soulagé : cela promettait d'être facile et pas trop difficile à exécuter.
~
La réalité de l'exercice dans la ville fut toute autre : si dans une large prairie il était facile de garder le contrôle de son cheval et donc de ne pas s'écarter de la formation, ce n'était pas la même affaire dans la civilisation.
Les chevaux étaient constamment effrayés par le bruit, les quelques chiens qui couraient sur le côté, et les charrettes qui les frôlaient.
Atsushi rabattit les rênes de sa monture afin d'exercer un maximum de contrôle sur elle, mais ce n'était pas une chose aisée.
L'argenté avait repéré les silhouettes de Kyoka et d’Akutagawa non loin de lui, mais étant donné qu'ils ne s'étaient pas quittés en excellents termes, Atsushi n'avait pas osé aller les saluer.
Il aurait peut-être dû à la réflexion, par simple politesse.
Hirotsu leur fit signe de se stopper momentanément quand le convoi de soldats arriva au niveau de la place publique sur laquelle les derniers exposants du marché finissaient de ranger leurs affaires.
Leur passage aurait pu se dérouler sans incidents majeurs - les personnes présentes se contentant d'incliner respectueusement la tête en hommage aux pertes que le Bataillon subissait - si un tapage ne s'était pas fait entendre.
Atsushi se dévissa le cou afin de tenter d'apercevoir ce qui pouvait bien provoquer cette clameur.
— Laisse moi ! Laisse moi !
Une voix enfantine résonna sur la place du marché, suffisamment fort pour que la petite formation de soldats fasse une halte, intriguée par le bruit qui semblait provenir d'un étal d'un marchand de fruits.
Du haut de leurs chevaux, ils purent avoir un large aperçu de la scène qui se déroulait et qui provoquait autant de bruit.
Un enfant – un garçon si les yeux d'Atsushi ne le trompaient pas – se débattait dans tous les sens afin de tenter d'échapper à l'emprise que le commerçant exerçait sur son bras.
Un instant fut suffisant à l'argenté pour noter les habits déchirés par endroit et sales que portaient le garçon, ainsi que les épaisses mèches de cheveux qui retombaient dans tous les sens, cachant pratiquement ses yeux.
— Je n'ai pas volé !
Le cri aigu du garçonnet résonna dans l'air et il n'en fallut pas plus au jeune homme pour comprendre la situation. Pour lui, cela ne faisait aucun doute que le garçon vivait dans les rues et qu'il n'avait sûrement pas de quoi se nourrir convenablement.
Le vol était la seule solution dans ces cas là, peu importait combien était lourde la sentence si on se faisait prendre.
Atsushi avait un peu trop bien connu cette sensation, celle de la faim tordant son estomac, avant qu'un orphelinat se décide à le recueillir.
Il se mordit la lèvre, décidant de ne pas agir – pour l'instant en tous cas.
L'enfant, désormais, griffait et mordait dans tous les sens, espérant vainement faire lâcher la prise de l'homme qui le maintenait.
Ce dernier aperçut la formation de soldats et il les interpella :
— Eh Messieurs et Mesdames ! Je viens de surprendre ce gosse en train de voler un des mes fruits, il doit recevoir la punition adéquate, qu'en pensez vous ?
Refusant de contrarier le marchand, la grande majorité des soldats hocha lentement la tête d'un léger air dubitatif.
— Ma sœur, lança le garçon, ma sœur vous tuera si vous me faites du mal !
Atsushi ne put s'empêcher de remarquer que la posture de l'enfant s'était faite résignée mais que toutefois, une lueur de défi et de violence brillait dans l’unique pupille visible sous les cheveux.
Le jeune homme frissonna : il connaissait aussi un peu trop bien ce regard rempli d'animosité avec un fond de cruauté. Pour lui, cela ne faisait aucun doute que le garçon n'était pas effrayé par la situation ni par les soldats en uniforme qui se tenaient non loin de lui. Cependant, la raison pour laquelle la peur ne semblait pas l’atteindre restait un mystère.
— Essaye de me toucher, juste pour voir.
Le ton de l'enfant était désormais méprisant, défiant ouvertement le marchand.
L'homme était provoqué par un gamin devant des membres du Bataillon d'Exploration considérés comme des personnes "haut-gradées et respectables" : il allait agir afin de ne pas perdre la face plus que c'était le cas actuellement.
Le garçon avait sûrement volé, mais tout indiquait que c'était plus par désespoir que par malice : Atsushi ressentit le besoin inexprimable de défendre cet enfant.
Les sourcils froncés de colère, le marchand leva la main bien haut avant de l'abattre sur la joue du garçonnet, lui faisant pivoter la tête sur le côté sous le choc de l'impact.
Quelques soldats de la formation se tendirent imperceptiblement, et du coin de l'oeil, Atsushi nota le léger tressaillement qui secoua Akutagawa.
L'argenté ne mit pas longtemps avant de comprendre que personne ne comptait bouger : ce genre de scènes était courant dans les marchés, agir ici ne changerait rien, alors les soldats se contentaient de regarder le dénouement sans rien faire.
Atsushi refusait de se retrouver avec le rôle de simple spectateur alors que, pour une fois, il pouvait agir, faire quelque chose d'utile.
Avant qu'il en ait eu réellement conscience, il passa sa jambe de l'autre côté du dos de sa monture et il sauta à terre.
Sous les yeux ébahis de ses camarades, il sortit rapidement de la formation et se précipita vers le marchand et l'enfant, poussant les gens qui se trouvaient sur son passage.
— Stop ! hurla-t-il en pesant de tout son poids sur le bras de l'homme afin de lui faire lâcher sa prise. Ce n'est qu'un gamin, s'il vous plaît.
Visiblement, que la personne peu menaçante qu’il représentait vienne l'interrompre n'enchanta pas le marchand, qui fronça un peu plus ses sourcils.
— Qu'est-ce que ça peut te foutre, qu'il reçoive une raclée ou non ?
— C'est un enfant, répéta Atsushi avec entêtement tout en plaçant le concerné derrière son dos.
Ce dernier lui jeta un regard surpris, mais il n'émit aucune protestation.
La patience de l'homme semblait être à bout, car il leva impatiemment une main afin de pousser Atsushi et de récupérer le gamin qu'il abritait comme il le pouvait derrière son dos.
En voyant l'imposante carrure de l'homme projeter une longue ombre sur son visage, l'argenté sentit son courage le fuir à toute vitesse, mais pourtant il refusa de bouger.
Le jeune homme ferma les paupières, tournant légèrement le visage dans l'attente d'un coup qui promettait de lui dévisser la tête de ses épaules. Il ne s’était pas trompé : la claque lui fit tourner encore plus le visage sur le côté, laissant une marque brûlante sur sa peau. Sa joue droite était douloureuse, et Atsushi sentit des larmes monter jusqu’à ses yeux, mais il se refusa de les laisser couler.
Normalement, toute personne sensée se serait écartée après avoir reçu un coup pareil, comprenant que l’affaire était entre le marchand et le garçon et personne d’autre. Mais Atsushi s’était déjà engagé, cela ne servait plus à rien de reculer et de revenir dans les rangs pour faire l’autruche au même titre que les autres.
Le jeune homme fixa le vendeur dans les yeux et s’apprêtait à lui demander une fois de plus d’arrêter, quand il vit que l’homme le plus âgé avait relevé le bras, prêt à renouveler son geste. Atsushi aurait pu tenter d’esquiver le coup ou de riposter, mais il ne voulait pas courir le risque qu’on le réprimande pour s’être “attaqué” à un civil. Alors il subissait.
Pour la seconde fois de la journée, l’argenté ferma ses paupières dans l’attente d’un coup, geste qu’il n’avait plus réalisé depuis une bonne dizaine d’années. Il fit de son mieux pour se préparer à la future douleur qui ne manquerait pas d’envahir sa joue, et il serra les dents de toutes ses forces.
L’anxiété rongeait son coeur et il entendait parfaitement ses battements résonner dans ses tempes, mais la douleur ne vint pas.
Atsushi s'autorisa le droit d’entreouvrir une paupière afin de pouvoir déterminer ce qui avait retardé le coup.
Le dos d’Akutagawa lui faisait face, empêchant la lumière de tomber sur son visage. L’argenté sentit sa gorge s’assécher quand il remarqua que le bicolore était venu à sa défense et qu'il maintenait le poignet de l’homme dans les airs.
Le marchand lança un regard furieux qui ne promettait rien de bon à Akutagawa et Atsushi comprit qu’il devait agir, et vite.
Pour lui, ça ne faisait aucun doute que le marchand n’hésiterait pas à faire remonter cet incident au commandant des armées, tout en se plaçant comme la victime et en omettant volontairement le passage où il avait levé la main sur un enfant et un soldat.
Dostoïevski ne serait peut-être pas dupe, mais il n’irait pas chercher plus loin afin d’éviter toute polémique.
L’argenté plaça un sourire aimable sur son visage et s'apprêtait à sortir lentement de l’ombre d’Akutagawa lorsqu’une voix féminine l’interrompit.
— Je vais vous demander de vous calmer, Monsieur.
Quand l’argenté dépassa le dos du bicolore, il put voir Yosano qui se tenait désormais devant le marchand, un air déterminé sur le visage.
Aucun des deux hommes ne bougea. Atsushi déglutit un peu plus nerveusement. Mais la jeune femme ne se laissa pas déstabiliser par l’atmosphère pesante.
— Je crois que vous le voyez tout aussi bien que moi : ce n’est qu’un enfant qui veut simplement survivre.
Atsushi eut un sourire nerveux tandis qu’il se décida à agir et à prendre la parole.
— Il vous a pris quoi ? Une pomme ?
Yosano lui jeta un étrange regard, surprise par son intervention soudaine et le fait qu’il venait de lui couper la parole.
Avant que son courage ne le déserte complètement, Atsushi se mit à fouiller dans les poches de son uniforme afin d’en sortir une petite bourse. Il lança deux pièces au marchand, gardant son léger sourire contrit malgré ses paumes moites et son coeur qui battait trop vite.
— Hum, considérez alors que je vous ai acheté cette pomme ? S’il vous plaît ?
L’homme sembla réfléchir à sa proposition pendant quelques instants avant de simplement refermer son poing sur les pièces qu’il venait de lui donner.
Atsushi laissa échapper un soupir de soulagement : toute cette histoire allait se terminer sans vagues.
Et avec un peu de chance, Dostoïevski n’aurait jamais vent de cet événement et il pourrait prétendre que rien de tout cela ne s’était produit.
Yosano fit un petit hochement de tête dans sa direction, le remerciant silencieusement de son intervention. Le bicolore devant lui parut se relaxer un peu quand il vit que le marchand n’avait plus l’intention de frapper qui que ce soit.
Ce dernier jeta un regard en direction du petit groupe que les soldats et l’enfant formaient, avant de retourner à son étalage d’un pas lourd.
Voyant que le “danger” immédiat était écarté, Atsushi pivota vers le garçon et entreprit de lui poser une question.
— Est-ce que tu es tout seul ?
Le plus jeune secoua énergiquement sa tête.
— J’ai une soeur. Ma soeur aurait très bien pu me défendre sans votre intervention.
— Je ne la vois nulle part, pourtant.
Le garçon fronça les sourcils tandis qu’un orage commençait à s’accumuler dans son unique oeil visible.
— Parce que je l’ai perdue. Vous ne faites pas le poids contre ma soeur.
Atsushi hocha lentement la tête comme s’il croyait aux propos de l’enfant devant lui et il lui tapota légèrement le dessus du crâne, essayant de gagner du temps sur la réponse à donner. Il finit par opter pour un changement total de sujet.
— Hmm… Sinon, est-ce que tu pourrais nous donner ton nom ? Afin qu’on puisse t'aider à retrouver ta soeur plus facilement.
Il espérait mettre le plus jeune en confiance, mais la seule réaction qu’il obtint fut un regard suspicieux et rempli de méfiance.
— En quoi savoir mon nom va vous aider à trouver ma soeur ?
Atsushi essaya de garder toute la patience dont il disposait, mais ce n’était pas une tâche aisée.
— Elle doit te chercher en indiquant ton prénom aux commerçants. Avec ton patronyme, on finira bien par la retrouver.
Le garçon sembla quelque peu convaincu, et il ouvrit la bouche afin de répondre quand un cri féminin les interrompit.
— Sugi !
Avec un léger temps de retard, le garçon réagit et tourna la tête en direction de la voix. Une jeune femme courut dans leur direction à toute allure, tout en réajustant ses lunettes qui venaient de glisser sur le côté. Elle donnait une impression de déjà-vu au jeune homme, mais Atsushi ne put se rappeler pourquoi la jeune femme lui semblait familière.
— Tout va bien Mademoiselle, répondit l'argenté malgré son léger sentiment d'inconfort. Tout a déjà été réglé.
D'un seul coup d'oeil, la jeune femme sembla comprendre la situation et elle vint s'incliner rapidement devant le groupe de soldats.
— Je ne sais pas comment vous remercier. Mon petit frère est une tête brûlée, persuadé que je finirais toujours par sauver sa peau.
Elle jeta un regard noir au dénommé Sugi qui lui rendit un léger sourire insolent. La jeune femme sembla vouloir répliquer quelque chose mais elle finit par renoncer, réajustant simplement ses lunettes sur son nez.
— Il ne réfléchit pas vraiment.
Atsushi secoua la tête et répondit une nouvelle fois avant Yosano.
— Non, c'est vraiment rien. Contre la faim, on ne peut pas faire preuve de beaucoup de rationalité. J'imagine, ajouta-t-il après un temps.
Son interlocutrice hocha légèrement la tête.
— Faites attention, intervint Yosano. De bons soldats ne seront pas toujours là pour vous sauver la mise.
En guise de réponse, la jeune femme tripota nerveusement la monture de ses lunettes.
— On va y aller maintenant.
Elle agrippa fermement les épaules de son frère, l'emprise de ses doigts laissant des plis dans le vêtement du plus jeune.
Pendant un court instant, Atsushi fut tenté de lui demander son nom, mais il se fit la réflexion qu'elle ne lui répondrait sûrement pas, à l'image de son petit frère.
Elle souffla quelques mots inaudibles à l'oreille de Sugi, et en réaction, ce dernier agita vaguement la main dans leur direction avant de murmurer un "merci" du bout des lèvres.
La jeune femme l'imita un peu plus fort, et elle entraîna rapidement son frère dans son sillage.
— Quelle drôle de famille, commenta Yosano.
Malgré tout, son ton semblait dénué de jugement.
Akutagawa se contenta de hausser les épaules, visiblement peu impressionné.
— J'ai vu pire. Je ne sais pas comment tu as réussi à convaincre Hirotsu d'attendre patiemment la fin de cette histoire, mais je ne pense pas qu'on dispose de plus de temps.
Yosano eut un sourire démoniaque.
— Oh, tu sais. La persuasion est un art ravageur.
Elle lança un clin d'oeil au bicolore avant de commencer à se diriger vers le groupe de soldats.
— Bien ! En route, fit-elle par dessus son épaule.
~
Pendant toute la suite de l'exercice et sur le chemin du retour, Atsushi pouvait sentir le regard orageux d'Akutagawa posé sur sa nuque. Et le bicolore ne semblait pas vouloir changer de spécimen d'observation.
Parfois, dans un de ses moments de délire, l'argenté croyait sentir un regard presque conciliant venant de la part du bicolore. Et dans la seconde suivante, ces pupilles noires meurtrières qui lui promettaient mille morts différentes croisaient les siennes, et ses certitudes volaient en éclats.
Atsushi ne savait pas vraiment s'il devait aller confronter Akutagawa ou faire comme s'il n'avait rien remarqué.
Et il penchait très fortement pour la seconde option.
Le bicolore semblait passer suffisamment de temps à prévoir sa mort, Atsushi n'avait pas besoin d'aller volontairement écourter sa longévité qui promettait déjà d'être courte.
Il déglutit péniblement et tenta de reporter ses yeux sur la route qui défilait devant lui, mais ce fut plus fort que lui : il devait parler à Akutagawa.
Il ne pouvait se glisser aussi aisément qu'il l'aurait souhaité hors de la formation, alors il se jura qu'il irait parler au bicolore à la fin de l'exercice.
Étonnement, le retour aux Quartiers Généraux se fit plus long que l'aller, ou du moins ce fut l'impression qu'Atsushi en eut. Dès que leurs cheveux furent déssellés et accompagnés dans leur box correspondant, l'argenté se mit à la recherche du bicolore.
Il trouva ce dernier adossé dernière le mur de l'étable, se contentant simplement de fixer le vide. Quand il entendit les bruits de pas annonçant son arrivée, Akutagawa releva brutalement la tête, une lueur de méfiance dans les prunelles.
— Ce n'est que moi, fit Atsushi de sa voix la plus rassurante.
Cela sembla fonctionner et le bicolore parut se détendre légèrement.
— Je savais que tu voudrais me parler.
Atsushi eut un rire gêné, ne sachant comment réagir face à cette nouvelle.
— Ah ? Pourquoi ça ?
Le bicolore haussa les épaules.
— Je ne sais pas. Une intuition. Sûrement à cause de ce qui s'est passé tout à l'heure au marché.
Akutagawa avait totalement raison, et ce dernier fait mit Atsushi – qui ne savait comment se comporter – mal à l'aise .
— Oui je– tu as raison.
L'argenté résista à l'envie de se craquer les doigts.
— Je voulais juste– te remercier. Pour m'avoir défendu. Enfin je veux dire, Yosano est arrivée aussi et je lui en suis reconnaissant, mais hmm, je ne m'attendais pas à ton aide ?
Il avait prononcé la dernière phrase très vite, espérant que le bicolore n'en saisisse pas tous les mots.
— Non, n'aies pas l'air si gêné. Je ne ressemble pas vraiment à l'image qu'on se ferait du bon samaritain, c'est vrai.
Atsushi passa une main derrière sa nuque tandis qu'il souriait, légèrement embarrassé.
— C'était malpoli de ma part de juger sur les apparences.
Akutagawa ne répondit rien suite à sa déclaration.
— Je voulais juste te remercier parce que je crois bien que personne n'avait jamais vraiment pris la peine de me défendre.
— Je suppose qu'il faut une première fois à tout.
Contrastant avec son attitude nonchalante, le bicolore lui jeta un dernier regard étrange qui lui provoqua des frissons dans le dos, et il se décolla du mur, considérant que la conversation était terminée.
Atsushi n'avait plus rien à ajouter, alors il laissa simplement l'autre soldat s'éloigner à pas lents.
Akutagawa semblait lui en vouloir pour quelque chose que l'argenté ne se rappelait pas avoir dit ou fait et il aurait voulu poser la question directement au concerné au lieu de spéculer. S'il avait réussi à trouver les bons mots, ce qui n'avait pas été le cas.
Atsushi soupira doucement, désormais seul derrière l'étable, ne sachant pas s'il devait être désespéré face à son incapacité à communiquer correctement ou être heureux d'être toujours en vie.
Sûrement un peu des deux.
~
933, ???
— Est-ce qu'il peut nous entendre ?
— Non. C'est impossible. La dose de calmants qu'on lui a administrée est bien trop forte.
— Je ne sais pas si je dois considérer ce fait comme rassurant ou comme inquiétant.
— Si j'étais vous, je serais rassuré.
— Sauf que vous n'êtes pas moi.
Un hurlement de rage déchira le silence et les deux hommes frissonnèrent.
— Voilà une des raisons pour lesquelles j'ai du mal à vous croire.
— Il ne faut pas. Le sérum que vous m'avez donné afin de le tester est parfaitement efficace quand on l'administre aux bonnes personnes.
— Et quelles sont ces "bonnes personnes" ?
— Je ne l'ai pas encore déterminé.
Le deuxième homme claqua doucement ses mains l'une contre l'autre, provoquant un doux son dans la pièce.
— Vous avez encore du temps. Je sais que vous ne me décevrez pas.
Un énième hurlement résonna, un peu plus humain cette fois-ci, mais cela n'empêcha pas un des deux hommes de sursauter sous la surprise.
— N'aviez-vous pas dit que vos sédatifs étaient puissants ? reprit le second.
— Oui oui oui ! Ils le sont ! Mais apparement il est bien plus puissant que nous l'avions espéré.
Le même homme qui avait claqué des mains, eut un léger rire à donner des frissons dans le dos, et il se pencha doucement vers son interlocuteur.
— Vous me devez la vie. Tentez de vous souvenir de ce fait. Alors la moindre des choses est que vous ne me déceviez pas. Cela serait vraiment impoli. Ne me faites pas regretter de vous avoir sauvé après qu'un gamin mort de faim vous ait éventré par légitime défense. Vous n'êtes pas mort ce jour là, mais il n'est jamais trop tard.
— Il était humain avant…
— Tout comme vous. Et voyez où vous en êtes. Ne laissez pas la pitié vous atteindre, parce que dans ce cas, ce sera moi qui n'en aurait pas pour vous.
L'homme qui venait de parler se tourna vers l'autre et lui sourit doucement.
— Rappelez vous, le pouvoir peut être votre plus puissant allié, mais aussi la raison de votre chute.
Un hurlement ponctua ses paroles.
~
935, de nos jours, Paradis
Atsushi se retourna brutalement quand il prit conscience des bruits de pas qui le suivaient.
— Akutagawa ? bégueya-t-il quand il identifia la silhouette du bicolore. Qu'est-ce que tu fais ici ?
L'argenté déambulait dans les zones de la capitale réservées aux eldiens sans but précis depuis une bonne demi-heure, et il n'avait aucun idée de pourquoi le soldat le suivait. Est-ce qu'il comptait le tuer et abandonner son corps dans une ruelle sombre ?
Atsushi frissonna à l'idée de cette pensée même si le fait qu'Akutagawa tente ce genre de choses l'étonnait malgré ses airs peu sympathiques.
— Je–
L'argenté crut pouvoir assister à l'incroyable spectacle du bicolore hésitant et gêné, mais ce dernier se reprit rapidement.
— Je t'ai croisé par hasard.
Atsushi haussa un sourcil afin de l'encourager à continuer.
— Je me suis dit que je pourrais peut-être t'éviter de te faire battre par un marchand la prochaine fois que tu décides de défendre un orphelin.
— C'était légitime !
— Je n'ai pas dit le contraire. Tu as été le seul à réagir, mais on ne peut pas dire que tu aies voulu te défendre correctement par la suite.
— Je ne voulais pas provoquer de scandale.
Akutagawa lui lança un regard noir, signifiant sûrement qu'il valait mieux préserver son honneur au lieu d'essayer d'éviter un scandale, et Atsushi tenta de ne pas se laisser intimider.
— Pense ce que tu veux, j'ai tout de même réussi à gérer cette "affaire".
— Je n'ai pas dit le contraire.
L'argenté lança un regard incrédule à son interlocuteur, se demandant si le bicolore réalisait vraiment qu'il venait de dire deux fois la même phrase en peu de temps.
— Qu'est-ce que tu dis alors ?
— Que tu as été courageux de t'interposer. Même si c'était un mouvement suicidaire et idiot.
Atsushi tiqua légèrement aux derniers adjectifs employés par le bicolore, mais il supposait qu'il l'avait mérité d'une certaine façon.
— Merci encore une fois à toi pour être intervenu, finit par lancer l'argenté de la voix la plus sûre qu'il réussit à trouver.
— Tu l'avais déjà dit.
Le bicolore lui jeta un énième regard noir.
— Bonne soirée.
— Bonne soirée à toi aussi, j'imagine, répondit Atsushi d'une voix déstabilisée par la soudaine formule de politesse.
Akutagawa fit quelques pas dans la direction opposée à la sienne avant de se stopper et de lancer, toujours sans se retourner :
— Je pense que tous les soldats présents te remercient d'avoir agi alors qu'ils n'osaient pas.
Le bicolore fit un autre pas en avant.
— Tâche de ne pas mourir.
Et sur ces mots, il avança d'une bonne démarche pour finir par se fondre dans la foule.
Atsushi cligna plusieurs fois des yeux, peu sûr de la réaction à adopter après cette conversation irréaliste.
L'étonnement serait sûrement l'émotion la plus appropriée, mais Atsushi avait l'impression de rater quelque chose dissimulé sous les paroles du bicolore.
Atsushi finit par secouer la tête sous les regards étonnés des passants : cela ne devait pas être si primordial, il pourrait toujours y réfléchir pendant ses heures perdues.
~
Quand il ouvrit les yeux le lendemain matin, une puissante migraine lui vrillait les tempes et le cerveau, empêchant toutes réflexions potables.
Le jeune homme avait l'habitude de ses maux de tête, mais ils n'avaient jamais été aussi forts qu'aujourd'hui. Si ça ne tenait qu'à lui, Atsushi serait resté au lit avec un bloc de glaçons posé sur le front, mais malheureusement Dostoïevsky et ses devoirs envers le Bataillon ne lui laissaient pas trop le choix.
Il ne se souvenait pas d'avoir eu des migraines avant ses dix-huit ans, autrement dit cette année. Mais quand il cherchait plus profondément dans sa mémoire, il se rendait compte qu'il se rappelait pas des deux années qui avaient suivi son éjection de l'orphelinat à seize ans.
Cela ne l'avait pas dérangé jusqu'à ce qu'il réalise qu'il ne se souvenait pas comment il avait atterri dans le Bataillon d'Exploration.
Ou peut-être qu'il savait pertinemment bien que quelque chose n'était pas normal mais qu'il avait préféré de fermer les yeux là-dessus pendant tout ce temps.
Au fond, Atsushi avait peur de connaître la réponse.
Et il préférait fuir et rester dans l'ignorance plutôt que de chercher des explications.
Atsushi avait la conviction que la vérité ne lui apporterait rien de bon sinon des malheurs.
Dans un sens il avait raison, alors il laissait dissoudre sans regrets ses vagues souvenirs qui étaient devenus trop lourds à porter.
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