03 | Le jour d'après

Hello !
(Quoi le 15 mars ? Cette date n'existe pas voyons- vous avez rêvé, si si)
La ponctualité c'est un peu surfait de toute manière~

(S'il reste quelques petites fautes, c'est majoritairement la faute de Pandora Hearts et de son suspense-
Oui, je suis un peu de mauvaise foi. Juste un peu)

~

— Cela fait combien de temps que vous êtes là ?
— Le temps est une notion abstraite inventée par l'homme.
— D'accord, j'ai compris. La solitude vous a rendu fous, tous autant que vous êtes.
— La solitude, tu dis ? Mais, mes milles et un moi que j'ai été, que je suis et que je serais, sont avec moi. Toujours.

~

Akutagawa leva son visage sûrement maculé de sang et de boue vers la lumière blanche que dégageait Dostoïevski. 
L'ancien commandant des armées de Paradis, Natsume Soseki, avait démissionné avant que le jeune homme ne sorte des Brigades d'Entraînement.

L'arrivée du nouveau dirigeant était donc récente.

Les tirs de canon résonnèrent derrière eux, signe que la Garnison venait d'arriver en renfort.
Dire que le soulagement l'envahit était un euphémisme pour décrire son état d’esprit.

À pas lents, comme un ange tombé du ciel, le commandant descendit du corps du titan sur lequel il se trouvait.
Ses jambes se mouvaient avec grâce et ses bras étaient légèrement écartés, tel un ange salvateur venu pour les délivrer du poids des titans.

Tandis que les expressions de ses camarades s'illuminaient, le visage du bicolore se ferma comme une huître, imperméable au charisme de Dostoïevski.
Le brun lui évoquait trop Dazai pour qu'il puisse lui faire entièrement confiance.

Akutagawa passa une main tremblante sur sa joue pour effacer la trace rougeâtre, dernière trace de Juni’Chiro, qui s'y trouvait toujours.

— Bien, bien, commença Dostoïevski d'une voix de velours. Mes vaillant soldats, je vous remercie pour le sang versé aujourd'hui. Le sang qui a coulé pour vos familles, vos amis et votre gouvernement. Je suis fier de vous, et votre pays l’est également. Retenez ce jour,  comme le jour où Paradis a gagné une fois de plus !

Des exclamations retentirent parmi les soldats à terre, et Akutagawa leva le poing en même temps que les autres afin de faire bonne mesure.
Ils avaient peut-être gagné cette bataille, mais en aucun cas cela leur assurait une victoire totale sur les titans.

Dostoïevski ne semblait pas être ce type de personne inutilement optimiste, voyant toujours le bon côté des choses.
Cela ne correspondait pas à sa personnalité, du moins, l'idée que Ryunosuke s'était fait de sa personnalité.

Les canons retentirent de nouveau, et quelques titans battirent en retraite sous les regards satisfaits des soldats.

— Vous pouvez disposer et rentrer chez vous : vous méritez du réconfort après avoir survécu à une attaque pareille.

Des cris de joie accueillirent la déclaration du nouveau commandant.
De nouveau, Akutagawa fronça un peu plus ses sourcils : son supérieur exagérait largement les dégâts de l'attaque.

— Bien !
Le jeune homme se tourna vers la source du bruit. Étrangement, c'était Yosano qui venait d'intervenir, saluant le commandant, le poing sur le cœur.
Ses yeux brillaient d'une lueur inconnue.

Ryunosuke aurait eu du mal à expliquer son malaise en étant témoin de cette scène. C'était inutile. Cela relevait plus de l'instinct, du pressentiment. 

Et généralement, cela ne le trompait jamais.
Mais préférant jouer la prudence, Akutagawa s'empressa d'imiter les autres soldats avec un semblant d'entrain, avant de commencer à retourner vers le QG.

Fyodor Dostoïevski eut un étrange sourire tordu avant de se retourner, faisant ainsi voltiger sa cape blanche derrière lui.
En ce moment précis, la ressemblance fut plus que frappante.
Un démon à l’auréole illusoire et aux jolies ailes d’anges. 

~

Chacun de ses muscles criait de douleur. Mais Akutagawa en avait l'habitude, ses années dans la brigade d'entraînement ayant servies.

Néanmoins, cela ne l'empêchait pas d'être entièrement courbaturé au réveil après chaque mission.
Le visage encore plus renfrogné que d'ordinaire, le jeune homme s'extraya de ses couvertures au prix d'un immense effort.

Hier soir, Lucy et Mark avaient insisté pour le traîner dans un quelconque bar miteux. Un regard noir bien placé avait fait l'affaire, et les deux soldats avaient laissé tomber.
"À notre jour de survie" avait justifié Mark.

Depuis quand avait-on besoin de boire pour une journée vécue de plus ?
Absurde. 
Il n’avait pas besoin de sentir la liqueur couler dans sa gorge pour se sentir vivant. Le souffle du vent sur sa peau lui suffisait amplement.

Même si c'était le matin tôt – Akutagawa pouvait aisément le deviner aux couleurs sombres du ciel – le jeune homme tenait à se lever.
Rapidement, il enfila son uniforme militaire des cérémonies qu’il n’enfilait jamais sur le champ de bataille.

Le bicolore, affichant le même visage crispé que d’ordinaire, descendit l'escalier menant aux dortoirs pour atteindre la cantine.
Sans même se regarder dans un miroir, il savait que son visage affichait de larges cernes sous ses yeux.

Si cela ne suffisait à Akutagawa pas d'avoir des insomnies récurrentes, Mark qui était dans le même dortoir que lui, se faisait un plaisir de ronfler, et ce défaut était encore plus prononcé quand ce dernier avait bu.
Une horreur pour les oreilles.

Dans sa précipitation pour atteindre les tables, il percuta de plein fouet un étrange jeune homme à la coupe tout aussi bizarre que lui. Ses mèches argentés semblaient être en partie rabattues sur le dessus de son crâne tandis que le reste pendait derrière son oreille.

— Je… balbutia le jeune homme. Je suis navré, vraiment navré !
Et tout en continuant à murmurer des paroles hachées et décousues, l’argenté se courba plusieurs fois devant Akutagawa, lui exposant sa nuque.

Le bicolore songea que, s’il avait voulu porter un coup mortel au jeune soldat, il aurait réussi sans problème, vu le peu de résistance que ce dernier semblait posséder.
Le jeune homme sembla s'apercevoir de son regard insistant, car il se redressa rapidement et réarrangea ses mèches de cheveux d’une main fébrile.

— Erm… Je, euh, je devrais y aller, reprit l’argenté en mangeant la moitié de ses mots. Akutagawa ne sut pas par quels moyens il réussit à le comprendre. Je suis suffisamment dans le pétrin comme ça ! 

Le bicolore haussa un sourcil tout en continuant à dévisager l'argenté.
— Je ne vois pas ce qui te retiens.

L'autre soldat sembla sur le point d'ouvrir la bouche et de répliquer quelque chose, mais il se ravisa au dernier moment.
Sans rien rajouter de plus, le jeune homme aux cheveux argentés s'inclina une nouvelle fois, avant de reprendre sa course effrénée.

Il y avait définitivement des personnes étranges dans le Bataillon d'Exploration. 
Le jeune homme secoua ses mèches bicolores tandis que son regard s’attardait dans la direction où l’argenté avait disparu.
Akutagawa finit par secouer sa tête, avant de reprendre son chemin comme si de rien était.
Et pourtant, ce n’était pas totalement vrai.

~

Le jeune homme arriva avec précisément sept minutes de retard dans la cantine publique.
A quoi bon se lever si tôt afin de gagner du temps, pour ensuite le perdre avec le premier étranger venu ?

— Akutagawa~ Qui prévois tu de tuer aujourd’hui ?
Le jeune homme darda son regard gris sur le soldat aux mèches brunes qui rebiquaient.
Mark Twain.

Le soldat ravala une moue de dégoût qui aurait été sûrement très mal prise, pour répondre au brun d'un ton piquant :
— Toi.

Malgré le rire de Mark qui s'éleva dans la pièce, Akutagawa sentit l'infime hésitation dans sa voix, et vit son corps se mettre légèrement en position défensive.
Il prenait plus aux sérieux les "menaces" du bicolore qu'il n'en avait l'air.

Akutagawa ne comptait en aucune manière les mettre à exécution, mais il était bon de savoir qu'il disposait tout de même d'un moyen de pression.

Après avoir laissé un Mark hésitant, et s'être emparé d'une assiette de céréales à la couleur douteuse, le bicolore s'assit à la première table qu'il vit.

Immédiatement, il se mit à prendre des bouchées de cette mixture, tout en respirant le moins possible afin d'en atténuer le goût.
Il n'était pas sûr que cela marche vraiment, mais avec le temps, il s'était habitué à cette démarche.

Quelques débuts de conversations commençaient à s'élever de droite à gauche, mais Akutagawa n'y prêta aucune attention, trop focalisé sur l'assiette devant lui.
La plupart des soldats se plaignait de la nourriture infecte et de la froideur du réfectoire.

Pour le bicolore, cela relevait du repas de luxe et d'un logement de rêve.
Évidemment qu'ils ne pouvaient pas comprendre. Et ils ne le pourraient jamais.

Avec une lenteur contrastant avec sa rapidité à se lever, le jeune homme alla rapporter son plateau rudimentaire à l'endroit voulu.
Même si personne, absolument personne, n'osa prononcer un mot, Akutagawa pouvait sentir leurs regards inquisiteurs sur son dos, et il percevait sans problème le même mot muet tournant à l'intérieur de leurs esprits : taré. Taré.

Fou. Il était celui qui aimait les plats du réfectoire. 
Anormal. Il était celui qui possédait un excellent contrôle sur son équilibre et son équipement, un peu trop bon pour son âge.
Monstre. Il était celui qui passait des heures à s'entraîner. Celui qui ne souriait pas et dont la seule émotion se reflétant dans ses prunelles était une colère froide.

Mise à part Lucy et Mark, les gens se tenaient loin de lui.
Pendant une infime seconde, il chercha sa sœur du regard, avant de se rappeler que, non, elle n'était plus à ses côtés.

Akutagawa roula silencieusement des yeux tandis qu'il sortait de la salle.
Si ça ne tenait qu'à lui, il aurait claqué les portes derrière son passage, mais il ne voulait pas se faire remarquer. Pas encore du moins.

Le jeune homme passa à grandes enjambées dans le couloir. Ce faisant, il en profita pour jeter un discret coup d'oeil à l'horloge murale.
Bien.
Il lui restait suffisamment de temps pour enfiler son équipement de parade, comme il aimait bien l'appeler.

S'il donnait ce nom, c'était pour une raison bien précise : ces habits là ne lui servaient uniquement pour les cérémonies officielles où les autres régiments étaient présents. 

Et encore. Cérémonie était un mot bien trop brillant pour décrire le rassemblement militaire obligatoire après une attaque majeure de titans.

Akutagawa enfila rapidement son pantalon blanc, un T-shirt quelconque suivi de son éternel gilet beige, assorti des ailes de la liberté.
Tandis qu'il s'observait dans la petite glace fixée au dessus du lavabo de sa chambre, le bicolore songea que, si un titan décidait de faire irruption, son uniforme serait totalement inutile.
Akutagawa serait totalement inutile.

Il haïssait ce sentiment, celui d'être impuissant, de n'avoir aucun contrôle sur sa vie. C'était quelque chose qu'il tenait absolument à éviter : chaque chose de son quotidien était minutieusement réglée et attendue sans grande surprise.

Rien n'était laissé au hasard, rien ne rentrait dans sa vie sans qu'il en ait décidé ainsi.

Akutagawa hocha la tête face à son reflet qui lui, ne broncha pas.
Il retint un soupir, reconnaissant que personne ne soit dans la pièce pour le voir devant son miroir.

Le jeune homme se tourna et franchit la porte de sa chambre tout en ajustant son col.

~

— Je suis bien conscient que tous vous réunir ici, au cœur de la capitale, demandait un grand effort.

Akutagawa fronça les sourcils. Cela faisait surtout beaucoup d'heures trajet, et beaucoup de dépenses inutiles pour loger ces soldats arrivés en masse.

Même si le QG du Bataillon d'Exploration, le Quartier Général d'Investigation, se situait à l'extérieur de l'enceinte des murs exposé au danger, sa chambre manquait au jeune homme.

De plus, il y avait un surplus de têtes inconnues qui ne donnait qu’une seule envie à Akutagawa : fuir le plus vite possible. Et malheur à celui qui oserait lui adresser la parole.

— Mais les évènements d’hier étaient bien trop importants pour être ignorés et traités avec la procédure habituelle.
Le bicolore haussa un sourcil en entendant les paroles du commandant. Il ne pensait pas que l’administration s’inquièterait autant au sujet de la taille du titan. Les soldats s’étaient quand même débrouillés pour endiguer l'assaut et pour survivre.
Pour la plupart, ajouta intérieurement Akutagawa quand l’image du corps sans vie de Juni’Chiro lui revint en mémoire.

Immédiatement, ses yeux cherchèrent à travers la foule rassemblée la silhouette de Naomi. Comme il pouvait s’y attendre, la jeune fille n’était nul part en vue.

C'était sûrement pour le mieux. Après avoir atteint le Quartier d'Investigation, Naomi s'était murée dans un silence et refusait d'adresser la parole à quiconque qui osait lui rendre visite.
A défaut de repérer la petite brune, ses yeux finirent par se poser sur sa sœur qui se trouvait aux côtés d'une jeune femme blonde.

Gin et lui échangèrent un rapide regard entendu.

— Le titan mesurait dix-sept mètres de haut.
Des murmures choqués parcourent les rangs des soldats, et en particulier ceux appartenant à la Police militaire ou aux Brigades Spéciales. 

Évidemment, puisqu'ils étaient restés en dehors de l'action, laissant le Bataillon d'Exploration se sacrifier à leur place.

— Et nous avons failli ne pas nous en sortir.
Une fois de plus, Akutagawa grinça des dents. "Nous" était très facile à dire, mais plus difficile à assumer quand il s'agissait d'être sur le terrain.

Et il lui suffit d'un regard en direction de Dazai pour savoir que le jeune homme brun pensait exactement comme lui.
Ce n'était pas pour rien.

Néanmoins, si le major du Bataillon d'Exploration était contrarié par l'inclusion de Dostoïevski dans la mission, il n'en montra rien.
Le visage de Yukichi Fukuzawa était un masque d'impassibilité.

— Contrairement à nos suppositions, le titan s'est révélé beaucoup plus intelligent que prévu. 
Un murmure choqué traversa la foule.
Le bicolore nota avec soin que le commandant avait fait attention à ne pas mentionner que le fait que le titan avait pu anticiper certains de leurs mouvements.

— Mais rassurez vous : on est venu à bout de cette bête sans qu'elle atteigne les premières habitations. Il ne manque plus que la confirmation des scientifiques sur la mort du titan.

Il s'en était fallu de peu, songea Akutagawa.
Cela lui faisait mal de le réaliser, mais si les deux autres brigades n'étaient pas intervenues à temps, il ne serait pas là aujourd'hui. 
Dans une certaine mesure, il leur était redevable.

— Néanmoins, il est nécessaire de revoir nos techniques de combat.
— Si on avait disposé de l'intégralité de notre équipement, peut-être qu'on aurait essuyé moins de pertes, et aurait était plus d'efficace.

Le silence tomba sur la salle. Akutagawa avait pris la parole sans qu'il ait pu s'en empêcher ni atténuer ses propos.
Il ne faisait qu'énoncer la vérité.

— Pardon ? s'enquit Fyodor Dostoïevski d'une voix de velours.
Certains auraient pu y voir de l'intérêt sincère, mais pour le bicolore, ce n'était qu'une menace à peine dissimulée.
Comme un prédateur ayant trouvé sa future proie.

Ses yeux parcoururent rapidement l'assemblée avant de revenir sur l'homme debout sur l'estrade.
Gin lui lança un regard d'avertissement.
Il ne fallait pas s'opposer au commandant.
Pas s'il voulait conserver toutes les parties de son corps.

— As-tu des arguments valables pour prouver tes dires ?
Le bicolore allait rétorquer que les chiffres prouvaient ses paroles mais quelque chose l'en empêcha.
Dostoïevski attendait ce moment.

Son animosité envers le commandant était bien trop évidente pour que le principal concerné ne le remarque pas.
Et le brun attendait qu'une seule chose : qu'Akutagawa fasse une erreur. Comme il venait de le faire maintenant.

Le bicolore n'avait pas d'autre choix que celui de battre en retraite.
Il fit mine de tousser, étant reconnaissant pour la première fois de sa bronchite.

— Pardon, souffla t-il entre ses dents serrées, je dois m'embrouiller l'esprit avec tous ces derniers évènements.

Akutagawa haïssait perdre la face, et ainsi passer pour un dégénéré en plus d'un psychopathe aux yeux des autres, mais il n'avait pas le choix.

Dostoïevski fit un petit signe de main, un sourire faussement chaleureux sur le visage.
— Ce n'est pas grave, ce n'est pas grave. Il n'y a rien de mieux que les erreurs pour apprendre. C'est pourquoi j'adore quand les gens m'interrompent pour m'expliquer ce qui ne va pas.

Tandis qu'il croisa le regard mi soulagé, mi inquiet de sa sœur, Akutagawa songea qu'il valait mieux qu'il se fasse discret.

Fyodor Dostoïevski l'avait désormais dans son viseur. Et cela ne présageait rien de bon.

Une idée amenant une autre, le jeune homme pensa que c'était sûrement plus sûr que le commandant ne soit jamais au courant de son affiliation avec Gin.

Cela pourrait être un excellent moyen de pression.
Même s'il savait que sa sœur et lui se ressemblaient assez physiquement, faire le rapprochement n'était pas toujours évident.
Surtout s'ils n'étaient pas souvent vus ensemble.
Et du moment où Dostoïevski n'allait pas fouiller dans les dossiers de la famille Akutagawa, il n'y avait rien à craindre.

Ryunosuke devait absolument faire profil bas devant le commandant.
Poussant le jeu un peu plus loin, le bicolore baissa la tête en avant, comme s'il n'osait pas croiser les yeux de Dostoïevski.

— Bien, je reprends donc ce que je disais. Nous manquons visiblement de technique et d'effectif. C'est pourquoi, j'ai décidé d'imposer un entraînement commun à toutes les Brigades.

Akutagawa sentit sa bouche s'assécher.
Ils allaient tous s'entretuer avant la fin de la semaine.
Peut-être était-ce également une des conséquences prévues par Dostoïevski.

Le commandant fit un geste ample de la main, leur imposant le silence.
Chose incroyable, tous les soldats entassés dans les gradins se turent.

— Reprenons, sourit Dostoïevski avec une voix dégoulinante de douceur.

Et malgré son ennui évident et sa méfiance pour l'homme en face de lui, Akutagawa serra les dents et écouta.

~

Cela avait beau être sa troisième réunion de ce genre, son avis n'avait pas changé : il les trouvait toujours autant inutiles qu'au début.

Fyodor Dostoïevski avait répété encore et encore le détail du déroulement de la "victoire" contre le titan de dix-sept mètres.
Akutagawa avait fait de son mieux pour garder un semblant d'intérêt pour les paroles du commandant, mais ce n'était pas une tâche simple.

Il se trouvait de nouveau dans le réfectoire, seul à sa table, mais pourtant il était envahi par le brouhaha ambiant.

Dostoïevski entra d'une démarche théâtrale de la porte située au fond de la pièce. 
Agissant comme il l'avait fait dans l'amphithéâtre, le jeune commandant claqua deux fois des mains, et le silence se fit.

Mais cette fois-ci, un jeune homme à l'étrange coupe de cheveux et aux mèches grises, fit irruption aux côtés du militaire.
Immédiatement, le bicolore reconnut le soldat qu'il avait bousculé ce matin dans le couloir.

Sans attendre, le jeune homme se précipita aux côtés de Dostoïevski, tout en murmurant des excuses. Il lui présenta une feuille de papier que les yeux améthystes de l'homme parcoururent rapidement.

— Merci Atsushi, déclara le commandant.
Il s'adressa ensuite aux soldats rassemblés dans le réfectoire.
— On vient de m'annoncer que le terrain est enfin prêt !

Akutagawa tenta de retenir une grimace en entendant le ton beaucoup trop enthousiaste du commandant des armées. Comment voulaient-ils gagner le respect de la population s’ils étaient les premier à se considérer comme des gamins allant en colonie de vacances ?
— Vous allez donc rester dans la capitale un peu plus longtemps que prévu ! Mais aucun souci : j’ai déjà tout pris en compte !

Cela sonnait définitivement très mauvais aux oreilles du bicolore.
— Je vous laisse l'après midi de libre, annonça Dostoïevski d'un ton satisfait. Vous pouvez donc aller vaquer à vos occupations. Je vous rappellerai en fin d’après midi quand tous les détails administratifs seront finalisés.

Un brouhaha résonna dans la salle tandis que la majorité des soldats commençaient à quitter leurs sièges.
— Mademoiselle Higuchi reste avec moi, par contre, susurra le jeune commandant. Il faut que je lui parle.

Akutagawa tiqua à l'entente du nom qui ne lui était pas inconnu : il était quasiment certain que Gin l'avait mentionné dans une de ses lettres qui avaient bien voulu arriver à destination.

Une jeune femme blonde aux cheveux relevés en un chignon strict se leva, et resta immobile au milieu de la foule mouvante.
Sa sœur lança une oeillade inquiète à la dénommée Higuchi.
Le bicolore serait volontiers resté pour avoir un aperçu de la scène, mais il fut emporté par le courant de personnes.

Refusant d'attirer une nouvelle fois l'attention sur lui pour rien, Ryunosuke ne se débattit pas, et se laissa entraîner par la foule.
Fyodor Dostoïevski dissimulait bien son jeu.
Et Akutagawa semblait être le seul à voir au travers des faux sourires du brun.

~

Les secondes s'écoulaient lentement, si bien qu'il aurait cru que le temps s'étirait encore et encore à l'infini.
Akutagawa observait les soldats vaquer à leurs occupations en attendant les prochaines instructions de Dostoïevski.
N’ayant rien à faire, le jeune homme s’était assis sur une des tables, espérant faire passer son ennui passager.

Alors que son regard dérivait une nouvelle fois dans le vide, une main s'abattit sur son épaule. Le bicolore réprima le sursaut nerveux qui le secoua, se contentant de simplement plier et déplier ses doigts.
Quand il fut sûr que les secondes suffisantes pour qu'il retrouve un total contrôle de ses nerfs étaient passées, il pivota légèrement sur le banc pour voir son interlocuteur.

En face de lui se tenait Hirotsu Ryurô.
L'homme, qui n'était plus dans la fleur de l'âge, le dévisageait d'un regard sévère. Ses cheveux argentés étaient, comme à l'habitude, impeccablement rabattus en arrière, donnant une vue dégagée sur son visage étroit.

Akutagawa n'avait jamais vraiment su comment aborder son supérieur, si le calme placide qu'il affichait était véridique ou non. Le bicolore n'avait jamais vu Hirotsu sur un champ de bataille, et ignorait donc ses capacités physiques.
Mais on ne restait pas aussi longtemps en vie si l'on ne possédait pas un minimum d'expérience et de technique.

— Je peux ?
Hirotsu lui indiqua du menton la place vide du banc. Akutagawa haussa les épaules, comme si cela lui importait peu, alors qu'il protestait mentalement.
Devoir faire la conversation était une tâche si ennuyante que la plupart du temps le jeune soldat ne s'embêtait pas : il laissait son interlocuteur parler dans le vide.

Sauf que l'homme aux cheveux argentés appartenait lui aussi au Bataillon d'Exploration, et qui plus est, était un de ses supérieurs ayant le droit de le renvoyer.
Autant dire qu'il était impératif qu'il maintienne une illusion de politesse.
Le besoin viscéral de rester dans l'armée prenait le dessus sur toutes ses réticences.

Le vétéran s'assit à côté de lui, et le bicolore se mit à mentalement compter les secondes avant qu'Hirotsu lui adresse la parole.
Il était arrivé à treize quand ce dernier se racla la gorge.

— Tu n'es pas avec les autres ?
— Non.
Ryunosuke s'invectiva mentalement : son ton sonnait trop distant, trop froid et trop dur. 

Réarrange le coup si tu tiens à rester dans l'armée.

— Je veux dire…
Akutagawa fit une pause un peu trop longue, cherchant pitoyablement ses mots.
— Hum, je n'ai pas trop la tête à ça. En ce moment.

Le jeune homme songea qu'il y avait déjà un petit progrès par rapport à la fois précédente.

— Je comprends, répondit simplement l'homme aux cheveux argentés. La première confrontation avec un titan de plus de dix mètres secoue toujours.

Le bicolore ravala avec peine une question que son supérieur aurait trouvé trop familière.
Pourquoi s'intéressait-il à lui ? Hirotsu devait forcément avoir une faveur à lui demander.

Akutagawa faillit également répliquer qu'il avait vu des choses bien pire que de simples titans dans la Ville Souterraine, mais il s'en abstint. Cette phrase jetterait sans aucun doute un froid dans la conversation.

La question de "qu'est ce qu'on allait faire des "habitants" de la Ville Souterraine" était devenue un point majeur de la politique. Des tensions apparaissaient entre ceux qui pensaient que les personnes du dessus avaient déjà suffisamment de soucis, et qu'il valait mieux laisser les personnes du dessous là où elles étaient, et ceux qui tentaient d'être une âme charitable.

Malheureusement, Ryunosuke n'avait pas pu choisir son lieu de naissance, et faisait donc parti de ces malchanceux, nés dans les bas-fonds. 

Expliquer ses origines à son supérieur et le pourquoi du comment il en était arrivé à se tenir devant lui, présageait une atmosphère chargée de tension.

— Ça va, répondit le bicolore après un temps de délibération mentale un peu trop long. Je le prends… mieux que certains.
Hirotsu eut un petit sourire qu'Akutagawa aurait décrit comme amère.

— Ce n'est pas difficile à croire. Tu me rappelles l'homme que j'ai été dans ma jeunesse.
Irrécupérable ?
— Solitaire ? proposa t-il à la place.

Hirotsu eut un petit rire amusé.
Le jeune homme s'était toujours plus ou moins méfié de l'homme à la posture rigide. Contrairement à Yosano, le vétéran, gardant toujours une attitude et face stoïques, était moins facile à lire.
De plus, sa posture contrastait toujours avec son attitude. Avec sa longue cape et sa moustache, l'argenté avait tout d'un noble bien élevé. Mais le bicolore l'avait déjà vu moqueur, descendant verbalement une recrue.

Akutagawa n'avait jamais été à l'aise avec les personnes trop compliquées.

Mieux il arrivait à lire en l'individu, à prévoir ses actions, plus il avait la conscience tranquille.
Hirotsu Ryurô était imprévisible.
Et cela suffisait à Akutagawa pour se mettre sur ses gardes.

— Méfiant, répondit à la place le plus âgé.

Le bicolore releva la tête et dévisagea avec plus d’attention le vétéran. Il ne s’attendait pas à ce type de réponse, et encore moins venant de lui.
— C’est à dire ?
Akutagawa venait de poser sa question impulsivement, sans de réflexions au préalable.
— J’avais le même regard que toi.

Le jeune homme résista à l’envie soudaine de tout nier en bloc qui braquerait son supérieur. Il opta pour une réaction plus classique.
— Vous me connaissez à peine.
Il se stoppa tandis qu’une alarme se déclenchait dans son esprit.
— Vous avez lu mon dossier militaire ?!

Le jeune homme essaya de ne pas laisser paraître l’indignation dans sa voix, mais au vu de la réaction d’Hirotsu, il sut qu’il avait échoué.
Mais au lieu de s’offusquer à l’entente de cette accusation, le vétéran éclata de rire avec une voix rauque.
— Non, non, rien de tout cela !

L'homme argenté eut un sourire indulgent pour lui. Akutagawa se retrouva pris au dépourvu, ne sachant pas quelle réaction était la plus adaptée.
Hirotsu dut deviner sa gêne, car il lui tapota le haut de l'épaule avant de se lever.
Le geste le mit encore plus mal à l'aise.

— Respire, je ne vais pas ordonner ton exécution publique mon garçon.
— J'en suis soulagé alors.

Hirotsu lui adressa un dernier sourire avant de quitter le banc et de retourner à ses occupations.

Akutagawa regarda l'homme s'éloigner tandis qu'il se demandait pourquoi.
Pourquoi était-il venu lui parler sans raison apparente ?
Personne n'engageait une conversation de plein grès avec Ryunosuke Akutagawa, si ce n'était un cas de force majeur.
La discussion qu'il venait d'avoir avec son supérieur n'avait aucune importance capitale. Alors que voulait donc Ryurô Hirotsu de lui ?

Cela faisait longtemps qu'Akutagawa n'avait plus rien à donner.

~

Après avoir fixé le paysage d'un air absent qui renforçait un peu plus son visage fermé comme une huître, le bicolore avait décidé de se lancer à la recherche de sa sœur.

Il tenait au moins à échanger quelques mots avec elle avant de repartir dans leurs bataillons respectifs.

Les soldats s'étaient dispersés dans la ville en attendant les nouvelles instructions de Dostoïevski.
Malheureusement pour le bicolore, Gin et lui possédaient une couleur de cheveux classique, se fondant facilement dans la foule.

Déambuler dans les rues en hurlant le prénom de sa sœur n'étant pas une option acceptable, le jeune homme n'avait plus qu'à s'armer de patience. Patience qui était quasi inexistante chez lui.

Il restait à voir s'il serait suffisamment chanceux.
— Ryu !
Visiblement, il avait sa réponse. Il n'y avait qu'une seule personne dans ce monde pour oser l'appeler ainsi.

— Gin, répondit-il, gardant sa voix la plus neutre possible.
Sa petite sœur lui décrocha un sourire ravi, avant de venir entourer ses bras autour de son cou.

Akutagawa ne portait pas dans son cœur les démonstrations d'affection, et encore moins les démonstrations d'affection physiques et publiques.
Mais à croire que Gin se dérobait une fois de plus à la règle.

Le bicolore fit l'effort de commencer la conversation.
— Tu as l'air… rayonnante.
Et c'était vrai. Sa petite sœur semblait bien plus épanouie que lors de leur dernière rencontre qui datait d'il y a quelques mois.
— Je suppose que ta vie dans les Brigades Spéciales se déroule bien.

Le sourire de Gin s'agrandit encore un peu.
— Je ne peux pas imaginer comment j'ai pu vivre toutes ces années sans la lumière du soleil.
— Je sais.

Le jeune homme ne prononça pas le "moi aussi", mais il sut que sa sœur l'avait entendu.
Ryunosuke n'avait jamais vu Gin si ouverte et détendue qu'en ses dix-neuf ans de vie. Dans la Ville Souterraine, ils étaient constamment sur leurs gardes, à l'affût de la moindre menace.

Il n'avait pas vu sa sœur effectuer leur procédure habituelle lorsqu'ils se retrouvaient dans un endroit où il y avait un peu trop de monde.

Chercher toutes les voies d'issues possibles et imaginables.
Le bicolore balaya le paysage du regard. Les portes de la ville étaient encore ouvertes à cette heure-ci. 

Repérer les menaces potentielles.
La foule pouvait abriter n'importe qui. L'échoppe d'armes au coin de la rue. La petite forge à quelques mètres d'eux.

Envisager toutes–
— Ryu.
Le ton impétueux de Gin le sortit de ses réflexions.
— On n'est plus dans la Ville Souterraine. Tu peux arrêter ce petit manège.

Akutagawa haussa les épaules pour masquer sa gêne d'être pris en flagrant délit. 
— Je sais.
— On ne dirait pas.

Le jeune homme ne répondit rien, conservant son mutisme avec entêtement.
— Tu sais que si tu as n'importe quels types de problèmes, tu pourras toujours m'en parler ? reprit sa sœur, qui était pleine de bonne volonté et trop humaine.

C'était à se demander comment elle avait fait pour survivre si longtemps dans les bas-fonds. 
La réponse à cette question était comprise dans un simple nom : Ryunosuke Akutagawa, son grand frère.
Il n’avait pris aucune demi-mesure lorsqu'elles concernaient la sécurité de Gin. Et il ne regrettait rien. Absolument rien.

— Je sais, répéta une nouvelle fois Akutagawa. Je sais.
Sa soeur le dévisagea pendant quelques instants, montrant qu’elle n’était pas entièrement dupe par ses mots. Elle sembla vouloir prendre la parole, mais au même moment, les cloches de la villes résonnèrent, annonçant que Dostoïevsky avait terminé avec les détails administratifs.

— Il faut y aller, fit simplement Gin en lui jetant un regard en biais.
Le jeune homme acquiesça, les mots désertant soudainement sa bouche. 
Sa soeur exerça une légère pression sur son dos, avant de le dépasser d’un pas déterminé.

— Je ne sais pas qui tu espères tromper en faisait semblant de ne pas me connaître, mais j’ai bien peur que ça ne soit pas très efficace. Ce n’est pas comme si on se ressemblait physiquement.
Elle lui adressa un sourire moqueur qui avait étrangement manqué à son frère.
— Mais si cela peut te tranquilliser l’esprit… je pars devant.
— Comme tu veux.

Gin secoua légèrement la tête tout en réarrangeant son chignon où quelques mèches s’en étaient échappées.
Le bicolore observa, avec un étrange sentiment, la jeune fille brune lui tourner le dos, et s’éloigner peu à peu de lui.
Il n’était pas habitué à être aussi longtemps séparé de sa soeur.

Akutagawa retint un soupir, et compta jusqu’à dix dans sa tête avant de se mettre à son tour à bouger.
L’annonce du commandant ne lui disait rien qui vaille.

~

Un brouhaha ambiant résonnait dans la salle de l'amphithéâtre, chacun échangeant avec son voisin. Comme à son habitude, le jeune homme était assis sur un des gradins le moins rempli dans le silence le plus total.
Il était impossible de distinguer une phrase ou un mot provenant de Dostoïevsky qui se tenait sur la scène.
Akutagawa s’attendait à ce que le commandant se mette à hurler ou à les menacer, mais il n’en fit rien.

Au contraire, Dostoïevski cessa tout mouvement, se plantant droit comme un piquet. Étrangement, devant cette absence de mouvements et de bruits venant du commandant, les murmures s'apaisèrent peu à peu.

— Bien. Maintenant que tout le monde est disposé à m’écouter, nous pouvons commencer.
Une vague d'approbation parcourut les rangs. Ryunosuke s'abstint de tout mouvement.

— Tout d'abord, j'ai l'honneur de vous annoncer que le titan responsable de la dernière attaque a bien été tué par mes propres soins.
Des applaudissements suivirent sa déclaration.
— Nos scientifiques viennent de le confirmer. Et tous les soldats sur place peuvent également le témoigner. 

C'était un appel au défi. Tentez de nier les faits, semblait il dire.
Et même si Ryunosuke brûlait de contredire Dostoïevski, il n'était pas assez suicidaire pour essayer.
Personne ne l'était.

— Pour continuer sur quelque chose de plus actuel, la répartition dans les auberges a enfin été achevée !
Akutagawa tenta de se préparer mentalement au désastre. Il échoua.
— Les feuilles sont affichées dans le hall de cet établissement, vous pourrez les consulter en partant.

Des murmures de curiosité commencèrent à s'élever, et plusieurs têtes se retournèrent vers le fond de la salle pour tenter d'apercevoir les panneaux d'affichage.
Dostoïevski claqua des doigts, et immédiatement l'attention se focalisa une nouvelle fois sur lui.

— J'ai également le plaisir de vous annoncer que certains de nos vétérans de guerre seront présents, afin de superviser le bon déroulement de la semaine.

Le jeune homme retint avec peine une grimace en entendant qu'il faudrait qu'il fasse la discussion avec des gens pendant sept longs jours.
Malheureusement, tous les soldats ne semblaient pas partager son point de vue.

— C'est pourquoi, j'aimerai vous présenter : Hirotsu Ryurô !
Un tonnerre d'applaudissements retentit, et Akutagawa ne put s'empêcher de se demander à quel moment l'armée était devenue si pitoyable.
Il aurait pu se trouver sur la place d'un marché, en train d'accueillir des exposants, la réaction aurait été la même.

Le vétéran monta sur la scène tandis que les spectateurs se calmaient.

— Yosano Akiko !
Il avait la désagréable impression que tout cela n'était qu'une vaste comédie jouée à l'extrême. Mais le commandant semblait être plutôt sérieux quant à son projet.
Sa supérieure suivie Hirotsu sur le devant de la scène.

— Kunikida Doppo !

Un homme blond aux cheveux attachés en catogan et à lunettes se présenta sur la scène.
Quelque chose disait à Ryunosuke qu'il allait haïr la semaine à venir.
Cela sonnait plus comme un spectacle de marionnette qu'un entraînement visant à aider les soldats à survivre face à des titans de dix mètres de haut.

— Et Chûya Nakahara !
Un nouveau tonnerre d'applaudissement.
Akutagawa garda un visage le plus impassible possible tandis que le monde autour de lui se mettait à tourner.
Il ne réussit pas à apercevoir le visage de Gin, mais il sut qu'elle portait la même expression que lui.

Cela sonnait définitivement très mauvais.

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