7. Serefine Damdoulé

Maintenant c'est sûr. Même si Mathieu joue au beau gosse intouchable, et a l'air vraiment odieux au début, au fond, tout ce dont il a besoin, c'est des câlins. Parce que ce qu'il y a dans sa tête, c'est pas un cafard, c'est une colonie entière !

Serefine suit son associé sur la Passerelle, au milieu des immeubles qui s'élancent vers le ciel. Le sol est à plusieurs centaines de mètres en-dessous, constate-t-elle en se penchant plus que nécessaire par-dessus la barrière.

«Ça fait quoi si je saute, Mathieu ?» Elle sourit en le regardant se marcher, jusqu'à ce qu'il lui réponde.

«Ça fait que tu vas t'écraser en bas, et après ça, je te tue.» Un sourire mi-sadique mi-amusé étire les lèvres du jeune homme.

«Mais si je suis morte, tu peux pas me tuer...»

«Arrête et viens, Serefine.» De nouveau, il a l'air maussade. Serefine soupire puis le rejoint en sautillant.

Un vent matinal ébouriffe les cheveux des rares passants et fait osciller la passerelle. Le soleil à peine levé n'est pas encore passé au-dessus des immeubles. Au fond du "gouffre" qu'ils créent, les lumières des transports se transforment en fleuves lumineux.

«On descend là.» Mathieu montre un escalier métallique adossé à la façade d'un immeuble. En-dessous d'eux s'étend le Quartier des Ruelles, qui porte horriblement bien son nom. Situé au niveau de l'ancien port et de la plage, il s'étend dans tous les sens, sombre et enfumé par la pollution. Ici, les bâtiments les plus hauts mesurent moins de dix mètres. Le Quartier des Ruelles s'étend sous la surface, à l'abri des regards outrés du reste de la ville.

En tous cas, c'est ce qu'on a toujours dit à Serefine à son propos. Elle n'y est jamais allée.

Le duo descend l'escalier grinçant et rouillé et arrive cinq minutes plus tard sur le sol. Les quelques passants leur jettent un regard maussade. Mathieu a subtilement changé de posture, la tête un peu plus basse, les épaules en avant. Il glisse ses mains dans les poches de son jeans et allume son Earadio. Serefine fait de même, et la voix de son associé parvient à son oreille :

«Suis-moi sans sautiller, copie la posture des autres. On va faire un tour. Essaye de repérer les enfants-panda, ceux qui ont des cernes très noires. Ce sont eux qui utilisent les pilules Méduse. Si on en trouve un, on le suit pour savoir où il les trouve.»

La petite fille hoche la tête et le suit en essayant de traîner les pieds. Quel ennui, cette façon de marcher...

«C'est quoi les pilules Méduse ?»

«Ça permet à ton corps de régénérer toutes ses cellules.»

«Comment ça ?»

«Une soi-disant vie éternelle. Mais c'est tellement crevant physiquement que les gars qui en prennent finissent par plus se réveiller.»

«Dégueu ! Pourquoi ils en prennent, alors ?»

«Parce que ceux qui en vendent mettent de la drogue dedans. Quand tu as commencé, c'est impossible de s'arrêter.»

«Comment tu sais ?» Serefine se rend compte au moment où elle la pose que sa question est beaucoup, beaucoup trop maladroite. Mathieu ne lui répond pas et pivote vers une ruelle encore plus sombre que celle qu'ils viennent de quitter. Elle grimace de sa bourde en le suivant, puis sursaute en voyant la petite silhouette aux yeux pochés qui les dépasse, et tourne presque immédiatement dans une autre ruelle.

«Mathieu ! Tu l'as vu ?»

«Tais-toi ! On le suit de loin. Et essaye d'être encore moins agitée, tout le monde te regarde.»

Le duo part à la suite de l'enfant-panda qui traverse le Quartier en titubant. Serefine ne peut pas s'empêcher de le fixer avec des yeux ronds. Si ce garçon prend des pilules Méduse, alors quel âge a-t-il vraiment ? Vingt ans ? Le double ? Est-ce seulement possible de rajeunir autant ?

«Serefine, baisse la tête !» Le reproche de son associé claque à son oreille et la pousse à se reprendre. Elle voûte son dos, traîne des pieds et fixe les bottes militaires de Mathieu, qui soulèvent un petit nuage noir à chaque pas.

Ils filent l'enfant-panda pendant plusieurs heures mais il ne semble pas avoir de destination précise et vaque à proximité des restaurants.

«Mais tu es sûr qu'il va aller en acheter ?» Serefine laisse échapper un bâillement tandis qu'ils attendent que leur cible ressorte d'un magasin.

«À ce stade, tu en as envie tout le temps. Là, il se fait de la thune, et je peux t'assurer qu'il ira en acheter avant la fin de la journée. Quand on aura trouvé le lieu d'échange, on se poste en hauteur et on note les allées-venues.»

«D'accord.»

La petite fille a compris que Mathieu connaît trop bien le terrain pour qu'elle puisse se permettre de discuter. Ici, on joue à un jeu dont elle ne comprend pas les règles.

Un peu plus tard, l'enfant-panda entre dans un grand bâtiment en béton complètement tagué, qui doit dater de l'époque du vieux port.

«Demi-tour» marmonne Mathieu. «Il faut qu'on trouve un escalier pour cette passerelle» ajoute-t-il en pointant une route aérienne qui passe juste au-dessus du bâtiment. «On passe à la partie surveillance.»

«Ici, on peut monter.» Serefine pointe du doigt un escalier de façade branlant. Depuis le toit de l'immeuble, on peut rejoindre la passerelle.

Son associé hoche la tête, et ils se dirigent de concert vers l'escalier.

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