[Chapitre 07]
CHAPITRE 07
***
Je cours le long des berges du Jacqueline Kennedy depuis presque deux heures. Ray Charles passe en boucle sur mon IPod Touch. Je me concentre sur les vibrations de mes pas contre le chemin terreux.
Depuis deux mois, j'évite la salle d'entraînement de l'Œil aux dépens de Central Park. Les beaux jours sont de retour et je profite du plein air pour me ressourcer. Et depuis deux mois, j'ai la mauvaise manie d'écouter de la musique lors de mes footings matinaux. Sûrement à cause d'Aiden. Ou grâce à lui. J'ai l'impression qu'il est un peu avec moi quand je cours, mon casque sur les oreilles. Je n'arrive pas à me le retirer de la tête depuis deux mois.
J'arrête ma course, pose ma main sur mon appendice et me penche. Je reprends mon souffle puis regarde ma montre. Neuf heures dix. Merde, je vais être à la bourre même si je n'ai jamais eu d'horaires à respecter. Avant, j'arrivais au boulot à sept heures, faisait mes deux heures minimum d'entraînement.
Maintenant, je cours à Central Park, arrive vers neuf heures, parfois dix dans la fourmilière.
Je prends la 97th Saint Transverse Rd et file vers l'est. Je ralentis la cadence quand j'arrive sur le trottoir, esquivant les passants dans la rue. Mon téléphone portable sonne et j'active le micro.
- Roxane ? j'entends
- Salut Randall.
- Tu penses être là vers quelle heure ?
- Je viens de finir de courir. Je suis sur la route, pourquoi ?
- J'ai quelques petits trucs à te montrer...
- OK, bah ne t'inquiètes pas, je suis là dans un petit quart d'heure.
Il raccroche sans rien ajouter. En ce moment, je trouve Randall encore plus protecteur que d'habitude. Il s'inquiète pour rien, passe la plupart de ses soirées avec moi. Il ne me l'avoue pas mais je sais qu'il s'inquiète pour moi. C'est vrai que depuis deux mois, je m'investie moins dans mon travail. J'erre au boulot, ne m'intéresse plus vraiment. Pourtant, mon travail, c'est toute ma vie.
Je passe devant un Starbucks. Ouais, il me faut un café. J'entre dans le café sous le tintillement de la porte d'entrée. Devant moi, la file d'attente est longue mais j'ai beaucoup trop besoin d'un café pour rebrousser chemin. Mon téléphone émet une sonnerie. À chaque fois, j'ose espérer que c'est Aiden. C'est debile car je sais qu'il ne trouvera jamais ce numero.
Je déverrouille mon appareil. C'est juste un mail m'indiquant que ma commande de ma nouvelle paire de chaussures est en cours d'acheminement. Je range mon téléphone dans ma poche, déçue une fois de plus, prend mon latte et pars jusque la fourmilière.
***
Randall me tient la porte et nous sortons du cinéma. Le film était sympa mais il est loin d'être le film de l'année. Nous marchons jusque mon appartement dans les rues fraîches d'avril.
- Demain, on pourrait aller se faire un bowling si tu veux...
- Tu n'as rien de prévu demain ? Je réponds
- Non.
- Tu sais Randall, tu n'es pas obligé de passer tout ton temps avec moi.
- Oui, je sais mais je n'ai pas envie de te laisser seule en ce moment...
- Ça fait deux mois que tu ne veux pas me laisser seule.
Il baisse la tête et fixe le bitume parsemé de vieux chewing-gums.
- Depuis Blue Angel, tu n'es plus pareil.
- N'importe quoi !
- Arrêtes Roxane ! Tout le monde s'en rend compte au boulot !
Il a levé la tête et il me fixe, inquiet. Merde ! Ça se voit tant que ça.
- Tu es en mode dépressive en ce moment, je te jure, tu fais de la peine à voir...
- Ouais bah merci.
- T'es amoureuse de lui, c'est ça ?
- Qui donc ?
Il lève les yeux au ciel. Ça m'agace quand il fait ça.
- Aiden Anderson !
- Pff ! N'importe quoi !
Il lève les yeux au ciel une seconde fois. Il ne me croit pas ! Non, je ne suis pas amoureuse d'Anderson. N'importe quoi ! Comment peut on tomber amoureuse au bout d'une semaine ? Personne ne fait ça... C'est juste que la complicité que nous avions me manque.
- Il te manque ?
- Ouais, un peu, j'avoue
Randall rit et je ne peux m'empêcher de lui mettre mon coude dans une côte. Il s'étouffe légèrement.
- Ouais, je comprends. Quand un mec te manque, c'est juste par affection...
Il se moque de moi en plus. Vexée, je le toise un moment puis accélère le pas. Je l'entends m'appeler. Je ne daigne même pas me retourner. Crétin de White ! Il me rattrape en trottinant jusque moi et me retient par le bras.
- Boudes pas Roxane. Ce n'est pas grave si tu es tombée amoureuse...
- Je suis une pro ! Personne ne tombe amoureux d'une cible !
- Bah, c'est déjà arrivé. Ton père et ta mère...
- Qu...Quoi ? je le coupe
Randall se fige alors soudainement. Il en a trop dit et pas assez. Et il sait que je vais le cuisiner. Il baisse la tête
- Je l'ai lu dans un vieux dossier que j'ai trouvé. Ta mère était la cible de ton père...
- Qu... Quoi ? Mais comment tu sais ça ?
- Je l'ai entendu il y a quelques mois. Snake et Wave en parlaient.
***
Je passe ma clé dans la serrure de la porte d'immeuble et fonce vers l'ascenseur. Le concierge de nuit est profondément endormi derrière le comptoir de l'accueil. Je souris. Je me demande bien a quoi il est payé celui là!
Les portes d'ascenseur s'ouvrent en émettant un petit son de cloche et j'entre dans la cage. J'appuie machinalement sur le neuf et patiente. Randall m'a promis de retrouver le dossier de ma mère. Bon, c'est vrai, je lui ai fais promettre. Je sais que mon père déteste parler de ma mère mais il aurait pû me parler de ça.
Les portes de l'ascenseur s'ouvrent et j'en sors en prenant sur la gauche. Je n'ai qu une hâte, me plonger dans mon bain et m' écrouler sur mon lit.
Je passe la clé dans la serrure, entre et referme la porte aussitôt. Je retire mes hauts talons et les laisse dans l'entrée. Face à moi, les lueurs des lumières de Central Park éclairent légèrement mon appartement. Je dépose mon sac à main sur le comptoir de la cuisine et me dirige vers mon frigo. Il est à moitié vide. Il est temps que j'aille faire quelques courses. Je sors une petite bouteille d'eau et referme la porte.
Mon instinct se porte aussitôt sur la silhouette qui se tient sur ma droite. Je lâche aussitôt ma bouteille d'eau. Je ne réfléchis pas un instant. Je tend mon avant bras vers le visage de mon squatteur mais il pare mon attaque en bloquant mon bras.
- Poison ? j'entends
Je fronce les sourcils en reconnaissant la voix.
- Fire ? Je demande.
La lumière est aussitôt actionnée et j'aperçois le visage de Fire me sourire.
- Qu'est ce que tu fais ici ? Et comment tu es entré ?
- C'est ton concierge qui m'a fait entrer et j'avais envie de te voir...
Il affiche un sourire victorieux et pervers. Ah ouais ! D'accord !
- Ouais bah la prochaine fois, tu fais comme tout le monde. Tu appelles.
Il me sourit une nouvelle fois et s'approche de moi. Il pose ses mains sur le haut de mes bras et embrasse le creux de mon cou. Je me dégage lentement, pour ne pas le vexer.
- Tu étais où tout ce temps ? Je demande
Il s'approche une nouvelle fois de moi et continue à m'embrasser le cou. C'est agréable, c'est vrai mais je ne suis pas d'humeur.
- En mission...
Je me recule une nouvelle fois. Il écarquille les yeux et me regarde, choqué.
- Qu'est ce qui te prends ? me demande t il
- Je suis pas d'humeur...
- Ouais c'est pas ta période quoi !
- Mais vas te faire foutre !
Il lève les mains, signe de reddition et secoue la tête. Il dépose un baiser chaste sur mes lèvres.
- Préviens moi quand tu sera d'humeur... Tu m'as manqué et je compte bien te le montrer.
Il prend une pomme dans la corbeille à fruits posée sur le comptoir et croque dedans. Il me fait un clin d'œil et se dirige vers l'entrée. Je le regarde quitter mon appartement et souffle. Fire a toujours son culot légendaire.
***
Je somnole depuis plusieurs minutes, la tête posée sur une pile de dossier. Le bruit des doigts de Randall qui courent sur le clavier m'endors presque.
Randall prend une nouvelle gorgee de son café qui doit sûrement etre froid depuis. Randall a la chance d'avoir un bureau placé dans l'un des coins de la fourmilière, ce qui le rend calme. Face à lui, Fox est tout autant concentré que Randall sur l'ecran de son ordinateur. Ses doigts pianotent également a une vitesse folle sur le clavier.
- Roxane ? me fait Randall.
Je me lève aussitot et pose mes yeux sur Fox. Je le vois articuler mon prénom d'un air surpris. Il connait mon nom maintenant. Il faut que je me rappelles de remercier mon cretin de White. Je fixe Fox d'un air menacant.
- Qu'est ce que tu as à me regarder?
- Rien, dit il avant de se lever et de quitter son bureau d un pas déterminé.
Randall ne semble meme pas s'apercevoir du départ de Fox. Il continue à pianoter sur son clavier puis s'arrête. Il tourne alors la tete vers moi et me regarde, surpris.
- Quoi? dit il
- Oh, rien! Tu viens juste de m'appeler par mon prénom devant Fox.
- Je n'avais même pas vu qu'il était là!
Je lui tape l'arriere du crâne et il laisse echapper un petit "aie" en se frottant le crane.
- Je suis desolé, dit il
Je secoue la tete en souriant puis jette un coup d'oeil à l'ecran. Pourvu qu'il ait trouvé quelque chose...
- Je suis trop con!
- Je te confirme
Il laisse échapper un rire à ma remarque, pensant sûrement que c'est une blague.
- Je cherche dans les fichiers informatiques depuis tout à l'heure, mais je sais qu'on ne trouvera rien.
- C'est à dire?
- Les fichiers des agents sont sur papier. L'Oeil doit sûrement se dire qu'un ordinateur peut être piraté et ils ne veulent pas prendre le risque qu'un hacker trouve les informations sur les agents.
- Tu veux dire qu'on n'a pas de dossiers?
- Si, si. J'en suis sûr. J'ai deja vu des dossiers sur le bureau du conseil. Mais c'etait des dossiers "Papier".
- Donc on doit aller à la salle des archives?
- Tu as tout compris. Mais sans autorisation, ça risque d'être un peu compliqué.
- Tu penses qu'on peut en avoir une?
- Pas sans expliquer pourquoi. Et je me vois mal aller voir ton père pour qu'il me laisse fouiner dans le dossier de sa défunte femme.
- Mouais...
Il se recule de son bureau en roulant sur sa chaise. Il croise ses longs bras sur son torse et parait concentré en se mordant la lèvre. Il a toujours fait ça quand il est dans ses pensées. Ça lui donne un air d'intello. Les hauts parleurs de la fourmiliere s'activent et j'entends la mélodie des annonces. Je reconnais la voix feminine de White Rabbit annoncer.
- Tous les Black sont attendus dans la salle du conseil pour une reunion. Tous les Blacks...
Je me lève machinalement et Randall me regarde.
- Ne t'inquietes pas pour le dossier de ta mère, je trouverai un truc pour le choper...
***
ROXANE DEVANT LE RESERVOIR JACQUELINE KENNEDY ONASSIS DE CENTRAL PARK - EN MEDIA
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