[Chapitre 05]

CHAPITRE 05

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AIDEN

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Je fixe le plafond de la suite parentale de l’appartement que nous avons « emprunté ». À l’extérieur, les lumières de la ville éclairent faiblement la pièce. Je tourne ma tête vers elle et la contemple. Son visage est si serein, détendu. Elle est magnifique. C’est d’ailleurs la première chose que je me suis dis quand je l’ai vu.

Je souris. Ce jour là, Robin m’avait défié de lui rentrer dedans. Il m’avait dit que c’était une technique de drague pathétique que seul un boulet comme moi pouvait tenter. Il n’empêche que le boulet que je suis a réussi à séduire cette femme. L’expression « faire du rentre dedans » a prit tout son sens ce jour là.

Dès que je l’ai vu, je suis tombé sous son charme. Elle dégageait quelque chose de particulier. Quelque chose que je n’avais jusque là jamais vu chez une femme. Elle paraissait si douce, si fragile. J’étais loin de me douter qu’elle était tout le contraire. Elle n’est pas un petit être fragile. Elle est une véritable force de la nature, une femme indépendante et libre. Sans oublier qu’elle est capable d’achever n’importe quel homme sur Terre.

L’écran de mon téléphone s’illumine et je tends le bras pour lire le message.

Je me lève discrètement, enfile mon jean et mon polo et quitte la chambre sans tarder. On m’attend au Pit’s Burger. Après avoir chopé mes chaussures, je sors de l’appartement en silence et descend les deux étages en courant presque.

Dehors, je traverse la rue et prend la direction du Downtown en rentrant mon cou dans mes épaules. La pluie qui tombe est fraîche.

Je sais que Roxane risque de m’en vouloir pour ce que je m’apprête à faire. Elle le verrait comme une trahison mais je dois faire quelque chose. Je comprends que mes amis soient prudents mais la Ligue est de notre côté. Jamais ils tenteraient quoique ce soit contre nous.

Au loin, j’aperçois le restaurant où mon rendez vous m’attend. Je suis pressé de la revoir.

J’entre dans le restaurant sous le carillon de la porte d’entrée. Je scrute aussitôt la salle de restauration et mes yeux se portent alors sur cette belle rousse que j’affectionne particulièrement.

Je m’arrête devant elle et ses yeux se lèvent aussitôt.

- Agent I-053 !
- Agent A-115, sourit-elle.

Elle se lève puis m’enlace un instant avant de proposer de m’asseoir.

- Tu m’as manqué, crétin !
- Toi aussi, Irina.

Je souris. C’est vrai qu’elle m’a manqué. Cette fille est une cinglée mais elle me fait tellement penser à Meghan, la petite sœur de Robin.

- Je suppose que tu as besoin d’aide ? me dit elle sans préambule.
- Tu suppose bien.
- Aiden ? Tu es au courant que tout le pays est au cul de ta charmante et sexy petite amie ?
- Oui, on le sait. Mais ce qu’il s’est passé à l’aéroport n’était pas un attentat. Des mecs nous attendaient et ont commencés à nous tirer dessus. On ne sait même pas qui nous a pris pour cible...
- Ça parait pourtant logique, Aiden. Ça ne peut être que l’Œil.
- Mais pourquoi ? J’ai tué Grey Wave et…
- Grey Wave était le grand gourou mais il avait plusieurs adeptes.

Oui, ça parait logique ! Wave n’agissait pas seul. Un agent était avec lui dans le conteneur du port. C’était le frère de Fox. Black Fire, je crois.

- Ça te parle, Black Fire ?

Elle secoue la tête.

- Et Grey Snake ?
- Oui. Ça, ça me parle. J’ai aussi entendu Fury, Tiger, Mamba,… et plein d’autres. Tempest nous a donné plein de noms. Il a été très éloquent.
- Est-ce qu’il aurait parlé d’un Abraham ?

Je sais d’avance quelle sera sa réponse, mais je me devait de poser la question.

- Abraham ? Ce n’est pas un nom de code, ça ! Non. Je n’ai pas entendu parler d’un Abraham. Mais le nom de Black Love revient souvent dans les conversations des dirigeants.
- C’est la mère de Roxane ?
- Ouais, je m’en doutais. J’ai entendu Tempest dire à Manson qu’elle n’était pas morte. J’ai entendu aussi le nom d’Almunqidh. Je te jure, je commence à plus rien pigé avec tous ses noms de codes. Mais dis moi, Aiden, vous êtes partis sur la trace de la mère de Roxane ?
- Oui, on la recherche.
- Mais pourquoi ? Pourquoi cinq agents cherchent cette femme ? Roxane, je comprends. Mais vous autre ?
- Tu sais, je pense que Roxane ne se plaisait pas vraiment à la Ligue. Et les autres sont ses amis. Ils la soutiennent.
- Mouais. Et toi, tu l’aimes...
- Comme un fou...

Elle hausse les épaules en gonflant ses joues. Elle ne comprend pas. Moi aussi, sur le coup, je n’ai pas compris. Mais quand on entre dans la vie de Roxane, on a du mal à en sortir. Nous la voyons tous comme le leader de notre petit groupe de rebelles. Moi, je la suis par amour, en espérant qu’une fois cette histoire terminée, je retournerai à ma petite vie de jeune business man et qu’elle acceptera d’en faire partie.

- J’ai besoin d’armes, Irina. Et d’un endroit où nous poser.
- Ça tombe bien, j’ai justement ça dans ma poche, plaisante t-elle.

Je ne ris pas. On est dans une situation de merde et je ne suis pas vraiment d’humeur à en rire.

- Et de fric aussi. Beaucoup.
- Pour ça, je peux t’aider. Mais tu te doutes que je n’ai pas ça sur moi.

Je souris. Elle se lève alors.

- Laisses moi le temps de réunir tout ça. Rendez vous à huit heures, ici ?
- Tu es la meilleure !
- Comme ci c’était une grande nouvelle. Je suis la meilleure, c’est bien connu. Bon, je te laisse. À tout à l’heure, beau gosse !

Elle me sourit puis tourne les talons. Je la regarde s’éloigner et me décide à partir à mon tour quelques minutes plus tard. J’adore Irina. Elle me fait tellement penser à Meghan.

J’entre dans l’appartement le plus discrètement possible, mes chaussures à la main pour ne pas faire grincer le vieux parquet en chêne. Je dépose mes pompes à l’entrée et la lumière s’allume alors soudainement.

Et merde !

Roxane me toise, les bras croisés sur sa poitrine. Ses yeux reflètent la rage et la déception. Je vois que ses cheveux sont mouillés et qu'elle porte toujours sa veste sur elle.

- Salut, je dis.

Elle fronce légèrement le front. J’ai l’impression d’avoir retrouvé mes quinze ans, quand mon père me faisait la moral car je venais de faire le mur. Elle n’a toujours pas prononcé un mot et je crois que c’est pire que si elle m’engueulerait.

- Ok. Je n’aurais pas dû. Mais maintenant, on sait que ce n’est pas les agents de la Ligue qui étaient à l’aéroport.

Elle ne dit toujours rien.

- Irina peut nous avoir des armes et du fric.

Elle ouvre la bouche mais je l’arrête d’un signe de la main. Je suis lancé, je ne vais pas m’arrêter là.

- Je sais que tu dois penser que je t’ai trahi ou je ne sais quoi. Mais ce n’est pas le cas. J’ai fais ça pour toi. Pour qu’on retrouve ta mère et qu’on puisse passer à autre chose.

Elle se lève de son fauteuil. Elle s’approche de moi lentement. Elle dépose un baiser sur ma joue et me souffle.

- Ne me refais plus jamais ça !

Elle tourne les talons sans me laisser le temps de répondre quoique ce soit et entre dans notre chambre d’emprunt.

***

Quand j’arrive dans le cuisine de cet appartement, les visages se braquent vers moi. J’aurais du m’en douter. Roxane leur a parlé de ma petite balade nocturne. Je le comprends quand je croise le regard rageur de Randall et le regard navré de Fox. Holly évite carrément mon regard alors que Roxane me sourit timidement, gênée.

Je m’assois sur une chaise, près d’Holly qui me parait la moins hostile et me sert un verre de jus d’orange. Je fais mine de rien mais je sais que Randall est sur le point d’exploser.

- Tu me passes un muffin ? je demande à Jacob.

Ce dernier n’a pas le temps de réagir que Randall saisit un muffin et me le balance furieusement. Je relève seulement les yeux vers lui et le toise. Connard !

- On pourrait éviter toute cette agressivité ! dit Holly. J’ai pas envie de me choper un mal de crâne dès sept heures du matin.

Nos visages se tournent vers elle. Elle qui est si silencieuse pendant les disputes à son ordinaire. À croire qu’elle n’a pas peur des disputes silencieuses…

- Ok. Aiden a fait une connerie. Mais c’est fait maintenant et on doit faire avec. Je suis sûre que Wolf a comprit qu’il n’aurait pas dû agir ainsi et...
- Je ne regrettes rien, je souffle.

Holly se tourne vers moi et me fusille du regard. Merde ! Elle me fait trop penser à Roxane quand elle est en colère.

- Sans moi, on ne se serait toujours pas décidé si on devait entrer en contact avec Tempest ou pas…
- Ouais, mais là, c’est presque du suicide ce que tu nous a fait ! dit Jacob
- Non ! Ce n’est pas du suicide. J’ai pris une initiative !
- Initiative de merde ! hurle Randall. Quand vas-tu comprendre qu'on prend les décisions ensemble ?

Je me lève précipitamment de ma chaise qui tombe au sol. Je le toise un instant, attrape mon portefeuille que j’ai laissé trainer sur la table la veille et le fourre dans ma poche.

- Quand je reviendrai avec armes et fric, tu auras intérêt à me présenter tes excuses
- Tu pourras aller te faire enc…

Je ne laisse pas Randall finir sa phrase et claque la porte de l’appartement, furieux. Je dévale les escaliers en courant presque.

Je ne sais pas ce que ce mec ont contre moi mais il commence sérieusement à me saouler. Il est toujours contre moi et descend en flèche toutes mes opinions ou décisions. J’ai clairement l’impression d’être de trop pour lui.

Je sors de l’immeuble. Dehors, le soleil perce doucement les nuages et des gouttes de pluie tombent sur ma nuque. Je rentre mon cou dans mes épaules et décide de prendre la direction de mon lieu de rendez vous avec Irina. Elle n’y sera que dans une vingt minutes mais je serai tout à mon aise de finir mon petit déjeuner dans le calme et le silence.

-  Aiden ! j’entends derrière moi.

Je me retourne et aperçois Holly me faire de grands signes de la main. Roxane est derrière elle et gueule après Fox et Raggae qui affichent des mines renfrognées. Holly court déjà vers moi alors que les trois autres semblent se disputer visuellement.

- On vient avec toi ! me dit-elle
- Je n’ai pas besoin de vous ! je crache
- Si Aiden, tu as besoin de nous.

Roxane vient vers moi et me sourit.

- Ce connard ne s’excusera pas. Il dit qu’on ne peut pas faire confiance à la Ligue. Je ne sais pas si il a raison ou pas mais moi, je te fais confiance.

Elle m’offre un petit sourire auquel je ne réponds même pas. Je me contente de lui saisir la main en toisant Randall. Je continue mon chemin en silence. Je sais que derrière moi, j’ai le droit a des regards assassins. Je sens son regard dans mon dos. La pluie commence à devenir de plus en plus intense. À mes cotés, je vois Roxane frissonner. Je retire ma petite veste et lui met sur ses épaules nues. Elle me remercie du regard et me sourit.

- Je t’aime, Aiden.

Je souris. Elle arrive à me redonner le sourire en une phrase. Et pas n’importe laquelle. Celle là.

Il n’y a que trois femmes qui me l’ont dit. Ma mère, qui a été un exemple parfait de mère à mes yeux quand elle s’est barré se faire faire la manucure la plus longue au monde. Il y a eu Rebecca aussi. Même si au début, j’y croyais et que je pensais l’être aussi. Elle aussi est un exemple parfait à mes yeux, celle d’une garce infidèle qui disait plus « je t’aime » à mon fric ou à mon statut qu’à ma personne.

Et il y a elle, Roxane. Celle qui m’a menti sur elle, sur son identité mais qui me le dit avec tellement de sincérité.

Entre une menteuse, une infidèle et une absente, je saisis ma chance avec celle qui m’aime pour ce que je suis.

Quand nous arrivons devant le petit restaurant de mon rendez vous, tous mes sens, développés récemment depuis que j’ai décidé de changer de vie, s’éveillent. J'ai le mauvais pressentiment que quelque chose ne va pas, que quelque chose va se produire.

Je n’ai pas le temps de réagir qu’Holly pousse la porte du restaurant. Elle entre à l’intérieur, suivie par Fox et Raggae. Roxane, elle, me sourit, ne se doutant de rien. 

Assise à une petite table, Irina relève son visage vers nous. Son visage torturé m’inquiète aussitôt. Le restaurant est incroyablement silencieux et désert. Seule Irina est présente, ce que je trouve encore plus suspect. Elle se lève précipitamment et vient se poster devant moi, le visage toujours aussi torturé 

- Aiden, ce n’est pas ce que tu crois. Ils m’ont obligés et…

Elle ne finit pas sa phrase que des couinements de pneus se font entendre depuis l’extérieur.

Huit fourgons noirs s’arrêtent sur la chaussée humide et les portes s’ouvrent aussitôt. Des hommes et des femmes en sortent rapidement et se mettent en position autour du restaurant.

Une quarantaine de flingues sont pointées sur nous, tenus par des visages beaucoup trop familiers pour moi.

Et merde ! Je souffle.

***

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