*Chapitre 4* Sois Forte

Les portes de l'ascenseur se referment sur ma vision personnelle de l'enfer sur terre.  Je me renfrogne aussitôt, sentant la zénitude ressentis plus tôt,  quitter mon corps,  ne laissant sur son passage que l'impression de dévastation après un incendie ravageur.

J'ai l'impression de bouillir sur place,  prête à me consumer sous le flot de sentiments contradictoires qui m'assaillent.

Je savais que ça arriverait,  je savais que j'aurais à les croiser. C'était inévitable. Cependant,  j'espérais aussi égoïste que je puisse l'être,  de le voir malheureux dans ses bras. De passer devant lui dans ma robe turquoise, alors qu'il aurait bavé d'envie devant moi,  avant de venir me retrouver sur une terrasse comme avant.

Bref,  j'avais envisagé plusieurs choses,  mais j'espérais vraiment plus que tout, ne pas le voir aussi amoureux.

Et ce fût avec douleur que je reçu cette image de baiser comme une gifle. Parce-que, non-seulement il ne se languit pas de moi,  mais il éprouve apparemment assez de sentiments envers sa femme, pour démontrer son amour en public. 

Alors que moi, de mon côté, je pleure notre amour perdu depuis apparemment, bien trop longtemps.

Je remet du pourboire au majordome en esquissant un sourire à peine sincère mais,  même si j'ai le coeur en miette,  je juge qu'il croisera bien assez de personnes qui ne lui porteront nul attention et  j'ai conscience que je ne dois pas me conduire comme eux.

Je referme la porte sans bruit et  me laisse tomber, visage premier, dans le lit aux draps blancs immaculés.

Je reste là, quelques minutes,  bien consciente que malgré mon envie de ne plus jamais sortir ma tête du doux duvet d'oie, je dois me préparer pour le souper de fiançailles des familles et amis proches, qui précéde toujours le mariage.

Une soirée,  un souper,  une journée de libre pour les invités,  un autre souper,  et le jour le plus attendue par les femmes de cette famille.  Je devrais réussir à tenir jusque là,  je songe avec tout de même un léger doute qui subsiste.

Xan et l'avocat ennuyeux seront là,  je pourrais peut-être réussir à sauver la face,  même si ça me semble impossible que j'arrive à être crédible. Au mieux, j'espère que j'arriverais  à convaincre Ewan qu'il n'est plus rien pour moi depuis belle lurette.

Je me lève et traîne les pieds jusqu'à la salle de bain,  ayant l'impression que chacun pèsent des tonnes, alors que je tombe sur mon reflet dans le miroir. Je maudis les minutes passées dans le lit, qui m'auront donné ce majestueux plis de sommeil trônant désavantageusement sur ma joue droite.

Du shampoing,  du savon et une touche de maquillage, voilà qui devrait réussir à me rendre aussi féminine et gracieuse que l'attend ma famille, qui place tant d'espoir en moi pour faire bonne figure.

J'ai maintenant l'habitude des réceptions vides. Et par là,  j'entends bien-sûr,  vide de sens,  de bonheur, de plaisir  ou même de sentiments réels.  Tous tiennent le rôle qui leur a été assigné par les chiffres dans leur compte en banque et personne ne déroge jamais...

Pas que j'ai envie de me rebeller,  cette idée ne m'avais même jamais traversé l'esprit avant de songer que cela me permettrait d'être avec lui...

L'enfer ne fait envie à aucun de nous tout naturellement.
Pourquoi vouloir tout perdre quand nous avons tout,  aux prix d'idéologies complètement folles?  Parce-que, après tout,  c'est de cela qu'il s'agit,  vivre cette vie c'est exister.  C'est vivre dans le faste et l'opulence.  Perdre cela,  c'est ne plus exister,  tomber dans l'oublie et n'avoir plus rien d'autre que de belles pensées qui vous auront menés vers les profondeurs des abîmes.

Vivre faussement ce n'est peut-être pas vivre vraiment me direz vous,  mais en contrepartie,  je répondrai à mes détracteurs que, les idées d'un monde meilleur ne remplissent pas votre estomac,  pas plus qu'elles ne vous tiennent au chaud les longues soirées d'hiver glacial, lorsque le vent souffle contre les fenêtres givrées.

L'eau coulent abondamment sur ma peau, imitant à la perfection une pluie chaude d'été,  alors que je me prélasse en songeant à tout les scénarios qui pourraient survenir dans la soirée.  Je ne sais pas à quoi je devrai faire face concernant Ewan,  mais je dois assurément garder un total contrôle où je risque cette fois, de détruire bien plus que mon petit coeur.

Je sors de la gigantesque salle de bain entièrement embuée et me dirige vers le lit qui semble m'appeler en me chuchotant à quel point le sommeil serait salvateur et exempt de toute émotions confrontantes.

Je délaisse cette image romantique du lit aux couleurs du paradis et des rideaux à baldaquin qui battent au rythme du vent s'engouffrant par la gigantesque porte fenêtre. Je hume la brise qui laisse sur son passage un effluve saline, me rappelant l'endroit paradisiaque dans lequel je me trouve et me promet de prendre le temps, avant notre départ, de  marcher le long de la grève et de profiter de la vue  pour en graver de façon indélébile,  chaque détails dans ma mémoire.

J'ouvre la valise à la recherche de la robe prévue pour le banquet. Un détail qui comme tout les autres,  a été orchestré de mains de maître par ma mère,  des semaines auparavant,  ne laissant absolument rien entre les mains du destin.

Je saisis le morceau aux délicates teintes rosées de cette robe mi-genoux, dont le tissus juxtaposé en seconde couche est fait d'une matière vaporeuse. Il faut bien admettre que les goûts de ma mère sont plutôt sûr et cette robe, bien que sobre, laisse tout de même entrevoir quelques courbes de façon plutôt modéré mais avec goût.

Je ne rechigne pas autant que la première fois à l'enfiler. Je sais qu'elle me va bien, puisque je l'ai porté tant de fois déjà, pour divers essayages imposés de façon presque hebdomadaire.

Avec l'habitude, j'aurais pu arriver à lacer les manches les yeux fermés, mais fort heureusement,  la couturière s'est assurée que les trois bandes de tissus nouées autour de mes bras soient cousues et tiennent bien en place pour éviter comme le dit ma mère : l'impensable

J'imagine qu'elle sous-tendait,  que les manches tombent et permettent à l'assemblée de contempler ma poitrine...  Bien que je suis plutôt pudique et que je ne souhaite pas m'exiber en public,  je ne peux certainement pas aller jusqu'à prétendre que ça n'aurait pas mis un peu de spontanéité dans cette suite d'évènements et de phrase écrites des semaines à l'avance...

J'ai l'impression d'être porteuse de mauvaise foi,  et de n'être qu'une de ces nombreuses personnes désabusées et chigneuse. C'est précisément ce que je déteste le plus de cette humeur du moment,  le fait que Ewan en plus de partir au loin avec mon coeur, a aussi volé cette naïveté caractéristique de l'enfance.  Celle-là même qui permet de voir le bon en tous et en toutes choses.  Me rendant aigris et désillusionné. Ce qui,  du haut de mes dix-neuf années de vie,  est complètement ironique.

Je délaisse cette impression de colère et essaie de prendre quelques respirations comme nous l'a enseignée la coach de méditation de ma très chère mère.  Je me rendais de force à ces réunions de tortures ou l'on oblige l'esprit à ne penser à rien,  sachant très bien que cela m'est impossible. 

Alors qu'après moult négociations et la preuve que j'étais bien rentré à nouveau dans le rang,  j'ai réussis à me soustraire à ces séances.  Pourtant, maintenant  que plus rien ne m'y oblige, c'est précisément à ce moment que l'appel de la méditation ce fait  sentir.

-Respire profondément,  retiens quelques secondes,  expire jusqu'à gonfler ton ventre, je répète mentalement, me rappelant les paroles exacts de la professeur.

Après quelques minutes, je me sens déjà moins tendu et mieux préparé pour affronter le reste de cette soirée à  laquelle j'ai l'intention de ne faire qu'une brève apparition avant de revenir dans cette chambre, me pelotonner sous les draps moelleux.

Maquillage,  coiffure,  tout est au point et je souris à mon reflet dans la glace,  exerçant autant que possible, le naturel de mes mimiques, en répétant le genre de phrase dont on se fou éperdument de la réponse.

Comment va votre chien? Oh,  votre époux est-il encore alité?  C'est une photo de votre petite fille? Elle est magnifique...

Je referme la porte derrière moi et me glisse à pas silencieux,  mes talons s'enfonçant légèrement dans un tapis épais qui étouffent tout les sons,  jusqu'à l'ascenseur dans lequel je m'engouffre aussitôt.

Je ne descend que d'un étage et arrive directement sur le couloir qu'il faut emprunter pour se rendre au restaurant dans lequel nous allons tous nous réunir.

Je croyais avoir eu le souffle coupé à ma descente de l'avion, et je ne peux contester que la vue était magnifique,  mais pourtant, elle ne rivalisait en rien avec celle de la gargantuesque salle de réception.

En plus d'être immense,  la pièce posséde un mur entièrement fait de verre du sol au plafond,  permettant de lorgner du côté de la mer.  L'impression de flotter sur un immense navire et d'en observer la vue du point le plus haut,  voilà ce que me fait ressentir ce que j'ai sous les yeux.

Dieu merci,  je ne met pas longtemps à retrouver mon aplomb,  alors que ma mère me fait un signe discret d'une table un peu plus loin que les autres,  mis  légèrement à l'écart, pour démontrer l'importance des gens y siégeant.

Je referme ma bouche encore béatement ouverte et me dirige à ma place attitrée,  à savoir, la droite de ma mère,  alors que ma soeur est à la gauche de mon père,  ainsi que son futur époux et sa famille immédiate.

Le souper ce passe sans heurt. Je répond comme prévue,  de façon mécanique. Un texte appris par coeur depuis toute petite.  Fort heureusement pour moi,  je ne suis nullement le centre d'attention et laisse donc à ma soeur, tout le plaisir de montrer à tous, à quel point elle brille en société.

Je concentré pour ma part, toutes mes énergies à ne pas regarder la table de Ewan et de sa famille.  Essayant d'ignorer les yeux remplies d'amour de sa femme lorsqu'ils se posent sur lui et qu'il lui retourne un regard tout aussi éperdu.

J'attend que le dernier couvert soit desservie avant de prier les convives de m'excuser et de me lever pour me diriger vers une salle de bain à l'extérieur de la salle.

Je rafraîchis mon apparence rapidement, et à ma sortie,  je constate immédiatement que Ewan est debout,  devant la seule entrée de la salle qui m'est accessible.

Ou je joue le jeux et passe devant lui, m'obligeant ainsi à user de formules de politesses,  ou,  je ne reviens pas à table et subirai à coup sûr, le courroux de ma mère.

Le choix est tout de même facile,  je contourne l'espace derrière la salle de bain et me dirige vers les ascenseurs quand je remarque qu'une terrasse extérieur semble être aménagée et dont l'entrée est située dans le coin opposé à celle de la salle à manger.

Je vérifie autour de moi,  aucun valet,  aucune serveuse.  La porte est entre-ouverte et même si aucune lumière n'y ai allumée et qu'il n'y a aucune ambiance annonçant que cet endroit est ouvert pour notre réception.

Pile ce qu'il me faut en fait...

J'entre et referme doucement l'immense porte fenêtre derrière moi.

J'avance lentement,  savourant le froid de la brique sur la plante de mes pieds fraîchement déchaussés.  Je n'y tenais plus,  leur ayant déjà causé trop de souffrance,  avec cette paire de souliers bien trop petit.

Je ferme les yeux et laisse la brise chaude souffler dans mon visage,  emportant mes cheveux aux gré de son envie, dans un ballet gracieux.

J'atteins la rambarde gravée à même la pierre et laisse courir mes doigts sur les motifs abstraits la recouvrant.

La lune éclair au loin,  baignant tout ce qui se trouve autour, d'une lumière d'un jaune enveloppant et mystérieux. Je me sens privilégié  et profite de ce sentiment d'intimité.  C'est tout comme si elle avait été allumée juste pour moi,  sa spectatrice complètement sous le charme. Je comprend alors ma chance de pouvoir savourer un moment tel que celui-ci.

-Ewan qui?  je demande à voix haute en songeant que je souris  vraiment pour la toute première fois depuis des lustres.

-M'as-tu donc déjà oublié?  Demande une voix masculine sortant de l'ombre quelques mètres plus loin.

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