*Chapitre 1* Illusions
-Oh mon Dieu! Elle s'écrit en portant sa main devant sa bouche, alors qu'il s'agenouille devant elle.
Comme si elle ne savait pas qu'il allait lui faire la grande demande ce soir. Comme si elle n'avait pas passé l'après-midi complète à se baigner dans une baignoire gigantesque en y ayant, au préalablement, versé des tonnes de flacons d'huile essentiel de lavande.
Comme si elle n'avait pas payé une styliste réputée, ainsi qu'une coiffeuse et une maquilleuse de renom, en prévision de cette demande et maintenant, elle feint la surprise.
Nous savions toute qu'il allait le faire, et personne n'ignorait la date exact, puisque ici, il est de coutume de demander la main à Noël, devant la famille pour s'assurer le plus grand nombre de spectateurs.
De ses lèvres rouges carmin, elle souffle un oui, que l'émotion rend presque inaudible, avant d'essuyer les larmes parfaitement orchestrés qui coulent de ses deux magnifiques grands yeux bleu.
Même le tissus lilas du mouchoir maintenant humide, a été calculé avec une précision militaire, on aura même pour l'occasion, fait broder ses initials.
Son fiancé joue exactement son rôle comme on lui a appris, en déposant un genou au sol et en lui demandant de bien vouloir devenir sa femme, qu'il l'aime sincèrement et qu'il souhaite passer le reste de sa vie avec elle.
Je me retiens de lever les yeux au ciel en baillant. C'est ma grande soeur, et alors? Tout ceci n'est que de la poudre aux yeux et ce qui rend le tout encore plus risible, c'est que chacun des quatre cent et quelques invités ici réunis, feintent à merveille leur joie de les voir échafauder des plans d'avenirs.
C'est le code de conduite. Personne ne sait pourquoi, mais tous le fond désormais sans se poser de questions... Excepté peut-être les mères des filles qui viennent de voir fondre leur dernier espoir comme neige au soleil, alors qu'un des meilleurs parties de la ville officialise son union.
Mon père semble fier comme un paon et ma mère laisse échapper à son tour, une petite larme, comme sa mère l'avait fait pour elle.
Je passe discrètement derrière la foule et me rend dans le minuscule corridor entre la salle de bal et l'entrée de service des domestiques.
J'ai besoin d'air, et avec toute mes frasques jugées indignes par la haute société, les yeux sont tous braqués sur moi, dans l'attente ou l'espoir que je cafouille.
La porte donnant sur la cuisine s'ouvre légèrement et j'aperçois un verre de champagne qui passe l'embrasure sans toutefois que la personne ne daigne faire passer plus que son bras dans l'entrebaillement.
Je n'ai nul besoin d'explication, ni même besoin de demander qui est l'âme charitable qui veut bien m'aider à supporter ce spectacle à grand coup de gorgée de champagne hors de prix.
Depuis tout gamine, je fait tache dans le portrait de famille, et pourtant, selon leur propre loi, il ne peuvent se débarrasser de moi, essayant en vain de faire de moi une personne dite bien élevée.
Voilà pourquoi à leur grand dam, je me suis trouvé au fils des années, quelques alliés parmis le personnel de maison.
Évidemment, selon le conseil, le personnel doit être invisible et en aucun cas, en contact plus que nécessaire avec l'élite, mais comme je l'ai déjà dit, il est maintenant de notoriété publique que je peine à m'intégrer dans ce monde.
J'avale d'une traite le contenu doré de la flûte en cristal, histoire de faire le plein de ce courage liquide à bulle, avant de sortir de ma cachette et de retrouver ce monde de grande théâtralité digne des meilleurs chef-d'oeuvres.
J'évolue dans la foule qui commence à faire la file pour offrir leur sincères (ouais... bien-sûr) félicitations aux deux tourtereaux.
Je dépose deux chastes baisers sur les joues de ma soeur comme le souhaite la coutume.
-Te voilà maintenant faite comme un rat, je ne peux m'empêcher de souffler dans son oreille avant d'avoir droit à un regard réprobateur de sa part.
Je lâche un minuscule rire cristallin et laisse volontiers ma place à une autre femme venue vanter les louanges de leur futur bonheur.
Je glisse lentement vers le bar, à la recherche d'un support alcoolisé pour être capable de réussir à en endurer davantage.
Il ne reste que quelques heures de cette masquarade de mauvais goût. Notamment la danse des fiancées et le repas servit en leur honneur.
Je trempe mes lèvres dans le liquide gazeux alors que j'entends les pas d'une paire de talons que je reconnais sans peine pour les avoir entendu claquer le parquet des heures avant la fête. Je me dépêche d'avaler le reste et prend même le temps pour une grande respiration avant que sa voix irritante parvienne jusqu'à mes oreilles.
-Nous avions un accord, enfin, même si prendre le risque de s'entendre avec toi relève d'une naïveté sans égale...
-Mère, je répond en souriant à la ronde, aux quelques curieux qui nous regardent.
Elle salut un invité en faisant doucement tinter le bracelet en diamants à son bras, tel une reine qui salut sa foule de fidèles.
- Quatres verres, c'est déjà bien plus que ce qu'il faut pour te delier la langue et te faire perdre la tête, elle ajoute d'un ton de mise en garde imperceptible pour ceux qui la regarde et qui ont sans doute l'impression que nous préparons probablement déjà la liste des invités pour le fastueux mariage de son aîné.
Je calque mon comportement au sien et souris, veillant à ne pas esquinter au passage, la soirée mondaine la plus importante depuis la nomination et l'élection de mon père au conseil de l'élite.
Une bande de misogyne issue de la haute société, que dis-je, du gratin, qui font office de présidence pour un pays dont il ne connaisse que ce qui évolue dans leur sphère richissime.
Le pays était alors divisé, les émeutes avaient envahi la ville et les mécontents siégeaient dans les bureaux de la plupart des institutions. Le président avait, au fil du temps à force d'accommodements et de corruption, finit par perdre la confiance de la plupart des électeurs et les gens n'avaient aucunement l'intention d'attendre la fin de son mandat pour se soustraire de ses politiques douteuses. La grogne s'était emparé d'eux et le conseiller encore en poste, avait aidé à mener une mutinerie visant à séparer notre province de leur gouvernement.
Au départ, les gens avaient salué cette initiative et avait appuyé le projet. Ils avaient commencé à saccager les bureaux et à chasser tout les membres de l'ancien gouvernement jusqu'à l'annihilation total de la gouvernance tel que nous la connaissions. Puis, rapidement, le pouvoir fût partagé entre neuf familles. Neuf riches hommes parmis lesquels, les plus grandes fortunes. Parce-que avouons le, le conseil ne tenait pas à avoir des membres d'expériences pour remettre le pays sur le droit chemin, mais plutôt pour s'associer et gérer avec les plus puissant.
Mon père figure bien-sûr parmis eux. Son père avait travaillé fort pour hisser sa famille à un rang qui lui aurait permis lui-même de se présenter à ce poste dès qu'il aurait sentit une ouverture.
Comme s'il avait pressentis le vent qui tournait, un conseiller mourru quelques temps plus tard, sans avoir un fils correspondant aux critères d'élection.
Malheureusement, mon grand-père n'eût pas le temps d'avoir cet honneur avant de mourir, laissant donc à son fils un nom digne d'intérêts pour la prochaine élection.
Donc, il fût logique qu'à la mort de ce dernier, ce fût son fils chéri qui pris la relève. Il y eu une élection et même si élection sous-entend démocratie, ce fût loin d'être le cas...
Comme toute ces cérémonies qui ne tiennent leur existence que par les traditions, ils entretenaient l'illusion d'une nouvelle ère, celle de la démocratie au seing du conseil, où les conseillers, possédaient un pouvoir divisé à part égale.
D'autres gens, provenant de d'autres horizons, de d'autres familles, et surtout de d'autres classes financières pouvaient eux aussi ce présenter, pourvue qu'ils soient membre de l'élite.
Quoique, tous savent déjà que ce n'est que de la poudre aux yeux. Que dès le départ, le conseil tranchera à la toute fin, permettant ainsi de choisir eux-même celui qui leur semblera être le meilleur partie.
Personne n'est dupe, nous savons tous comment cela fonctionne, néanmoins, nous, les riches hypocrites, nous complaisons dans cette illusion de la justice.
Je n'ai nul doute sur mon avenir et ne vous y méprenez pas, je n'ai nullement l'intention de faire d'esclandres ou de coups d'éclats. J'ai bien compris ma position et ce qu'elle exigera de moi pour le futur. Je me plierai donc aux coutumes et exigences familials en temps venu. C'est seulement que pour l'heure, j'ai bien l'intention de m'amuser un tant soit peu avant de rejoindre les rangs de ces riches maisons de diplomates.
Je me replonge dans la réalité environnante. Celle de ma mère me faisant les mêmes remarques à l'infinie, sur le devoir de la fille d'un élu. Me rappelant par le fait même, le temps qu'il me reste avant de moi aussi prendre part active à ces jeux d'illusions.
-Il ne te reste que quelques heures, ensuite tu pourras refaire ce que tu fais habituellement, elle ajoute d'une voix empreinte de dégoût.
-Oui mère, ce que je fais habituellement, je répète d'une voix mécanique en rabrouant moi-même cette envie de lui dire ce que je pense.
Bien paraître, bien parler, démontrer toute l'éducation que l'on m'a offert, être une belle potiche sans cervelle, voilà ce qu'on attend de moi.
-Tu te rappelles bien entendu, que j'ai promis à Dame Irma de te présenter son fils n'est-ce pas? Elle me questionne alors qu'elle constate avec satisfaction ma docilité momentané.
-Oui je me souviens, je répond alors que c'est complètement faux et que le fils de cette femme est, depuis belle lurette, sorti de mes pensées.
-Bien, dans quelques minutes, nous viendrons à toi, tâche de bien faire les choses, elle répète pour la énième fois ce soir.
Elle part enfin, me laissant seule avec mes songes. Pestant à nouveau contre cette femme qui croit que sa vie ne sera réussis que lorsqu'elle parviendra à bien marier ses deux filles.
Parce-que pour elle, c'est bien le cas, pour tous ceux ici présent d'ailleurs, bien réussir, être beau, être bien marié, avoir de bons enfants et une fortune colossal, c'est ça la réussite.
Peut importe ce qui se passe derrière les volets clos, tout cela est gage de réussite et de bonheur.
Bien que l'on tente de me conditionner à cette utopie, je ne peux m'empêcher de me rappeller Marie Weather, pleurant à chaudes larmes dans une salle de bain de l'étage, lors de l'annonce de son mariage, ou encore de Sassi, tellement ivre lors d'un barbecue familial, qu'elle médisait de tous et chacun en plein jardin, devant la tonne d'invités. Elle fût d'ailleurs hospitalisée quelques jours plus tard et ses parents ont rapidement expliqué qu'elle était souffrante et nécessitait d'être sous une puissante médication.
Bref, n'importe qui avec une once de jugeote comprend que ce monde dans lequel nous évoluons est comparable à un tapis persant et hors de prix. En surface tout est impeccable et onéreux alors que dessous, on pousse sans relâche la poussière.
Je marche jusqu'au petit balcon situé dans le boudoir. La robe rouge que je porte, bien qu'elle soit magnifique, me donne l'impression d'être l'une de ces hypocrites en dentelle.
Je joue bien le jeux habituellement, je parviens à cacher ma véritable nature derrière un parfait masque de bienséance, mais ce soir, mon coeur n'y ai pas. Il est avec lui...
-Je savais que je te trouverais ici, souffle une voix dans mon dos, alors que je sens ma peau se couvrir d'innombrables petits frissons.
-Ewan? Je m'exclame avec surprise.
Il approche de moi et sort de l'ombre. Je remarque aussitôt qu'il n'est pas vêtu comme il le devrait pour une telle fête.
-J'avais besoin de te parler, il explique. Tu t'es esquivé rapidement ce matin et je voulais voir comment tu allais.
-Ewan, je murmure à nouveau, alors qu'il approche de moi.
-Nelyanna, je...
-Oh, je vois, nous en somme déjà rendu au nom officiel?
-Nelly, je suis... Tu sais que c'est hors de mon contrôle, il ajoute en passant une main dans sa douce crinière blonde.
-Hors de ton contrôle et du miens? Pourtant, il me semble que nous aurions pu tout envoyer valser, je rétorque en écho à ce que je lui ai dit le matin même, lorsqu'il m'avait annoncé ses fiançailles avec Lady Constinaple.
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