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Dans ces hauteurs, le chahut de la ville disparaît pour laisser place au calme. Les voitures, passants, travaux, semblent si lointains qu'un chat pourrait s'y endormir en toute tranquillité. Le paysage y est splendide, on peut y observer chaque recoin de cette immense ville dans le plus grand silence.

Lentement et prudemment, Felicia enfonce une après une les griffes aiguisées de son costume sombre dans la façade pour escalader l'immeuble. Elle forme des fissures irrégulières dans le mur déjà fragile. Sous son bras, sa dernière trouvaille est tenue fermement pour ne pas tomber des dizaines de mètres plus bas et s'exploser contre le bitume. Pour une fois, ce n'est pas un objet luxueux, seulement un pack de sodas volé - bien qu'ils étaient déjà en promotion. Contrairement à ses précédentes effractions, dont la valeur pouvait s'élever à des milliers de dollars, ce n'est absolument rien, dirait la jeune femme. Il s'agit d'un jeu d'enfant à présent pour elle, le vol n'est plus qu'une distraction comme une autre.

Arrivée sur le toit, elle pose en premier le pack sur le rebord. Lorsqu'il ne risque plus de glisser vers le vide, elle empoigne le muret et, d'un geste gracieux, elle monte agilement dessus pour finir assise sur le bord du toit. Ses pieds se balancent dans le vide, frôlant le vent qui siffle au rythme de ses mouvements. La cambrioleuse déchire de ses griffes le plastique et saisit une canette. Elle l'ouvre d'un geste vif, éclaboussant légèrement sa tenue noire de fines gouttes d'eau pétillante. Alors que la mousse remonte, elle apporte la boisson à ses lèvres et en avale la moitié. Ce goût sucré la désaltère après ses efforts, bien qu'ils n'ont pas été si physiques que ça.

Felicia pose la canette à côté d'elle pour profiter de cet instant calme. Ce sentiment de solitude ravi la jeune femme, elle qui vit dans un quartier très animé où elle ne peut jamais être vraiment tranquille. Les exclamations tardives de personnes alcoolisées résonnent dans les rues bien plus bondées la nuit que le jour. De son appartement très mal insonorisé, elle entend tout ce qui se passe à l'extérieur, ce qui l'empêche de passer des bonnes nuits de sommeil. Elle pourrait tenter de trouver un autre logement, mais l'argent ne lui permet pas, malgré ses nombreux vols.

On peut croire que la vie de Black Cat est merveilleuse. Personne ne peut lui dire ce qu'elle a à faire, elle est l'une des personnes totalement libre de cette ville, indépendante, mais ce n'est pas toujours facile pour Felicia - bien qu'elle se sent heureuse lorsqu'elle se vêtit de son costume noir éclatant. Elle n'a pas de travail légal lui permettant de gagner de l'argent, son statut de civil ne lui plaît pas et sa condition familiale est compliquée. Ça, sans compter sur les relations qu'elle entretient avec les forces de l'ordre et les super-héros de la ville. Alors essayer de trouver un autre appartement n'est pas une mince affaire. Elle préfère profiter de sa liberté d'actions au lieu de se battre contre les nombreuses administrations et de remplir des centaines de modalités comme les véritables citoyens.

Tout à coup, un bruit presque imperceptible dans son dos la fait sursauter. L'anti-héroïne se lève d'un bond, tournant sur elle-même, et descend du rebord du toit pour plus de sécurité. Alors qu'elle fait ressortir ses griffes aiguisées, une silhouette rouge et bleue la surprend agréablement. Ses griffes disparaissent alors qu'un sourire chaleureux fait son apparition.

Je ne m'attendais pas à ta visite, Spidey, affirme-t-elle, ravie.

Le super-héros soupire légèrement en s'avançant vers elle de quelques timides pas. Il tente de la contourner, cependant, Felicia se place devant lui avec son éternel sourire en coin. Ils partagent une relation particulière depuis leur rencontre, entre des amants - bien qu'il n'y a jamais rien eu de concret -, des ennemis, et une sincère amitié qui a ponctué le tout. Bien qu'ils restent actuellement amis, la jeune femme a toujours essayé de le charmer mais il l'a toujours repoussé - à son plus grand malheur.

À présent, Spider-Man est son jeu. Elle est le chat, il est sa souris.

Les sirènes de police m'ont attirés à toi. Comme toujours.

Tandis qu'il répond, la jeune femme inspecte l'Homme Araignée du regard. Elle caresse du bout de ses doigts le costume du héros, comme elle le fait à chaque fois pour flirter avec lui, bien que cet amour ne soit pas réciproque. Blasé, ce dernier n'ose plus la repousser. Il a bien compris avec le temps qu'elle reviendra à la charge, même s'il ne montre pas cette forme d'affection qu'elle souhaiterait avoir.

Ils ne peuvent pas me laisser un peu tranquille ? proteste-elle.

Quand tu voles ? Jamais. C'est à toi, ça ?

Il s'écarte pour montrer le pack de sodas ouvert. Le plastique déchiré bouge au rythme du vent plus fort à une hauteur si élevée. Contrariée qu'il s'éloigne alors qu'elle observait ses muscles sous son costume moulant, la jeune femme croise les bras.

Tu peux prendre une canette, si tu le veux. C'est cadeau !

Spider-Man se retient de soupirer à nouveau. Il met sa main sur son front, fatigué par le comportement de la jeune femme. Pourtant, selon Felicia, c'est ce qui fait son charme.

Au moins ce n'est pas une oeuvre d'art comme la dernière fois... murmure-t-il, essayant de trouver un point positif pour ne pas s'énerver.

Felicia rigole doucement. Les tableaux sont les œuvres qu'elle vole le moins car ils sont bien moins facile à cambrioler par rapport aux bijoux, qui font parties de ses préférences. Elle trouve ça dommage, car la valeur inestimable de certaines peintures seront intéressantes à revendre, même si cela reste moins facile qu'avec la joaillerie.

Elle se rassied au bord du toit à côté du pack de sodas. Elle continue de boire la suite de sa canette, tandis que le jeune homme reste derrière elle, les mains sur les hanches.

Pourquoi tu voles ? la questionne-t-il. Je veux dire, tu as des capacités intéressantes, tu pourrais en faire plus que de les utiliser pour... ça.

Le visage de la jeune femme se referme légèrement. Ayant finit sa boisson, elle jette nerveusement la canette vide dans son dos, sans regarder vers où. Le super-héros, placé derrière elle, s'écarte à temps pour ne pas se prendre la boisson.

Eh ! s'exclame-t-il.

Des fois, tu ferais mieux de te taire au lieu de donner des conseils débiles, surtout quand tu ne sais pas de quoi tu parles.

Elle se relève agilement et saute en face de lui, le faisant reculer. Surpris par son comportement soudain - alors qu'il n'a pas l'habitude qu'elle s'énerve ainsi contre lui -, il la dévisage. C'est alors qu'un sourire vient s'afficher sur le visage de la jeune femme.

Mais heureusement pour toi que tu es mignon ! s'exclame-t-elle.

Elle se colle à lui, sans qu'il n'essaie de la repousser. Affectueusement, ses mains viennent se poser sur son masque, puis descendent sur son cou, ses épaules, pour venir toucher son torse du bout de ses griffes.

Arrête, ordonne-t-il en repoussant ses mains.

J'adore quand tu fais ton grincheux, plaisante-elle.

Spider-Man tourne sa tête pour éviter de croiser à nouveau le regard amoureux de la jeune femme. Finalement, voyant que son énième tentative de séduction n'aboutit pas, elle décide de s'éloigner pour récupérer les boissons afin de rentrer chez elle. Il commence à faire tard, le soleil s'est déjà couché depuis quelques heures et la fatigue monte. Elle saute agilement sur le rebord du toit, observant prudemment la rue d'en haut.

Rappelle toi, intervient Spider-Man avant qu'elle ne parte, la dernière fois que nous avons travaillé ensemble, c'était très agréable...

Le sourire de Felicia réapparaît soudainement.

Cherches-tu à m'avoir à tes côtés comme coéquipière ?

Pourquoi pas ?

J'y réfléchirai.

Aussitôt, elle saute du toit. La Chatte Noire glisse contre l'immeuble en se retenant seulement avec ses griffes enfoncées dans la pierre. Lorsqu'elle arrive au niveau d'un bâtiment adjacent bien plus petit, elle pousse sur ses jambes pour atterrir sur ce toit et ainsi poursuivre son chemin.

Devant elle, Spider-Man la dépasse plus loin et plus rapidement, pour se diriger vers une rue opposée à la sienne. Pendant un court moment, elle hésite à le suivre. Peut-être qu'elle réussirait à découvrir où est-ce qu'il habite, et ainsi aller lui rendre de nombreuses visites ? Elle voudrait le rejoindre, et ainsi passer la nuit seule avec lui, l'homme de ses fantasmes. Cependant, elle ne peut se permettre. Elle doit absolument rentrer chez elle, mais peut-être qu'une autre nuit elle le suivra et accomplira ses rêves...

Felicia revient sur la terre ferme en arrivant dans son quartier. Il s'agit d'un lieu plutôt pauvre, contrairement à ce que l'on pourrait croire avec tout ce qu'elle vole. Pour cela, elle est vraiment heureuse de la confiance du super-héros national. Il ne l'a jamais suivi, et ne connaît donc pas la vraie vie de Felicia Hardy. Il s'agit plus d'un soulagement pour elle, alors qu'elle préfère garder sa vie privée - qu'elle est loin d'assumer - en-dehors de ses discussions avec Spider-Man.

Le lotissement est assez étendu, néanmoins, cette rue est la plus pauvre. Les maisons sont presque toutes identiques, bien que certaines soient plus délabrées que d'autres. Les habitants y trouvent le strict nécessaire, tout ce qu'il faut pour vivre - ou survivre -, mais le manque d'argent se fait sentir. La rue est mal éclairée, les poubelles sont entassées sur le trottoir, les portes et fenêtres grincent, et si les habitants ont une bonne ouïe, ils peuvent facilement distinguer les fortes paroles de leurs voisins à cause des cloisons mal isolées. Connu par les jeunes pour être surnommé le quartier abandonné, personne n'aide les pauvres familles qui résident et survivent ici. La police évite même de passer dans ce quartier. Ils doivent sûrement croire que la drogue et la violence règne en ces lieux, sans savoir que c'est l'altruisme des habitants qui les rend vivants.

Felicia traverse une allée après avoir passé un petit portail grinçant. Elle se dirige vers la porte d'entrée sans lâcher les canettes sous son bras. Pour une fois, la poignée de la porte fonctionne correctement, ce qui étonne la jeune femme. Elle entre donc et referme la porte derrière elle, puis se rend compte que c'est à présent la serrure qui rend son âme.

Le bruit de ses pas dans l'entrée et de la serrure cassée surprend le propriétaire de la maison.

Felicia ? C'est toi ? intervient-il dans une autre pièce.

Oui, papa.

La jeune femme enlève rapidement sa perruque blonde platine et son masque qu'elle dépose sur un petit meuble. Au même moment, son paternel arrive et embrasse sa fille sur le front.

J'ai un cadeau, sourit-elle en lui tendant les boissons.

La brune sourit fièrement. Cependant, son père fronce les sourcils, prêt à la réprimander. Malgré son grand âge, être stricte avec sa fille reste une base pour lui.

Felicia, je te remercie pour tout ce que tu fais pour m'aider ainsi que pour les habitants du quartier, mais tu vas te faire attraper à un moment...

La jeune femme lève les yeux au ciel, agacé par les éternelles remarques de son père.

Je fais attention, ne t'inquiète pas...

Je ne veux juste pas qu'il t'arrive la même chose que moi.

Felicia connaît par coeur ce qu'il va lui dire. C'est le même refrain depuis des années.

Avant même la naissance de la brune, le père de Felicia, Walter Hardy, était cambrioleur. Grâce à son métier, il réussissait à vivre plus aisément qu'à présent. À de nombreuses reprises, sa vie et sa liberté étaient risquées, mais son travail ne pouvait lui échapper. Il vivait même le grand amour avec sa femme qui donna vie à une petite fille innocente.

Malheureusement, quelques années plus tard, leur bonheur tomba à l'eau. Walter s'est froté aux mauvaises personnes. Ça a coûté la vie de la mère de Felicia et sa liberté. En un seul jour, il a tout perdu. Il est allé en prison, sa réputation a été saccagée, son argent disparu et sa femme a péri, mais son enfant en sécurité lui faisait garder espoir.

Durant toute son enfance et une partie de son adolescence, Felicia a grandi sous les moqueries de ses camarades. Elle était simplement considérée comme la fille d'un voleur. Harcelée, pour se défendre elle a commencé à prendre des cours de judo et karaté. Ces pratiques sportives lui ont permit de déchaîner sa colère. Elle s'est libérée ainsi de tout ce qu'elle a dû vivre, jusqu'à la libération de son père qui a été un grand soulagement.

Adulte, la jeune femme s'est mise à suivre l'exemple de son père. Pour les problèmes d'argent suite à la prison, elle a débuté sa carrière de cambrioleuse en volant dans les petits commerces. Cependant, la misère dans leur quartier l'a fortement touchée. Attristée par cette pauvreté, elle a endossé le rôle de Black Cat pour voler les riches afin de donner aux plus démunis. C'est comme ça qu'elle a touché aux objets plus importants. Bijoux, œuvres d'art, il s'agit d'une passion à présent dont elle ne peut s'en séparer.

Je dois rentrer chez moi, dit-elle avant qu'il ne lui répète la même histoire pour une énième fois.

Son père accepte sans faire de soucis. Il prend sa fille dans ses bras puis la laisse s'en aller. Il a toujours eu du mal à la laisser partir, il a tendance à la prendre encore comme une petite fille qu'il doit protéger coûte que coûte, alors qu'à présent, c'est plus Felicia qui prend soin de lui.

Peu de temps après, la jeune femme se trouve déjà devant la porte de son appartement. Elle soulève le tapis d'entrée où l'écriture Bienvenue est intacte, comme si personne ne passe par là. Elle saisit la clé, cachée en dessous du tapis, la seule cachette qu'elle ait trouvé pour ne pas garder ce petit objet sur elle. Se connaissant, elle préfère la laisser ici, de peur de la perdre lorsqu'elle fait ses acrobaties sur les toits des immeubles en pleins Manhattan. Et puis qui ira chercher la clé sous un tapis ? Mêmes les voleurs n'iront pas le soulever pour vérifier en-dessous, c'est devenue une cachette trop répandue et les gens ne sont pas assez bête pour la laisser ici - ce qui en fait l'endroit idéal maintenant, vu que personne n'ira fouiller.

L'appartement est très petit. La cuisine, la salle à manger, le salon et la chambre constituent la pièce principale entre quatre murs resserrés. Tout de suite, Felicia enlève sa tenue de Black Cat qu'elle laisse tomber au sol avec tout son matériel, sans se soucier à les ramasser, puis, elle se dirige vers la seconde et unique autre pièce du studio pour se rendre dans la salle de bain, un espace presque plus grand que la pièce de vie. Elle ouvre le robinet rouillé et se passer de l'eau froide sur le visage. En se regardant dans le miroir, elle se dit que sa chevelure brune devrait être lavée, même si elle s'en ai déjà occupé ce matin. Soucieuse de son apparence, c'est bien la première fois qu'elle ne se fait pas une beauté pour aller se reposer.

Felicia est bien trop fatiguée pour faire quoi que ce soit. Elle revient dans la pièce principale et monte en sous-vêtements sur son lit suspendu où ses draps sont soigneusement pliés, le seul endroit de l'appartement qui est propre. Sa vaisselle sale s'entasse dans son évier, la poussière recouvre la plupart de ses meubles et les vitres des fenêtres laissent apparaître plusieurs traces. Au premier coup d'œil n'importe qui se rend compte qu'elle ne vient ici que pour dormir, ou manger. Sa vie se passe à l'extérieur.

La jeune femme s'installe confortablement dans son lit, bien que le matelas mériterait d'être changé, et se laisse emporter par la fatigue de la journée.

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