quatre
Une semaine s'est écoulée depuis l'annonce de l'arrivée de La Maria au MET. Tous les journaux profitent de cette grande nouvelle pour diffuser leurs articles partout en ville. Le tableau devient une attraction avant même de prendre sa place dans le musée New-Yorkais.
Le camion blindé contenant l'oeuvre aux millions de dollars avance dans le souterrain du Metropolitain Museum of Art. Postée sur un toit, Felicia observe sa proie comme un chat qui chasse une souris. Elle se retient de ne pas se jeter dessus pour arracher le tableau des mains des agents de sécurité alors que l'entrée donne sur la pleine rue. C'est bien pour cela qu'elle n'agit pas avant qu'il soit installé, elle serait démasquée immédiatement face à cet important passage.
Grâce à ses lunettes, elle zoome sur l'entrée du souterrain. Le véhicule est arrêté pour vérifier le conducteur. Quand son badge relève qu'il correspond à la bonne personne, il avance dans le garage. Dès le fourgon entre, les portes se referment aussi rapidement qu'elles ont restées ouvertes par simple mesure de sécurité. D'autres agents sont placés à l'extérieur, au cas où un cambrioleur moins expérimenté que Black Cat tente de dérober la précieuse toile. Ce serait du travail de débutant, ricane Felicia en s'imaginant le scénario.
En déréglant ses loupes, une ombre à côté d'elle vient la déranger dans son repérage. Brutalement, elle se retourne vers la personne en se protégeant de ses griffes aiguisées.
― Oh, fait-elle étonnée, c'est toi, mon chou.
Spider-Man, surpris par sa réactivité, lève ses mains en signe de paix. Il attend quelques instants pour les allonger contre sa taille après qu'elle ait elle aussi rabaissé ses griffes pointées sur lui.
― Qu'est-ce que tu fais ici, Felicia ?
― Mon boulot.
Le jeune héros de New York vient se placer à ses côtés. Il inspecte les rues visibles plus bas afin de savoir ce qui peut bien intéresser autant la jeune femme. N'est-il pas au courant de ce qu'il se passe aujourd'hui ? songe-t-elle. Le journal de Jameson ne parle que de ça, pour une fois qu'il arrête de s'intéresser à Spider-Man...
Lorsqu'il aperçoit le MET si imposant devant eux, et en particulier l'entrée très bien découverte de cet endroit, Peter soupire sous son masque. Il veut se répéter qu'elle n'a pas prévu de voler ceci mais il sait au fond de lui que ce ne serait qu'un mensonge. La jeune femme est décidément la pire des voleuses à son goût. Il pourra tout faire pour la faire changer, rien ne fonctionnera.
― Ne me dis pas que tu prévois de faire ce que je pense...
La jeune femme, assise sur le bord du toit, regarde ses griffes comme si leur discussion ne l'intéressait pas.
― Je ne vois pas de quoi tu parles, dit-elle innocemment.
Spider-Man pose sa main sur son front d'un air exaspéré.
― Tu ne pourras donc jamais t'arrêter !
Felicia fronce les sourcils lorsqu'il s'écrie ainsi. Elle se lève pour faire face au jeune homme qui se retourne en mettant ses mains sur ses hanches, agacé.
― Déjà, tu vas arrêter de me parler ainsi, c'est mon choix et pas le tien ! Ce ne sont pas tes problèmes alors ne t'occupe pas de ça.
― Tu rigoles ? Je suis Spider-Man, le héros. Tu sais, celui qui coince les criminels en ton genre ! s'écrie-t-il. Je pourrais t'arrêter aussi, pourtant je ne le fais pas !
Cette dernière phrase intéresse particulièrement la jeune femme. Un sourire en coin naît sur ses lèvres, puis elle avance lentement vers le héros qui la fixe en fronçant les sourcils. Felicia prend ensuite un air de défi.
― Oui, tu as raison. Mais pourquoi tu ne le fais pas ?
Black Cat tend ses mains vers lui comme s'il allait la menotter. Toujours en le fixant avec son éternel sourire malicieux, elle met ses bras perpendiculairement à son corps pour lui montrer qu'elle est en sa possession.
― Je suis tout à toi. Allez, capture moi, ordonne-t-elle.
Le super-héros baisse légèrement la tête, lâchant le regard de la jeune Hardy. Elle a gagné ce round.
― Arrête ça, Felicia. Je ne vais pas le faire...
Suite à cette réplique, elle rabaisse ses bras, fière d'elle.
― J'en étais sûre.
Penaud, Peter baisse la tête. Certes, il a souvent été confronté à la jeune femme, mais il n'a jamais vraiment voulu qu'elle ait à faire à la police. Ils ont partagé beaucoup trop de choses ensemble pour qu'il casse leur histoire. De plus, son souhait serait que la jeune femme la rejoigne entièrement dans ses quêtes en tant que coéquipière, et non voleuse.
― Je t'en prie, ne vole pas ce tableau...
― Parce que maintenant tu me supplie ?
Plus en plus leur conversation avance, moins en moins Peter semble la comprendre. C'est comme si la jeune femme veut l'éloigner tandis qu'il souhaite l'aider.
― À quoi il te servira, franchement ? Tu veux dépasser tes limites, c'est ça ? essaie-t-il de comprendre.
Felicia soupire lourdement. Elle adore Spider-Man, mais il faut dire que le super-héros l'agace de temps en temps. Il est mignon mais qu'est-ce qu'il peut être têtu...
Depuis leur rencontre, il est souvent à lui poser des questions. Il veut en apprendre plus sur elle, qu'elle se dévoile ne serait-ce qu'un peu. Outre son véritable nom, Peter ne connaît rien sur elle. Il ignore tout sur sa condition familiale, la cause qu'elle défend, son choix d'être Black Cat et pleins d'autres points. Il faut dire que lui-même n'est pas très bavard non plus sur sa vie privée, mais ce n'est pas par manque de confiance.
― Laisse moi, Spidey, cela vaut mieux pour toi.
― Je ne peux pas.
― Tu vas y être obligée.
La jeune femme monte sur le bord du toit, prête à sauter dans le vide pour l'abandonner. Devant elle, Peter reste immobile. Il ne cherche pas à l'arrêter, il sait qu'elle a fait son choix et que la dissuader va être très compliqué. Néanmoins, il n'a tout de même pas envie de lâcher l'affaire.
― Tu vaux mieux que ça, Felicia, avoue-t-il.
La fille aux faux cheveux blonds platine relève la tête vers lui. Ces quelques mots sincères la figent. Pendant un court instant, elle se sent coupable d'agir comme tel avec lui, lui qui a toujours été bienveillant envers elle. Spider-Man croit en elle, plus qu'elle-même, c'est d'ailleurs le seul qui perçoit des qualités qu'elle ne soupçonnait pas chez elle. Il n'arrêtera donc jamais d'essayer de faire surgir le bien en elle... Décidément, le héros la surprendra tous les jours. Et c'est pour ça qu'elle l'aime.
Spider-Man s'est approché de quelques pas vers elle. Il tend sa main comme si c'était la dernière chose qui pourrait la faire revenir dans le droit chemin. Durant de longues secondes, il reste en face d'elle, espérant sincèrement qu'elle restera. La jeune femme garde son regard sur sa main quelques centimètres devant elle, avant de le reporter sur le masque de Spider-Man.
― Tu es beaucoup trop gentil, Spidey, admet-elle.
Aussitôt, Felicia se laisse tomber en arrière pour le quitter. Elle ne jette pas un seul regard dans son dos pour regarder le visage chagriné qu'elle devine si facilement sous son masque et rentre chez elle hâtivement. Un élan de chagrin la prend par surprise. Est-elle vraiment triste d'avoir déçu Spider-Man ? Il faut bien le croire.
L'anti-héroïne claque la porte de son appartement. Le bruit résonne jusqu'au dernier étage, faisant gronder les voisins qui veulent du calme. Elle ne fait pas attention aux personnes qu'elle croise et qui l'observent dans son costume de Black Cat lorsqu'elle traverse les escaliers. Ils sont tous bouche bée et se décalent en voyant qu'elle est de mauvaise humeur. Qu'ils appellent la police, je m'en fou royalement ! songe-t-elle.
Dès qu'elle est entrée dans son logement, elle jette au sol sa perruque blonde. Furieuse après sa rencontre avec le héros, elle arrache ensuite son costume et balance son matériel par terre. Pour se calmer, une bonne douche froide est nécessaire. Felicia s'élance dans la salle de bain puis fait couler le liquide le long de son corps. Immédiatement, le bien fait de l'eau gelée l'apaise.
Sa colère se calme petit et à petit. Elle n'est pas furieuse envers Spider-Man - enfin, pas entièrement. Elle est plutôt en colère contre elle-même, elle qui déçoit à de nombreuses reprises l'Homme Araignée, elle qui est en contradiction avec la cause qu'il défend et qui ne veut rien lui dire sur son identité civile. À côté de lui, l'anti-héroïne se sent minable. Il a tout pour lui, il est fort, bienveillant, aimé de tout le monde, tout ce qu'elle voudrait être. De plus, avec tout ce qu'elle lui a fait, il n'est même pas rancunier, alors qu'il a toutes ses raisons de la détester. Et puis ne l'a jamais repoussé, pas une seule fois. Au contraire, il lui apporte de l'aide quand elle en a besoin, il lui montre ce qu'elle a de bien en elle, il la pousse à être meilleure. Felicia se sent pitoyable face à sa grande générosité.
La brune s'habille d'un legging et d'un tee shirt deux fois trop grand pour elle puis s'attache les cheveux mouillés en queue de cheval. Elle ne compte pas ressortir pour ce soir, alors autant être à l'aise chez soi. Cependant, la voleuse garde toujours à son doigt la bague scintillante à laquelle elle ne voudrait jamais être séparée. C'est son petit trésor. Son ventre se mit soudainement à gronder. Ouvrant le frigo, celui-ci est plein de nourriture. Il était nécessaire de faire les stocks si elle ne voulait pas mourir de faim dans les jours à venir. Felicia prépare donc une légère salade composée, puis s'installe tranquillement entre tout le bordel de son appartement pour regarder les informations. Au programme, encore La Maria qui fait la une de toutes les chaînes. À croire que ce tableau la hante aussi.
Tout à coup, un toquement attire son attention. Felicia tourne la tête vers la fenêtre et découvre avec surprise son ami l'Araignée frappant pour qu'elle lui ouvre. Elle ne pensait pas le voir ici, il est une personne de confiance pour ne pas violer son intimité, sauf à cet instant. Ce serait plutôt elle qui aurait cherché l'appartement du jeune homme pour lui rendre une petite visite surprise. Instinctivement, un sourire vient parcourir le visage de la jeune femme. Elle se lève brusquement et lui ouvre la vitre.
― Alors comme ça tu me suis ? le taquine-t-elle.
La brune aide le super-héros à entrer avant de refermer la fenêtre. Ce dernier semble un peu gêné car il se gratte la nuque.
― Je-je voulais te voir...
Me voir ? Pourtant c'est pas comme si on ne s'était pas vus aujourd'hui, pense-t-elle.
Spider-Man inspecte Felicia de bas en haut. C'est la première fois qu'il voit la jeune femme sans sa tenue d'anti-héroïne. C'est aussi la première fois qu'il fait face à Felicia Hardy et non Black Cat. Il est surpris de la différence d'apparence. En brune et en blonde, Felicia semble être deux personnes vraiment distinctes. Et au fond, il la préfère avec ses cheveux naturels. Sous son masque, un léger sourire apparaît.
― Tu es très belle aussi sans ta perruque...
― Merci, répond-elle, flattée.
Cependant, sous son air confiante et sûre d'elle, Felicia se sent mal à l'aise - d'autant plus qu'elle n'a pas les vêtements qui la mettent le plus en valeur. Elle préfère largement son identité de cambrioleuse que celui de Felicia, il est bien plus intéressant à son goût. Avec son costume, elle se sent capable de tout, mais sans, elle a l'impression d'être bonne à rien, de paraître minable aux yeux de tout le monde. Tout le monde, sauf Spider-Man.
Le jeune homme fait la visite rapide de l'appartement en se tournant sur lui-même même. Pour inspecter ce minuscule studio, il ne faut pas beaucoup de temps.
― C'est encore plus le bazar ici que chez moi ! s'exclame-t-il pour plaisanter.
Un rire s'échappe des lèvres de Felicia ce qui la détend légèrement. C'est la seule personne avec qui elle se sent vraiment bien, à part son père. Elle ne se rend même pas compte qu'elle le dévore des yeux depuis de longues minutes.
― Je devrais venir chez toi pour voir comment c'est, alors, murmure-t-elle.
Le héros ne répond rien. Felicia serait prête à parier que, sous son masque, il rougit. Cela fait sourire cette dernière qui s'assied pour continuer de manger.
― Quelle est la raison de ta venue ?
― Je voulais m'excuser pour tout à l'heure...
Le jeune homme baisse doucement la tête. Il est dévisagé par Felicia.
― Tu n'as pas à t'excuser, Spidey. Une dispute, ça peut arriver de temps en temps, dit-elle calmement.
Peter lève la tête vers la télévision encore allumée. En voyant que les journalistes ne parlent que de La Maria, il profite de cet instant pour reparler de ce sujet de conversation.
― Écoute, ce sont tes choix. Je ne peux pas te forcer à ne pas voler cette toile, je veux simplement te faire comprendre que tu as d'autres options...
Je suis désolée mais je n'ai pas d'autres options, se retient de dire Felicia. Je dois voler cette œuvre pour aider mon père.
― Message reçu, dit-elle sur un ton sarcastique.
― ... mais si tu voles le tableau, je vais être dans l'obligation de devoir t'arrêter. Et tu sais que je n'ai pas envie de ça...
Moi aussi, je n'ai pas envie de ça. Mais on va y être obligés. Sans le savoir, les deux jeunes gens ont un pincement au cœur. Cela ne peut pas se passer comme ça, c'est beaucoup trop bête après tout ce qu'on a vécu ensemble...
Un silence s'impose entre eux. Aucun n'ose le briser, ayant peur de contrarier l'autre ou de le blesser avec une remarque mal placée.
― Je ferais mieux de rentrer chez moi... chuchote le jeune homme.
Spider-Man s'approche de la fenêtre et l'ouvre pour partir comme il est venu. Aussitôt, Felicia le rejoint avant qu'il ne soit trop tard. Le super-héros, prêt à sauter dans le vide, se tourne vers la jeune femme.
― Rentre bien, Spidey.
Felicia soulève lentement le bas de son masque afin d'embrasser la joue de Peter, et non pas sur son masque. Celui-ci ne l'en empêche pas, il sait que la jeune femme ne retira pas l'intégralité du masque rouge pour découvrir Peter Parker. C'est Spider-Man qui intéresse Felicia, et non l'homme qui se cache sous cette identité.
Le jeune homme remet bien son masque après avoir sourit à la brune. Cette dernière est comblée d'avoir aperçu le vrai sourire du héros. Elle s'est même retenue de ne pas l'embrasser sur ses lèvres, mais le moment est mal choisi. Alors, elle le laisse s'en aller, rêvant à sa fenêtre en l'observant tisser des toiles loin d'elle.
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