eleven
Lorsque Felicia ouvre les yeux, son téléphone affiche dix-sept heures trente. Clignant des paupières afin d'être sûre de ce qu'elle voit, la jeune femme se redresse brutalement en se rendant compte de combien de temps elle a dormi. Il faut croire que j'avais besoin de sommeil... pense-t-elle alors qu'elle se sent beaucoup plus énergique que les jours précédents. En posant le pied à terre, Felicia sourit en se sentant stable sur ses jambes. Les douleurs de l'opération ont disparues suite à cette longue nuit. Elle ne titube pas pour aller boire un peu d'eau, son corps semble en harmonie avec son esprit. Sautillant même sur place, un rire s'échappe de sa fine bouche. Cependant, un soupire suit son sourire quand la porte du frigidaire s'ouvre sur des étagères vides. Elle le referme avec un claquement qui résonne dans le studio.
Felicia enfile des vêtements simples pour sortir. Elle se soucie moins de son apparence après sa disparition, apprenant que sa vie est plus importante que les regards des autres sur son style. Pas de grands décolletés, pas de coiffures extravagantes, juste Felicia Hardy en chair et en os. Elle s'étonne même à apprécier la civile qu'elle est, tandis qu'elle repoussait la brune et voulait n'être que la cambrioleuse aux cheveux blonds platines. Il faut croire que passer plusieurs jours, démasquée, dans les griffes du Caïd permet de s'aimer soi-même.
En descendant les marches de l'immeuble, Felicia croise quelques voisins qu'elle ne connaît pas. Bien sûr, si elle passait plus de temps chez elle et si elle était un peu plus sociable, peut-être qu'ils papoteraient de leur famille ou des ragots de quartier, mais elle n'en a pas du tout l'envie. Il est évident que les relations de voisinage seraient bien meilleurs si la jeune femme ne leur jetterai pas de regard noir en les croisant sur le pallier.
L'air frais caresse son visage. Un pas devant l'autre, elle reprend peu à peu sa confiance. La Felicia d'avant revient, bien qu'elle ne sera vraiment plus la même. La jeune femme se rend compte qu'à présent, elle vit avec une mutation, et qu'au lieu de la repousser, elle doit apprendre à l'accepter, à s'accepter telle qu'elle est.
― Black Cat n'est pas réapparue depuis le braquage du Metropolitan Museum of Art il y a des jours ! s'exclame une voix. Et c'est une très bonne chose !
Cette voix familière attire l'attention de l'intéressée. Derrière elle, un vendeur de journaux a allumé une télévision sur son stand. Avec lui, des clients qui souhaitent suivre l'interview sont postés devant l'écran, montrant J. Jonah Jameson du Daily Bugle. Felicia s'y approche afin d'écouter attentivement l'émission.
― C'est évident qu'elle est à l'origine de ce malheureux vol, c'est de Black Cat qu'on parle, je vous le rappelle, poursuit-il. La Maria coûte des millions, assez pour plaire à cette blonde.
Le présentateur télé et le célèbre homme qui adore s'attaquer à Spider-Man continuent leur dialogue. Felicia croise les bras, attendant les réponses de Jameson lorsque le second homme lui demande son avis sur la disparition de l'anti-héroïne. Elle a l'habitude des nombreuses remarques dénigrantes que le directeur du Daily Bugle créé sur son ami.
― Qu'elle aille faire bronzette sur des plages des Bahamas ou tuer par des ennemis, on s'en fiche ! Tant qu'elle ne vienne pas voler nos pauvre grand-mères - enfin les vôtres, la mienne est morte, paix à son âme -, c'est l'essentiel !
Les passants à côté de Felicia semble acquiescer les paroles. Comment peuvent-ils croire ces injustes remarques ? se demande-elle. Jamais je ne toucherai à l'argent de pauvres femmes, plutôt au vôtre, monsieur Jameson... Soudainement, elle se met à songer à sa prochaine victime.
― Nous ne pouvons pas accepter des gens comme tel à New York. Ni Black Cat, ni Spider-Man. Ils apportent le malheur !
La jeune femme soupire en détournant le regard. C'est ainsi qu'elle remarque deux hommes habillés de noir, avec, sous leur veste, une bosse qui laisse deviner la crosse d'une arme. Le Caïd... Elle se met à croire qu'elle sera suivie jour et nuit à présent, de quoi devenir paranoïaque. Pourtant, elle ne les a pas vu en sortant du bâtiment.
D'une démarche assurée, Felicia avance vers eux. Comme s'ils ne la voient pas, ils restent figés au milieu du trottoir, fixant la brune. C'est avant qu'elle s'arrête devant eux, puis caresse du bout des doigts leur veste soignée, qu'ils l'entraînent dans la ruelle adjacente, pour plus de calme.
― Mes chéris, je crains que vous vous soyez trompé de chemin, leur fait-elle calmement.
Un des hommes attrape violemment le poignet de Felicia, alors qu'elle touchait innocemment sa veste. Celle-ci réplique en enfonçant son talon sur l'un de ses pieds, un sourire aux lèvres. Il lâche son poignet sans même décrocher une grimace ou un gémissement de douleur, une petite défaite pour Felicia. Cette dernière aimant voir la souffrance des hommes, retire tout de même son talon de prudence.
― Wilson Fisk nous a chargé de vous donner votre première mission.
― Déjà ? s'étonne Felicia.
― Voici la cible.
L'un des hommes tend une feuille à la jeune femme, ignorant ses paroles. Felicia l'ouvre délicatement et y découvre le visage d'un homme inconnu et son nom écrit en dessous. Elle devine qu'il s'agit d'un criminel - avec les nombreux tatouages douteux et sa mine repoussante - d'origine d'Europe de l'est, avec son nom impossible à prononcer. Un gang de New York ? Sûrement un ennemi de Fisk. Ou veut-il faire passer un message pour prévenir ses adversaires ?
― Que voulez-vous que je fasse ? Que je le tue, c'est ça ?
― Il s'agit d'un moyen de prouver votre fidélité au Caïd, répond le premier homme. Si vous ne le faites pas, nous n'avons qu'un appel à passer pour ordonner l'assassinat de votre père.
― Une vie contre une vie, rajoute son collègue.
Felicia se retient de ne pas envoyer son poing dans la figure des deux hommes. A cet instant, elle espère sincèrement que ses pouvoirs apparaissent, afin de faire payer les hommes du Caïd. Dans son dos, elle serre du poing mais rien ne se passe. Aucune énergie quelconque, comme elle a déjà ressenti, prend part de son corps.
― Comment suis-je censée le trouver ?
Les deux hommes se regardent en s'échangeant un regard complice. Ils éclatent de rire ensemble, comme si ce qu'elle leur demande est ridicule.
― Vous trouvez bien de beaux bijoux à voler, vous arriverez facilement à le retrouver avec son nom, plaisante un des hommes.
― Évidemment, vous n'avez pas toute la semaine pour accomplir cette mission. Le Caïd veut être sûr qu'il soit mort au plus vite.
Les criminels tournent le dos à la jeune femme pour s'en aller. Avant de disparaître dans la foule, l'un d'entre eux regarde la jeune femme pour lui adresser des dernières paroles.
― Oh, et tâchez de le faire souffrir, recommandation du patron.
Aussitôt, ils disparaissent dans la foule comme s'ils n'avaient jamais été présents. En l'espace d'une seconde, elle ressent son pouvoir apparaître, malheureusement il disparaît en même des hommes, ne lui laissant le temps d'agir.
Felicia n'a pas d'autres choix. Manipulée par le Caïd, elle se met immédiatement en route afin de retrouver l'homme en question. Elle rentre chez elle et commence hâtivement ses recherches sur son ordinateur portable. Il ne lui fallut pas bien longtemps pour trouver de qui il s'agit : l'homme en question est très connu des services de police et fait la une des journaux - après Spider-Man évidemment. C'est comme cela qu'elle se dirige vers les bâtiments désaffectés qui servent au gang auquel il appartient.
Black Cat passe de ruelles en ruelles pour rejoindre ce coin peu fréquenté. Sa longue chevelure blonde se balance au rythme de ses mouvements gracieux. Arrivée en face du bâtiment ancien, elle brise des carreaux afin de s'introduire à l'intérieur, tandis que des criminels fument devant la porte principale. Personne ne se trouve dans la pièce où elle vient d'entrer, permettant à la jeune femme de prendre son temps pour trouver sa cible dans ce vaste immeuble. Elle traverse plusieurs couloirs et salles, manquant à plusieurs reprises de se faire remarquée, mais son but approche lorsqu'elle passe le second étage.
En passant une porte, Felicia reconnaît l'homme grâce à ses nombreux tatouages. Celui-ci se trouve au fond de la pièce qui ressemble à un immense bureau. Les murs sont cachés par de hautes bibliothèques remplies de vieux livres et babioles qui coûtent chers. Au milieu de toutes ces étagères, des canapés en cuir sont nettoyés à la poussière prêt, tout comme le bureau en bois vernis et les oeuvres d'art. Felicia se sent mal dans cet endroit qui semble pauvre de l'extérieur mais finalement riche. Il faut croire que le gang de criminels qui vit ici est l'un des plus puissants de la ville.
Felicia se cache derrière la porte tandis que l'homme d'une trentaine d'années ne remarque pas sa présence, trop occupé au téléphone. Se voulant prudente, elle sort délicatement ses griffes en métal de sa combinaison pour ne faite aucun bruit. Malheureusement, c'est en faisant un pas en arrière que son talon cogne contre le parquet, un simple petit bruit mais qui attire l'attention du criminel.
Aussitôt, celui-ci dégaine en une fraction de seconde son arme et la pointe vers la porte, derrière laquelle la jeune femme est cachée.
― Sortez immédiatement de là, ordonne-t-il avec un accent russe.
Felicia se maudit intérieurement de ne pas avoir fait plus attention. Elle aurait pu sauter sur sa proie et lui trancher la gorge en deux trois mouvements, cela aurait été plus rapide et sans douleurs pour lui. Cependant, il en a décidé autrement. C'est avec les mains levées et une mine innocente qu'elle sort de sa cachette, souriant à son interlocuteur.
― Black Cat ? s'étonne-t-il, sans pour autant baisser l'arme. Tout le monde vous croit morte.
― Et bien non, je suis bel et bien en vie. Dommage, non ? dit-elle d'un ton ironique.
L'homme ne bouge pas, ce qui ne plaît pas à Felicia. S'il regardait autre part, ou même s'approchait d'elle, ça lui faciliterait la tâche.
― Vous n'avez rien à faire ici.
― Il se peut que si...
Dès sa phrase terminée, Felicia glisse sur le côté pour échapper au tir. Elle remarque l'impact de balle au plein milieu d'une toile qu'elle avait dans son dos juste avant de désarmer l'homme. En faisant une roue, l'anti-héroïne donne un violent coup de pied à son adversaire. Il lâche soudainement le pistolet qui part à l'autre bout de la pièce.
― Maudit chat !
À son tour, il sort un couteau de sa poche. Leurs gestes sont d'une rapidité affolante. Dès que l'un attaque, l'autre esquive, bien que des coups se perdent. Aucun n'a le temps de réfléchir à une tactique, le second frappe déjà. Felicia arrive à griffer l'homme, mais rien de bien profond, et lui aussi l'a touché. Une belle éraflure sur sa joue prendra du temps à son doux visage de guérir. Elle grimace mais continue de se battre, alors qu'il est presque trop fort pour elle.
― Qu'est-ce que tu veux, à la fin ? s'exclame-t-il, mais pas assez fort pour que ces compagnons viennent l'aider.
― Ta vie.
En frappant ses genoux, le criminel tombe par terre. Felicia en profite pour le bloquer en se plaçant sur lui, tenant fermement ses poignets.
― C'est dommage que je dois te tuer... ton accent est tellement sexy ! plaisante la jeune femme.
L'homme se débat mais s'arrête soudainement quand elle lui fait la même entaille à la joue avec ses griffes. Il grimace, fixant la jeune femme avec ses grands yeux bleus.
― Tu ne serais jamais venue ici si on ne t'avais pas obligé... Qui t'envoie ? C'est le Caïd c'est ça ?
Felicia ne répond rien mais il obtient une réponse avec la mine en colère de son adversaire. Tandis qu'il continue de parler, elle se prépare mentalement à achever sa mission. Jamais elle n'a tué un être vivant. Blesser gravement, oui. Tuer, jamais.
― J'aurais dû me douter qu'il préparait quelque chose... Toi et La Maria avez disparus en même temps !
Felicia soulève une main afin de le griffer une bonne fois pour toute, mais il en profite pour se défaire de ses prises. En se relevant d'un coup, l'homme place son bras autour du cou de la jeune femme et retient les bras de son ennemie.
― Tu n'es pas la première personne qu'il manipule, tu sais ? Je peux t'aider à t'en sortir !
Elle lui donne un coup de coude dans les côtes, l'obligeant à la libérer. Il titube en arrière, récupérant son couteau pour attaquer à nouveau la jeune femme.
― Je n'ai besoin de l'aide de personne, encore moins de vous, grogne Felicia.
Cette dernière se lance vers l'homme avec ses griffes devant elle. Ils poursuivent leur combat une bonne minute, bien que la fatigue monte avec toutes ces efforts physiques. Ils glissent vers la fenêtre, le criminel collé et poussé par Felicia sur la vitre.
― Le Caïd vous tuera... dit-il en retenant la jeune femme.
― Vous serez mort pour voir ça...
Felicia plante ses griffes dans le ventre de son adversaire qui arrache un cri. Elle profite de son moment de faiblesse pour le pousser violemment de la fenêtre, le verre se brisant par son poids.
Aucun son ne sort de sa bouche lorsqu'il tombe dans le vide. Le seul bruit est le brisement de ses os sur le trottoir, ainsi que le cri de surprise des hommes qui fumaient à l'entrée du bâtiment. Ceux-ci courent vers leur collègue, découvrant sa mort, avant de regarder la fenêtre à laquelle Felicia se trouvait. La jeune femme s'est déjà enfuie pour ne pas qu'on sache que c'est elle. Elle saute par une seconde fenêtre pour atterrir dans une ruelle et ainsi courir dans un lieu sûr, entendant des cris dans son dos.
Lorsqu'elle est enfin à l'abri, Felicia sort son téléphone de sa poche. Suite à son combat, l'écran de son portable a été endommagé. Elle arrive tout de même à appeler le Caïd pour lui faire part de la réussite de la mission.
― Très bien, la félicite Wilson Fisk.
Felicia ne cache pas son soupire au téléphone, tandis que le patron de la pègre poursuit.
― J'ai une nouvelle cible pour vous.
― Déjà ? Ce meurtre ne vous a pas suffit ? ricane-t-elle.
― Ce n'était qu'un moyen d'être sûr de votre loyauté. Ne vous inquiétez pas, la prochaine mission est nettement moins dangereuse.
La jeune femme baisse la tête avec un rire nerveux.
― Ah oui ? Et quelle est la cible, alors ?
― Le Daily Bugle.
Génial, il faut maintenant qu'elle s'attaque à l'homme qui déteste Spider-Man et Black Cat.
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