Felicia se réveille plusieurs fois après les derniers souvenirs qu'elle possède. Quand elle revient à elle, la dernière vision dont elle se rappelle est le sourire maléfique de Wilson Fisk. Cette vue se répète infiniment dans sa tête, au ralentit pour faire surgir l'angoisse et la colère très rapidement. Elle voudrait enfoncer son poing dans sa figure - qu'elle parie pleine de crème de beauté, afin que le patron de la pègre soit absolument parfait et présentable devant ses ennemis. Il ne va tout de même pas menacer des innocents avec du sang sur sa chemise ? Quand Felicia soulève sa main pour le frapper, elle ressent soudainement du métal autour de son poignet pour la retenir.

En ouvrant les yeux, tout ce qu'elle perçoit est flou. Clignant à plusieurs reprises des paupières, sa vision ne revient pas à la normale, même après de longues secondes. Avec son ouïe, il s'agit de la même chose : elle entend quelques sons mais n'arrive pas à les interpréter correctement, comme si son cerveau est mit sur pause. Laissez moi dormir... Ses paupières deviennent lourdes, elle les ferme puis les rouvre brusquement. Non, il faut que je comprenne ce qu'il se passe ! Cependant, même si la brune se bat pour rester éveiller, son corps et son cerveau s'allient pour la forcer à sombrer dans le sommeil.

Autour de la jeune femme, des blouses blanches s'activent. Elle aperçoit dans un grand flou des mains gantées passer sur sa tête. Avec ces silhouettes lentes qui agissent sur elle, Felicia comprend qu'elle est allongée. Son cerveau veut apparemment coopérer à présent, bonne nouvelle, songe-t-elle. De plus, le froid vient parcourir tout son corps. Cette fraîcheur caressant sa peau vient la déranger, tandis que d'habitude, elle adore cette sensation à l'aube lorsqu'elle regarde le soleil se lever sur les toits de New York.

Felicia essaie d'ouvrir la bouche pour prononcer quelques mots - ne serait-ce que demander une couverture, mais son corps ne souhaite toujours pas l'aider. Bien que réfléchir est compliqué, tellement la fatigue est présente, elle réussit à comprendre que ce qui l'entoure est étrange. Pour demander une couverture au lieu de crier de la libérer, c'est qu'elle ne va décidemment pas bien. Peut-être l'ont-ils drogué ? C'est une possibilité à garder... Néanmoins, elle voudrait quand même quelque chose de chaud. Pour se rendormir, ce serait l'idéal...

Soudain, un picotement au niveau de son épaule gauche la surprend, mais la jeune femme ne réagit pas. Pas un mouvement, pas un poil hérissé. Pour la première fois, Black Cat se laisse faire. Elle est entre les mains de l'ennemi et n'est pas apte à les combattre actuellement. Son énergie s'est envolé comme une plume dans une tempête. Simplement, ses yeux se referment lourdement.

À plusieurs reprises, Felicia se réveille. Elle ne sait même pas si ce qu'elle voit et entend est un rêve ou la réalité. Ses pensées s'oublient, reviennent mais aucunes informations se rejoignent pour analyser correctement l'événement. Elle entend des personnes chuchoter autour d'elle, des paroles qu'elle ne distingue pas. Tellement fatiguée, la brune n'arrive même pas à bouger. Comprendre ce qu'il se passe autour d'elle devient même mission impossible. Elle n'a l'esprit qu'à sommeiller.

― Maintenez là... ordonne une voix.

Felicia réunit toutes ses forces pour tourner la tête sur le côté. Difficilement, elle plisse les yeux pour observer une silhouette derrière une vitre. Rien qu'avec la grandeur - et surtout grosseur - de celle-ci, elle reconnaît Fisk, qui surveille chaque fait et geste de ses médecins.

Soudainement, sa rage lui donne envie de se lever. Difficilement, elle soulève son poignet gauche, retenu par les menottes. Et merde, pense Felicia qui a oublié ce détail. Même si les médecins savent très bien qu'elle ne pourra rien faire dans cet état, ils préfèrent l'attacher au cas où. Autant être prudent, surtout face à Black Cat.

― Elle est dans les choux, elle ne fera rien...

Cette personne a raison. À nouveau, Felicia abandonne toute action pour se laisser emportée par le sommeil.

Cette fois-ci, les circonstances dans lesquelles Felicia se réveille sont bien différentes. Quand elle ouvre les yeux, la jeune femme se croit dans un rêve. En effet, elle est allongée sur un lit - certes simple et avec un matelas à ressorts -, mais dans une pièce peut-être trop agréable pour une personne enlevée par le Caïd. Recouverte d'une couverture, elle peut enfin se réchauffer. Le froid a parcouru tout son corps qu'elle se serait cru au sommet d'une montagne en plein hiver. Elle se blotti à l'intérieur, profitant de ce minimum de confort suite aux derniers jours assez difficiles qu'elle a vécu.

Au milieu de la pièce, un gobelet en plastique est déposé sur une table penchante. Contenant de l'eau, le liquide n'est pas accompagné de nourriture, ce qui déçoit Felicia, affamée. Elle n'aurait pas dit non à un petit sandwich. La jeune femme possède tout de même l'essentiel : des toilettes au fond de la pièce, avec un rouleau de papier posé au sol. Heureusement, murmure-t-elle. C'est le moindre des choses.

Felicia se redresse tout doucement. Sa tête tourne légèrement, si elle n'était pas assise, la jeune femme serait sûrement tombée au sol. Avec précaution, elle se relève et se dirige vers la table pour boire un peu d'eau. Sa gorge sèche l'empêche même d'avaler sa salive. Cependant, alors qu'elle se sent tituber d'avant en arrière, Felicia se laisse tomber sur le lit pour se rattraper.

Soudain, la lourde porte s'ouvre brusquement. Un homme déboule dans la pièce, tombe au sol - poussé par ses collègues, d'après ce s'observe la jeune femme. Enfermé à son tour, il ne prête aucun coup d'oeil à la brune. Le jeune homme à la chevelure blonde se rue vers la porte pour frapper sur le métal de celle-ci, comme si Felicia ne se trouve pas avec lui.

― Ouvrez moi ! Putain, je vous ai dit que c'était une erreur ! hurle-t-il dans l'espoir qu'on vienne l'ouvrir.

Frappant avec ses poings de toutes ses forces, personne ne vient lui ouvrir, même après de longues minutes. L'homme ne remarque toujours pas la présence de Felicia - bien qu'il sait qu'il a été enfermé avec elle pour des expériences. La jeune femme se met assise sur le lit, alors qu'elle reprend peu à peu ses forces.

― Vos amis vous ont mit à la porte ? se moque-t-elle d'une petite voix. C'est moche pour vous...

Le jeune homme abandonne ses cris dans l'espoir d'être libéré. Lui aussi devient le jouet de Fisk. Il se retourne vers Felicia, l'air furieux, comme s'il allait l'étrangler. Mais au lieu de cela, il court vers le verre d'eau pour boire le contenu.

― Je vous conseille de la fermer... lui conseille-t-il.

Lorsque Felicia l'observe apporter le verre à ses lèvres, elle sent une poussée d'énergie. C'est mon verre d'eau ! se retient-elle d'hurler. Elle voulut se lever pour se jeter sur lui - comme deux fauves qui se disputent de la viande - mais la jeune femme est encore trop faible. Avalant sa salive, elle s'imagine boire le liquide qui lui ferait un bien fou, mais le verre est hors de portée pour le moment.

― Non, non ! cri-t-elle pour le dissuader de boire.

Trop tard, l'homme boit déjà. Le visage de Felicia se referme, elle fronce des sourcils et serre les dents. La brune tend devant elle sa main pour attraper son adversaire, mais il est bien trop loin. Alors, elle serre son poing, très fort.

Ce geste, pourtant simple, est bien plus puissant pour Felicia. Tout à coup, elle sent quelque chose se passer en elle, une sensation qu'elle n'a encore jamais connu. Un sixième sens ? La jeune femme pourrait le décrire comme cela, mais ce sens supplémentaire serait plutôt celui de son ami l'Araignée. Ce qu'elle ressent est aussi puissant, comme une onde qui sort d'elle, mais qui est invisible et que seule Black Cat ressent. Un sentiment de soulagement et de force soudaine se mélangent à ce ressenti indicible. Quelles seraient les conséquences ? Elle ne va pas tarder à le comprendre.

Tout cela se passe en une fraction de seconde. Ni elle ni l'homme n'a le temps de comprendre ce qu'il se passe. Ce dernier renverse la totalité de l'eau sur lui et au sol avant qu'il ne puisse boire, quand l'onde invisible vient le percuter. Un coup de malchance, pense-t-il.

― Et merde... murmure-t-il.

De son côté, Felicia reste bouche bée. Elle ne comprend pas cette sensation de force, de pouvoir, de toute puissance... Il faut que je réessaye. Son adversaire semblait affaibli face à cette onde qui donne toute son énergie à la jeune femme. Cette dernière, qui adore soumettre ses ennemis - en particulier les hommes - la comble pleinement.

La jeune femme ne pourrait expliquer sa haine envers le genre masculin. Elle a toujours détesté leur comportement irrespectueux face aux plus faibles et aux femmes. Selon elle, cela doit remonter à son enfance, où elle a été le sujet de harcèlement. Effectivement, c'était en particulier les garçons qui la prenaient comme victime. Les filles, elles, préféraient rester de côté pour ne pas subir les mêmes moqueries que Felicia. La brune a beaucoup souffert à cette période. Elle voyait pourtant quelques petites filles qui voulaient l'aider, mais elles n'osaient pas. Avec l'âge, Felicia a apprit à prendre confiance en elle et à s'affirmer. C'est aussi à cause de cela qu'elle est devenue Black Cat, pour se venger des hommes.

Et puis elle a rencontré Spider-Man. Dès que Black Cat a découvert ce héros presque parfait, elle en est tombée raide dingue. Selon elle, il a toutes les qualités qu'un homme devrait posséder : gentil, bienveillant, respectueux et sincère. De plus, il est aussi loyal et semble apprécier la jeune femme - malgré leurs nombreux différends. Ensemble, ils ressemblent presque à un vieux couple. Ils se disputent, mais se réconcilient et seront toujours là l'un pour l'autre. Malheureusement, il ne manque plus que leur premier baiser.

Le jeune homme dans la salle fait sortir Felicia de ses pensées. Elle grogne légèrement tandis qu'il tente d'essuyer l'eau sur son haut.

― Fais chier !

― Tant mieux pour toi, soupire Felicia en se levant.

La jeune femme s'accroche au mur pour se mettre debout. En face d'elle, l'homme fronce les sourcils en entendant ses mots.

― Alors comme ça, tes collègues te mettent à la porte ?

Les paroles de Felicia agacent le jeune homme. Celui-ci s'approche d'elle de l'autre côté de la table.

― C'est sûr qu'être avec toi, c'est du gâteau.

― Merci, sourit-elle faussement.

Il soupire. C'est à ce moment qu'il comprend l'agacement de ses collègues précédemment avec les remarques de la jeune femme.

― Bon, qu'est-ce qu'ils t'ont fait à toi ? demande-il.

― Et à toi ?

Le jeune homme rit faussement. Face à Felicia, il faut savoir manier l'hypocrisie et l'ironie.

― Parce que pour te balancer dans un trou avec moi, c'est que tu as du merder...

― Une autre question pour répondre à la mienne. Joli détournement.

Felicia sourit légèrement. Très tôt, elle a apprit avec son père à répondre à une question embarrassante par une autre question. Cela évite de parler de certains sujets sensibles.

― J'espère qu'ils t'ont fait souffrir, vu comment tu nous a fais chier jusqu'ici... soupire l'homme avec un sourire.

― Et je ne suis pas prête de m'arrêter, dit-elle avec un brin d'agacement dans sa voix.

En réalité, Felicia aimerait savoir ce que Fisk lui a fait. Si on a fait des expériences sur elle, la jeune femme aimerait au minimum le savoir.

― Tu sais ce qu'on fait aux femmes comme toi ? la questionne-t-il pour l'énerver. On les frappe, on les viole, on les tue.

Felicia ne peut s'empêcher de penser aux femmes innocentes qui sont passées entre leurs mains. Sa tête se baisse tristement, mais elle la soulève aussitôt, son expression changée par la colère. Si le jeune homme veut la mettre en colère pour prouver sa faiblesse mentale, c'est gagner.

― Si Fisk ne nous avait pas arrêté, tu n'aurais franchement pas tenue plus d'une journée avec nous. Je ne sais pas ce que le Caïd veut de toi, mais tu n'es bonne qu'à assoupir nos désirs.

Soudainement, la jeune femme s'énerve totalement. Postée devant la table, elle tape violemment ses poings contre le meuble - pour ne pas frapper l'homme. Une seconde onde, cette fois-ci bien plus importante, s'échappe des mains de Felicia.

Suite à son geste, l'homme recule instinctivement. Touché par l'onde que seule Felicia ressent, son pied se pose sur une goutte d'eau au sol suite au liquide renversé un peu plus tôt. Cette simple gouttelette suffit à l'homme pour glisser maladroitement. Sous le regard ébahi de la brune, dans sa chute, sa tête vient heurter sauvagement le coin de la table. Puis, il tombe inerte au sol, du sang recouvrant le sol.

Felicia reste dans l'incompréhension. Elle ne la pourtant pas touché... Si suffisait qu'elle ai que des adversaires maladroits, ce serait le rêve. Même pas besoin de les attaquer, ils se tuent eux-mêmes avec maladresse ! C'est la faute à pas de chance.

Doucement, elle tourne autour de la table pour rejoindre le corps. Effectivement, celui-ci ne donne plus aucun signe de vie. Cela fascine mais horrifie autant Felicia. Cette dernière continue à penser qu'il s'agit de sa faute. Il est tombé juste au moment où elle à frapper la table... Et elle l'a ressenti, cette onde si... intrigante.

Au même moment, la porte s'ouvre brutalement. Felicia recule doucement, se retenant à la table alors qu'elle se sent encore chanceler. Il me faudra du temps pour me remettre correctement sur pieds... Instinctivement, elle lève ses mains face aux hommes de main du Caïd et celui-ci, qui entrent dans la pièce. Ce n'est pas de son genre à faire ceci, mais dans la situation dans laquelle elle se trouve, il vaut mieux prouver son innocence face au Caïd.

― Je vous jure que ce n'est pas moi !

Wilson Fisk rigole légèrement en observant le corps de l'homme par terre. D'ordinaire, il aurait exécuter la personne qui a fait du mal à n'importe lequel de ses hommes, mais ici, la femme au centre de l'histoire l'intéresse beaucoup plus.

― Oh, ma chère Felicia, vous me surprenez de plus en plus, rit-il en lui tendant une main. Venez avec moi, nous allons discuter affaires.