deux
La nuit fut plutôt calme pour Felicia. Emportée par ses rêves de Spider-Man, elle se réveille de bonne humeur, prête à entamer une bonne journée. Elle retire la couverture qui la recouvre puis s'étire tel un chat. Son doux bâillement lui fait soudainement comprendre qu'elle avait besoin d'une si bonne nuit de sommeil depuis le temps. Elle est d'autant plus épanouie que ses rêves ont été somptueux. Pour atterrir plus rapidement sur le sol, elle se laisse glisser en haut de son lit superposé et tombe agilement sur le parquet grinçant. Les voisins, habitués au bruit des alentours, ne réagissent même plus à ce bruit qui s'entend à l'autre bout de l'immeuble.
Quand elle ouvre le frigo, celui-ci est presque vide. Elle y trouve simplement un œuf solitaire, du ketchup qui n'a pas été ouvert depuis des mois, un restant de pizza, deux pauvres yaourts périmés et un fond de lait. Felicia sort le liquide et claque la porte avant de prendre le dernier verre propre dans le placard au-dessus du plan de travail rayé. Toute la vaisselle est entassée dans l'évier et déborde même sur la table, ce qui prouve l'absence continu de la jeune femme. Pour elle, cet appartement est juste secondaire. Ça lui permet d'avoir son petit chez soi, mais qui lui sert juste à dormir et à se laver. Sa vie se passe principalement à l'extérieur ou chez son père.
La brune remplit son verre de lait et en boit la moitié. Affamée, elle mange les dernières céréales qu'elle possède et une pomme sur le point de pourrir elle aussi. Pour avoir de la place, elle pousse d'un revers de la main les riches bijoux qu'elle a volés et qu'elle a posés négligemment sur la table. La cambrioleuse les inspecte tout en mangeant, et en les essaie même un par un. Avec tous ses braquages, son goût du luxe s'est nettement accentué. Même si elle les revend pour obtenir de l'argent, parfois, elle garde quelques créations pour son bonheur personnel. Dans tout ce tas, son attention s'arrête sur une bague ornée de diamants. Immédiatement, elle l'enfile sur son annulaire, et, ravie du résultat sur son doigt, sourit pleinement.
Après avoir bien déjeuné, elle se dirige vers la salle de bain pour se doucher, en prenant garde à retirer son précieux bijou. Quelques minutes sous l'eau froide lui suffisent pour se laver. Elle enroule une serviette autour de sa taille et se dirige vers sa commode pour choisir des vêtements de civils. Après de longues minutes d'hésitation, elle opte pour un chemisier uni et un jean noir. Par dessus, l'anti-héroïne enfile une veste en simili cuir de la même couleur que son pantalon, sans oublier la touche finale avec sa bague scintillante.
Avant de partir, Felicia ramasse les autres bijoux volés dans un petit sac en toile. Puis, prête à sortir, elle cache ses équipements de Black Cat au fond de ce sac, si jamais l'envie de faire quelques emplettes lui vient. La jeune femme descend deux par deux les marches des escaliers en croisant quelques voisins qu'elle ne connaît pas et qu'elle ne connaîtra jamais. De même, ils doivent penser qu'elle n'est pas une locataire, simplement une visite car son appartement est presque tout le temps déserté.
Felicia se rend à la joaillerie où elle a l'habitude de revendre ses trouvailles. N'ayant pas - du moins pour l'instant - les moyens de payer en liquide un taxi, elle est dans l'obligation de s'y rendre à pied. Il s'agit d'une chose dont Felicia déteste le plus. Elle adore se promener sur les toits, et ne pas se faire bousculer par ces gens nerveux à côté de la route où les véhicules ne cessent de klaxonner. Ces personnes sont tellement occupées par leur boulot, par le temps et l'argent qui les contrôle. La brune hait cela. Elle préfère oublier les lois et ne pas vivre comme eux, elle se sent véritablement indépendante. Ils lui donnent qu'une seule envie : les griffer profondément pour leur faire comprendre que ce n'est pas ça, la vraie liberté.
En traversant une rue, des sirènes de police retentissent quelques rues plus loin. Aussitôt, une ombre passe au dessus d'elle pour rejoindre les forces de l'ordre. En levant sa tête, la jeune femme aperçoit le célèbre héros dont elle est amoureuse. Celui-ci, concentré sur ses toiles, ne jette aucun coup d'œil vers la foule habituée de sa présence dans tout New-York. Bien qu'ils se connaissent depuis quelques temps à présent, l'anti-héroïne serait prête à parier qu'il ne pourrait jamais la reconnaître en tant que civile. Sans sa perruque blanche, ce serait bien plus compliqué. Felicia sourit tout de même, elle admire son Spidey, sans se soucier de l'homme qu'il peut être sous son masque.
Après des bousculades et des massacres évités, la jeune femme arrive enfin à la joaillerie souhaitée. La petite sonnette de la porte d'entrée retentit, alertant le bijoutier qui se trouvait à l'arrière-boutique. Felicia s'approche du comptoir, en jetant bien évidemment des coups d'œil aux créations autour. Il est nouveau ce collier ? Sympa, songe-t-elle.
Elle sort ensuite les bijoux de son sac pour se concentrer sur sa mission première. Si elle garde l'attention sur ces magnifiques colliers et boucles d'oreilles, elle aurait une envie soudaine de les dérober. Or, c'est bien le dernier endroit qui veut encore racheter ce qu'elle a volé, donc autant le garder précieusement et ne pas se mettre le vendeur à dos.
― Ma pauvre grand-mère a retrouvé ces bijoux dans ses affaires. Elle m'a chargé de venir les revendre ici, ment-elle facilement.
Le vendeur prend une petite loupe qu'il pose à côté des parures.
― Après votre mère, votre père et votre tante, les bijoux de votre grand-mère. Ça commence à faire beaucoup d'objets de valeur, se doute le joaillier.
― Nous sommes une famille aisée.
L'homme, âgé d'une quarantaine d'années, fronce les sourcils. Avec les nombreuses visites qu'il reçoit d'elle, il commence à se douter qu'elle soit une voleuse. Personne n'aurait autant de bijoux d'exception à revendre, même les célébrités. Il pourrait facilement se douter qu'elle est Black Cat - après tout le Daily Bugle n'arrête pas de répéter son nom de héroïne comme de naissance sur les journaux -, mais ça ne lui a jamais traversé l'esprit, et à vrai dire il ne lui a jamais demandé comment elle se nomme.
En apercevant la bague ornée de diamants sur le doigt de la jeune femme, il pointe du doigt le petit objet.
― Ça ressemble beaucoup à une création d'un de mes confrères...
― Oh oui ? s'étonne-t-elle en faisant une démonstration avec sa bague. C'est mon fiancé qui me l'a offert !
― ... mais il a été cambriolé avant-hier.
Felicia prend une mine attristée. Elle s'est toujours dit qu'elle pourrait devenir actrice grâce à ses talents de menteuse et au nombre de personnes qu'elle a réussit à manipuler, c'en est presque une fierté. Son expression semble plutôt sincère, mais il n'échappe pas au joaillier.
― C'est bien triste. Les cambrioleurs s'attaquent vraiment à tout...
Pour ne pas traîner plus dans cette boutique, Felicia enchaîne rapidement sur le sujet de sa venue.
― Bon, les bijoux vous plaisent ? Si j'ai bien compté, il y en aurait pour deux mille dollars comme prix minimum.
Finalement, l'homme repousse les bijoux vers elle. Il ne regarde même pas les créations, faisant attention aux faits et gestes de la brune. Il ne veut pas se faire cambrioler à son tour, avec elle, on ne peut rien prévoir. Même si elle veut marchander, le lendemain elle peut très bien revenir, mais cette fois-ci pour voler ce qu'elle a repéré la veille - comme ce qu'elle a fait chez l'autre bijouterie après que le vendeur l'a chassé de sa boutique en menaçant d'appeler la police. Elle s'est tout simplement vengée. Tout le monde aurait fait ça, non ?
― Allez voir ailleurs. Je ne veux pas avoir à faire avec vous encore une fois.
Felicia fronce les sourcils et se retient de ne pas lui crier dessus, comme elle l'aurait fait si elle n'avait pas eu une bonne nuit de sommeil. Heureusement pour lui, elle est plutôt patiente aujourd'hui. Cependant déçue de ne pas avoir fait affaire, elle fait glisser les bijoux dans son sac en désordre.
― Ce n'est pas grave, j'irais voir ailleurs... chez un de vos concurrents. Au revoir, termine-t-elle poliment.
Elle tourne les talons et marche vers la sortie. Quand elle franchit la porte, le vendeur lui hurle "Voleuse !" mais la jeune femme disparaît déjà dans la masse de passants. Finalement, quand il s'agit de s'enfuir, c'est pas mal, la foule. Elle soupire lourdement, se répétant qu'elle déteste les hommes. Ils ne savent jamais ce qu'ils veulent...
Pour revendre les bijoux, elle opte pour une boutique moins riche mais qui accepterait de prendre les pièces contre de l'argent liquide. Felicia réussit à obtenir mille dollars, après avoir longuement débattu sur le prix avec le vendeur qui voulait lui en donner encore moins. Elle s'est encore retenue de ne pas le frapper alors que ce qu'elle a apporté en vaut le double, voire le triple. Elle ressort avec un sac rempli de billets qu'elle garde précieusement contre elle.
Avec tout cet argent liquide, elle paie un taxi pour se rendre chez son père. Sans se soucier des conséquences, Felicia ouvre son sac devant le chauffeur pour sortir un billet. Observant les liasses qui débordent, les yeux de l'homme se remplissent d'étoiles. Il n'essaie pas de voler, mais la jeune femme comprit qu'il meurt d'envie de plonger sa main à l'intérieur. C'est avec un air de défi qu'elle reste pendant tout le trajet avec son sac sur les genoux, bien voyant dans le rétroviseur.
En annonçant sa destination, le chauffeur se braque légèrement. Lorsqu'on annonce cette rue mal réputée, il n'y a pas que les policiers qui évitent la conversation.
― C'est bien là-bas que vous voulez y aller ? répète-t-il afin d'être sûr.
― Oui. Ça vous pose un problème ?
D'un hochement de tête, le chauffeur fait signe que non. Il reste silencieux pendant tout le trajet, concentré sur la route. Quand ils arrivent dans le quartier demandé, il ralentit, pour pouvoir mieux observer le moindre mouvement. Cependant, après que Felicia soit descendue du véhicule, il repart en furie vers une rue plus appropriée.
Habituée par ces réactions, la brune n'en fait guère attention. Elle se dirige immédiatement vers toutes les boîtes aux lettres afin d'y glisser discrètement une liasse de billet. Ce n'est pas beaucoup d'argent - surtout après qu'elle l'ai divisé pour tout ce petit monde -, mais elle est certaine qu'ils seront heureux de voir cette excellente surprise. Elle donne même un billet en plus à une petite fille jouant dans son jardin, qui part en courant à l'intérieur de sa maison, heureuse. C'est sa façon d'aider, comme elle le fait depuis de nombreuses années. Pourtant, elle n'a jamais réussit à les faire sortir de cette galère commune, et c'est ce contre quoi que Black Cat essaie de se battre, les inégalités sociales.
Lorsqu'elle a tout distribué, Felicia se dirige vers la maison familiale. À la fenêtre de celle-ci, son père la regarde attentivement, un sourire aux lèvres. Sa fierté s'accentue de jour en jour, bien qu'il ne veuille pas qu'elle finisse comme lui. Sa phobie est que sa petite fille perde tout comme il a perdu son ancienne vie.
― Qu'est-ce je t'ai dis encore à propos de ça, Felicia...
― Je pensais juste qu'on aurait pu aller manger dans un fast-food, comme avant... dit-elle en donnant les dernières liasses à son père.
Ses souvenirs reviennent soudainement. Elle se revoit en pleine adolescence, peu après le retour de son père de prison. Pour son anniversaire, il lui a fait la surprise d'aller déjeuner dans un fast-food car, contrairement aux jeunes de son âge, elle n'était jamais allée manger à l'extérieur, ou très rarement. Ils n'avaient clairement pas les moyens de sortir pour les loisirs, ni pour le restaurant, c'était donc une exception qui fit pleinement plaisir à la fille comme au père.
― Il y a assez d'argent pour que tu puisses payer ton loyer et l'électricité ce mois-ci, rassure Felicia.
― Très bien, alors... conclut Walter pour lui faire plaisir.
Aussitôt, elle entraîne son père à l'extérieur afin de passer une journée rien qu'entre eux, ce qui leur remonte le moral avec tous les problèmes qui pèsent sur eux.
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