Chapitre 46 : Face au tueur

  Maggie était là, bien vivante. Enfin, « bien », était un grand mot. Elle était vivante, c'était déjà  ça. Son visage était ensanglanté avec un mélange de crasse et de sueur. Elle allait jeter un énième gros sac de granules sur le sol quand elle interrompit son geste à la vue réconfortante de ses collègues.

« —Enfin du renfort ! lâcha-t-elle en laissant lourdement retomber sa prise, ce qui eut pour effet de provoquer un nouveau bruit qui ressemblait grandement à de la lutte. Et vous êtes deux, parfait. L'un de vous reste auprès d'Hapsatou en attendant une ambulance. L'autre part avec moi à la recherche de Black Bird qui s'est enfui dans les sous-terrains. »

  Djamila se précipita spontanément vers Hapsatou qui était encore assise sur sa chaise avec la corde qui entravait toujours ses mouvements. Tête rejetée en arrière, on aurait dit qu'elle était morte mais, lorsque la détective prit son pouls, elle constata qu'il y avait encore un très léger rythme.

« —Je reste avec elle, dit-elle. Allez-y tous les deux. Ça va aller Maggie ?

—Oui, ce n'est principalement pas mon sang. Je l'ai salement blessé mais il est encore très dangereux. Le lieutenant Messant n'est pas avec vous ?

—Si, lui répondit Ewen. Nous ignorons où elle est, on s'est dispersés en entrant ici. Elle est partie vers le bâtiment qui avait pris feu.

—Mais quelle connerie de se disperser ! Il connait les lieux comme sa poche, il a forcément le dessus sur nous. Il faut qu'on soit en supériorité numérique pour le neutraliser. Bon, Djamila, tu restes ici avec Hapsatou, nous on y va, on ne perd pas de temps. »

  Maggie entraîna son collègue vers la porte derrière laquelle Black Bird avait disparu quelques minutes auparavant après qu'elle l'eut blessé au niveau des côtes gauches. Lors de leur face à face, leurs coups de feu avaient raisonné en même temps. Ils avaient aussi eu le réflexe similaire de se jeter sur le côté. Maggie avait été légèrement éraflée au niveau de l'épaule, là où, malheureusement, le gilet de protection ne faisait plus effet, tandis que le tueur avait été plus sérieusement blessé, sans pour autant pouvoir en évaluer les conséquences.

   Suite à ça, elle n'avait rien dit et l'avait laissé rire avant de complètement couper toute communication avec Patron. Ainsi, elle savait qu'il lui enverrait de l'aide sans qu'elle ait à le formuler directement et ainsi aiguiller davantage Black Bird sur les opérations à venir. Il devrait alors s'attendre à ce que du renfort soit envoyé si Maggie ne revenait pas au bout d'un certain temps et serait pris de court par l'intervention rapide de ces renforts.

  En même temps qu'elle sectionnait discrètement le fil de son micro avec un morceau de verre récupéré sur la corde qui enserrait Hapsatou, elle se jeta sur sa cible et lui asséna un violent coup de pied dans le poignet qui tenait le fusil de chasse tandis qu'il était en train de le réarmer. Comprenant qu'il était en mauvaise posture, le tueur décida de battre en retraite et de réinvestir ses sous-terrains afin de reprendre l'avantage.

   Maggie se mit alors à imiter une scène auditive de lutte pour tenter d'attirer les secours qui viendraient à elles, sans s'éloigner d'Hapsatou qui s'affaiblissait de minute en minute. Ainsi, ils viendraient en se méfiant, en restant vigilants au cas-où ils croiseraient le tueur.

« —Ouah ! fit Ewen impressionné par le récit que venait de lui conter sa collègue. T'es à la fois ingénieuse, courageuse et complètement dingue. Tu as tout mon respect.

—On en reparlera quand on aura remis la main sur Black Bird. Maintenant, on se tait et on cherche. »

   Le couloir sous-terrain courait en direction de l'étable incendiée. Au bout du chemin, un escalier remontait vers la surface, donnant sûrement dans le bâtiment en ruines. En haut de l'escalier, la trappe était bien trop épaisse pour qu'ils puissent distinguer le moindre bruit venant de l'extérieur.

  En première position, Ewen ouvrit doucement la lourde trappe. Aussitôt, il aperçut le lieutenant Messant en très mauvaise posture face à Black Bird, accompagné d'un râle de cette dernière. Il en profita de ne pas avoir été remarqué pour la refermer doucement et ainsi élaborer un plan avec sa collègue.

« —Il nous tend un deuxième piège, affirma le détective. Il ne l'a pas tuée alors qu'il en a la possibilité, mais il la torture. Elle est désarmée et il la maîtrise. Elle a dû être surprise par son apparition de la trappe. Elle est dissimulée derrière des vieilles caisses en bois à moitié consumées. 

—Ne rouvre surtout pas cette trappe, lui ordonna Maggie. Il a sûrement mis un autre fusil piégé qui s'enclenche si on l'ouvre trop. Il l'a déjà  fait dans l'une des chambres. Il doit espérer que je l'aie suivi et qu'on se précipite sur eux pour aider le lieutenant.

—On fait quoi alors ?

—On fait demi-tour et on atteint l'étable par l'extérieur.

—C'est toi l'boss. »

Les deux détectives s'exécutèrent. Au passage, ils prirent des nouvelles d'Hapsatou. Elle ne perdait plus beaucoup de sang et son pouls semblait se maintenir. Il ne faudrait toutefois pas que les secours tardent trop, secours qui ne pouvaient pas intervenir si Black Bird n'était pas maîtrisé, au risque de faire encore plus de dégâts. En d'autres termes, il ne fallait plus que les détectives perdent de temps.

  Ewen et Maggie s'approchèrent de l'étable en tentant de faire le moins de bruit possible et avec, pour seul éclairage, la lune et deux puissantes halogènes installées dans le bâtiment par le tueur. Sans un mot, ils décidèrent de prendre Black Bird par surprise en surgissant chacun d'un endroit. Mais il fallait qu'ils choisissent leur côté. Les entrées principales de l'étable étaient peut-être piégées.

  Par chance, l'ancien feu avait suffisamment abîmé la bâtisse pour leur fournir de nombreuses autres ouvertures. Mais qui dit abîmé, dit forte possibilité d'effondrement. Ewen entra donc par un trou dissimulé par un buisson de houx qui l'égratigna méchamment. Maggie, quant à elle, avait grimpé sur l'épave d'un petit tracteur à l'arrière du bâtiment avant de se hisser sur une poutre qui pourrait la faire atterrir tout près du tueur sans se faire mal.

   Après un bref signe de tête à Ewen, ce dernier s'élança de son petit trou, ne déstabilisant aucunement Black Bird. En revanche, le saut de Maggie qui se retrouva à quelques centimètres d'eux, lui fit perdre un instant sa contenance. 

   Cet instant fut décisif.

   Maggie décrocha un énorme coup de poing dans le nez du tueur qui lâcha immédiatement sa prise sur le lieutenant Messant. Ewen se précipita pour l'aider à se relever et, à trois ils tentèrent de le maîtriser. La chose ne fût pas aisée car, malgré sa blessure causée par la balle tirée par Maggie, il était habile et dur au mal. Sans compter l'état d'épuisement de Maggie et du lieutenant. Il avait repris possession de ses esprits et tenait fermement un autre fusil de chasse armé entre ses mains.

  *PAN*

  Dans la lutte entre les quatre individus, un coup était parti. Et c'est le lieutenant qui le reçut en plein dans l'épaule. Elle s'effondra alors sur le sol. Ewen redoubla d'effort et réussit à désarmer le tueur avant de complètement l'immobiliser au sol tandis que Maggie s'était jetée sur le lieutenant et avait arraché un morceau de son t-shirt pour compresser la plaie.

« —Maggie ! interpella Ewen. Prend le téléphone dans la poche gauche de ma veste et appelle Patron. On le tient mais il faut faire vite. Il se débat bien l'enflure. Et on a deux grandes blessées. »

  Laissant le lieutenant comprimer sa propre plaie avec une grimace de douleur, la jeune détective exécuta l'ordre donné par Ewen.

« —Patron, lâcha-t-elle à la seconde où il décrocha son téléphone, Black Bird est maîtrisé, mais pas pour longtemps. Il faut nous envoyer l'ambulance tout de suite. On a deux blessées, le lieutenant Messant a aussi été touchée.

Je les appelle tout de suite, lui répondit-il. Je ne pouvais pas le faire avant, pour vous protéger. Quel est l'état du lieutenant ?

—Elle a reçu une balle de fusil de chasse dans l'épaule. Je n'ai aucune idée de la gravité de la blessure, mais ça saigne pas mal.

Ok. Et toi ? Comment tu vas ?

—Je vais bien. Je vous laisse, Ewen est en difficulté. »

  Black Bird était en train de mordre le détective au mollet. Maggie s'en approcha et, sans prendre de pincettes, lui décrocha un énorme coup de pied dans la mâchoire.

« —Le bâtard ! jura Ewen qui tentait de ne pas lâcher prise, aidé par sa collègue qui sentait ses forces l'abandonner petit à petit. Heureusement, tous mes vaccins sont à jour.

—C'est bon, fit Black Bird dans un éclat de rire. J'arrête et je vais tout vous raconter.

—Tu crois quand même pas qu'on va te relâcher connard ? Tu veux pas une petite bière en plus pendant que tu nous racontes ta sordide histoire ?

—Volontiers, c'est si gentiment demandé. »

  Maggie lui lança un second coup de pied, plus léger, mais qui le fit crier de douleur car cette fois, elle avait visé sa blessure par balle.

« —Continue à te foutre de notre gueule, le prévint-elle, et tu ne ressortiras pas vivant de cette fichue ferme glauque.

—Personne ne ressortira vivant d'ici, lui répondit-il sur un ton très fataliste.

—Blablabla, s'agaça Ewen. Maintenant, tu vas nous raconter ta version des faits en attendant les secours.

—Très bien, très bien. Hum hum, c'est parti. »

  Et ainsi, Nicolas Lancier, le journaliste et collègue de Raphaël, commença son récit.

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