Chapitre 40 : Portée disparue
12 juin
Maggie était à la fois tendue et excitée en pensant à la soirée qu'elle allait vivre. Patron, le lieutenant Messant, Morgane et les quatre détectives avaient passé l'après-midi dans la salle de réunion des bureaux afin de peaufiner leur plan.
Chacun avait un rôle bien précis, bien déterminé. Il ne fallait pas qu'il y ait une seule fausse-note, au risque de faire courir un grave danger à leur collègue. Maggie avait le rôle principal. La quasi-totalité de la réussite de cette mission ne dépendait plus que d'elle. Il fallait qu'elle réussisse à tromper Black Bird et qu'elle soit assez habile pour l'entraîner vers le piège qu'ils lui tendaient.
Le soir venu, Maggie dissimula son arme sous une veste en similicuir, était très adaptée aux températures fraîches de ces derniers jours. Pour la première fois, elle sortait dans la rue avec son revolver sur elle. Il ne fallait pourtant pas qu'elle se laisse impressionner. Ce soir, ce n'était pas Black Bird son pire ennemi, mais le stress et l'angoisse. Ces deux-là avaient le pouvoir, plus que quiconque, de tout faire capoter.
Même si elle s'en voulait, Maggie n'avait pas prévenu Alex de ce qui était prévu. Elle lui raconterait tout une fois que ce sera terminé. Il aurait beaucoup trop paniqué et lui aurait très certainement communiqué son anxiété. Pour le professeur de sciences économiques et sociales, la jeune détective faisait une nouvelle promenade nocturne avec Hapsatou. Et rien que ce plan-là suffisait à le préoccuper.
Vers 20h30, Maggie quitta les bureaux et se rendit jusqu'à la rue aux Ours. Elle était concentrée sur son rythme cardiaque pendant qu'elle marchait. Ne pas s'emballer.
C'est quelques minutes plus tard qu'elle se retrouva devant le bar-hôtel où travaillait et vivait Hapsatou. Elle y entra et eut instantanément un mauvais pressentiment. Hapsatou n'était pas assise devant le comptoir comme d'habitude.
Elle a sûrement un peu de retard à cause d'un client, tenta de se rassurer Maggie, en vain.
À peine Fabrice l'eut aperçue, elle comprit qu'Hapsatou n'allait pas arriver. Elle comprit que Black Bird avait été plus rapide qu'eux.
En moins d'enjambées qu'il n'en faut pour le dire, Maggie se retrouva devant les propriétaires de l'établissement. Afin de ne pas faire de vagues dans leur bar, ils la convièrent dans la réserve.
« —Où est Hapsatou ? demanda immédiatement la détective.
—Justement, lui répondit tristement Fabrice, nous n'en avons aucune idée.
—Comment ça ?!
—Tout est de ta faute ! éructa Germaine. Tu l'as mise en danger avec ta sale enquête. Je suis sûre qu'elle est entre les mains de Balck Beurd et qu'on va bientôt la retrouver dans un tas d'ordures avec une carte de visite accrochée au soutif. À cause de toi !
—Depuis quand a-t-elle disparue ? tenta de questionner Maggie.
—Je l'ai vue pour la dernière fois hier soir, lui répondit Fabrice. Elle m'a dit qu'elle partait racoler au bois. Je ne l'ai pas vue revenir.
—Notre établissement est très fréquenté, coupa Germaine sans grâce. Ça peut nous arriver de pas faire attention aux filles. Y'a beaucoup d'allées et venues.
—Mais ce midi, reprit Fabrice beaucoup plus posément que sa femme, je ne l'avais toujours pas vue descendre. J'me suis dit qu'elle avait travaillé tard pour compenser votre promenade, alors qu'elle se lèverait plus tard.
« Mais l'heure passe et passe, et en fin d'après-midi, vers 17h, je suis monté dans sa chambre parce que j'étais franchement inquiet cette fois. Avec le tueur qui rode, on essaie malgré tout de faire plus attention à nos p'tites locataires.
« Pas d'réponse. Alors j'm'en vais prendre mon pass et tant pis, je rentre. La chambre était toute vide, le lit nickel comme si elle avait pas dormi dedans. Aucun désordre, rien. Et pas d'Hapsatou.
—Ça lui arrive souvent de partir sans vous prévenir ? demanda Maggie qui connaissait malheureusement déjà la réponse.
—Nan, lui répondit Germaine avec toujours autant d'agressivité. Des fois elle r'tourne dans sa famille, dans son p'tit studio qu'elle partage avec une autre fille d'ici pour faire croire qu'elles sont bien installées, mais elle nous prévient toujours avant. Justement, elle veut pas qu'on s'inquiète. Elle est réglo Toudia. C'est l'une de nos filles préférées.
—Elle vous a bien dit qu'elle allait racoler au bois ? Pas qu'elle avait rendez-vous avec quelqu'un en particulier ?
—Oh dès ! s'emporta à nouveau Germaine. Elle va pas nous traiter de menteurs en plus, la fliquette Éco+ ? Si on t'dit qu'elle allait racoler, c'est c'qu'elle nous a dit. Alors maint'nant tu vas nous la r'trouver, et vivante. Sinon, c'est nous qui nous s'occuperons de toi personnellement.
—Je vais tout faire pour la retrouver, je vous le promets. Mais si je n'ai aucune piste, aucun indice sur son emploi du temps d'hier soir, je vais tourner en rond. Connaissez-vous quelqu'un qui aurait été susceptible d'aller racoler avec elle ? Barbie peut-être ? Elles ont l'air de bien s'entendre toutes les deux.
—Dans notre établissement, l'informa Germaine, elles sont toutes copines. Et Barbie elle va pas racoler. Elle est trop précieuse pour ça. Elle préfère rester ici et attendre qu'un mec vienne à elle pour lui offrir un verre. Nan, j'pense que Toudia est partie racoler avec Kelly, la p'tite nouvelle.
—Où puis-je trouver Kelly alors ?
—Tu vas devoir attendre que son client termine. Elle est montée avec lui juste avant qu't'arrives. T'as qu'à nous acheter à boire pour patienter. On t'préviendra quand on la verra débarquer. »
Maggie leva les yeux au ciel avant de commander un Coca qu'elle ferait passer en note de frais. Attendre l'agaçait. Avec Hapsatou entre les griffes de Black Bird, elle n'avait pas de temps à perdre à siroter un soda dans un bar à putes en attendant que l'une d'elle termine avec le gros pervers qui avait loué ses services.
Impatiente, énervée et tendue, elle décida d'appeler Patron pour le prévenir que leur plan était tombé à l'eau. Encore une fois, Black Bird avait été meilleur qu'eux.
« —Allô ? fit la voix neutre de Patron au bout du fil.
—On a un problème, l'informa Maggie sans préambule.
—Je me doute que tu ne m'appelles pas pour me parler de la pluie et du beau temps. Que se passe-t-il ?
—Hapsatou a disparu depuis hier soir. »
Maggie aurait juré avoir entendu un « merde » étouffé à l'autre bout du combiné. Elle raconta alors tout ce qu'elle savait à Patron.
« —Tu n'as plus qu'à attendre cette Kelly maintenant, dit-il de manière déconcertante après avoir entendu le récit de sa détective.
—Je sais bien. Je... Ah ! La voilà, je raccroche. »
Aussitôt dit, aussitôt fait. Prévenue par Fabrice, Maggie se précipita sur la petite femme maigrichonne qui venait de faire son apparition devant le rideau de perles accompagnée d'un homme d'une cinquantaine d'années qui se rua vers la sortie.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top