Chapitre 36 : Promenades nocturnes

6 juin

  Après avoir informé Patron et briefé Hapsatou, les deux femmes convinrent de se retrouver ce soir-là pour leur première balade de fin de soirée. Elles s'étaient donné rendez-vous à l'entrée du bois des Milles Pas pour aller s'y promener.

  Hapsatou, plus qu'enjouée à l'idée d'aider des détectives privés, avait été chargée de prévoir un chemin qui ne perturberait pas les activités nocturnes du bois. Elle s'était chargée de cette mission avec beaucoup de plaisir.

   Les deux femmes marchèrent donc bras-dessus bras-dessous le long de ce chemin, tout en papotant :

« —J'ai un frère et une sœur, apprit Hapsatou à la détective qui l'écoutait attentivement. Ils ne sont pas au courant de ce que je fais. En fait, personne le sait. Je garde tout pour moi. Ils me tourneraient tous le dos sinon. Eux ils ont bien réussi. Mon frère est militaire et ma sœur banquière. Ils savent pas ce que c'est la galère. Ils vivent tranquillement avec leurs petites familles. Enfin, pas si petites que ça. Mon frère a sept enfants et ma sœur trois.

—Ils ne te demandent pas pourquoi tu n'as ni mari ni enfant ? demanda Maggie sur le ton de la conversation.

—Ils pensent que je suis devenue goudou. Ils me font souvent la morale parce que ça ferait souffrir mes parents. Je détourne qu'à moitié à chaque fois parce que ça ferait encore plus de mal à mes parents de savoir ce que je fais vraiment. Et toi, t'as des frères et sœurs ?

—J'ai un frère.

—Tu t'entends bien avec lui ? Il fait quoi dans la vie ?

—Il est médecin légiste. Et je m'entends très bien avec lui, même si, à vrai dire, ça ne fait pas très longtemps qu'on se connaît.

—Ouah, médecin légiste. La classe. Par contre je comprends pas pourquoi tu ne le connais pas depuis longtemps. C'est ton frère ou bien ?

—On n'a pas été élevés ensemble. Nos parents sont morts quand on était petits et on a été placés dans des lieux d'accueil différents.

—Oh, toi non plus t'as pas l'air d'avoir eu une vie facile facile.

—Je n'ai pas à me plaindre. »

  C'était un demi-mensonge. Si Maggie relativisait par rapport aux autres histoires de vies qu'elle avait entendues tout au long de sa courte existence, surtout depuis qu'elle enquêtait sur Black Bird, elle était quand même attristée par sa propre histoire.

« —J'suis vraiment contente de me promener avec toi ma sœur, dit Hapsatou en tapant amicalement le dos de Maggie. »

8 juin

  Hapsatou et Maggie s'étaient mises d'accord sur le rythme d'un soir sur deux pour leurs petites promenades. Ce soir, elles longeraient le morceau de canal qui passait par la rue aux Ours.

   L'ambiance était agréable avec le soleil encore haut dans le ciel, annonçant l'été qui arrivait à grands pas. Quelques passants dévisageaient l'improbable binôme qui se promenait dans cette rue, mais la plupart des gens étaient trop occupés à leurs différentes tâches pour faire attention à leur environnement.

« —Tu fais quoi sinon dans la vie ? s'intéressa Maggie sur le ton de la conversation.

—Je suis coiffeuse afro, lui répondit Hapsatou en remuant sa tête pour faire danser ses magnifiques tresses colorées. Je fais ce genre de coiffure. Celle-là, c'est ma collègue qui me l'a faite. Mais je sais faire pareil.

—C'est vraiment joli !

—Faudra que tu passes au salon un jour. Je serai ravie de te coiffer.

—On peut faire ça sur mes cheveux ?

—On peut faire ça sur tous les cheveux ma sœur. 

—Alors je passerai.

—Pas de promesse en l'air, hein ?

—Non, rassure-toi.

—Je te crois. Je te fais confiance. Comme toi tu me fais confiance. »

  Et c'était vrai. Maggie faisait confiance à cette femme à qui elle s'était très attachée en quelques jours. La jeune détective trouvait Hapsatou touchante. Elle aimait ces moments qu'elle passait avec elle, et elle espérait profondément qu'elle n'était pas en train de la mettre en danger elle aussi.

10 juin

  C'était déjà le troisième soir de promenade pour les deux femmes. Elles erraient dans la rue aux Ours.

« —Tu ne m'as pas dit que tu connaissais Janice Brun et Margot Delambre ! s'exclama Maggie quand Hapsatou commença à lui en parler.

—Parce que tu ne me l'as pas demandé ma sœur, répondit la prostituée avec son grand sourire habituel.

—Qu'est-ce que tu peux me dire sur elles ? ignora Maggie encore blessée dans son fragile égo.

—Je ne sais pas comment elles pouvaient être copines ces deux-là. De vraies ennemies. Elles étaient beaucoup trop envieuses l'une de l'autre. La pire c'était Little Doll. Jane était plutôt naïve alors elle se laissait marcher dessus par sa « copine » (Hapsatou mima des guillemets avec ses doigts). En fait, je pense juste que Little Doll était vraiment perdue et qu'elle se raccrochait à ce qu'elle pouvait.

—Mais oui c'est ça ! s'exclama soudainement Maggie.

—Ça va ma sœur ?

—Oui, plus que bien ! J'ai compris pourquoi Margot Delambre n'a pas fait allusion au pseudo petit-ami de Janice devant nous quand nous sommes venus l'interroger. Elle était déjà dans les filets de Black Bird. Janice morte, elle devait penser être la favorite de cet homme. Elle nous a donc dissimulé son existence, fait comme si Janice n'avait jamais été approchée par personne pour pouvoir prétendre être la seule et l'unique femme de qui il a été amoureux. Elle ne savait pas qu'en mentant ainsi, elle sauverait la mise de son futur meurtrier.

—C'est horrible ce que tu me racontes là ma sœur. Mais ça ne m'étonne même pas de Little Doll. Elle devait être jalouse de la relation entre cet homme et Jane alors, comme Jane n'a jamais rien dit à personne sauf à elle, elle a dû vouloir se le garder pour elle toute seule.

—Quelqu'un qui a un minimum de jugeote se serait méfié.

—Elle n'en avait pas. Elle était constamment shootée ou bourrée. Et rongée par la jalousie et l'envie.

—Et sinon toi, toujours pas approchée par un prince charmant ?

—Toujours pas. 

—Il a compris notre petit manège. Mais je pense qu'il essaiera quand même de t'approcher, même si ce n'est pas de sa manière habituelle. Il faut vraiment que tu restes vigilante Hapsatou. 

—T'inquiète pas pour moi ma sœur. Je suis solide comme un roc et rusée comme un renard. »

  Maggie sourit tristement à sa nouvelle amie. Elle espérait de tout cœur ne pas se tromper. Si Hapsatou venait à être assassinée par Black Bird, elle ne s'en remettrait jamais.

  Alors que les deux femmes étaient revenues au niveau du bar-hôtel dans lequel travaillait Hapsatou, Maggie se figea. Elle y vit entrer un homme qu'elle connaissait.

  Cameron Lacheray.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top