Chapitre 34 : Et de cinq

1er juin

Les surveillances de Cameron Lacheray, Kevin Nobeau et Pierre Chevez n'avaient toujours rien donné. Mais en même temps, aucun nouveau cadavre n'était à déplorer depuis la découverte de celui de Beverly Saint-Martin. Même les journalistes commençaient à se lasser de cette affaire qui ne faisait plus assez vendre.

Black Bird n'avait, semble-t-il, pas réagi au superbe article écrit par Nicolas Lancier guidé par les détectives et une psychologue, ex d'Ewen, qui avait accepté de se prêter au jeu. Au moins, ils auraient tenté...

De leur côté aussi, les détectives s'essoufflaient. Leurs vies privées leur demandaient également du temps. Le mariage de Béthanie et Coline se rapprochait à grands pas. Djamila et Maggie, en parfaites témoins, aidaient beaucoup aux préparatifs. Entre les bouteilles à nettoyer et bomber pour les préparer à se transformer en centres de tables en accueillant de futurs magnifiques bouquets, et les kilomètres de cordages à assembler pour créer de sublimes créations en macramé afin de plonger les convives dans une ambiance bohème, les deux femmes avaient de moins en moins de temps pour elles.

Pourtant, Maggie était toute aussi occupée de son côté. Ils avaient enfin obtenu le terrain de leurs rêves avec Alex et avaient fait leur choix de constructeur. Encore quelques semaines à patienter au milieu de toute la paperasse que cela demandait avant que les travaux qu'ils attendaient avec impatience ne commencent.

Mais ce n'était pas la seule bonne nouvelle dans la vie de la jeune détective. L'opération d'Aurélie avait été un franc succès et le nouveau traitement mis en place, celui de la dernière chance, semblait fonctionner de manière bien plus efficace que tous les autres déjà testés. Les médecins étaient à présent plus optimistes quant à l'évolution de la maladie.

Alors qu'Ewen et Maggie étaient seuls dans l'open-space, la conversation portait justement sur Aurélie.

« —T'as des nouvelles d'elle depuis la dernière fois ? demanda le jeune homme à son amie. »

La dernière fois en question était une visite que les deux compères avaient rendue à Aurélie au sortir de son opération. Le weekend qui avait suivi, Maggie eut la surprise, en passant faire un coucou à sa meilleure amie, de trouver son collègue dans la chambre d'hôpital.

Ewen avait alors salué la malade et laissé les amies entre elles. Aucun des trois individus n'avait abordé par la suite cette rencontre fortuite.

« —Elle va mieux, eut le plaisir de répondre Maggie. L'opération a fonctionné et le nouveau traitement semble concluant.

—Génial ! s'enthousiasma Ewen. Tu penses qu'elle serait d'accord pour que je passe la voir ?

—Tu n'as pas eu besoin de mon avis la dernière fois, lui répondit malicieusement la jeune détective. »

Ewen rosit légèrement et, dans une attitude qui respirait la gêne, se gratta l'arrière du crâne avec un petit sourire en coin.

« —Justement, finit-il par dire, je ne sais pas si j'ai bien fait ou pas.

—Je pense que tu as très bien fait, le rassura Maggie. Je vais être franche avec toi, on n'en a pas du tout parlé. Mais je la connais par cœur, je sais que ça lui fait plaisir que tu continues à prendre de ses nouvelles.

—Je l'apprécie beaucoup. »

Et ça se voyait. Mais leur conversation n'alla pas plus loin. Patron fit son apparition dans l'open-space, le visage grave, alourdissant immédiatement l'ambiance légère qui s'était installée.

« —J'ai une très mauvaise nouvelle, annonça le dernier venu de but-en-blanc. »

Il marqua une pause afin de fixer tour à tour chacun des détectives.

« —Black Bird a fait une cinquième victime. »

Une chape de plomb s'abattit sur les détectives. Encore une.

« —Jusqu'à présent, continua Patron le ton grave, je ne vous ai pas mis la pression. Je sais que cette enquête est difficile. Je sais que nous sommes face à un tueur en série redoutablement efficace. Mais si nous ne l'arrêtons pas d'ici la fin du mois, nous serons dessaisis de l'enquête.

—Je vois difficilement ce qu'on peut faire de plus, lâcha tristement Ewen.

—Peut-être commencer par vous intéresser à cette nouvelle victime ? Allez voir Bastien. Il a déjà des choses très intéressantes à vous dire. Black Bird s'ennuie, il a envie de jouer avec vous. »

C'est sur cette mystérieuse phrase que Patron quitta ses détectives. Sans perdre de temps, les deux compères se mirent en route vers l'IML.

Bastien put recevoir les nouveaux venus immédiatement. Aujourd'hui, il avait beaucoup de mal à conserver sa bonne humeur habituelle. Il avait déjà reçu la visite de nombreux journalistes en furie qui exigeaient de lui des informations médicales à propos de ces meurtres, et l'accusant d'entrée de jeu de ne pas être franc avec eux.

Avec son autorité naturelle, c'est François Rieur, le médecin en chef de l'IML, qui avait réussi à désamorcer la situation. Il avait tout simplement expliqué que le cadavre était en cours d'autopsie et qu'il ferait parvenir un communiqué lorsque la tâche sera terminée. Communiqué qui ne verra jamais le jour, mais qui sera oublié par ces mêmes journalistes, trop occupés à déverser leur haine ailleurs.

Bastien fit installer les deux détectives sur les sièges face à lui. Il remit le tout petit râteau de son jardin zen posé sur son bureau dans l'axe du petit pont en bois qui traversait ce jardin d'un côté à l'autre, et se lança :

« —On a reçu au petit matin la cinquième victime de Black Bird. Tout semblait correspondre à première vue. Il s'agit d'une prostituée du nom de Margot Delambre. »

L'amie de Janice Brun. C'était un vrai cauchemar.

« —Je sais que vous la connaissez, fit Bastien compatissant en voyant le visage des détectives se décomposer davantage. C'est d'ailleurs pour ça qu'elle a été rapidement identifiée. La gendarmette qui l'avait interrogée est la même que celle qui a été appelée après la découverte du corps.

« Le corps a d'ailleurs été découvert dans une benne à ordures collective au pied d'immeubles de la rue aux Ours. Immeubles principalement sous-loués par des prostituées qui y font leurs passes. Mais j'y reviendrai après. Même procédé que pour les autres, elle a été tuée ailleurs et placée ici. Éventrée avec la rate manquante. Sans oublier la carte de visite à la rose agrafée sur le soutien-gorge de la victime. Rapport sexuel récent mais pas de trace de violence. »

Bastien marqua une pause afin de capter les réactions de ses interlocuteurs. Très en lien avec sa sœur, il était déjà au courant pour la lettre que les détectives avaient reçue. Il avait d'ailleurs aussi pu la voir une fois qu'elle était arrivée à l'IML après qu'elle fût donnée par Patron aux gendarmes. Maintenant, le cinquième bocal, auparavant vide, devait être plein d'une rate flottant dans le formol.

« —Le même couteau, reprit le médecin légiste, et sûrement la même main ont été utilisés pour « opérer » Margot Delambre. C'était un vrai fouillis dans le corps de la victime. Comme la précédente, je me demande s'il n'a pas hésité, ne sachant quoi prendre. François, qui a pratiqué l'autopsie, est plutôt d'accord avec moi. Elle a été tuée par strangulation auparavant afin de limiter les pertes sanguines.

« La différence avec les autres, c'est que nous avons retrouvé avec certitude la scène de crime. Pour les précédentes, nous n'avons pas réussi à identifier le lieu exact de leur mort. Elles ont été déplacées après le forfait commis, mais nous n'avons aucune idée de l'endroit où ils se trouvaient au moment du meurtre. »

Les deux détectives s'avancèrent inconsciemment sur leurs sièges, très intéressés par ce qu'avait à leur dire Bastien.

« —On sait que Margot Delambre sous-loue un des appartements dont je vous parlais tout à l'heure. L'appartement en question a été fouillé et de minuscules traces de sang, appartenant très probablement à la victime, ont été retrouvées. Ainsi, on peut supposer que Black Bird utilise sûrement une bâche pour que le lieu reste « propre ».

« C'est pour ça qu'on n'avait rien retrouvé dans les autres probables lieux de crimes que nous avons fouillés. Parce qu'il prend trop de précautions et ne tâche rien avec ses meurtres. Mais là, il commence à faire des erreurs. Il commence à perdre pied. On le tient bientôt, j'en suis sûr. »

  Toujours très optimiste, Bastien avait réussi à remonter le moral aux détectives. Ils étaient à nouveau plus motivés que jamais pour attraper Black Bird.

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