Chapitre 32 : L'avertissement
7 mai
Ce matin, aux bureaux, les détectives avaient du courrier. Une grande enveloppe en papier kraft était arrivée au secrétariat par la poste. Le cachet était celui du centre de tri de Jouville. Curieux, les détectives, qui ne recevaient habituellement aucun courrier sur leur lieu de travail, et encore moins de cette manière, s'empressèrent d'ouvrir l'enveloppe. Mais avant que Béthanie ne commence à décacheter le rabat, Patron interrompit son geste.
« —Met des gants, lui ordonna ce dernier. »
Béthanie lâcha donc avec frustration l'enveloppe afin de couvrir ses mains de gants en latex qui étaient à disposition des détectives dans leur open-space. Une fois que ce fut chose faite, elle se dépêcha de s'atteler à nouveau à sa tâche d'ouverture.
La détective sortit alors de l'enveloppe une feuille cartonnée au format A4. Il s'agissait d'une photographie de piètre qualité imprimée par une machine, paradoxalement sûrement de qualité professionnelle.
La photographie montrait une étagère avec cinq bocaux alignés. Quatre de ces bocaux étaient pleins. Ils étaient pleins d'une espèce de liquide pouvant être du formol, et d'organes. Un utérus, une vessie, un rein et un morceau d'intestin. Les organes des victimes de Black Bird.
Le cinquième bocal vide était une provocation pure et simple. Black Bird indiquait aux détectives qu'il comptait faire une cinquième victime. Après avoir tué et mis en scène le cadavre de Beverly pour prévenir les détectives qu'il suivait leurs faits et gestes, il se jouait d'eux à présent.
Les quatre détectives écumaient de rage. Ils se sentaient tout aussi impuissants. Le tueur en série qu'ils traquaient depuis plusieurs mois maintenant allait frapper à nouveau et ils ne savaient ni quand, ni sur qui. La mauvaise qualité de la photographie et le cadrage de l'étagère ne leur apportait pas plus d'indices.
« —Est-ce que quelque chose du côté de nos suspects peut être mis en rapport avec cette lettre ? demanda Maggie à Patron. »
Par suspects, elle parlait de Cameron Lacheray, Kevin Nobeau et Pierre Chevez. Ils étaient placés sous discrète surveillance policière.
« —Non, lui répondit Béthanie qui était chargée de coordonner les filatures. Je ne vois rien qui puisse les confondre avec cet évènement. »
La détective alla jusqu'à son bureau et en sortit un énorme dossier bleu qu'elle ouvrit. Elle se saisit de quelques feuilles qu'elle relut en diagonale.
« —Non, répéta-t-elle. Peut-être éventuellement Pierre Chevez. Il a posté du courrier depuis la boîte du campus. Mais c'était il y a neuf jours. On aurait dû la recevoir avant.
—Je vais transmettre cette lettre au lieutenant Messant, indiqua Patron en enfilant des gants en latex à son tour afin de récupérer leur missive. Béthanie, je te laisse m'accompagner. À tous, pas un mot de cette lettre à qui que ce soit. »
Les quatre détectives acquiescèrent et Patron les quitta, suivi par Béthanie.
« —On est sensés deviner qui est la prochaine ? demanda Ewen dépité.
—Il a peut-être laissé un indice sur la photo qu'on n'aurait pas vu ? hasarda Djamila.
—Il nous mène en bateau depuis le début cet enfoiré !
—Je me demande quelles sont ses réelles motivations, fit Maggie songeuse.
—C'est-à-dire ? l'interrogea sa collègue.
—Est-ce que Black Bird tue pour la gloire ? Par vengeance ? Par haine des prostituées ? Ou pour se jouer de nous ?
—Est-ce que savoir ça change vraiment quelque chose ? demanda Ewen.
—Oui. Si on veut lui mettre la main dessus, il faut le comprendre. Si on veut lui tendre un piège, il faut le prendre à son propre jeu.
—Ça a peut-être évolué ?
—Peut-être. Mais ça m'étonnerait. Donc, je pense qu'on peut éliminer la haine des prostituées. M'est avis qu'il s'en prend à cette population car ce sont, la plupart du temps, des femmes désespérées et isolées. Et ça lui fait ressembler à Jack l'Éventreur. C'est parfait pour son égo de tueur en série qui se croit intouchable. »
Maggie se tût soudainement. Ewen allait l'interpeller, mais Djamila, qui avait compris que sa collègue commençait à voir un plan germer dans son esprit, l'en empêcha.
« —J'ai une idée, finit par dire Maggie.
—Oui ? s'intéressa vivement Ewen.
—On va demander à Nicolas Lancier de nous écrire un petit article sur Black Bird.
—Encore ?! Mais il en sort à la pelle vu que c'est THE info qui fait vendre en ce moment.
—Il ne va pas écrire n'importe quoi. On va lui demander de rédiger une connerie à propos d'une fausse analyse sur le profil psychologique du tueur.
—Je vois où tu veux en venir, fit Djamila enjouée, et ça me plaît.
—C'est possible de m'expliquer ? s'agaça Ewen.
—On va inventer un profil qui ne le met pas du tout en valeur. Ça va l'énerver et il commettra forcément une gaffe un moment ou l'autre en voulant prouver sa supériorité.
—C'est génial Maggie. Si on ne t'avait pas, il faudrait t'inventer. »
Maggie rosit de plaisir.
« —Mais il faudra être vigilants, se reprit la jeune femme. Il ne faudrait pas que nous nous laissions dépasser une fois de plus et qu'il tue à la chaîne sans que nous n'y puissions rien, et à cause de nous.
—Pas faux, répondit Ewen en haussant les épaules. Mais si on ne tente rien, on ne s'en sortira jamais.
—Pas faux, le singea Maggie avec un sourire malicieux. »
Aussitôt réfléchi, aussitôt fait. Les trois détectives se rendirent aux bureaux de la rédaction du journal local et eurent la chance d'y trouver Nicolas qui s'apprêtait justement à partir sur le terrain. Ils lui soumirent alors leur idée.
« —Je ne sais pas si j'ai le droit... lâcha le journaliste visiblement honteux de cet aveux.
—Tu inventes un nom de profileur et le tour est joué. Le rédacteur en chef vérifie vos sources ? demanda Maggie en tentant de dissimuler son exaspération.
—Pas les miennes. Encore un avantage à être en de bons termes avec lui.
—Alors fonce ! Et merci pour tout Nicolas, merci ! »
Fier d'aider les détectives, Nicolas bomba le torse en les saluant. Puis, il les quitta précipitamment, de peur de rater l'évènement pour lequel il se préparait à sortir.
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