Chapitre 31 : La deuxième a un nom

2 mai

L'enquête n'avançait toujours pas. Pierre Chevez avait, tout comme Cameron Lacheray et Kevin Nobeau, été placé sous surveillance. Aucun agissement suspect n'avait pu être remarqué chez ces trois individus. Si l'universitaire s'était rendu à la rue aux Ours échanger avec des prostituées quelques jours plus tôt, cela n'avait rien d'anormal au regard de ses recherches.

Pierre avait rencontré deux prostituées à qui il avait donné rendez-vous dans un bar-hôtel de la rue. Ils s'étaient installés à une table en terrasse et avaient eu une discussion absolument banale durant laquelle il apprit que ces deux femmes étaient de grandes amies d'enfance dont le proxénète n'était autre que le frère de l'une d'entre elles. Il n'avait pas cherché à les draguer – outre son attitude naturelle – et elles n'avaient pas cherché à obtenir plus de faveurs de lui que l'attention qu'il leur portait déjà.

Les détectives étaient sceptiques quant au fait que ces prostituées pourraient être les prochaines cibles. Si un autre cadavre devait être retrouvé, ce ne serait sûrement pas l'un des leurs. Peut-être étaient-ce les suivantes après une prostituée déjà plus largement embourbée dans les filets du professeur ?

Cette journée, apparemment morose au premier abord, apporta pourtant aux détectives une information capitale pour leur enquête. Durant l'après-midi, Djamila appela. Elle avait retrouvé l'identité de leur deuxième cadavre, la russe qui n'avait jamais été identifiée jusqu'alors. Les quatre détectives se donnèrent donc rendez-vous au commissariat de Fécamp où se trouvait déjà Djamila.

La jeune femme invita ses collègues à venir s'installer dans le bureau qui lui avait gentiment été prêté le temps de ses recherches. Il n'y avait pas assez de chaises pour tout le monde alors, très gentleman, Ewen laissa les femmes s'asseoir, préférant appuyer sa hanche contre le bureau.

« —Bon ! lança Djamila en remplissant ses poumons d'air. Ça y est, je pense avoir retrouvé qui est notre deuxième victime. Il s'agirait de Ksénia Borisov, 21 ans. Elle était originaire de Volgograd et a quitté son pays par le port de Krasnodar il y a 2 ans. Elle devait entrer illégalement sur le sol italien, mais leur passeur n'était pas honnête et il les a fait débarquer en Bulgarie.

« C'est là où son calvaire a commencé. Les femmes ont été emmenées et vendues à des proxénètes. Elle a été achetée avec sa compatriote dont nous avons déjà entendu parler, Nastya Isaev. Elles ont été forcées à se prostituer pendant 4 mois, mais le trafic d'êtres humains ne s'est pas arrêté là.

« Une autre femme, apparemment dans la même situation qu'elles, leur a fait miroiter la liberté en Allemagne. Elles ont donc organisé une fuite de la Bulgarie à trois, mais c'était en fait un piège. La femme recrutait pour son propre mac, en Allemagne.

« Là, elles n'y sont restées que 2 mois car le mac est tombé. Elles ont alors fui ce nouveau pays pour arriver en France avant qu'un autre proxénète ne prenne la relève, comme cela était apparemment prévu. Elles ont voulu rejoindre Jouville pour quitter l'Europe où elles ont vécu un cauchemar, et aller vivre le rêve américain. Et là, l'histoire se répète. Elles se font embobiner par une femme qui leur promet de les aider à s'échapper, et elles retombent entre les griffes d'un proxénète.

« Elles vivaient illégalement en France mais n'étaient pas recherchées pour autant. Le principal pour elles, c'était de ne pas se faire contrôler. Mais elles ont bien une fiche à leur nom ici car elles avaient essayé de s'enfuir par ce port. Malheureusement pour elles, les policiers leur avaient tendu une embuscade. Ça a fait beaucoup de bruit et beaucoup d'associations s'en sont mêlées. Elles ont fait de la garde-à-vue, mais pas de prison. Elles devaient être renvoyées chez elles, mais elles ont réussir à s'enfuir pendant le laps de temps entre la garde-à-vue et l'expulsion. Voilà pour leur histoire.

—Chapeau Djam' ! la félicita Béthanie approuvée par ses deux autres collègues. »

Djamila ne cacha pas sa fierté d'avoir, encore une fois, réussi à remettre un nom sur un cadavre anonyme. Ainsi, cette femme pourra rejoindre sa famille et être dignement inhumée.

Passée l'euphorie de la découverte, d'autres questions préoccupantes affluèrent. La première vint de Maggie :

« —Je me demande quand même comment Black Bird a réussi à mettre la main sur elle alors qu'elle a toujours été sous l'influence d'un proxénète.

—Sûrement en se faisant passer pour un client, lui répondit Béthanie.

—Oui, mais il n'y a apparemment pas eu de représailles. Je trouve ça étrange.

—Il est vraiment très discret.

—On passe à côté de quelque chose.

—Du tueur, soupira Ewen dépité. »

Les détectives continuèrent à débriefer pendant un moment. Chaque explication apportait son lot de questions. Ils n'en voyaient pas le bout. Et ils n'étaient pas non plus au bout de leurs peines.

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