Chapitre 3 : L'intrigant interrogatoire de Raphaël

« —Eh bah ! Vous n'avez pas perdu votre temps pour m'appeler ! lança Raphaël étonné.

—On vient d'apprendre la nouvelle par Patron, lui révéla Béthanie. Et comme on ne peut pas faire grand-chose pour l'instant, si ce n'est rien du tout, on a pensé que tu pourrais peut-être nous apporter des informations supplémentaires.

—J'ai bien peur de ne pas en savoir plus que vous.

—Dis-nous quand même. »

Raphaël se racla la gorge avant de déballer tout ce qu'il savait à propos de ce meurtre :

« —Des éboueurs en fonction ont retrouvé, tôt ce matin pendant leur tournée, le cadavre d'une femme à moitié dissimulé dans un regroupement d'ordures dans la rue aux Ours. Elle était en sous-vêtements, en petite tenue en tout cas, et éventrée, avec des organes manquants, mais on ignore lesquels pour le moment.

« Elle a très vite été identifiée comme étant Janice Brun, une prostituée habituée de la rue. Son nom de... euh... professionnelle, c'était « Jane ». Cerise sur le gâteau, le tueur a laissé sa carte de visite accrochée au soutif de la victime. C'est un petit carton avec une rose rouge sur fond noir et où il est marqué « Black Bird » en blanc. Aucune correspondance avec un autre meurtre n'a été faite pour le moment. On ne sait pas non plus ce que sont devenus les organes. Et c'est tout ce que je sais.

—Effectivement, soupira Béthanie, tu n'en sais pas plus que nous.

—Je vous ai prévenus.

—On sait qui l'a identifiée pour que ce soit aussi rapide ?

—Oui. Margot Delambre. Une collègue à elle avec qui elle faisait souvent des trios apparemment. Elle est plus connue dans leur milieu sous le nom de « Little Doll ».

—En tout cas elles ne manquent pas d'imagination pour se trouver un petit surnom, pouffa Ewen dont la remarque fut très mal accueillie par ses collègues.

—Tu es vraiment qu'un gros con Ewen, commença à repartir Djamila. Tu sais que ces femmes ont besoin de ces surnoms afin de protéger leur identité, leur vie privée, et leur avenir ?!

—C'est bon, je voulais juste détendre l'atmosphère, excuse-moi. »

Par chance, Djamila ne rebondit pas et se contenta de se renfrogner sur elle-même.

« —Et cette Margot Delambre, reprit Béthanie, elle a été interrogée ?

—Aucune idée. Je pense, enfin j'espère.

—Comment ça se fait que c'est elle qui l'a reconnue d'ailleurs ?

—Elle était sur place quand les éboueurs ont fait la macabre découverte. Elle rentrait chez elle après son boulot, deux rues plus loin.

—Alors ça, c'est une sacrée coïncidence.

—C'est ce que je pense aussi. »

Moment de silence accompagné d'une intense réflexion des cinq protagonistes. Ils avaient déjà énormément de moyens d'action et pourtant, ils ne pouvaient rien faire d'autre qu'attendre. Leur niveau de frustration était à son maximum.

« —Raphaël ? interpella Maggie qui sortit tout le petit groupe de ses pensées.

—Oui ?

—On a aussi un service à te demander.

—Je vous écoute.

—On aimerait que tu écrives un article percutant à ce propos, et si possible en une de ton journal s'il te plaît.

—Puis-je connaître les raisons de cette demande ?

—Selon Patron, on doit attendre que la population cède à la panique face à ce meurtrier, qui sera probablement un assassin en série, afin de pouvoir intervenir. On voudrait un peu accélérer les choses en leur faisant peur dès ce meurtre-ci. Si ça peut sauver des vies... »

Raphaël fixa la jeune femme en silence, les lèvres pincées. Une moue de mauvais augure.

« —J'adore l'idée, finit-il par lâcher sans aucun enthousiasme. Vraiment.

—Mais ? le poussa Maggie qui avait compris que cette demande n'aboutirait pas.

—Est-ce que vous êtes au courant que je ne suis pas le rédacteur en chef du journal pour lequel je travaille ?

—Oui, mais il n'y a pas moyen que tu négocies avec lui pour avoir exceptionnellement cette liberté ?

—Vous ne connaissez visiblement pas les relations que j'ai avec mon chef.

—C'est-à-dire ?

—Il me déteste. Et je dois dire que c'est réciproque. Mon vrai patron, c'est Patron. C'est grâce à lui que j'ai eu ce poste, c'est lui qui me protège, et c'est sous ses ordres à lui que j'agis principalement. Devrèche, le rédacteur en chef du journal, n'a pas eu le choix, ça s'est décidé encore plus haut, chez les grands patrons. À cause de ça, il ne me supporte pas car il n'a aucune prise sur moi. Je ne cède pas à ses menaces, et je récolte toujours la gloire des grandes enquêtes que vous menez parce que je suis positionné dessus à chaque fois justement. Donc, quand il n'y a pas d'injonction de Patron, je suis envoyé sur les évènements nuls à couvrir. C'est sa seule possibilité de vengeance.

—Et Patron ? Il ne t'a pas envoyé pour cette enquête justement ?

—Alors ça, c'est le deuxième problème. C'est le lieutenant Messant qui m'a appelé ce matin pour me prévenir de ce qu'il s'est passé. Elle pensait, comme vous, que Patron me demanderait d'écrire à ce propos. Alors j'y suis allé et j'ai pris les infos que je viens de vous refiler. Mais très rapidement, et sans la moindre explication, Patron m'a demandé de ne plus m'en occuper. Alors ce connard de Devrèche s'est donné un malin plaisir à envoyer un collègue à moi à la place.

—J'aimerais tellement saisir le sens des pensées de Patron, s'agaça Maggie. Il a toujours une longueur d'avance sur nous, je me demande vraiment comment il fait.

—J'espère me tromper, mais je pense qu'il attend qu'un autre meurtre ait lieu. Il doit avoir besoin de prouver qu'il s'agit d'un tueur en série. Je ne sais pas encore pourquoi, mais il a sûrement de bonnes raisons de le faire.

—Et ton chanceux collègue, s'agaça Béthanie, tu ne peux pas nous l'envoyer pour qu'il nous donne les infos qu'il a glanées ?

—J'aimerais bien. Mais je pense qu'on va tous se faire remonter les bretelles par Patron si on prend ce genre d'initiatives sans même être positionnés sur cette enquête. On pourrait faire capoter quelque chose de primordial.

—Oui enfin, on connaît Patron. Parfois il ne nous demande rien mais attend tout de nous, c'est peut-être le cas ici aussi ? questionna naïvement Ewen.

—Si j'étais vous, j'écouterais Raphaël et je ne prendrais pas d'initiative personnelle. »

Tous se retournèrent vers la personne qui venait de parler. Il s'agissait de Morgane Liet, la secrétaire personnelle de Patron qui tapait inlassablement sur son ordinateur.

« —Tu sais quelque chose qu'on ne sait pas ? lui demanda Ewen très intrigué par l'intervention spontanée de sa collègue habituellement très discrète. »

Aucune réponse de la part de Morgane. Elle n'avait sûrement pas le droit de leur divulguer la moindre information tant qu'ils n'étaient pas en charge de cette enquête. Tant pis, ils ne feraient rien, et se contenteront d'attendre le prochain meurtre, avec toute l'indignation que soulevait la situation.

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