Chapitre 24 : Un nouveau suspect ?
Annabelle Copain n'était ni chez elle, ni dans sa boutique. Loin de se décourager, les détectives décidèrent de changer de cible. Un coup de fil à Morgane suffit pour leur fournir l'adresse de Kevin Nobeau et les coordonnées de sa CPIP.
Kevin vivait chez ses parents dans un appartement proche de la rue aux Ours. Coïncidence peu banale. C'est Ewen qui sonna à l'interphone.
« —Oui ? fit une voix nasillarde de femme à l'autre bout de l'appareil.
—Bonjour. Je suis Ewen Mercier, accompagné de ma collègue, Maggie Annisterre. Nous sommes détectives privés et nous avons quelques questions à poser à Kevin Nobeau. Habite-t-il bien ici ?
—Il a fait quoi encore ce p'tit con ?
—Rien pour le moment, rassurez-vous. Une simple enquête de routine.
—Pour les autres viols aussi ça a commencé par une simple enquête de routine. »
Contre toute attente, la porte leur fut tout de même ouverte.
« —2e étage, appartement 212. »
Et l'interphone fut raccroché.
Les deux détectives montèrent rapidement les marches et se retrouvèrent devant la porte qui leur avait été indiquée. C'est encore une fois Ewen qui y frappa.
Une femme au physique peu avantageux leur ouvrit. Elle devait avoir une cinquantaine d'années. Un minuscule nez à la pointe disgracieusement relevée se perdait au milieu d'un visage gonflé par plusieurs grossesses consécutives et des années de malbouffe. Ses cheveux, trop fins et trop peu nombreux, étaient noyés sous une couche de sébum confortablement installée sur une teinture blonde bon marché, mais surtout ratée. Pour compléter le tableau, une chemise de nuit beaucoup trop serrée et des chaussons défraîchis depuis bien trop longtemps constituaient la tenue de la femme.
La maîtresse de maison fit entrer les détectives dans son antre. Un appartement miteux, mal entretenu, où se mélangeaient des odeurs de tabac froid et de vieille friture imprégnant les meubles dépareillés et passablement abîmés constituaient ce triste environnement. La pauvreté et la misère. Rien de plus, rien de moins.
La femme les fit asseoir sur des chaises en bois et en paille incrustées de saletés dont il fallait mieux ignorer la provenance. Elle ne leur proposa ni boisson, ni en-cas, ce qui n'était pas plus mal au vu de l'hygiène douteuse qui régnait dans le reste de l'appartement.
« —Kevin est pas là, les informa la femme. Il a découché cette nuit. Mais j'ui ai envoyé un sms et y arrive.
—Merci beaucoup, fit Ewen pas très à l'aise. Vous êtes Madame Claire Nobeau c'est ça ?
—Cattel. Nobeau y s'est barré quand son rejeton a commencé à tripoter les gamines de sa classe. Y a pas supporté les conneries de son propre gosse alors y m'a fait l'coup des clopes. Bien longtemps que j'l'attend pu lui. Y m'a laissée toute seule avec les 6 chiards que j'ai élevés seule. Et y m'font conneries sur conneries. »
Silence gêné des détectives qui ne savaient que faire de toutes ces informations.
« —Et vous savez où votre fils a passé la nuit ? demanda Maggie qui commençait à envisager plus sérieusement cette piste-ci.
—Nan, j'sais pas. Un copain aussi taré que lui j'pense. J'suis plus tranquille quand il est en tôle le Kevin. Au moins y fait d'mal à personne.
—Il est parti à quelle heure hier ?
—Dans la nuit, j'dormais d'jà. J'bouffe des cachetons pour m'endormir sinon j'y arrive pas avec le stress que mes gosses m'infligent. »
Nouveau silence gêné. Cette femme mettait les détectives mal à l'aise. Heureusement pour eux, c'est Kevin en personne qui troubla ce silence en faisant son apparition dans l'appartement. Il s'agissait d'un homme banal. Un visage passe-partout. Des cheveux hirsutes, mais qui se mariaient parfaitement bien avec son style cool. Son teint pâle et ses cernes annonçaient une vie plutôt nocturne.
« —B'jour, lança-t-il à l'adresse des détectives. 'lut 'man.
—Y sont v'nus t'interroger. C'est des détectives. Qu'est-ce t'as fait encore comme connerie toi ?
—Rien j'te jure !
—Ouais, mon cul. Vois ça avec eux. »
Tout penaud, il s'assit face aux détectives après s'être servi une bière bon marché stockée dans le frigidaire. Une bière. À 11h du matin. Même Ewen, grand amateur de ce type de boisson, eut un sursaut à l'estomac.
« —Bon, se lança Maggie. On va déjà commencer par vous demander ce que vous faisiez cette nuit.
—En première partie de soirée, j'étais chez un pote.
—J'vous l'avais dit, le coupa Claire Cattel de son air mal aimable.
—Et ensuite ? insista Maggie.
—On a fait l'after en boîte. Le Hotter. Y zont des caméras de surveillance si vous voulez vérifier. J'ai pas de tickets de carte bleue, j'suis interdit bancaire. J'ai tout payé en liquide. Vous pouvez aussi demander à mes potes, on était 4. Y'avait...
—On vous croit, le coupa Maggie. Merci. »
Kevin était visiblement rôdé aux interrogatoires. À cela près qu'il n'avait pas développé le réflexe de demander un avocat. Et c'était tant mieux pour les détectives.
« —Que faisiez-vous du 12 au 13 mars dernier ? poursuivit Maggie.
—Ouah ça date. J'sais pu moi.
—Essayez de vous souvenir. Aucun évènement ne vous a marqué autour de cette date ?
—Nan. Rien du tout. »
Maggie ne chercha pas à remonter plus loin. C'était peine perdue.
« —Mais pourquoi vous m'posez toutes ces questions déjà ? demanda Kevin.
—Vous n'avez pas votre petite idée ? rusa la jeune détective.
—Z'allez pas m'dire qu'y'en a 'core une qui s'est plainte que j'l'ai touchée quand même ?
—C'est à vous de nous dire ça Monsieur Nobeau.
—Elle était consentante ! C'est elle qui m'a chauffée en boîte l'aut' jour avec sa minijupe qui moulait son cul qu'elle v'nait frotter contre moi. Elle m'a suivie dans la voiture sans contrainte et sans qu'j'demande rien c'est elle qu'a commencé à m'su...
—D'accord, le coupa Maggie qui n'avait aucune envie d'entendre la suite de ce récit qui n'avait visiblement aucun rapport avec leur enquête. Quel est le nom de cette femme dont vous parlez ?
—Oh j'sais pu moi. J'demande pas son nom à toutes celles que j'soulève.
—Il y en a eu d'autres comme elle ?
—Euh, ouais, p't'être. J'sais pu moi. Ça arrive souvent que j'm'en tape une en boîte. C'est pour ça que j'y vais autant. L'entrée et un ou deux verres c'est moins cher que d'se payer une pute.
—Ça tombe très bien que vous me parliez de ça parce que je voulais justement vous demander si vous fréquentez parfois la rue aux Ours, ou ses travailleuses du sexe.
—J'viens d'vous l'dire. J'ai clairement pas assez d'thunes pour m'payer une pute. Entre ma came pour ma conso perso, et les soirées en boîte avec les potes, les sous ils partent vite.
—Vous faites quoi dans la vie Monsieur Nobeau ?
—J'ai pas trop un CV qui donne envie. J'ai arrêté avant l'bac et, à cause de la tôle, j'ai jamais eu d'taff. C'est pour ça que j'dois vivre chez ma mère.
—Et t'es même pas capable d'économiser tes allocs alors que j'te demande pas un rond, pesta Claire Cattel. J'suis encore trop bonne trop conne comme on dit.
—J'ai une dernière question, enchaîna rapidement Maggie avant que Kevin ne puisse renchérir à la remarque de sa mère. Avez-vous déjà entendu parler de Black Bird ?
—C'est quoi ça ? demanda l'interrogé. Un groupe de musique ? C'est quoi l'rapport avec moi ? »
Il n'avait pas l'air de simuler. Malgré le tapage médiatique que l'affaire engendrait, il ne semblait vraiment pas avoir entendu parler du tueur en série. Maggie en était persuadée, il n'avait rien à voir avec leur enquête. Par acquis de conscience, ils iraient quand même interroger sa CPIP, mais ils ne s'attendaient pas à un brutal revirement de situation.
« —C'est rien, répondit Maggie. Laissez tomber. Merci pour votre coopération. Nous n'allons pas vous embêter plus longtemps.
—Mais du coup l'est innocent Kevin ? demanda Claire Cattel.
—Innocent pour notre enquête, certainement. Pour ce qui est du reste... »
C'est en les laissant dans ce suspens que les détectives quittèrent l'immeuble avec soulagement.
« —Vivement que tout cette enquête se termine ! soupira Ewen une fois les portières de la voiture refermées. J'en peux plus de ces familles désespérées.
—Vivement surtout que cette enquête se termine pour que nous n'ayons pas de nouveau cadavre sur les bras.
—Oui, bien sûr. Bon, on fait quoi ? On va voir la CPIP ?
—Vu l'heure, je pense que la CPIP de Kevin Nobeau est en pause déjeuner ou va bientôt l'être. Je te propose que nous allions nous aussi manger un bout, puis nous irons l'interroger ensuite.
—Ça marche. La boulangerie comme d'hab' ? »
Maggie acquiesça et ils se mirent en route, en direction de leur boulangerie fétiche, celle juste en face de leurs bureaux.
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