Chapitre 22 : La quatrième
17 avril
Maggie arriva aux bureaux à huit heures. La veille, Patron avait réuni ses détectives et le lieutenant Messant afin d'étudier les possibilités d'action face à Cameron. Entre-temps, elle avait reçu le planning du camion envoyé comme promis par Mariam. Cela les aiderait grandement dans leur tâche.
Les venues du camion dans la rue aux Ours ne correspondaient pas vraiment aux meurtres. Il n'y avait en tout cas pas de régularité. Mais cela ne voulait rien dire. Cette couverture lui servait pour faire du repérage. Le reste, il ne le faisait pas en tant que bénévole.
Les quatre détectives étaient à leurs postes quand Patron entra dans le bureau, l'air grave.
« —J'ai deux mauvaises nouvelles, lança-t-il sans même une formule de politesse en amont.
—Oh non... anticipa Béthanie qui s'attendait déjà au pire. »
Djamila, qui craignait à présent plus que tout pour la vie de sa sœur qui faisait probablement du bénévolat avec un tueur en série de prostituées, tout en en étant une, retint son souffle. Heureusement pour elle, Patron ne fit pas durer de suspens :
« —Cameron Lacheray n'est pas notre homme.
—Comment ça ? questionna Ewen.
—Il a un alibi indiscutable le soir où la première victime a été tuée. Il était dans le camion avec l'équipe de bénévoles dans une autre ville. Trop loin pour avoir pu commettre son forfait. Il a aussi un puissant alibi pour la troisième. Il était en vacances à la Réunion où il a de la famille. Enfin, il a un alibi pour la quatrième.
—La quatrième ?! s'extasièrent les détectives en une seule voix.
—C'est la deuxième mauvaise nouvelle. Un corps a été retrouvé au petit matin dans le bois des Milles Pas, près d'un tas d'ordures. Ce qui me laisse penser qu'au moins Maggie a été repérée car j'émets l'hypothèse qu'il n'a pas laissé le cadavre à cet endroit innocemment.
—Même procédé que pour les autres ? questionna une Béthanie dépitée car anticipant déjà la réponse.
—Même procédé.
—Connait-on l'identité de la victime ? risqua Maggie qui n'avait aucune envie d'entendre la réponse.
—Il s'agit de Beverly Saint-Martin. »
Maggie crut sentir le sol s'effondrer sous ses pieds. L'innocente et infantile Beverly. La jeune femme poussée à se prostituer pour espérer échapper un jour à la tyrannie de sa mère. Ses rêves d'avenir joyeux s'étaient brusquement éteints en une nuit à cause du funèbre prince charmant qui sévissait dans la rue aux Ours. À cause de Black Bird.
Une rage immense et inqualifiable prit possession de son corps. Elle eut envie de pousser un hurlement de colère. Le pire dans tout ça, c'est qu'elle ne savait pas si elle était davantage en colère contre Black Bird ou contre elle-même. Elle s'en voulait de n'avoir rien fait pour protéger Beverly alors qu'elle avait tous les éléments en sa possession pour deviner qu'elle était la potentielle prochaine victime. Elle l'avait pressenti et pourtant, elle était morte quand même.
« —Ça va Maggie ? demanda Béthanie qui avait vu, comme les autres, sa collègue pâlir et tituber.
—Non. NON ! Non ça ne va pas ! Je lui parlais il n'y a pas 48 heures. Et j'ai ressenti le danger qu'elle courait ! Mais je n'ai rien fait !
—C'est-à-dire ?
—Je lui ai demandé si elle était amoureuse. Elle m'a assurée que non, mais elle mentait. J'aurais pu convaincre le lieutenant Messant de lui accorder une protection policière, j'aurais...
—Non, la coupa doucement Patron. Quand bien même une telle protection lui serait accordée, il aurait été particulièrement difficile de la mettre en place. Les seuls gardes du corps autorisés dans la rue aux Ours sont les proxénètes des prostituées.
—Mais vous ? insista Maggie. Vous n'auriez pas pu lui assigner quelqu'un de votre répertoire ? Sandy Leval par exemple ?
—Non Maggie. Personne n'aurait pu la protéger. Quand tu lui as parlé, elle était déjà condamnée. Je suis désolé que ça se soit passé ainsi. Si tu as besoin d'un peu de repos...
—Non ! le coupa Maggie avec véhémence. Je n'abandonnerai pas cette enquête. Quatre cadavres, c'est déjà beaucoup trop. Quelqu'un veut purger Jouville de ses prostituées. Je vais le retrouver et le lui faire payer.
—Ta motivation n'est pas saine. On ne mène pas une enquête parce qu'on veut venger quelqu'un ou quelque chose. On mène une enquête parce qu'on veut que justice soit rendue.
—Je veux que justice soit rendue.
—Certes. Mais est-ce le principal sentiment qui t'anime ? »
Maggie ne répondit rien. Patron avait raison. C'est la colère qui guidait ses pensées. La colère et l'affliction. Et avec ça, elle n'arriverait à rien. Il fallait qu'elle se reprenne. Elle prit alors une profonde inspiration et puisa des forces au fond d'elle-même pour trouver un apaisement immédiat.
« —Bien, fit Patron ravi de voir sa détective reprendre le contrôle d'elle-même. Je pense que maintenant vous avez du travail. Nicolas Lancier possède déjà pas mal d'informations à propos de ce meurtre. Une petite visite à Bastien en fin d'après-midi pourrait être toute aussi enrichissante. Et l'interrogatoire de la mère de Beverly Saint-Martin devrait vous en apprendre un peu plus sur le contexte de vie de cette jeune femme.
—Djamila, Béthanie, ça vous dit d'aller interroger la mère ? demanda Ewen dépité à l'idée de recroiser cette exécrable femme. On y a déjà eu le droit une fois, j'ai vraiment pas envie d'y retourner.
—Non, répondit Patron avant que l'une ou l'autre concernée ne puisse le faire. J'aimerais que Djamila, tu ailles consulter le fichier des immigrations afin de tenter d'enfin retrouver l'identité de notre deuxième victime. D'après ta sœur, il pourrait s'agir d'une femme de nationalité russe vivant illégalement sur le territoire français. On se doit de fouiller cette piste. Béthanie, quant à toi, j'aimerais que tu intègres l'équipe de Ludivine Messant qui est sur l'affaire. Ils vont avoir besoin de renforts j'imagine. »
Ewen soupira tandis que ses deux collègues acquiescèrent. Djamila et Béthanie se mirent immédiatement en route. Les deux détectives restants prirent le temps de réfléchir à leur emploi du temps pour la journée.
« —On commence par quoi ? demanda le jeune homme qui ne pouvait s'empêcher de montrer son abattement.
—Je pense que la mère de Beverly est encore en train d'être interrogée, lui répondit Maggie. Je te propose qu'on aille directement au journal pour aller récupérer les infos que Nicolas a pu glaner. »
Ewen approuva cette proposition, et les deux compères se mirent en route en direction de la rédaction du journal local.
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