Chapitre 15 : Raphaël a de la concurrence
16 mars
Ce matin, aux bureaux, Maggie fut surprise d'y trouver son collègue journaliste, Raphaël Potéo. Il était avachi dans l'un des confortables fauteuils du coin salon de l'open-space, l'air morose.
« —Bonjour Raphaël, lui lança Maggie. Qu'est-ce que tu fais là ? Tu viens nous rendre visite ?
—Salut Maggie, lui répondit-il. J'ai rendez-vous avec Patron. Je crois qu'il perd la main sur le journal.
—Qu'est-ce que tu entends par-là ?
—Comme vous enquêtez, je suis normalement sensé couvrir les meurtres en série. Sauf que Devrèche ne me laisse pas reprendre l'affaire. Depuis votre dernière enquête, je ne fais qu'écrire sur des évènements insignifiants. Si on m'envoie encore sur une énième braderie d'hiver, je crois que je vais devenir fou. »
Le journaliste n'eut pas le temps de continuer à se lamenter car Morgane l'informa que Patron était prêt à le recevoir. C'est en traînant des pieds qu'il se rendit à son bureau.
« —Il faut bien qu'il ait des failles ce Patron, lança Djamila qui ne paraissait pas être particulièrement touchée par le sort de son collègue.
—Ça tombe quand même très mal, lui répondit Béthanie. En pleine enquête sur un tueur en série, il n'a plus la possibilité d'envoyer son journaliste sur le terrain.
—Je pense que l'enquête est tout simplement trop grosse pour que le rédacteur en chef laisse Raphaël y aller. Surtout s'il le déteste.
—Il faudra donc qu'on se rapproche du journaliste qui a le droit à ce traitement de faveur. Si on ne peut pas travailler avec Raphaël, on bossera avec son collègue. Ce n'est certainement pas ce contretemps qui nous empêchera d'avancer.
—Il doit y avoir de gros conflits d'intérêts à cause de cette enquête, dit Ewen. À mon avis, ça dépasse les compétences de Patron qui a le bras long, mais sûrement pas assez pour s'opposer à tout ça.
—On ne va pas tirer de conclusions trop hâtives, lui répondit Béthanie avec flegme. On attend que Raphaël revienne et nous explique ce qu'il en est, et ensuite on avisera. »
Les détectives virent leur collègue journaliste revenir au bout d'une bonne trentaine de minutes. Lorsqu'ils perçurent sa mine déconfite, ils comprirent instantanément que les nouvelles n'étaient pas bonnes du tout.
« —Alors ? s'empressa de lui demander Ewen.
—Alors je ne vais pas pouvoir récupérer cette enquête, lâcha Raphaël en se laissant tomber de tout son poids dans le fauteuil qu'il avait quitté quelques minutes plus tôt.
—Patron n'a rien pu faire ? questionna Béthanie sans cacher son énorme déception ponctuée d'une certaine inquiétude face à la situation dans laquelle ils se trouvaient tous.
—Non. Il m'a expliqué qu'il ne pouvait pas s'opposer aux décisions qui sont actuellement prises à la tête du journal et que, le temps de l'enquête, c'est Devrèche qui a la main sur son équipe, moi compris.
—On est désolés pour toi Raphaël...
—Je vais demander une petite semaine de congés. J'ai besoin d'une pause.
—Tu as entièrement raison. Prend du recul, ça ne peut que te faire du bien. »
Le journaliste soupira. Maggie avait mal au cœur à le voir ainsi, lui qui était habituellement d'humeur si joyeuse.
« —Je vais y aller, fit l'importuné en se levant sans énergie de son fauteuil. De toute façon, vous n'allez pas avoir besoin de moi de toute l'enquête alors...
—Détrompe-toi ! lança précipitamment Maggie avant qu'il ne quitte la pièce. »
Raphaël lui lança un regard interrogateur, plein d'espoir.
« —Même si tu n'es pas sur le terrain, lui expliqua la jeune femme, tu peux quand même nous être utile. Devrèche veut t'éloigner de l'enquête ? On va passer au-dessus et collaborer avec ton collègue qui couvrira l'affaire. Tu ne publieras sûrement pas d'article sur ces meurtres, mais tu peux nous servir d'intermédiaire, continuer à surveiller ce que fait ton collègue, les infos qu'ils peut glaner, et nous les transmettre.
—Maggie, commença un Raphaël regalvanisé, si je ne t'avais pas dans ma vie, elle serait tellement plus morose ! Enfin... En tout bien tout honneur bien sûr. Je ne voudrais pas avoir de problèmes avec Alex. »
Ils rirent de bon cœur.
« —Bon ! lança Raphaël le plus sérieusement du monde, interrompant la sensation de bonne humeur ambiante. Par où je commence ?
—Est-ce que tu peux nous faire rencontrer ton collègue ? lui demanda Béthanie.
—Bien sûr. Il doit se trouver dans les locaux du journal. Je pense qu'il sera ravi de collaborer avec vous. Vous verrez, il est sympa. J'ai vraiment rien contre lui. C'est Devrèche l'enf...
—Super Raphaël, on y va sur-le-champ alors. »
Les quatre détectives et le journaliste se rendirent donc au QG du journal local. Ils longèrent un couloir où se trouvaient de nombreux bureaux en enfilade. C'est une fois presque arrivés au fond du couloir que Raphaël s'arrêta face à une porte.
« —Il bosse ici, leur indiqua-t-il. Juste à côté de Devrèche. Il a installé ses chouchous dans les bureaux à proximité. Le mien, il est à l'autre bout du couloir. »
Il leva les yeux au ciel, signe d'exaspération, puis il frappa à la porte du bureau qu'il venait de désigner. Une voix d'homme lui indiqua qu'il pouvait entrer.
« —Salut Nico, lança Raphaël en passant la tête dans la petite ouverture qu'il venait de faire. Je te dérange ?
—Non, lui répondit la voix de l'autre côté de la cloison. Entre.
—Je suis accompagné de quatre amis, c'est bon ?
—Comment ça ?
—On va t'expliquer. »
Raphaël ouvrit plus grand la porte et fit signe aux détectives qu'ils pouvaient entrer. Ils se retrouvèrent dans un bureau à peine assez grand pour tous les contenir. Assis derrière un ordinateur extra fin, un jeune homme dévisagea les nouveaux venus. C'était un homme au physique banal, passe-partout et avenant.
« —Nico, fit Raphaël, je te présente Maggie, Djamila, Béthanie et Ewen. Ce sont mes collègues détectives privés. Les collègues, je vous présente Nicolas Lancier, le journaliste qui s'est vu attribuer l'enquête de notre côté. »
Tous se dirent qu'ils étaient enchantés de se rencontrer.
« —Christophe m'a positionné sur ces meurtres dès le début, commença à expliquer Nicolas.
—Christophe ? questionna Béthanie.
—Notre rédacteur en chef.
—Devrèche, précisa Raphaël avec un air écœuré.
—D'accord, merci.
—Je disais donc que j'écris les articles concernant votre enquête depuis que les meurtres ont commencé, poursuivit Nicolas non sans une petite pointe de fierté dans la voix. En quoi puis-je vous aider ?
—Nous aimerions que vous nous partagiez toutes vos informations à ce propos, s'il vous plaît. »
Nicolas leur déballa donc tout ce qu'il savait. Rien de plus que les détectives, et même beaucoup moins. Le dévouement et le professionnalisme de Raphaël leur manquait déjà.
« —Est-ce que notre collaboration va dans les deux sens ? demanda Nicolas, très intéressé. Je veux dire, est-ce que vous aussi vous me transmettrez les infos que vous aurez de votre côté ? Si ce n'est pas possible, je comprends tout à fait et ne changerai pas d'avis concernant ma volonté de vous aider.
—Comptez sur nous, le rassura Béthanie. Ça ira dans les deux sens.
—Alors je vous écoute. »
Béthanie se chargea alors de lui transmettre certaines informations qu'elle avait sélectionnées avec soin. Maligne et habile. Nicolas ne sembla pas s'apercevoir qu'il se faisait duper, et paraissait plus que satisfait d'obtenir de nouveaux scoops à mettre dans ses prochains articles.
« —Avant de vous quitter... commença Maggie.
—Euh, la coupa timidement Nicolas, est-ce qu'on ne pourrait pas tous se tutoyer maintenant qu'on va travailler ensemble en quelque sorte ? »
Tous approuvèrent, ce qui fit visiblement le bonheur du journaliste qui était toujours assis derrière son bureau.
« —Excuse-moi Maggie, fit-il, je t'ai coupé la parole.
—Pas de souci. J'allais te demander comment cela se fait-il que les deux premiers meurtres n'aient pas fait la une du journal ? Il y avait pourtant de quoi faire d'excellentes ventes j'imagine ?
—C'est Christophe qui décide de tout ça. Et il a estimé que le meurtre de deux prostituées n'intéresserait pas la population. Mais il a vu le coup du tueur en série venir, alors il m'avait déjà positionné dessus et m'a dit d'être patient, que mon heure de gloire journalistique allait bientôt arriver. C'est sordide, mais c'est malheureusement la réalité de notre métier...
—Ce n'est pas nous qui allons te faire une réflexion à ce propos, ironisa Ewen pour le rassurer. »
À présent, ils avaient le jeune journaliste dans leur poche. Ils le remercièrent et prirent congés pour ne pas l'importuner plus longtemps. Avant de les laisser repartir, Raphaël leur proposa de débriefer à propos de cette rencontre dans son bureau.
Bureau était un bien grand mot. Cagibi aurait été plus représentatif.
« —Voici mon palace, ironisa le journaliste avec un sourire forcé. C'est pas tout confort, mais au moins ça me suffit pour ce que j'ai à y faire.
—Il faut vraiment le vouloir pour continuer à bosser ici, fit tristement Béthanie.
—Je m'accroche en me disant que j'aime ce que je fais. Mais pas le temps pour la déprime ! Alors, vous en avez pensé quoi de mon collègue Nico ?
—Il a l'air d'être moyennement efficace quand même, balança Djamila sans aucun tact.
—Franchement, je ne sais pas d'où il sort. Il est arrivé, tout jeune diplômé il y a environ un an et demi et, comme c'est un lèche-botte, Devrèche l'a tout de suite adoré. Voilà pourquoi il en est là aujourd'hui, parce qu'il ne sait pas dire non et qu'il brosse tout le monde dans le sens du poil. Je n'ai pas douté une seule seconde qu'il accepterait de vous aider. L'opportunité était trop bonne, il faut bien qu'il compense son manque de professionnalisme. »
Les détectives avaient maintenant un nouvel allié malléable. Pourtant, ils allaient de nouveau patauger dans le néant.
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