Chapitre 14 : Retour à la fac - Partie 2
Ses souvenirs de l'université étant encore récents, la jeune détective se repéra sans mal au sein de l'UFR et réussit à atteindre assez rapidement l'aile réservée aux bureaux. Au même moment, elle croisa Alex qui sortait du sien :
« —Quelle bonne surprise ! lança le professeur, visiblement heureux de croiser sa compagne sur son temps de travail.
—Désolée Alex, lança-t-elle davantage concentrée sur les plaques de portes que sur son petit-ami, mais je n'ai pas le temps. Je dois trouver ton collègue avant qu'il n'aille donner son dernier cours de la journée.
—Troisième bureau à gauche, bon courage !
—Merci ! »
Maggie se retrouva donc devant la porte indiquée par son petit-ami. Sur la plaque qui ornait le panneau de bois peint et repeint, les noms de Solange Clerc et Pierre Chevez prouvaient à la jeune femme qu'elle ne s'était pas trompée d'endroit. Elle frappa autoritairement et, quasi instantanément, une voix d'homme lui intima l'ordre d'entrer.
Le bureau était parfaitement bien rangé. Chaque objet semblait être à la place qui lui avait été destinée et qui faisait en sorte qu'une certaine harmonie était préservée dans cette atmosphère professorale.
Assis sur un siège roulant passablement usé, un très bel homme d'une quarantaine d'années, à la chemise cintrée et parfaitement ajustée, les manches retroussées sur des bras finement musclés, faisait face à la jeune détective. Des origines ibériques, qui se devinaient déjà à son nom, étaient physiquement clairement visibles.
« —Bonjour Monsieur Chevez, commença Maggie en lui tendant une main qu'il serra avec une certaine classe. Je suis Maggie Annisterre, détective privée. J'enquête à propos du décès de l'une de vos anciennes étudiantes, Éléonore Manchevin. Je vais donc avoir quelques questions à vous poser si vous avez un moment à m'accorder.
—Bonjour Mademoiselle, lui répondit son interlocuteur sur un ton trop chaleureux pour être honnête. Enchanté de vous rencontrer. Vous êtes la compagne d'Alex, c'est bien ça ? »
Maggie réfléchit vite. Ou elle entrait dans son jeu, ou elle maintenait le cadre de l'enquête à tout prix. Elle regretta de n'avoir pas demandé davantage d'informations concernant cet homme à Alex.
« —Oui, finit-elle par dire. Je suis bien sa compagne, et suis également enchantée de vous rencontrer.
—Votre petit-ami a beaucoup de chance, vous êtes une femme sublime. »
Maggie comprit instantanément les mots qu'Alex lui avait dits la veille au soir : Il est un peu particulier. Effectivement. Un séducteur beaucoup trop sûr de lui. Tant pis, il faudra faire avec.
« —En quoi puis-je vous aider concernant cette étudiante chère Maggie ? poursuivit Pierre Chevez.
—J'aimerais que vous me partagiez tout ce que vous savez sur elle.
—Vous avez de la chance, j'ai une excellente mémoire. Je me souviens donc parfaitement d'elle. C'était une brillante étudiante. Personnellement, je la voyais déjà poursuivre en thèse. C'est avec plaisir que je l'aurais encadrée. Je lui en ai d'ailleurs fait la proposition.
—Et que vous a-t-elle répondu ?
—Qu'elle étudierait ma demande. Cela n'a, comme vous vous en doutez, jamais abouti.
—C'est donc vous qui l'avez suivie pendant la rédaction de son mémoire de fin de licence ?
—Exactement. Comme je suis tous les étudiants en L3 chaque année depuis plus de 4 ans. C'est un rôle très important que l'on m'a attribué, vous savez. Je souhaite un jour à Alex d'avoir des responsabilités aussi importantes que les miennes. Il a beaucoup de ressources. Selon moi, il devrait laisser tomber son poste à l'Éducation Nationale et se concentrer uniquement sur celui qu'il a ici. Il y a plus d'avenir.
—Je pense qu'il y réfléchira, merci de ce conseil. Est-ce qu'on peut revenir à l'enquête s'il vous plaît ?
—Bien sûr. En plus, je n'ai déjà plus beaucoup de temps à vous accorder. Mes étudiants ne vont pas tarder à m'attendre avec impatience. »
La jeune détective marqua une furtive pause. Cet homme n'était pas « particulier », il était tout bonnement détestable.
« —Pouvez-vous m'expliquer en quoi a consisté votre encadrement d'Éléonore Manchevin ?
—Il n'a pas été vraiment différent des autres. J'étais peut-être un peu plus impliqué, mais il faut dire que le sujet qu'elle a choisi était passionnant. Chaque année, nous avons toujours au moins un ou une étudiant.e qui choisit de s'intéresser à la prostitution, mais très rares sont ceux qui arrivent à le faire vivre de cette façon. Je comprends mieux pourquoi maintenant. Elle a vécu la chose. C'est incroyable. Surtout concernant ce type de population. Je vais me répéter mais, Éléonore avait vraiment beaucoup de potentiel en recherche. C'est une très grande perte dans le milieu universitaire.
—Vous n'avez toujours pas répondu à ma question. Comment encadrez-vous les recherches de vos étudiants en L3 ?
—Ils ont un TD tous les quinze jours où on avance petit à petit tous ensemble. Il peuvent aussi solliciter un entretien individuel avec moi-même s'ils sont vraiment en grande difficulté et qu'ils n'arrivent plus à suivre le groupe, qu'ils prennent du retard, ou qu'ils rencontrent toute autre difficulté en lien avec leur recherche.
—Éléonore Manchevin vous sollicitait-elle souvent à propos de sa recherche ?
—Assez, oui.
—Pour quelles raisons ? Elle ne semblait pourtant pas être en difficulté ? Elle ne paraissait pas non plus manquer de confiance en elle d'après les témoignages que j'ai pu obtenir. »
Cette fois, Pierre Chevez ne répondit pas immédiatement au questionnement de la jeune détective. Il réfléchit d'abord à la question qu'il allait donner. Dire la vérité ? Ou mentir ?
« —À vrai dire, commença-t-il lentement, c'est surtout moi qui la sollicitais. Elle avait un sujet tellement passionnant, et un avenir dans la recherche quasi certain, alors j'ai souhaité la suivre tout particulièrement.
—C'est du favoritisme.
—Elle le méritait.
—Vous aviez l'air d'être plutôt attaché à elle.
—D'un lien tout professionnel.
—Évidemment. Quelle a été votre réaction lorsque vous avez appris qu'elle abandonnait ses études ? »
Nouvelle pause réflexive pour l'enseignant.
« —J'étais déçu, fini-il par dire, forcément. Je l'ai un peu vu venir quand même. Elle venait de moins en moins en cours. Les promotions d'étudiants en master sont toutes petites, ça se remarque vite au sein de l'équipe pédagogique. J'ai essayé de la convoquer pour tenter de lui en parler, de la remobiliser. Mais elle n'avait jamais le temps.
—Vous vous doutiez qu'elle avait une double-vie ?
—Je me suis monté plusieurs scénarii en tête. Comme tout le monde, je viens seulement d'apprendre qu'elle avait tout quitté pour se prostituer. Je n'ai été qu'à moitié surpris. Cela explique bien des choses. Vous avez terminé maintenant ? Je vais urgemment devoir vous quitter.
—J'ai une dernière question à vous poser.
—Allez-y, mais vite. Je suis déjà en retard et j'ai horreur de ça.
—La prostitution est-il l'un de vos sujets de recherche de prédilection ?
—Oui. Je porte un grand intérêt à cette population de personnes. Ne me demandez pas pourquoi, moi-même je l'ignore.
—Merci pour votre coopération. Je ne vais pas vous retarder davantage.
—Ce fut un plaisir très chère Maggie. Vous revenez quand vous voulez, idéalement un jour où j'aurai davantage de temps à vous accorder. Je vous recevrai avec un très grand plaisir. Vous êtes une femme très agréable.
—Je n'oublierai pas votre proposition. À bientôt.
—À bientôt jolie Maggie. »
La jeune détective sortit précipitamment du bureau, non pas pour éviter de déranger davantage le professeur, mais pour cesser d'être elle-même dérangée par sa présence. Elle se dirigea alors vers le bureau qu'Alex partageait avec deux autres collègues maîtres de conférences, mais pas encore habilités à diriger des recherches. Par chance, il s'y trouvait encore car il avait attendu sa compagne afin qu'ils puissent rentrer ensemble à leur appartement.
Une fois éloignés de l'université, Maggie se lâcha enfin :
« —Mais quelle horreur ton collègue ! Il a un sérieux problème d'égocentrisme, c'est pas possible autrement.
—Je te l'avais dit qu'il est particulier, pouffa Alex.
—Particulier ? Il est imbuvable !
—Il faut le supporter, c'est vrai. Il a une très grande estime de lui-même, mais il est plutôt sympa quand on apprend à le connaître.
—En tout cas, je suis contente de ne jamais l'avoir eu en cours celui-là !
—Tu l'as raté de peu. Il est arrivé l'année d'après celle où tu as laissé tomber tes études. Et c'est dommage car ses cours sont vraiment intéressants.
—Il travaille sur quoi exactement ?
—Il s'intéresse aux populations marginalisées : prostituées, SDF, personnes en situation irrégulière, etc.
—Mmh, d'accord.
—À quoi tu penses Mag' ?
—Rien, rien.
—N'essaie pas de me mentir, tu n'y arriveras pas. À quoi tu penses ?
—Je pense juste qu'il a l'air de plutôt bien connaître la population touchée par le tueur en série.
—Pierre, un tueur en série ? Sérieusement ? Il est peut-être insupportable, surtout avec les femmes, mais...
—Surtout avec les femmes ! Il a donc a problème avec les femmes.
—Tu vas trop loin Maggie.
—Je ne veux négliger aucune piste.
—Essaie plutôt de le voir comme quelqu'un qui pourrait vous aider dans votre enquête.
—Si on a encore besoin de lui, on lui enverra Ewen alors.
—Excellente idée si vous voulez qu'il se ferme complètement.
—Mais qu'il est chiant ! »
Maggie pesta encore une bonne partie du trajet qu'ils firent à pieds et en bus, ce qui amusait grandement son compagnon. Une fois de retour à l'appartement, ils changèrent de sujet et eurent des discussions plus légères à propos de leur future maison qu'ils souhaitaient faire construire.
Ils avaient visité un nombre improbable de terrains, mais aucun ne semblait leur convenir. Ils cherchaient la perle rare, le terrain qui correspondrait à tous leurs critères. Ils finiraient bien par le trouver. En attendant, ils continuaient à projeter des plans pour la maison de leurs rêves.
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