Chapitre 13 : Retour à la fac - Partie 1

15 mars

Le lendemain, ce n'est qu'au moment de la pause méridienne que Maggie reçut le mail de son petit-ami. Alex lui avait, comme promis la veille, transmis l'emploi du temps de la promotion de M2, ainsi que celui de son collègue Pierre Chevez. En les détaillants, elle se rendit compte qu'elle avait l'occasion de les rencontrer en fin d'après-midi.

Maggie se rendit donc à l'université de Jouville, à l'UFR de sciences humaines où elle y avait elle-même étudié quelques années auparavant, avant de devoir abandonner, faute de fonds suffisants pour survivre. Elle retrouva sans difficulté la salle B109 où le cours de Charlotte Boulard s'achevait. À ce moment, elle se demanda comment elle allait trouver la jeune femme qu'elle n'avait jamais rencontrée. C'est au culot qu'elle décida de se lancer.

En entendant le brouhaha de fin de cours, la jeune détective frappa avec autorité à la porte de la salle et entra sans attendre l'autorisation du professeur. Elle se dirigea spontanément vers lui, un vieil homme à l'air passablement usé par toutes ses années d'enseignement, au costume démodé et largement trop grand pour lui.

« —Bonjour Monsieur Dun, commença Maggie qui avait retenu le nom inscrit sur l'emploi du temps. Je suis Madame Annisterre, détective privée. Je souhaite m'adresser à Charlotte Boulard concernant une enquête en cours. Pouvez-vous m'indiquer où elle se trouve s'il vous plaît ? »

Le silence se fit dans la salle. Le temps s'était comme figé. Les étudiants avaient arrêté leurs mouvements et pris la pause, certains interrompus pendant qu'ils rangeaient leurs affaires dans leurs sacs, d'autres alors qu'ils enfilaient leurs gros manteaux d'hiver. Le professeur paraissait éberlué et bafouilla un long moment en tentant de comprendre la requête soudaine de l'intruse.

« —C'est moi, lança finalement une étudiante au deuxième rang près des fenêtres. »

Maggie se tourna vers la voix. Une jeune femme, pas beaucoup plus jeune qu'elle, la dévisageait avec un regard insistant.

« —Charlotte Boulard ? demanda la détective afin de s'assurer qu'elle ne s'était pas trompée de cible.

—Oui, lui répondit l'étudiante. Que me voulez-vous ?

—Pouvons-nous aller nous isoler quelque part ? J'aurais quelques questions à vous poser. »

Charlotte acquiesça, termina rapidement de regrouper ses affaires, puis les deux femmes sortirent de la salle de cours après avoir salué une assemblée encore perturbée par cette intervention incongrue. L'étudiante en master emmena la détective dans une salle de TP beaucoup plus petite que sa salle de cours, et vide. Elles s'assirent autour d'une table.

Charlotte Boulard était une petite brune banale. Elle avait de grands yeux bruns interrogateurs, et une petite fossette au menton qui lui avait sûrement valu au moins une année de harcèlement scolaire par des ados en manque de reconnaissance.

« —Bien, commença Maggie. Merci de me libérer un peu de votre temps. Comme je le disais tout à l'heure, je suis Maggie Annisterre, détective privée. J'enquête actuellement sur des meurtres en série, et je pense que vous pouvez m'apporter quelques informations à ce propos.

—En quoi je peux avoir la moindre chose à voir avec un tueur en série ? C'est celui qui tue les prostituées de la ville c'est ça ? Vous n'êtes pas en train d'insinuer que...

—Non, la coupa Maggie. Je n'insinue pas que vous vous prostituez. Et je n'ai pas dit que vous avez un lien avec le tueur, mais avec les meurtres, et plus précisément avec l'une des victimes.

—Je ne connais pas de prostituée, vous devez vous tromper de personne.

—Connaissiez-vous une certaine Éléonore Manchevin ? »

Silence. Charlotte ouvrit encore plus grand ses yeux, suivie de sa bouche aux lèvres si minces qu'elles paraissaient être inexistantes.

« —Vous voulez dire qu'Éléonore était une prostituée ? Et qu'elle a été tuée ? demanda l'étudiante dans un état second.

—Oui, je suis désolée de vous l'apprendre de cette façon. C'était une bonne amie à vous ?

—On s'entendait assez bien, oui. Mais, comment savez-vous ça ? On ne s'est plus fréquentées depuis qu'elle a laissé tomber le master. On était copines d'études, c'est tout.

—Je sais beaucoup de choses, voilà pourquoi vous n'avez pas intérêt à me tromper. Que pouvez-vous me dire de plus concernant Éléonore ?

—Elle était sympa. Très joyeuse, tout le temps à positiver sur tout. Elle n'avait pas peur des partiels, elle était gonflée de confiance en elle. On s'est rencontrées en L1. On s'est retrouvées ensemble pour un TD alors qu'on ne connaissait personne d'autre. C'était un gros dossier qui nous a pris beaucoup de temps. C'est comme ça qu'on s'est liées d'amitié. Mais uniquement à la fac. On ne se voyait presque pas en-dehors, on avait chacune notre vie et nos amis. Et ça nous convenait très bien comme ça.

—Pouvez-vous me parler, maintenant, de son mémoire de fin de licence s'il vous plaît ?

—Évidemment ! Elle l'avait fait sur la prostitution ! J'ignorais complètement que c'est parce qu'elle en était une, de prostituée.

—C'est l'inverse. Elle a commencé à se prostituer suite à son travail de recherche.

—Oh ! Alors je comprends mieux pourquoi elle est sortie major de notre promotion en fin de licence, avec les félicitations concernant son mémoire. Elle s'est tellement impliquée dans son travail qu'elle en est venue à se mettre dans la peau de ses sujets. Elle est vraiment étonnante de ressources. Mais, pourquoi avoir continué ce métier, au point d'en quitter ses études qu'elle semblait tant aimer ? Elle avait des problèmes ?

—Pas à notre connaissance. Mais peut-être que vous pourriez nous donner une autre version des faits ? »

Charlotte prit le temps de creuser au fin fond de sa mémoire pour tenter de retrouver le moindre souvenir en rapport avec son ancienne amie.

« —Non, lâcha-t-elle soudain. Franchement je ne vois pas quels auraient pu être ses problèmes. Elle était tellement tout le temps joyeuse qu'on aurait dit qu'elle n'avait aucun souci, aucune difficulté. En tout cas, elle n'en avait pas dans ses études, c'est certain. Elle était brillante.

—Vous n'étiez visiblement pas au courant de son décès, affirma Maggie. Vous vous étiez perdues de vue ?

—Oui. Elle venait de moins en moins en cours, et elle semblait moins impliquée qu'en licence. Maintenant que vous m'en parlez, elle me disait effectivement qu'elle était en pleine introspection, qu'elle avait peur de se tromper de voie. Elle a eu un petit passage à vide, comme ça peut arriver à tout le monde. Mais ça ne m'a pas plus inquiétée que ça. En plus, juste avant d'arrêter complètement, elle était de nouveau joyeuse. Je pense, avec le recul, que c'est parce qu'elle avait enfin trouvé sa voie, j'imagine.

« Nous étions assez bonnes amies mais, comme je vous l'ai dit à l'instant, ce n'était qu'une amitié qui existait grâce à la fac, pas en-dehors. Nous avons donc perdu contact tout naturellement puisque nous n'avions plus les études en commun.

—D'accord, merci de ces explications. Comment vous a-t-elle justifié la fin de ses études ?

—Elle ne m'a rien dit de spécial. J'en ai déduis qu'elle avait été lassée, peut-être après s'être surmenée pendant la licence. Elle ne s'est pas confiée à moi à ce propos, mais j'en ai été très surprise puisque, comme je vous l'ai dit, elle était brillante et semblait aimer ce qu'elle faisait. »

Maggie marqua une pause dans l'interrogatoire pour réfléchir, avant de tenter une dernière question :

« —A-t-elle eu des relations amoureuses pendant ses études ?

—Relations amoureuses, je ne sais pas. Mais en tout cas, je sais qu'elle fricotait un peu à droite à gauche, de manière très libérée. Quand nous étions en L3, elle s'est un peu plus attachée à un étudiant en BUT information-communication qui était, je crois, dans son lycée auparavant.

—Vous pouvez développer s'il vous plaît ? Et me donner son nom ?

—Oh, je ne me rappelle plus du tout de son nom... Je ne sais même pas si je l'ai su un jour. Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'elle allait souvent le rejoindre après les cours, elle aimait passer du temps avec lui et, ça se sentait quand elle en parlait, c'était plus qu'une relation charnelle. Il y avait un lien plus intellectuel entre eux, si vous voyez ce que je veux dire. »

Maggie comprit entre les lignes. À présent, son interrogatoire était terminé. Elle remercia l'étudiante avant de prendre congés et de se précipiter vers les bureaux des enseignants et chercheurs. Elle avait très peu de temps devant elle si elle ne voulait pas louper Pierre Chevez, le professeur chargé de recherche en licence.

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