Chapitre 1 : Quand le bonheur côtoie le malheur
31 janvier
Maggie, assise dans sa chaise à roulettes derrière son bureau, était plus concentrée à écouter ses collègues se chamailler qu'à faire son inintéressant travail de recherche dans le fichier Interpol des personnes disparues dans les années 80 où elle n'était même pas encore née. Depuis l'enquête sur la momie retrouvée dans la cave d'une maison familiale en fin d'année dernière, c'était le calme plat.
Noël s'était passé dans la joie pour chacun d'entre eux. Maggie et Alex avaient fêté le réveillon dans l'ancienne famille d'accueil de la jeune détective, puis ils avaient rejoint sa belle-mère le 25 décembre. Ewen était en famille, de même pour Béthanie. Djamila, quant à elle, ne célébrait pas cette fête qui n'appartenait pas à sa culture.
Ils avaient fêté la nouvelle année ensemble, avec leurs conjoints respectifs, pour ceux qui en avaient, c'est-à-dire uniquement Maggie et Béthanie. C'est à ce moment que Béthanie leur avait annoncé la bonne nouvelle : elle s'était fiancée à Coline. Elle avait fait sa demande le matin de Noël, sobrement, au pied du sapin.
Les deux femmes comptaient se marier l'été qui arrivait. Elles avaient choisi leur date : le 15 juillet. 7 mois pour préparer un mariage, il ne fallait plus perdre de temps. Justement, la question du traiteur était au goût du jour.
« —Et Coline, elle en pense quoi, elle ? demanda Djamila sans cacher son agacement face à l'indécision de son amie.
—Elle n'arrive pas à se décider non plus, soupira Béthanie. Les deux sont très bons, dans les mêmes prix, et les retours des clients sont excellents.
—Alors tirez à la courte-paille, suggéra innocemment Ewen.
—Je ne veux pas que mon mariage se décide à la courte-paille. Commence par te trouver une petite amie sérieuse et ensuite, peut-être que tu comprendras l'importance de cet engagement.
—Si c'est pour me faire engueuler, réfléchis-y toute seule alors à ton mariage. »
Et, tel un enfant, Ewen se mit à bouder devant son ordinateur.
« —Ewen a raison, appuya Djamila, on essaie de t'aider et, crois-moi, la tâche n'est déjà pas simple, alors si on doit subir ta mauvaise humeur en plus, on va vite abandonner.
—Excusez-moi, fit honteusement Béthanie. Si vous saviez à quel point je suis stressée... Je me mets énormément de pression pour ce mariage, j'ai trop peur de faire les mauvais choix et que nous le regrettions ensuite...
—Tu vas épouser la femme de ta vie, je ne vois pas ce qui pourrait mal se passer ce jour-ci. Reprend-toi, tu es une détective au sang-froid, pas une boule de stress. »
Ces dernières paroles remotivèrent la future mariée qui porta finalement son choix sur le premier traiteur qu'elles avaient rencontré. L'ambiance dans l'open-space était de nouveau redevenue joyeuse, et les trois amis se remirent à aider leur collègue à organiser son mariage, avec grand plaisir.
La journée fut vite terminée. Les quatre détectives n'avaient pas été très productifs dans leur travail, mais cela leur avait fait du bien.
Maggie avait été la première à quitter son poste. Elle était attendue par sa meilleure amie, Aurélie. Si la journée de travail avait été agréable, il en serait à présent tout autre. Ce soir, elle se rendait au service oncologie de l'hôpital de Jouville.
Environ un an après avoir découvert que sa meilleure amie était atteinte d'un cancer, Maggie continuait à la soutenir dans la lutte contre cette maladie. Ce soir, Aurélie avait eu rendez-vous pour son énième chimio et son amie venait la rechercher afin de la redéposer à son appartement. Si l'an passé elle pouvait encore aisément cacher sa maladie, ce n'était plus le cas aujourd'hui. La jeune femme avait le visage creusé, un corps anormalement maigre, et un voilage cachait son crâne chauve. Seuls ses yeux étaient le reflet de sa combativité.
Après une journée de traitement intensif en ambulatoire, Aurélie était épuisée. Mais elle savait que les effets secondaires allaient être bien pires à gérer que la fatigue. Elle passerait sa nuit et les deux prochains jours à vomir tout son soûl.
« —Tu es sûre que tu ne veux pas venir dormir quelques jours à l'appartement ? lui demanda Maggie pour la troisième fois en un court laps de temps.
—Oui, lui répondit doucement Aurélie. Tu es déjà bien gentille de me ramener chez moi, je ne vais pas en plus vous embêter Alex et toi.
—Tu ne nous embêtes pas, au contraire ! Ça nous rassurerait que tu ne sois pas seule.
—Je te promets que, si je ne me sens vraiment pas bien, je t'appelle aussitôt.
—Mmmh, bougonna Maggie. Bon, et tu ne m'as pas dit, elles donnent quoi tes dernières analyses ? »
Silence. Le visage d'Aurélie se ferma, ce qui suffit à inquiéter instantanément son amie.
« —Ils ne sont pas bons, finit par lâcher la jeune femme.
—Comment ça « pas bons » ?
—Pas bons du tout. Cette saloperie gagne encore du terrain malgré l'intensification de la chimio.
—Ils ne peuvent pas t'opérer à nouveau ? Ça avait bien fonctionné la dernière fois.
—Ils ne veulent plus se mouiller au vu de mon état. Et si c'est pour être à nouveau comme ça ensuite, non merci. »
Maggie ne répondit rien. Son amie n'avait pas tort. Si l'opération de cet été lui avait fait beaucoup de bien dans un premier temps, la maladie était finalement revenue encore plus puissante par la suite. En plus, Aurélie était seule pour lutter face à elle. Cerise sur le gâteau, elle venait d'apprendre que Nicolas, son ex-petit ami qui l'avait trompée sous son nez pendant de longs mois, allait devenir papa avec sa maîtresse, maintenant devenue l'« officielle ». C'est Ewen qui avait gaffé au jour de l'an, où Aurélie avait gentiment été invitée.
Malgré le mal qu'il lui avait fait, Aurélie eut un pincement au cœur lorsqu'elle apprit la nouvelle. Elle était seule avec sa maladie et, son ex-petit ami qui l'avait tant faite souffrir, fondait sa famille. C'était injuste.
« —Et du coup, fit Aurélie plus légèrement afin de changer de sujet, le banquier vous suivrait ou pas ?
—On a encore rendez-vous à la banque en fin de semaine, lui répondit Maggie, il doit nous donner un budget approximatif.
—Et vous avez commencé à chercher un terrain ?
—Oui, on en a repéré deux à la périphérie de Jouville. Mais on ne veut pas se précipiter, on pense qu'on n'a pas encore trouvé LE terrain idéal.
—En tout cas, je suis vraiment heureuse pour Alex et toi, c'est génial de se lancer dans l'aventure immobilière. »
Maggie sourit. Oui, elle était heureuse. Et elle se sentait coupable de ressentir autant de bonheur alors que sa meilleure amie, seule et rongée par le cancer, était assise à côté d'elle.
« —Tu n'y es pour rien Maggie si je suis malade, lui dit Aurélie comme si elle avait lu dans ses pensées. Tu as le droit au bonheur toi aussi, surtout après le début de vie tumultueux que tu as eu. C'est marrant, mais j'ai l'impression que la roue a tourné pour nous deux. Je suis née avec une cuillère en argent dans la bouche, auprès de parents aimants, avec un petit-ami qui avait l'air parfait. Et aujourd'hui, même si je ne manque matériellement de rien, je suis seule et malade. Mais crois-moi, je te soutiendrai dans tous tes beaux projets, peu importe l'état dans lequel je suis. »
Maggie vit son amie essuyer furtivement une larme qui s'était échappée de son œil malgré tout le contrôle qu'Aurélie essayait d'avoir sur elle-même. La jeune détective eut aussi beaucoup de mal à se retenir de pleurer. Il fallait qu'elle soit forte, surtout pour lutter face aux horreurs qu'elle allait encore rencontrer très prochainement.
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