Chapitre 52
Il n'y avait rien de mieux que les vieux bâtiments, c'était ce que j'avais pensé à dix ans, quand mon frère m'avait emmené pour la première fois dans la vieille bâtisse qui deviendrait la fondation de mes parents. À l'époque je ne savais pas ce que se souvenir ou oublier voulait dire. Bien que ces deux termes étaient faits pour s'opposer, j'avais l'impression d'avoir besoin des deux à la fois. D'être perdue entre le vide et le trop-plein et de ne pouvoir décider celui qui était le plus nécessaire à mon être. Je n'avais plus de parents alors autant les oublier, avancer et ne plus penser. Il fallait que leur image s'évapore et que le passé cesse d'éclore. Il ne pouvait plus fleurir, alors autant renoncer à le fertiliser. Je devais rendre stérile mes souvenirs, mais quand chaque pensée était associée au goût du mot aimer, comment y arriver ?
Le sourire de ma mère, la force de mon père. La douceur d'une famille qui n'était peut-être pas parfaite, mais qui n'avait pas besoin de perfection pour être entière. Nous étions nous-mêmes et cela suffisait, mais ce nous où était-il désormais ? Comment le retrouver alors que tout ce qui en restait était des pierres tombales soigneusement gravées ? Pour le faire vivre à jamais, mon frère m'avait emmené ici et m'avait dit que tant que demeurait un souvenir, tant qu'un membre de notre famille était là pour donner du bien à demain, l'amour ne péricliterait pas. Nos parents seraient toujours là. Il suffisait d'être assez fort pour accepter que la mort ne faisait pas s'évaporer le lien et d'être capable de payer ce que se rappeler signifiait.
— À quoi penses-tu mon chaton? me demanda alors Seth.
— À la famille et aux souvenirs.
— Alors il faut que je te change les idées, sourit-il en commençant à glisser la main sous ma jupe.
— Tu ne peux pas me caresser et conduire en même temps, protestais-je en serrant les cuisses.
— Vraiment ?
— Ne me rends pas les choses difficiles.
— Oh si Elisabeth, je vais te rendre les choses difficiles. Très difficiles même, dit-il pendant que ses doigts écartaient le tissu de mon sous-vêtement et commençaient à frotter les plis vulnérables de mon intimité.
Je n'aurais pas dû le laisser faire, mais j'avais trop besoin de libérer la pression qui couvait dans mes veines pour ne pas savourer ses doigts sur mon sexe. Je voulais que mon corps soit vidé pour que mon esprit puisse être reposé et que je sois en mesure de savourer cette journée. De voir partout de l'espoir et de la beauté et non de la mélancolie et de la nostalgie.
— J'ai envie que tu sois humide pour moi. Que tu sentes ton clitoris pulser à chaque pas et le liquide de ton plaisir détremper tes cuisses.
— Seth...
— C'est bien mon coeur, abandonne-toi à moi, murmura-t-il en continuant à frotter mon entrejambe pendant que mes cuisses se contractaient autour de sa paume.
— S'il te plaît...
— Jouis mon chaton.
Jouir, c'est ce que je fis dans un cri. Un long feulement que j'étouffais avec mes mains avant que Seth ne presse la sienne contre mes lèvres, m'incitant ainsi à nettoyer ses doigts trempés. À lécher mes sécrétions sur sa peau, à sucer ses doigts en m'imaginant que son sexe les remplaçait et m'écartelait.
— Quand nous serons rentrés à la maison dit-il les yeux brillants en se garant sur le parking de la fondation, tu pourras me prendre dans ta bouche mon coeur.
La maison, cela sonnait si bien, même si elle n'était pas vraiment chez moi. Je ne pouvais pas dire que le peu de temps que j'y avais passé l'avait transformé en un foyer. Ce n'était pas là que j'avais grandi, mais c'était là que j'avais aimé et cela suffisait car l'amour pouvait tout racheter. Après aujourd'hui il y aurait un demain et cela m'aidait à vivre le poids de cette journée et l'intensité des émotions que je ressentais. À laisser le temps passer et à prendre les choses du bon côté.
— Quel plaisir de vous voir mes enfants, dit soeur Monica en nous accueillant d'une voix forte et joyeuse. Les petits vont être enchantés de votre visite !
— Où sont-ils ? demanda Noah qui adorait toujours être entouré de bambins.
— Avec soeur Catherine. Elle insiste pour enseigner aux enfants les différents usages des plantes !
— Des connaissances botaniques peuvent toujours être utiles. La pharmacologie utilise énormément la nature pour agir.
— Le problème n'est pas l'enseignement mais la manière dont elle l'enseigne.
— Que voulez-vous dire ?
— Je ne suis pas sûre si elle préfère leur apprendre l'art de soigner ou d'empoisonner. Vous vous souvenez du goût de soeur Catherine pour les romans policiers ?
— En effet.
— Eh bien, elle s'est mis en tête de leur lire je ne sais quel roman sinistre d'Agatha Christie où une pauvre âme a été empoisonnée et de tenter de savoir quel poison a été utilisé.
— Quelle inventivité dis-je en haussant les sourcils.
— Une inventivité dont me je me serais bien passée. Arsenic, cyanure, phénol, belladone ! Les petits ne parlent désormais plus que de ça. Cherchant du soir au matin la manière de réaliser un meurtre parfait.
— Ce sont des auteurs policiers en herbe. C'est une bonne chose que leur imagination s'éveille.
— Ma seule crainte est que l'un d'entre eux se mette à confondre les fables et la réalité et décide d'empoisonner le dîner !
— Au moins ils ne sont pas devant la télévision toute la journée.
— Que Dieu nous garde de cet instrument du diable, dit-elle en se signant. Il donne de mauvaises idées aux enfants.
— Lesquelles ma soeur ?
— Que tout le monde est beau, riche et intelligent et qu'une femme a besoin de tonne de maquillage et d'accessoires pour se trouver un mari convenable.
— Un peu de maquillage ne fait pas de mal, dis-je très attachée à mes lèvres rouges et à mon teint parfait. Quand elles seront plus grandes, elles pourront essayer.
— En effet, répondit soeur Monica d'un ton toujours aussi puissant, n'étant absolument pas essoufflée par la vive allure à laquelle elle marchait. Elles le pourront si elles le souhaitent, si elles le veulent pour elles ! Pas pour se transformer en des poupées pour séduire je ne sais quel partenaire imaginaire !
— Vous êtes donc contre le glamour ?
— Croyez-moi mon enfant, quand un homme voit sa femme accoucher, il n'y a rien de glamour là-dedans. Le glamour n'a rien à voir avec l'amour !
— On dirait le slogan d'une publicité.
— Cela pourrait l'être si les publicitaires savaient ce qu'ils faisaient. En attendant vous pourrez confirmer mes dires par l'expérience, dit-elle alors que nous arrivions dans l'un des salons de la fondation.
Une petite pièce douillette où les enfants étaient réunis autour de soeur Catherine qui leur parlait avec délectation de meurtres et de victimes. Elle était en effet tellement passionnée par sa lecture, que ni elle, ni ses auditeurs ne se rendirent compte de notre présence. Le moment était calme et je décidais donc de m'éclipser pour faire un petit tour par les commodités. Ma vessie se rappelant un peu trop fortement à mon bon souvenir.
— Où vas-tu mon coeur ? me demanda Seth alors que je tentais de filer à l'anglaise.
— Aux toilettes.
— Je t'accompagne.
— Ce n'est pas la peine.
— Pourquoi ?
— Parce que je n'ai pas très envie d'uriner devant toi.
— Tu as entendu ce qu'a dit soeur Monica sur le glamour et l'amour ?
— Je l'ai entendu mais ce n'est pas pour ça que je vais l'écouter.
— Un jour, commença-t-il avant que je ne l'interrompe en déposant un léger baiser sur ses lèvres.
— Je ne pense pas murmurais-je avant de me diriger vers les toilettes. Je connaissais la fondation comme ma poche et je n'eus donc aucun mal à remonter les trois couloirs conduisant aux commodités, à faire ce que j'avais à faire et puis à les abandonner en pensant regagner tranquillement l'agitation joyeuse que j'avais quittée.
Je croyais retrouver Seth, mes frères, les enfants et les soeurs mais au lieu de cela, je me retrouvais bâillonnée et recouverte d'un sac sur la tête. Mes mains furent aussi rapidement attachées et alors que je me débattais, essayais de hurler et de crier, tout ce qui m'accueillit fut une pesante obscurité et un pressentiment affreux que j'aurais préféré éviter. Qu'allait-il encore m'arriver ?
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