Chapitre 5
Cela faisait une semaine que je n'étais pas retournée au club de mon frère, en me promettant intérieurement de ne plus jamais y mettre les pieds. Être là-bas, respirer tout ce que ce monde était, m'associait trop à ce qu'il pouvait donner et à cet homme qui m'avait réchauffé, en laissant échapper des mots qui m'avaient bien trop touché. Seth, n'avait pas caché son attirance pour moi et alors que j'avais tout fait pour dissimuler la mienne, ni lui, ni mon frère ne s'étaient laissés duper. Ils étaient trop expérimentés, pour ne pas lire dans mes rougissements, mon corps agité et ces expressions où l'envie et la timidité se disputaient la scène qu'on habitait. Je n'étais pas de taille face à cet endroit, alors j'avais choisi de rester loin de lui, ce qui n'était pour tout avouer, pas bien compliqué.
J'habitais dans le même immeuble que Noah, nous déjeunions ensemble plusieurs fois par semaine et sortions chaque week-end. Nous étions en adéquation, sans que je n'aie besoin que « Black and White tale » fasse partie de ma vie et pourtant il le faisait, puisqu'il constituait un pan important de la sienne et que mon frère était un élément fondamental de la mienne. Il me parlait de son club, en était fier et me faisait parfois même des demandes que je ne pouvais pas refuser. Il organisait en effet désormais tous les dix jours, ce qu'il appelait « une soirée vanille ». Des réceptions dédiées aux intéressés du BDSM, qui n'avaient pas d'expérience dans le domaine et voulaient pouvoir en parler dans un cadre rassurant et sécurisé.
Au Black et White, il n'y avait pas de menottes sur les murs et de banc à fesser à la vue de tous, pas de rouge et de noir, de cuir et d'impression d'être marginal. Il n'y avait qu'un lieu élégant, à la fois dans le monde et hors du monde. Un endroit douillet où personne n'était jugé et ce genre d'événement attirait tellement, que mon frère avait augmenté le nombre de participants et voulait désormais proposer des collations, qu'il souhaitait me voir réaliser. Il y avait pourtant beaucoup de pâtissiers, traiteurs et confiseurs à New-York, mais il adorait tellement mes biscuits, qu'il voulait les proposer à ses invités et je n'avais pas coeur de refuser. J'aimais faire des biscuits et réaliser un ou dix kilos de pâte ne m'effrayait pas, puisqu'il me suffisait d'être organisée et de me faire aider. Cookie à la pâte a tartiné ou aux pépites de chocolat, alfajores au dulce de leche ou même biscuit au miel, diamant vanille ou croquant fondant aux amandes. Pendant des heures, moi et deux assistantes spécialement dépêchées pour l'occasion, nous retrouvâmes englouties sous le sucre et la farine et puis vint 18h et le moment de les livrer au club.
— Je t'attends dans la voiture Ellie, me dit mon frère en descendant les dernières boîtes de biscuits.
— Pardon ?
— Je n'ai aucun goût pour l'agencement et la décoration et je ne veux pas gâcher tes créations, en les entassant les unes sur les autres. Il faut que tu te charges de les mettre en valeur.
— Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, répondis-je pendant qu'une sonnette d'alarme s'enclenchait dans mon esprit.
— Et pourquoi ça ?
— Je...
— C'est bien ce que je pensais. Je t'attends dans la voiture.
Non, il me suffisait de dire non et pourtant une force étrange et presque magnétique, me poussa à prendre mon manteau, à mettre mon écharpe et mes gants et à retrouver les rues toujours si animées de la grosse pomme. J'avais grandi en ville et le monde ne me dérangeait pas, mais je trouvais étrange la manière dont New York distillait son essence. Ce que cette ville était, ce qu'elle pouvait donner, un jour, je le comprendrais, mais pour l'instant, j'étais beaucoup trop obnubilée par le fait de revenir au club de mon frère pour penser à étudier la ville dans laquelle je vivais. Noah essayait pourtant de faire la conversation, mais ce n'était qu'une voix qui parlait à l'extérieur de moi et je me contentais de lui apporter des réponses machinales et sans intérêt. Je n'étais pas concentrée sur son propos et il le remarqua aussitôt.
— Tu es bien silencieuse, constata-t-il pendant que nous étions bloqués dans les embouteillages. L'idée de retourner au club t'inquiète ?
— Absolument pas, mentis-je, je me posais simplement une question.
— Laquelle ?
— Pourquoi toi et Seth ne vous contentez pas d'être des hommes d'affaires comme les autres ?
— Que veux-tu dire ma chérie ? m'interrogea-t-il pendant que la circulation se fluidifiait.
— Vous possédez des clubs, vous n'avez pas besoin d'y jouer un rôle actif.
— Le problème Ellie est que notre plaisir est de jouer ce rôle actif. Nous sommes dominateurs par envie, non par obligation.
— Et si tu rencontres quelqu'un un jour ?
— Je suppose que j'arrêterai les séances et je me contenterai d'être le dominateur d'une seule personne, mais pourquoi me poses-tu toutes ces questions petite soeur ?
— Pour rien, répondis-je en priant pour qu'il n'insiste pas, ce qui était bien évidemment un voeu pieux.
— Tu penses encore à Seth ?
— Non.
— Eh bien, je suis sûre qu'il pense toujours à toi.
— Est-ce qu'il sera là aujourd'hui ?
— Non, je ne pense pas, mais il va et vient à sa guise.
— Tu n'en es pas sûr alors ?
— Non Ellie, je n'en suis pas sûr. Est-ce que cela te déçois ou te donne de l'espoir ?
— Ni l'un, ni l'autre, mentis-je sans qu'il n'insiste cette fois, désirant visiblement ne pas me pousser trop loin.
Seth, je ne voulais pas le revoir et pourtant une part de moi en mourrait d'envie. Son visage, sa voix, notre alchimie, tout revenait en moi, comme le goût d'un ancien et profond plaisir. La saveur d'un plat que j'avais adoré déguster, mais dont la préparation avait été si longue et fatigante, que je ne pouvais m'empêcher de me demander, si le prix en valait la chandelle. Si sortir de ma zone de confort valait ce que j'obtiendrais. Des si, qui s'arrêteraient bientôt, car alors que New-York continuait de gronder, Black and White Tale était déjà à nos pieds attendant de révéler les secrets que mon avenir abritait.
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